Savoir et comprendre

Les programmes expérimentaux

21/05/2012

​​​​(Mise à jour) Pour un bilan actualisé en 2021, lire notre dossier « Tchernobyl, 35 ans ​après »​​

Les programmes expérimentaux demeurent très importants. Le passé a montré que les calculs théoriques sont parfois imprécis, notamment pour décrire des séquences accidentelles rares, tout particulièrement quand ils nécessitent de simplifier les phénomènes, la portée de ces simplifications étant parfois difficile à évaluer.

 

Dégradation du cœur et comportement du corium dans la cuve

Les travaux menés par l’IRSN ou auxquels il participe concernent en priorité l’amélioration de la modélisation du renoyage d’un cœur de réacteur dans toutes les configurations : crayons combustibles intacts, présence d’une cavité, présence d’un lit de débris de corium ou d’un bain de corium.

L’IRSN cofinance des programmes expérimentaux réalisés dans d’autres pays, par exemple le programme MASCA sur le comportement des bains de corium dans le fond de la cuve (Institut Kourchatov/Moscou – cadre OCDE/AEN [1]) ou OLHF, maintenant achevé, sur la rupture du fond de la cuve (SANDIA National Laboratory – cadre OCDE/AEN).

L’IRSN participe également au programme d’essais ARTIST réalisé en Suisse par PSI (Paul Scherrer Institute). Ce programme a pour objectif d’étudier les dépôts de produits de fission dans le circuit secondaire en cas de rupture de tubes dans un générateur de vapeur. Ce programme est soutenu par plusieurs organismes étrangers dont l’USNRC (US Nuclear Regulatory Commission - Etats-Unis).

 

Explosion de vapeur

Comme indiqué ci-dessus, le terme « explosion de vapeur » désigne un phénomène brutal : la vaporisation explosive engendrée par un transfert de chaleur très rapide entre un matériau en fusion et de l'eau. La vaporisation intense de l'eau est si rapide que la pression générée localement fragmente finement ce matériau. Cette fragmentation augmente sa surface d'échange avec l'eau, donc le transfert d'énergie. Elle est susceptible d'induire une explosion avec un pic de pression qui peut être important et entraîner une émission de projectiles. Ce phénomène peut intervenir si du combustible fondu liquide tombe dans de l'eau, par exemple dans le fond de la cuve ou dans le puits de cuve.

Après avoir fait réaliser des essais sur la phase de pré-mélange corium-eau et sur les transferts thermiques des fragments de corium produits lors d’une explosion de vapeur, l’IRSN a financé jusqu’en 2005 la réalisation, par le CEA, du programme MICRONIS qui avait pour objectif de quantifier la fragmentation du corium. Il s’avère que les mesures sont très difficiles à mettre en œuvre et l’IRSN a dû cesser le financement de ce programme. 

L’IRSN cofinance le programme KROTOS, lancé et réalisé par le CEA, qui a pour objectif d’évaluer le rôle des matériaux fondus dans la propagation et le rendement énergétique d’une explosion de vapeur. L’institut participe également au programme SERENA (cadre OCDE/AEN) qui a pour objectif de comparer les approches utilisées dans divers pays et de proposer des actions de R&D dans un cadre collaboratif international (nouveaux essais KROTOS par exemple).

Les travaux menés sur ce sujet servent, entre autres, à la réalisation de l’EPS2.

  

Comportement de l’enceinte de confinement

Après la percée du fond de la cuve, lorsque le corium vient en contact avec le radier en béton du puits de cuve, ce radier se décompose sous l'effet de la chaleur du corium (« interaction corium-béton »), ce phénomène pouvant aboutir, dans le pire des cas, à la percée totale du radier. De plus, les différents gaz libérés par cette interaction entraînent une augmentation progressive de la pression de l’atmosphère de l’enceinte.

