Host laboratory: Study of sub-surface migrations laboratory (LT2S)
Beginning of the thesis: October 2015
Student name: Lucie Stetten
Subject description (in French)Contexte
En
France, l'extraction d'uranium a concerné 241 sites, entre 1948 et
2001. Même plusieurs dizaines d'années après le réaménagement de ces
sites, l'uranium et ses descendants continuent à être disséminés en aval
de ces sites miniers, dans les eaux et les sédiments. Plusieurs études
ont montré que les activités en radionucléides de la série de l'uranium
238 dans les sédiments de plans d'eau naturels ou artificiels situés en
aval de sites miniers, pouvaient être significativement supérieures à
celles mesurées en amont. Une implication importante de ces observations
réside dans le fait que le piégeage de l'uranium dans les sédiments de
ces retenues d'eau peut favoriser la réduction des concentrations en
radionucléides dans les eaux de surface. Ces sédiments enrichis en
radionucléides peuvent alors constituer des termes-sources secondaires
de contamination du milieu naturel ; ils doivent donc être intégrés aux
études d'impact environnemental et sanitaire des anciens sites miniers
d'uranium.
Les
mécanismes régulant le piégeage de l'uranium dans les sédiments sont
encore mal connus à l'heure actuelle. Ils dépendent fortement de
l'évolution des phases minérales porteuses des radionucléides pendant et
après le dépôt, lors de la diagénèse précoce des sédiments. Dans les
conditions de diagénèse anoxique, la réduction des espèces solubles de
l'U(VI) en des espèces moins solubles d'U(IV) conduit fréquemment à une
diminution des concentrations en U dans la phase dissoute. Les
minéralisations sédimentaires d'uranium sont classiquement associées à
des paléo-environnements anoxiques dans lesquels l'uranium est
essentiellement associé à des sédiments riches en matière organique. Des
études de laboratoire ont montré que des minéraux très insolubles de
U(IV) tels que les nano-uraninites (nano-UO2) peuvent se former lors de la bioréduction microbienne de U(VI) en conditions anoxiques.
L'étude
de sédiments lacustres que nous menons dans le cadre du projet USEDIM,
porté par l'IRSN et soutenu par le défi CNRS Needs-Environnement, a
récemment mis en évidence d'autres formes chimiques de U(IV) qui
pourraient également être responsables du piégeage de l'U dans les
sédiments, en aval de l'ancien site minier d'uranium des Bois Noirs. Ces
résultats sont à rapprocher avec d'autres travaux récents qui suggèrent
la présence de formes d'U(IV) autres que l'uraninite dans les aquifères
et les sédiments, telles que l'U(IV) associé à la pyrite, des complexes
phosphatés de l'U(IV) associés à la biomasse microbienne ou aux
matières organiques. Certaines de ces formes issues de la bioréduction
de l'uranium sont susceptibles de jouer un rôle majeur dans
l'immobilisation de l'uranium dans les sédiments contaminés. Leur
identification est essentielle pour modéliser l'évolution à long-terme
de ces systèmes. Ces connaissances sur les phases porteuses d'uranium
sont indispensables pour évaluer la pertinence des scénarios de gestion
de sédiments radiocontaminés.
Le
devenir à long-terme de l'uranium dans les zones d'accumulation de
dépôts sédimentaires en aval de mines d'uranium est une préoccupation
importante, inscrite comme axe prioritaire d'étude dans le cadre du Plan
National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR)
2013-2015, pour une meilleure gestion des anciens sites miniers
d'uranium.
L'objectif
de ce travail de thèse est de modéliser dans le temps l'évolution des
processus physico-chimiques, qui limitent la solubilité de l'uranium
après le dépôt du sédiment. Cette modélisation hydrogéochimique, basée
sur des codes géochimiques existants, s'appuiera sur des données de
mesures de terrain et de laboratoire, incluant l'analyse spectroscopique
de la spéciation de l'uranium dans les solides et l'analyse chimique
des eaux porales.
Les
résultats de cette modélisation permettront, d'une part, d'expliquer la
chimie des eaux interstitielles au contact des sédiments et
d'identifier les minéraux contrôlant la solubilité de l'uranium. D'autre
part, la simulation dans le temps des mécanismes réactionnels permettra
d'estimer l'évolution de la minéralogie du sédiment en conditions
naturelles, au fur et à mesure de son enfouissement.
Ainsi,
la pérennité du piégeage de l'uranium dans ces dépôts sédimentaires ou
son éventuelle remobilisation vers les eaux porales et la colonne d'eau
lacustre pourront être estimés.
Les
résultats obtenus permettront de mieux anticiper la mobilité de
l'uranium lors de changements de conditions physico-chimiques des
sédiments. À titre d'exemple, au cours d'opérations de curage, la
composition minéralogique du sédiment peut être modifiée suite au
contact avec l'oxygène de l'air et à l'altération météorique. Ces
connaissances contribueront à valider le choix de différents traitements
ou méthodes de remédiation, tels que les curages. Ces informations
peuvent également contribuer à la définition de normes de qualité
environnementale spécifiques pour le compartiment sédimentaire, critère
de protection des organismes vivants dans les sédiments d'eau douce.
