Le projet ICE

ICE (Interaction Corium-Eau) est un projet de recherche coordonné par l’IRSN, retenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR) lors de l’appel à projet du programme d’investissement d’avenir « Recherche en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection (RSNR)». Débuté fin 2013 pour 5 ans, sa durée a été prolongée par l’ANR, qui a accepté de soutenir une extension technique pour une conclusion portée à fin 2022.

Caractéristiques du projet

Dates de réalisation : 2013-2022
Financement : PIA-RSNR à hauteur de 35 %
Partenaires : IRSN, CEA, Université de Lorraine, EDF, Areva

Contexte

Le projet ICE vise à améliorer les connaissances et la modélisation des phénomènes explosifs pouvant survenir lors d’une coulée de matière en fusion (corium) dans de l’eau, en cas d’accident de fusion de cœur d’un réacteur nucléaire. Ce type d’interaction est difficilement maîtrisable, mais sa compréhension  est essentielle à une meilleure gestion des phases ultimes d’un accident. L’objectif du projet de recherche ICE est de mieux comprendre et modéliser l’ensemble des phénomènes physico-chimiques mis en jeu pour pouvoir identifier des moyens d’en limiter les conséquences.

Il doit permettre d’améliorer les capacités prédictives du logiciel MC3D, un outil de simulation numérique développé par l’IRSN dans le cadre d’une collaboration avec le CEA et EDF.

L’IRSN consacre des efforts de recherche et développement importants à cette problématique depuis une vingtaine d’années,  pilotant de nombreux programmes expérimentaux et contribuant très largement à l’animation scientifique de la recherche internationale sur le sujet.

Les objectifs

L'Interaction corium-eau et l'explosion de vapeur  :

*L'un des risques importants pouvant survenir lors d'un accident de fusion du cœur d'un réacteur nucléaire, est l'interaction explosive entre le corium (mélange de combustible et de matériaux de structure en fusion) et l'eau présente. Une telle interaction, dite explosion de vapeur, est similaire à une détonation et l'énergie dégagée pourrait être suffisante pour dégrader les structures internes de l'enceinte où se trouve le réacteur et, par là même, le confinement. Celle-ci pourrait en particulier survenir lors de la phase de transfert du corium de la cuve vers le puits de cuve, si celui-ci contient de l'eau.

Le déroulement des phénomènes physiques qui conduisent à une explosion de vapeur est connu. Deux phases sont en général mises en jeu. La première est dite « prémélange » : le jet de corium s'échappant de la cuve du réacteur se fragmente en gouttes au contact de l'eau qui se vaporise alors de façon plus ou moins importante. Ceci conduit en général à la création d'un « lit de débris », résultant de la solidification rapide du corium dans l'eau. Sous certaines conditions encore mal caractérisées (et donc difficilement prédictibles), une seconde phase dite « explosion » peut se produire : différents phénomènes locaux complexes (fragmentation, encapsulation d'eau …) peuvent engendrer une surpression qui fragmente plus finement le corium, augmentant sa surface de contact avec l'eau. Ceci entraine une ébullition plus rapide et une nouvelle augmentation de la pression locale, engendrant la même séquence : le phénomène se propage de proche en proche et s'amplifie en un processus explosif analogue à une détonation. Le déclenchement de l'explosion dépend beaucoup des conditions de mise en contact des fluides et de leurs propriétés physiques.

Le projet ICE avait pour objectifs principaux :

  • d'améliorer la compréhension et la modélisation de la fragmentation et la dispersion des jets de combustible dans l'eau pendant la phase dite de prémélange ;
  • de caractériser et modéliser l'effet de l'oxydation des jets de combustible ;
  • d'améliorer la compréhension et la modélisation des processus de transfert thermique et d'ébullition durant le phénomène d'explosion.

Les premiers résultats

La phase initiale du projet a permis des avancées importantes notamment dans les connaissances sur la fragmentation du corium.

  • Irsn projet ice  -  simulation code gerris

    La phase initiale du projet a permis des avancées importantes notamment dans les connaissances sur la fragmentation du corium. Des simulations numériques précises (figure) réalisées avec le code Gerris ont permis de mieux comprendre les processus de fragmentation d’une goutte liquide dans un autre liquide. Elles ont mis en évidence des différences fondamentales avec le cas (mieux documenté) de gouttes dans du gaz. Ces résultats ont été confirmés par une série d’expériences (GALAD, réalisés par le laboratoire LEMTA à Nancy) de fragmentation de gouttes d’un métal liquide à bas point de fusion dans de l’eau, ainsi que par l’analyse détaillée d’un nouvel essai de fragmentation de jet de corium dans l’installation KROTOS (réalisé au CEA).