Les résultats des modélisations de ce phénomène différant très fortement suivant le code de calcul utilisé et les hypothèses retenues, un gros effort est mené sur l’interaction entre le corium et le béton du radier à la fois sur le plan de la modélisation, avec le développement du module MEDICIS d’ASTEC, et sur le plan de la validation par le cofinancement des programmes ARTEMIS (essais d’interaction corium-béton utilisant des matériaux simulant le corium et le béton) et VULCANO-ICB (essais d’interaction et d’étalement de corium utilisant de l'UO2 et du béton) réalisés par le CEA. De plus, l’institut participe au programme d’essais d’interaction MCCI (utilisant également de l'UO2 et du béton) réalisé par Argonne National Laboratory, USA, sous l’égide de l’OCDE/AEN.

Concernant le risque « hydrogène », l’IRSN a fait réaliser par le CNRS (Orléans) des essais analytiques sur la combustion de l’hydrogène. Ces essais se sont achevés fin 2005 : les phénomènes de combustion semblent désormais suffisamment connus, à l’exception de la combustion de l'hydrogène lors du fonctionnement de l'aspersion en pluie dans l'enceinte de confinement, qui doit faire l’objet d’essais complémentaires.

La validation des modèles de condensation de la vapeur d’eau dans une enceinte de confinement en présence d’hydrogène est effectuée par l’IRSN dans l’installation TOSQAN (IRSN/Saclay). Certains résultats ont fait l'objet d'une confrontation internationale dans le cadre de l’ISP 47 (International Standard Program – cadre OCDE/AEN). L’institut soutient par ailleurs le programme MISTRA, mené au CEA, dédié à l’étude de la répartition de l’hydrogène dans une enceinte de confinement en situation accidentelle.

La validation des modèles d'accélération de flamme lors de la combustion de l'hydrogène a été effectuée par l'IRSN dans l'installation expérimentale RUT (Russie).

Dans le cadre de la vérification du bon fonctionnement des recombineurs passifs de l'hydrogène, l'IRSN a réalisé les essais H2PAR d'empoisonnement des recombineurs par les aérosols générés dans l'enceinte lors d'un accident grave.

Enfin, l’IRSN a fait réaliser par FzK (Forschungszentrum Karlsruhe GmbH), dans son installation DISCO, des essais sur l’échauffement direct de l’enceinte. 

 

Comportement des produits de fission

PHEBUS PF

Phébus PF (PF pour Produits de Fission) est un programme international piloté par l’IRSN. Il se déroule sur une vingtaine d'années (1988-2008). C’est le seul programme qui reproduise, à échelle réduite mais dans des conditions représentatives, le processus de fusion du cœur d'un réacteur à eau sous pression.

Cinq essais ont été réalisés dans le réacteur expérimental Phébus pour mieux connaître la physique d’un accident de fusion de cœur dans un REP, notamment les rejets radioactifs : quels produits radioactifs pourraient être relâchés à l'extérieur de la centrale et en quelles quantités ? Sous quelle forme : poussières ou gaz ?

Ce programme a fait l’objet d'une vaste collaboration internationale, associant près d'une quarantaine d'organismes techniques de sûreté et de recherche de l'Union Européenne, de Suisse, de Roumanie, de Bulgarie, des Etats-Unis, du Canada, du Japon et de la Corée du sud.

Les résultats des essais servent, en particulier, à qualifier le logiciel franco-allemand de calcul (ASTEC) qui permet de simuler le déroulement d'un accident grave dans une centrale. Ces recherches contribuent à améliorer les mesures de prévention ainsi que les actions et procédures qui seraient mises en œuvre en cas d'accident pour protéger les populations et l'environnement.

Visualisez des animations des expériences :

Autres programmes expérimentaux relatifs aux produits de fission

Malgré la quantité importante de résultats déjà obtenus, les études des rejets envisageables en cas de fusion du cœur montrent que des incertitudes significatives subsistent dans certains domaines importants pour l’évaluation des risques et la gestion d’une situation accidentelle. Face à ce constat, l’IRSN et ses partenaires français EDF et CEA ont bâti un nouveau programme intitulé « Terme Source », dont l’objectif est de réduire les incertitudes les plus importantes.
  
Il vise à répondre aux questions suivantes :

  • Quels sont les rejets d’iode sous forme volatile ?
  • Les rejets de ruthénium, composé très radiotoxique, sont-ils correctement estimés ? 
  • L’utilisation de combustible MOX ou d’UO2 à fort taux de combustion modifie-t-elle d’une façon significative la nature, la quantité et la cinétique des rejets ?

