Étude MURE - Model Uncertainty in Radiation Epidemiology

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06/08/2015
​Contexte


En épidémiologie des rayonnements ionisants (RI), plusieurs modèles probabilistes décrivant la relation entre une dose reçue de RI et un risque de mortalité par cancer radio-induit peuvent s'ajuster de manière équivalente à un même jeu de données. Cela est notamment le cas pour la leucémie radio-induite : pas moins de 13 modèles distincts ont été proposés dans la littérature et ajustés aux données de la cohorte Life Span Study (LSS) des survivants des bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki. Malgré des performances très proches en terme d'ajustement, ces modèles diffèrent de par le choix de la forme de la relation dose-risque (e.g., linéaire, linéaire quadratique exponentielle, linéaire par morceaux…), la forme du risque de base (i.e., à dose nulle), le choix de modéliser une relation dose-risque en excès de risque relatif (ERR) ou absolu (EAR) et des facteurs de risque susceptibles de modifier cette relation. Cette incertitude sur le modèle dose-risque, due à notre connaissance imparfaite des mécanismes et facteurs impliqués dans le développement d’un cancer radio-induit, est classiquement ignorée en pratique : un seul modèle est généralement sélectionné pour estimer les risques de cancers radio-induits. Une telle approche peut mener à des estimations biaisées des excès de risque d'intérêt, en forçant un unique modèle à s'ajuster à des données qui ne vérifient pas nécessairement toutes les caractéristiques du modèle, et à une sous-estimation de l'incertitude de ces estimations. À terme, cela peut être à l’origine de conclusions erronées quant à l'ampleur et la significativité statistique de l'impact de l'exposition aux RI sur le risque de cancer d'intérêt.


L'impact de la combinaison de plusieurs modèles dose-risque sur l'estimation du risque de cancers radio-induits est examiné depuis peu en épidémiologie des RI. Le comité scientifique américain sur les effets biologiques des RI (BEIR) a ainsi proposé d'utiliser des mélanges de modèles en ERR et EAR dans les évaluations quantitatives de risque mais en attribuant des poids subjectifs aux modèles i.e., définis à partir de dires d'experts (Rapport BEIR VII Phase 2). Suivant les travaux de Burnham et Anderson (2002), Walsh et Kaiser (2011) proposent plutôt d'utiliser une procédure quantitative fréquentiste de combinaison de modèles probabilistes, appelée inférence multi-modèles (MMI). Celle-ci est basée sur le calcul de poids de modèles reposant sur le critère d'information d'Akaike (AIC). Bien que l'utilisation de tels poids AIC puisse en effet permettre de réduire les biais potentiellement induits par la sélection d'un modèle unique, aucune théorie n’existe quant à l'optimalité de l'utilisation de tels poids dans une procédure de combinaison de modèles.



Objectif


L’objectif est d’évaluer la valeur ajoutée de l’approche statistique bayésienne d’agrégation de modèles appelée Bayesian-Model Averaging (BMA) (Hoeting et al. 1999 pour la prise en compte de l’incertitude sur le modèle à utiliser pour décrire au mieux la relation entre exposition aux rayonnements ionisants et cancers.



Résultats


Les poids de modèles obtenus avec l’approche MMI et l’approche bayésienne ont été calculés pour les 12 modèles de leucémie radio-induite considérés. Par ailleurs, les excès de risque de mortalité par leucémie ont été estimés pour chaque modèle ainsi que pour les approches BMA et MMI. Une étude par simulations a été réalisée en vue de renforcer la comparaison des approches BMA et MMI. Les performances respectives de ces deux approches par agrégation de modèles ont été comparées entre elles, ainsi qu’à des approches par sélection bayésienne et fréquentiste de modèle, dans la situation où  le "vrai" modèle (défini arbitrairement pour les besoins de l’exercice de comparaison) appartient ou non à la liste des modèles candidats. Les critères de comparaison retenus sont : biais d’estimation, erreur quadratique moyenne et pourcentage de recouvrement empirique des intervalles de confiance et de crédibilité à 95 % associés à deux  « vraies » valeurs d’ERR.



Perspectives


Ce projet faisant actuellement l’objet d’une collaboration internationale avec l’Institute of Radiation Protection du Helmholtz Zentrum de Munich (Allemagne) et EDF R&D, il pourrait être intégré dans un projet international plus large afin notamment d’appliquer la méthodologie développée à d’autres pathologies et/ou d’autres données épidémiologiques.

À terme, il s’agira de proposer des outils opérationnels aux épidémiologistes et plus généralement à la communauté de la radioprotection.



Références

  • Ancelet S, Keller M, Kaiser J.C, Laurent O, Laurier D. (2015) A Bayesian approach to account for model uncertainty when assessing radiation-induced leukemia risks from the Life Span Study cohort. ICRR 2015. Kyoto, 25 29 Mai 2015.
  • Ancelet S, Keller M. Bayesian Model Averaging à l'aide d'un échantillonnage préférentiel adaptatif et multiple pour l'estimation du risque de leucémie infantile radio-induite. (2015)  47èmes Journées de statistique de la SFdS, Lille, 1-6 Juin 2015.
  • Committee to Assess Health Risks from Exposure to Low Levels of Ionizing Radiation. (2006)  Health Risks from Exposure to Low Levels of Ionizing Radiation. BEIR VII Phase 2. The National Academies Press
  • Burnham, K.P., Anderson, D.R. (2002), Model Selection and Multimodel Inference: A Practical Information-Theoretic Approach, 2nd Edition, Springer, New-York.
  • Hoeting J.A, Madigan D., Raftery, A.E. et Volinsky, C.T. (1999) Bayesian model averaging: A tutorial. Statistical Science, 14(4):382-417.
  • Walsh L., Kaiser J.C. (2011) Multi-model inference of adult and childhood leukaemia excess relative risks based on the Japanese A-bomb survivors mortality data (1950–2000), Radiat Environ Biophys, 50(1):21-35.

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Laboratoire IRSN impliqué
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Financement
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