Un
résultat majeur de ce travail de thèse concernera l'identification des
mécanismes d'immobilisation de l'uranium au fur et à mesure de
l'enfouissement du sédiment sous conditions anoxiques. Les résultats de
cette thèse permettront une meilleure connaissance de l'environnement
des sites et seront utiles à l'IRSN dans le cadre de ses travaux
d'expertise sur l'impact environnemental et sanitaire des anciens sites
miniers d'uranium. Le projet s'inscrit dans le cadre des travaux de
recherche sur les transferts dans la géosphère de surface en milieu
continental. Les résultats obtenus pourront par la suite servir de base à
l'évaluation des impacts des installations de stockage accueillant des
sédiments de curage de plans d'eau (exemple du site de stockage de
Bellezane), en ajoutant la prise en compte éventuelle d'une zone
oxydante non saturée en eau.
Ce
travail de thèse permettra ainsi d'améliorer les connaissances sur les
mécanismes de transfert de l'uranium dans les sédiments lacustres
immédiatement après le dépôt du sédiment et son évolution au cours du
temps. Ces connaissances sont indispensables pour évaluer la pertinence
des voies de gestion des sédiments lacustres contaminés en
radionucléides comme l'uranium.
Déroulement de la thèse
Volet terrain :
Le site d'étude choisi est un plan d'eau artificiel, le lac de
Saint-Clément, situé à environ 20 kilomètres en aval de l'ancienne mine
d'uranium des Bois Noirs dans le Massif Central. Les sédiments de fond
de cette retenue présentent un marquage en uranium compris entre 50 et
400 mg.kg-1 dans la phase solide. Le modèle de comportement
de l'uranium élaboré à partir de l'étude des sédiments du lac de
Saint-Clément sera ensuite testé sur des sédiments contaminés en aval
d'autres anciens sites miniers uranifères, comme dans le lac de
Saint-Pardoux dans la région Limousin. Les sédiments de ce plan d'eau
ont en effet présenté par le passé des activités en uranium de près de
25000 Bq.kg-1. Ces dernières années, les aménagements des
stations de traitements des eaux d'exhaure minière en amont de ce lac
ont permis de réduire les teneurs en uranium dans ces sédiments. Ces
valeurs restent aujourd'hui encore significatives (jusqu'à 4000 Bq.kg-1).
L'étude de ces sédiments permettra éventuellement de prendre en compte
d'autres mécanismes d'immobilisation de l'uranium dans la modélisation,
qui n'auraient pas été rencontrés dans les sédiments prélevés dans le
lac de Saint-Clément. Ce premier volet sera consacré aux prélèvements
des eaux interstitielles et de la phase solide des sédiments lacustres,
sous atmosphère inerte, afin de préserver l'état d'oxydation de ces
phases solides et dissoutes, selon des procédures maîtrisées par les
équipes participant au projet. Des micro-préleveurs permettront de
collecter les eaux interstitielles pour des analyses de concentration en
uranium, d'éléments traces et majeurs et de paramètres
physico-chimiques (oxygène dissous, pH). Ce volet permettra au doctorant
d'acquérir de solides connaissances pratiques et une bonne expérience
sur la conduite de missions de prélèvements in situ d'eaux et de solides et d'analyses chimiques des eaux sur le terrain.
Volet expérimental/laboratoire :
Au laboratoire, le doctorant sera chargé des analyses des eaux et des
solides prélevés. Il participera à l'acquisition des données sur les
paramètres chimiques majeurs et sur les éléments traces dans les eaux.
Dans les phases solides, la spectroscopie d'absorption des rayons X sur
rayonnement synchrotron (EXAFS, XANES) pour laquelle l'IMPMC présente
une expertise reconnue sera mise en œuvre par le doctorant pour mesurer
l'état redox de l'uranium et du fer. Ces analyses permettront également
de déterminer à l'échelle moléculaire les phases porteuses de l'uranium.
Elles seront complétées par des microanalyses ponctuelles plus
classiques (Microscopie Electronique à Balayage couplée à la
spectrométrie EDX). Mises en relation avec les teneurs en uranium
dissous, ces données de spéciation permettront d'identifier l'évolution
des phases porteuses d'uranium après le dépôt et leur influence sur la
solubilité de l'uranium.
Les
dépôts sédimentaires seront également datés à l'aide de mesures
d'activités en radionucléides naturels et artificiels par spectrométrie
gamma, à l'aide d'une technique originale. Ces datations donneront accès
à des informations sur la pérennité des processus de piégeage de
l'uranium sur plusieurs dizaines d'années dans les sédiments lacustres.
Volet modélisation :
Le travail de modélisation permettra, en premier lieu, de simuler
l'évolution des concentrations en uranium dans les eaux porales en
fonction des conditions physico-chimiques (pH, oxygène dissous), qui
seront déterminées sur le terrain. Le modèle sera réalisé à l'aide de
codes de spéciation (Phreeqc, Chess). Il intégrera comme paramètres
d'entrée les résultats des mesures de minéralogie et de spéciation de
l'uranium dans les sédiments. Le modèle sera ensuite validé en regard
des compositions chimiques mesurées dans les eaux interstitielles à
différentes profondeurs dans la colonne sédimentaire. Enfin, la
simulation du transport de l'uranium dans le temps dans la colonne
sédimentaire sera réalisé à l'aide d'un code couplé chimie-transport
adapté.