Savoir et comprendre

Confirmer les rejets de plutonium grâce aux archives sédimentaires

19/01/2017

Le prélèvement de sédiments et leur analyse permet de reconstruire l’historique d’une contamination chimique ou radioactive, y compris un rejet ancien. Une technique destinée à estimer les impacts d’une contamination sur l’eau de boisson, l’irrigation ou l’abreuvement des animaux.

 

Cécile Grosbois est enseignante-chercheuse au laboratoire GéoHydrosystèmes continentaux (Géhco) à l’Université François-Rabelais de Tours, en Indre-et-Loire. Elle a apporté ses connaissances scientifiques pour le choix du site du prélèvement  et à l’analyse des carottes de sédiments qui se sont empilées au fil du temps.

 

Cette technique permet de reconstruire l’historique des contaminants dans les systèmes fluviaux. Elle sert à également de déterminer les produits chimiques – plomb ou mercure, par exemple – et les éléments radioactifs –plutonium, tritium, carbone 14 – concernés.

 

Trouver le bon endroit

 

« Chaque fleuve a ses spécificités, son propre comportement hydrosédimentaire. La Loire moyenne est très sableuse, contrairement à la Seine qui charrie moins de particules », précise Cécile Grosbois.

 

Afin de rechercher la trace des rejets anciens en radionucléides, les carottages ont été réalisés en juillet 2015 à Montjean-sur-Loire (Maine-et-Loire). Situé en aval des cinq centrales du bassin de la Loire (Saint-Laurent-des-Eaux, Chinon, Civaux, Dampierre et Belleville), le site est également bien placé pour l’archivage des radionucléides. Par ailleurs, il avait déjà été utilisé en 2009 pour l’archivage des métaux.

 

 

Les étapes pour analyser un sédiment sur les berges de la Loire

 Infographie - Les étapes pour analyser un sédiment sur les berges de la LoireLes étapes pour analyser un sédiment sur les berges

Cliquez sur l'image pour l'agrandir -  Source : Antoine Dagan/Spécifique/IRSN

 

Des repérages préalables sur le terrain

 

« Comme pour tous les contaminants, il faut repérer une zone où l’accumulation de sédiments est la plus régulière possible et pas trop perturbée par l’érosion. Le site doit être exempt de toute modification : sans labour de champ ni construction de maisons », ajoute Cécile Grosbois.

 

« Il existe deux techniques de carottage pour un fleuve : sous tranche d’eau ou à terre, comme celle réalisée à Montjean-sur-Loire, précise Cécile Grosbois. Cette dernière est plus simple à mettre en œuvre. Nous avons pris des précautions lors de ce carottage pour ne pas contaminer les échantillons. » Ainsi, seuls les liners – tubes – introduits dans le carottier sont en contact direct avec les sédiments.

 

Les carottes de 2 m de longueur cumulée ont été ouvertes et découpées en tranches de 5 cm d’épaisseur. Les tranches ont été analysées par spectrométrie gamma pour doser le césium 137 utilisé pour la datation de l’archive sédimentaire, puis pour certaines, par spectrométrie alpha pour la recherche des isotopes du plutonium.

 

« Avec les archives sédimentaires, il est possible d’identifier des anomalies et de les quantifier, de manière rétrospective », rappelle Frédérique Eyrolle-Boyer, experte en géochimie à l’IRSN.

 

Évaluer l’impact environnemental et sanitaire

 

À partir des données, l’impact radiologique via l’eau de boisson, l’irrigation ou l’abreuvement conduisant à la production alimentaire peut être estimé. Cela aide à évaluer l’exposition de travailleurs tels ceux des stations d’épuration ou ceux réalisant des dragages de sédiments. Elle apporte des réponses aux citoyens : quels sont les risques pour la santé de boire l’eau ou de consommer les produits de la pêche locale.

 

Cette approche est au cœur du projet Archéo qui vise à reconstruire l’histoire de l’impact radiologique environnemental de l’industrie nucléaire en France. Le projet qui va s’étaler sur plusieurs années, analysera les archives sédimentaires de tous les grands fleuves nucléarisés : Loire, Rhône, Rhin, Garonne, Meuse, Moselle et Seine.