Exposition chronique à l'uranium : effets sur le système nerveux central chez le rat

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16/06/2005

Titre du congrès :SFRP Ville du congrès :Nantes Date du congrès :14/06/2005

Type de document > *Congrès/colloque
Unité de recherche > IRSN/DRPH/SRBE/LRTOX
Auteurs > BUSSY Cyril , DHIEUX Bernadette , GOURMELON Patrick , HOUPERT Pascale , LESTAEVEL Philippe , PAQUET François

L'uranium est un radionucléide d'origine tellurique qui peut être retrouvé aussi bien dans le sol, l'air ou l'eau. Après ingestion et absorption au niveau du tractus gastro-intestinal,l'uranium passe dans le sang et s'accumule principalement au niveau des reins et du squelette. Il est potentiellement à la fois radiotoxique et chimiotoxique. Sa toxicité chimique serait comparable à celle des métaux lourds. La nature physico-chimique de l'uranium, ainsi que sa concentration et la durée de l'exposition déterminent les effets et leurs conséquences à long terme. Récemment, des expérimentations animales ont montré que l'uranium pouvait entrer dans le cerveau, mais très peu d'informations sont disponibles sur les effets neurologiques d'une exposition chronique à faible niveau. Le but de cette étude est donc de déterminer si l'uranium est neurotoxique après une ingestion continue de faibles quantités d'uranium pendant plusieurs semaines. Nous avons utilisé à la fois de l'uranium enrichi et de l'uranium appauvri pour distinguer les effets chimiques des effets radiologiques de l'uranium.
Des rats mâles Sprague-Daw ley ont été contaminés par ingestion d'une eau minérale naturelle (composition physico-chimique connue et stable dans le temps) supplémentée soit en uranium enrichi à 4% (activité spécifique : 66.3 kBq.g-1) soit en uranium appauvri (activité spécifique : 14.7 kBq.g-1), sous la forme de nitrate, à la concentration de 40 mg d'uranium par litre d'eau (soit environ 1 mg par jour et par rat) pendant 45 jours. Les rats témoins ont bu de l'eau non contaminée pendant la même période.
Un dosage de l'uranium pondéral a été réalisé dans les reins, les fémurs et différentes aires cérébrales (striatum, cortex, hippocampe, hypothalamus) par ICP-MS. L'uranium s'accumule principalement dans les reins et les os, sans différence significative entre l'uranium enrichi et l'uranium appauvri. L'uranium s'accumule également dans le cerveau, mais cette distribution n'est pas homogène et dépend de la structure cérébrale considérée et de l'enrichissement de l'uranium. L'uranium s'accumule en effet dans le striatum, mais pas dans le cortex cérébral. L'uranium enrichi s'accumule dans l'hippocampe et  l'hypothalamus, mais pas l'uranium appauvri.
Nous pouvions supposer que cette accumulation d'uranium dans certaines structures cérébrales induiraient des changements neurophysiologiques et comportementaux. Nous avons alors réalisé trois types d'expériences, mesurant respectivement les différents stades du cycle veille-sommeil, les capacités de mémoire spatiale et d'anxiété.
L'activité électroencéphalographique (EEG) a été enregistrée par une technique de télémétrie. Les tracés EEG ont été analysés manuellement sur une période de 24h d'enregistrement.
Trois stades sont distingués : l'éveil, le sommeil lent et le sommeil paradoxal.
Les rats exposés à l'uranium enrichi pendant 45 jours ont eu une quantité de sommeil paradoxal significativement augmentée (+37% ; p<0.05) par rapport aux rats témoins. En revanche, l'uranium appauvri n'a pas d'effet sur le cycle veille-sommeil.
Les capacités de mémoire spatiale des rats ont été étudiées à l'aide d'un labyrinthe en gamma. La séquence et le nombre de branches visitées ont été enregistrées pendant 10 minutes. Les rats exposés à l'uranium enrichi pendant 45 jours ont un pourcentage d'alternance spontanée significativement diminué (-11 % ; p<0.05) par rapport au groupe de rats témoins.
Dans les mêmes conditions expérimentales, l'uranium appauvri n'a pas d'effet sur l'alternance spontanée. Ce résultat montre donc que l'exposition à l'uranium enrichi diminue la mémoire spatiale de travail, alors que l'uranium appauvri ne semble pas avoir d'effet significatif.
L'anxiété des rats a été étudiée à l'aide d'un labyrinthe en croix surélevé, composé de 2 branches ouvertes et de 2 branches fermées. Le nombre d'entrée et le temps passé dans chacune de ces 4 branches ont été enregistrés pendant 5 minutes. Les rats exposés à l'uranium enrichi passent 62% moins de temps dans les branches ouvertes que les rats témoins ou ceux exposés à l'uranium appauvri. Ce résultat montre donc que l'exposition à l'uranium enrichi augmente l'anxiété, alors que l'uranium appauvri une fois de plus n'a pas d'effet.
En conclusion, après ingestion d'uranium enrichi pendant 45 jours, nous observons effectivement des perturbations neuro-comportementales chez les rats exposés de façon chronique, alors que ce n'est pas le cas pour l'uranium appauvri. Ces perturbations pourraient être expliquées, au moins en partie, par l'accumulation de l'uranium dans certaines structures cérébrales. En effet, l'hippocampe est connu pour jouer un rôle clé dans la mémoire spatiale et l'axe hypothalamo-hypophysaire est impliqué à la fois dans le cycle veille-sommeil et l'anxiété. Ces effets de l'uranium enrichi sont observés alors que la concentration d'uranium mesurée dans les reins, habituellement considérés comme l'organe cible de référence, est non toxique . Ceci semble indiquer que le cerveau est plus sensible à l'uranium que ne le sont les reins et qu'il pourrait être utilisé à la place des reins comme organe de référence. Il reste cependant à expliquer pourquoi l'uranium appauvri ne s'accumule pas de la même façon dans le cerveau et pourquoi il n'induit apparemment pas les mêmes effets neurobiologiques. Enfin, il conviendra, en termes de santé publique, de déterminer si les résultats d'accumulation et de toxicologie de l'uranium obtenus chez le rat sont extrapolables à l'homme.

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