    Ce même essai dans l’installation KROTOS a également fourni des données relatives à la distribution en taille des gouttes de corium et a permis de caractériser, pour la première fois, les conditions de constitution et d’évolution du lit de débris.

    Figure 1 : Exemple de simulation avec le code Gerris d'une goutte dans un milieu liquide : mise en évidence de l'interaction entre la goutte (en gris) et les vortex (bleus) créés dans le fluide ambiant.

  • IRSN - simulation des processus de pseudo-ébullition en condition supercritique

    Concernant l’oxydation du jet de combustible fondu par la vapeur, l’équipe du projet en a amélioré la compréhension de façon importante à l’aide d’une analyse numérique, réalisée directement avec une application particulière (dite MESO, voir figure 2) du logiciel de calculs MC3D, et par l’exploitation d’un nouvel essai dédié dans l’installation KROTOS. Les résultats sont encore à consolider, mais ils tendent à indiquer des processus d’oxydation très rapides, non limités par les processus de diffusion dans le corium. Cette spécificité est due aux très hautes températures mises en jeu.

    Enfin, la simulation numérique fine de l’ébullition autour de fragments fins de corium sous pression supercritique (supérieure à 220 bars, caractéristique de l’explosion), toujours avec le modèle MESO du logiciel MC3D, a permis de mieux caractériser les processus en cours et la quantité de vapeur générée.

    Ces travaux, combinés à ceux relatifs à la fragmentation, ont conduit à la conclusion que le modèle d’explosion du logiciel MC3D pouvait être amélioré. Les principes d’un nouveau modèle ont été proposés.

    Figure 2 : Exemple de simulation des processus de pseudo-ébullition en condition supercritique (P = 240 bars) autour d'un cylindre fixe, avec le modèle MC3D-MESO. Fond de couleur : densité du fluide, les basses densités correspondant à de la pseudo-vapeur.

L'extension du projet

Le projet MC3D-V4 :

Afin de pallier aux faiblesses du logiciel MC3D identifiées grâce à ces nouvelles connaissances, une extension du programme ICE a été acceptée pour réaliser une refonte importante de la structure du logiciel. Cette nouvelle version (V4) devra s’appuyer en particulier sur une nouvelle architecture de construction d’applications (modèles), plus souple. Elle devra également, via une amélioration du maillage et via la parallélisation des calculs, être en mesure d’améliorer les capacités de simulations 3D à l’échelle du réacteur avec un gain significatif en temps de calculs.

Autres perspectives : 

L’extension intègre également une nouvelle thèse au LEMTA pour exploiter la nouvelle installation JEDI, devant permettre l’observation et l’analyse des processus de fragmentation et de dispersion d’un métal liquide dans l’eau, via en particulier des techniques optiques poussées, dont la PDA (Anémométrie à Phase Doppler) et la Dual PIV (Vélocimétrie par Images de Particules ). Une seconde thèse sur fonds propres du laboratoire LEMTA complétera ces travaux par la modélisation des processus physiques observés dans l’expérience JEDI. Enfin, l’IRSN, également sur fonds propres, a engagé une thèse en 2019 qui vise à proposer une modélisation améliorée de la phase d’explosion, en cohérence avec les conclusions des travaux précédents du projet ICE.

Les partenaires techniques du projet

L’IRSN coordonne l’ensemble du projet et est en charge de travaux d’analyse numérique, de modélisation et de développement du logiciel MC3D.
 

Les partenaires : 

  • Le CEA est en charge de mener des d’expériences intégrales dans l’installation KROTOS, utilisant du corium synthétisé, et d’en mesurer les propriétés thermo-physiques dans les installations VITI (Cadarache) et ATTILHA (Saclay)
  • Le LEMTA (Université de Nancy) est en charge d’expérimentations analytiques relatives à la fragmentation de jet de liquide dans un autre liquide (sans ébullition) dans des installations construites à cet effet, et de mener des travaux d’analyse numérique et de modélisation.
  • EDF et AREVA assurent, avec l’ANR, le cofinancement du projet.

Les laboratoires impliqués

Les laboratoires : LEPC - LETR

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