Au delà de ces résultats expérimentaux, des études épidémiologiques sur les populations vivant dans les territoires contaminés devraient vérifier les hypothèses émises. C’est ainsi qu’une étude pilote, à visée clinique portant sur des enfants vivant sur les territoires russes contaminés par les retombées de l’accident de Tchernobyl est actuellement planifiée à l’IRSN. Ce programme de recherche, appelé EPICE (Evaluation des Pathologies Induites par une contamination au CEsium 137) a pour objectif principal la mise en place d’une vaste étude épidémiologique ayant pour but d’établir un lien éventuel entre une ingestion chronique de césium-137 et l’apparition d’une pathologie non cancéreuse.
La première phase a consisté à mettre en œuvre une étude pilote sur un groupe de 49 enfants vivant sur les territoires contaminés proches de la ville de Bryansk au sud-ouest de la Russie (350 km au nord-est de Tchnernobyl). L’analyse des résultats suggère qu’il ne semble pas y avoir de lien entre une contamination au césium-137 et l’existence de 2 pathologies non cancéreuses étudiées : les arythmies cardiaques et les cataractes, contrairement à ce que suggéraient certains auteurs en Biélorussie (Bandazhevskaya et al 2004). Aucun excès d’activité en césium-137 n’a par ailleurs été mis en évidence au niveau cardiaque, thyroïdien et stomacal chez ces enfants (Landon, 2008).
Afin de conforter ou d’infirmer les données de cette étude pilote, les arythmies cardiaques font l’objet d’une étude de plus grande ampleur depuis mai 2009, pour une durée prévisionnelle de 4 ans. Cette étude consiste à recenser la nature et la fréquence des troubles du rythme cardiaque chez environ 10 000 enfants vivant sur les territoires contaminés versus 10 000 enfants vivant sur les territoires non contaminés de la même région. Le diagnostic posé par les médecins locaux et validé en concertation avec des experts français s’appuiera sur les résultats des ECG et échographies cardiaques réalisés à titre systématique chez les enfants intégrés à l’étude après recueil du consentement éclairé des parents. De plus, chaque enfant bénéficiera d’une mesure anthroporadiamétrique permettant de déterminer sa concentration corporelle en césium-137. Enfin, des enregistrements de paramètres électriques du cœur sur 24 heures et des bilans sanguins ciblés réalisés sur une partie des groupes étudiés compléteront les examens mis en œuvre. La mise en perspective de l’ensemble de ces résultats permettra ainsi de confirmer ou d’infirmer une augmentation des troubles cardiaques chez les enfants ingérant quotidiennement du césium-137 via l’alimentation, de caractériser précisément la nature de ces troubles et d’étudier l’existence d’un éventuel lien de cause à effet entre troubles cardiovasculaires et contamination chronique par de faibles doses de césium-137.
Par ailleurs, ces travaux contribueront à nourrir le débat ouvert depuis plusieurs années sur les effets non cancéreux qui seraient engendrés par des expositions à de faibles doses de rayonnements ionisants.