Savoir et comprendre

Impacts de l’accident en Europe

15/04/2016

 

​Le panache radioactif en provenance de Tchernobyl a disséminé des éléments radioactifs sur la plupart des pays d’Europe. En France, il a provoqué des dépôts dans des zones localisées de l’est de la France à des niveaux encore détectables en 2016.

 

Entre le 26 avril 1986 et la mi-mai 1986, le panache radioactif en provenance de la centrale de Tchernobyl dissémine des éléments radioactifs tels que l’iode 131, le césium 134 et le césium 137 sur la plupart des pays d’Europe.

Les rejets radioactifs

Les rejets radioactifs les plus importants se produisent au moment de l’explosion du réacteur.

L’énergie libérée par l’explosion entraîne l’émission brutale, à l’atmosphère, des produits radioactifs contenus dans le coeur du réacteur nucléaire, jusqu’à plus de 1 200 mètres de hauteur. Les rejets se poursuivent jusqu’au 5 mai, sous l’effet de l’incendie consécutif à l’accident, puis de la chaleur résiduelle dégagée par les restes du coeur détruit par l’accident.  

rejets quotidiens de produits radioactifs

Au total, ce sont près de 12 milliards de milliards de becquerels qui, en 10 jours, partent dans l’environnement, soit 30 000 fois l’ensemble des rejets radioactifs atmosphériques émis en une année par les installations nucléaires alors en exploitation dans le monde. La grande majorité (84 % de l’activité totale rejetée) des éléments radioactifs avaient une période radioactive inférieure à un mois. 

Type d'élément Radionucléide Symbole Période

radioactive

Activité totale
rejetée
(x1015 Bq)
 

Gaz inerte Xénon 133 133Xe 5.3 jours  6 290

Eléments
facilement
volatils

Iode 131  131I 8 jours  630-1740
Césium 134 134Cs 2,2 ans 18-44
Césium 137  137Cs 30,2 ans  37-90
Tellure 132 132Te 78 heures 400-1000

Eléments
volatilité
intermédiaire

Ruthénium 103 103Ru 39,6 jours 170
Ruthénium 106 106Ru 1 an 59

Eléments
peu
volatils

 Strontium 90 90Sr 28 ans 8,1
Strontium 90 90Sr 28 ans 8,1
Baryum 140 140Ba 12,8 jours 180

Eléments
réfractaires
(non volatils)

 Zirconium 95 95Zr 64 jours  155
Cérium 141 141Ce 33 jours 144
Cérium 144 144Ce 285 jours 137
Neptunium 239 239Np 2,4 jours 1440
 Plutonium 238-239-240  Pu -     ~ 0,9
 Plutonium 241 241Pu 13,2 ans 5,9
Curium 242 242 Cm 163 jours   ~ 0,9

Déplacement du panache radioactif en Europe

Le 26 avril 1986, la concentration dans l’air dépasse les 10 millions de becquerels par mètre cube (Bq/m3) autour du réacteur accidenté. Dans un premier temps, le vent emporte ce panache vers le nord-ouest. Parvenu au-dessus des pays baltes puis de la Scandinavie le 28 avril 1986, il est rabattu vers l’est, puis vers le sud, ramenant les polluants vers l’Europe centrale et les Balkans.  

La masse d’air contaminée par les rejets du 27 avril 1986, se dirige vers l’Europe de l’ouest – l’Allemagne, la France et le nord de l’Italie -  où elle parvient entre le 30 avril 1986 et le 5 mai 1986. Le retour d’un flux d’Ouest conduit à séparer en deux cette masse d’air : une partie refluant vers l’Est, l’autre se dirigeant vers les îles britanniques, épargnant ainsi l’Espagne et le Portugal.

À partir du 28 avril 1986, les panaches  successifs touchent l’Europe de l’est et du sud - Russie, Grèce, Turquie et les pays d’Europe centrale, mais ne concernent pas l’Europe de l’Ouest.

En France, la concentration atteint au maximum quelques Bq/m3 le 1er mai 1986. Le panache se disperse ensuite dans l’ensemble de l’hémisphère nord et des éléments radioactifs sont détectés en Amérique du Nord et au Japon, avec des concentrations extrêmement faibles.

​​​​​​​Modélisation du déplacement du panache

En 2005, l'IRSN a réalisé une simulation du déplacement au dessus de l'Europe du panache radioactif provoqué par l'accident de Tchernobyl en 1986. Cette modélisation a été réalisée grâce à une nouvelle génération de modèles opérationnels de dispersion atmosphérique que l'IRSN a développés pour être utilisés en cas de crise nucléaire.  

Pour qualifier son nouveau modèle de dispersion à longue distance, l’IRSN l’a appliqué au rejet atmosphérique de césium 137 provoqué par l’accident de Tchernobyl, en reconstituant les conditions météorologiques observées en Europe au cours des jours ayant suivi l’accident. Ce modèle a calculé la répartition de la contamination de l’air au niveau du sol à l’échelle de l’Europe, quart d’heure après quart d’heure, entre le 26 avril et le 10 mai 1986. Les résultats ainsi obtenus ont ensuite été comparés aux résultats de mesure acquis en Europe au cours de la même période, ce qui a permis de constater une concordance satisfaisante.

Cette modélisation a été rendue publique en 2006, lors du 20e anniversaire de l'accident de Tchernobyl. 

Télécharger la note d'accompagnement de la modélisation

 

Les dépôts radioactifs en Europe

 

Au sein des masses d’air contaminées, les radionucléides non gazeux ont été transportés sous forme de particules, appelés aérosols. Au fil du temps, ils ont fini par retomber au sol sous forme de dépôt sec et, lorsqu’il pleuvait, de dépôt humide.

 

L’importance des dépôts dépendait des trajectoires des masses d’air contaminées, de la distance parcourue et de l’intensité des pluies. Hors de la région de Tchernobyl, seul le césium 137 a conduit à une contamination durable des territoires.

 

Schéma illustrant les retombées atmosphériques sèches et humides et leur répartition
entre le couvert végétal et le sol

 

En Europe, les retombées ont formé de vastes zones de dépôts discontinues. L'Ukraine, la Biélorussie et la Russie ont été les pays les plus affectés : ils ont reçu environ 60% de la radioactivité totale rejetée. Ces dépôts concernent notamment de vastes territoires (près de 150 000 km² dans ces pays) où les dépôts de césium 137 ont dépassé 40 000 becquerel par mètre carré (Bq/m²), voire même par endroit plusieurs centaines de milliers de Bq/m².

 

Ailleurs, les dépôts ont dépassé 40 000 Bq/m² dans une partie de la Scandinavie, en Europe centrale et au nord de la Grèce, ainsi que sur des surfaces plus réduites au Royaume-Uni, en Suisse, au sud l’Allemagne et au nord-est de l’Italie, en relation avec des pluies importantes.

Carte des dépôts de césium 137 à l'échelle de l'Europe.
Source : Atlas européen EC/IGCE 1998 et IRSN. Aucune donnée n'est disponible pour les Balkans.