Savoir et comprendre

Accident de réactivité

21/05/2012

  

   
  Schéma d'un assemblage de combustible.  
   

Dans un réacteur à eau pressurisée, l’accident enveloppe retenu pour le dimensionnement en termes d’évolution incontrôlée de la réaction nucléaire est l’éjection d’une grappe de commande. Une grappe est formée de crayons absorbants qui participent à la maîtrise de la réaction nucléaire.
 

En cas de rupture du mécanisme de grappe, l’éjection de la grappe résulte de la différence de pression qui existe entre le circuit primaire (à 155 bars) et l’enceinte de confinement (à la pression atmosphérique). Cette éjection violente entraîne un emballement local de la réaction nucléaire pendant quelques dizaines de millisecondes (pulse de puissance) provoquant une augmentation rapide de la température du combustible. Les contre-réactions neutroniques limitent alors le transitoire de puissance avant l’arrêt automatique du réacteur (chute des grappes de commande intactes) qui intervient dans un second temps.    Des critères de sûreté spécifiques relatifs à l’éjection de grappe (Reactivity-Initiated Accident) ont été définis pour la première barrière de confinement [1], dans les années 1970, sur la base des essais américains SPERT.
 

Dès le début des années 1990, l'accroissement progressif des taux de combustion des assemblages combustibles envisagé par les exploitants a conduit la communauté internationale à s’interroger sur la validité de ces critères spécifiques pour des taux de combustion supérieurs à ceux des essais SPERT limités à 32 GWj/t.
 

Dans ce contexte, des programmes de recherche ont été développés au Japon et en France, comprenant en particulier la réalisation par l’IRSN (à l’époque IPSN) d’essais dans le réacteur CABRI à Cadarache. Ces programmes ont eu notamment pour objectifs l’amélioration de la compréhension des phénomènes physiques pouvant conduire à une défaillance de l’étanchéité des gaines des crayons et à l’éjection de combustible dans le circuit primaire.
 

Deux modes de défaillance peuvent intervenir lors d’un RIA : la défaillance en PCMI [2], caractérisée par une forte interaction mécanique entre la pastille et la gaine, et la défaillance post-DNB [3] caractérisée par une forte déformation de la gaine (ballonnement) résultant de la dégradation du coefficient d’échange thermique gaine-fluide de refroidissement et d’une élévation rapide de la température de la gaine.
 

L’Institut a acquis sur ces sujets une expérience reconnue internationalement, nourrie des résultats de R&D accumulés depuis plus de vingt ans : il travaille notamment avec l’US-NRC (United States Nuclear Regulatory Commission).
 

Dans ces conditions, l’IRSN développe aujourd’hui sa propre démarche de détermination des limites de défaillance. Cette démarche repose sur :
 

  • une analyse approfondie des phénomènes physiques mis en jeu au cours des différentes phases de l’accident de réactivité grâce à l’interprétation de la base de données expérimentales internationale, constituée de résultats d’essais en réacteur (notamment sur CABRI et NSSR (Nuclear Safety Research Reactor)) et d’essais analytiques sur le comportement des gaines (PROMETRA …) et les transferts thermiques (Patricia …) ;
  • le développement d’une chaîne de calcul capable d’interpréter quantitativement les résultats des essais RIA, validée sur la base de données expérimentales, et qui permettra notamment d’extrapoler les résultats expérimentaux aux conditions de fonctionnement d’un réacteur de puissance ;
  • le développement d’une méthode, permettant en particulier de définir une limite de rupture des gaines, en tenant compte des différents modes de rupture possibles et du risque d’éjection de combustible dans le circuit primaire, après avoir identifié toutes les grandeurs physiques qui influent sur le comportement thermomécanique de la gaine et du combustible ainsi que sur les sollicitations du combustible en exploitation.
     

La mise en œuvre de cette démarche permettra à l’IRSN de se prononcer avec pertinence sur les évolutions de critères qui pourraient être proposées par des exploitants dans les années à venir.
 

En effet, aujourd’hui, la plus grande partie des pays exploitant des REP estime qu’une évolution des critères relatifs au combustible est nécessaire pour le RIA et cofinance des programmes expérimentaux visant à compléter les connaissances sur le comportement des combustibles ; il s’agit essentiellement des programmes CIP (IRSN) et ALPS (JAEA).
 

L’IRSN a proposé à l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) d’entamer des discussions avec EDF en vue de réviser en tant que de besoin l’ensemble des critères de sûreté actuellement utilisés relatifs à la « première barrière de confinement » en fonctionnement normal, incidentel et accidentel, dont les critères relatifs au RIA.
 

Le résultat de ces discussions sera présenté par l’IRSN au cours d’une réunion du Groupe Permanent d’experts pour les Réacteurs nucléaires (GPR), des recommandations sur les orientations à suivre pour réviser le référentiel de sûreté pourront alors être discutées par les membres du groupe d’experts. 

Notes :
1- Dans la conception des réacteurs à eau sous pression français, trois « barrières » de confinement sont interposées entre les produits radioactifs contenus dans le combustible et l’environnement. Il s’agit, dans l’ordre, de la gaine des crayons de combustible, du circuit primaire principal et de l’enceinte de confinement.
2- PCMI : Pellet Clad Mechanical Interaction.
3- DNB : Departure from Nucleate Boiling (crise d’ébullition).