 

Le premier volet de ce programme concerne la chimie de l’iode. Les essais CHIP (2006–2009) serviront à étudier la chimie de l’iode dans le circuit primaire avec une attention particulière portée à la chimie hors équilibre et à la formation d’iode gazeux pouvant être relâché dans l’enceinte de confinement. Les essais EPICUR (2005–2009) permettront, entre autres, de mieux quantifier la formation d’iode organique dans l’enceinte de confinement. En effet, l’iode organique n’est pas retenu par le filtre « à sable » installé sur le circuit de dépressurisation contrôlée de l’enceinte et serait donc intégralement rejeté dans l’environnement si on ouvre ce circuit. 

Le deuxième volet concerne l’effet de la dégradation des barres de commande en carbure de bore (B4C) sur le déroulement d’un accident grave. Les modèles décrivant les phénomènes associés étant insuffisamment validés, les essais BECARRE (2006-2007) permettront de caractériser les produits d’oxydation du B4C, en particulier les gaz carbonés susceptibles d’avoir un impact significatif sur la volatilité des produits de fission relâchés dans l’enceinte de confinement.

Le troisième volet du programme s’intéresse aux conséquences d’une dégradation d’éléments combustibles au contact de l’air en cas de percée de la cuve du réacteur après fusion d’une partie du cœur ou en cas de dénoyage d’une piscine d’entreposage de combustibles. Dans ces situations, le ruthénium, produit de fission à radiotoxicité élevée, devient volatil et est largement relâché.

Après la fusion d’une partie du cœur, le tétraoxyde de ruthénium (Ru04) peut exister sous forme gazeuse dans l’enceinte de confinement, celui-ci se comportant alors comme l’iode organique dans le filtre à sable. Il est prévu de réaliser un essai d’émission du ruthénium en présence d’air dans l’installation VERDON du CEA et des essais sous rayonnement afin de mieux connaître le comportement de ce corps et de quantifier le phénomène.  

En cas de dénoyage d’une piscine d’entreposage de combustibles, une bonne modélisation du déroulement de l’accident nécessite de mieux connaître l’oxydation des gaines du combustible sous air, qui met en jeu des phénomènes complexes tels que la nitruration du zirconium. C’est l’objet des essais MOZART (2005-2006).

Les programmes EPICUR, CHIP, BECARRE et MOZART sont réalisés par l’IRSN dans ses installations. 

Le quatrième et dernier volet du programme « Terme source » concerne l’émission des produits de fission à partir du combustible. L’analyse des résultats des essais déjà réalisés, tels que les essais VERCORS réalisés par le CEA sur financement IRSN et EDF, a permis d’élaborer des hypothèses crédibles permettant d’expliquer les relâchements mesurés, en particulier leur dépendance au taux de combustion et à l’atmosphère environnante. Pour valider ces hypothèses, des microanalyses seront réalisées sur du combustible irradié et du combustible ayant subi des essais d’émission de produits de fission. Par ailleurs, pour compléter la base de données existante, il est prévu de réaliser trois essais de relâchement dans l’installation VERDON du CEA (2008-2009), deux avec du combustible MOX et un avec du combustible UO2 à fort taux de combustion. Chaque essai consistera à faire fondre des pastilles de combustible, à faire se déposer les produits de fission émis puis à analyser ces dépôts afin de connaître la nature et les quantités des produits relâchés.

Le programme proposé est cofinancé et réalisé dans un cadre tripartite IRSN/EDF/CEA. Il est soutenu, au plan international, par la Commission Européenne, l’USNRC et PSI.

Note :

1-L’OCDE/AEN a pour mission d’aider ses pays membres à maintenir et à approfondir, par l’intermédiaire de la coopération internationale, les bases scientifiques, technologiques et juridiques indispensables à une utilisation sûre, écologique et économique de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques. Les programmes dont il est question dans ce texte dépendent du Comité sur la Sûreté des Installations Nucléaires (CSIN).

 

Pour en  savoir plus sur les programmes de recherche :