Savoir et comprendre

Découverte de l’anomalie sur le couvercle et le fond de la cuve de l’EPR Flamanville

27/06/2017

Dans le cadre de la qualification technique requise au titre de l’arrêté ESPN (réglementation applicable aux équipements sous pression nucléaires) du 12 décembre 2005, Areva a réalisé des essais mécaniques et des mesures de carbone sur une calotte (pièce de forme semi-sphérique) similaire à celle du réacteur EPR de Flamanville, initialement destinée à un projet EPR aux Etats-Unis. Cette qualification technique vise à assurer que les composants fabriqués dans les conditions et selon les modalités de la qualification auront les caractéristiques requises.

 

L’arrêté ESPN

L’arrêté relatif aux équipements sous pression nucléaires, dit « arrêté ESPN », définit les exigences à respecter lors de la conception, de la fabrication et du suivi en service des équipements sous pression nucléaires.

Cet arrêté comporte des exigences en matière de prévention du risque d’hétérogénéité des pièces.

Les résultats obtenus fin 2014 ont révélé la présence, dans l’acier des calottes utilisées pour fabriquer le couvercle et le fond de la cuve de ce réacteur, d’une zone présentant une concentration de carbone excessive (teneur atteignant localement 0,32 % pour une teneur attendue d’au maximum 0,22 %), et des valeurs de résilience (indicateur de la capacité d’un matériau à résister à une rupture) inférieures aux critères fixés dans l’arrêté. 

Les dimensions importantes du couvercle et du fond de la cuve de l’EPR ont conduit à faire évoluer le procédé de fabrication des pièces par rapport à la pratique antérieure, en utilisant notamment un lingot d’acier de masse plus élevée. L’excès de carbone dans l’acier résulte de l’utilisation d’une technique de forgeage à partir d’un lingot dit « conventionnel », de fort tonnage, pour laquelle toutes les précautions n’ont pas été prises afin d’éliminer les parties en excès de carbone (à savoir les zones dites « de ségrégation majeure positive du carbone » ou « zones ségrégées » dans le lingot).

Le forgeage

Le forgeage est une technique permettant d'obtenir une pièce mécanique en appliquant une force importante sur un lingot de métal, à froid ou à chaud, afin de la contraindre à épouser la forme voulue.

Lors de la coulée du lingot, le refroidissement n’est ni immédiat ni homogène dans la pièce. Le lingot présente donc des propriétés chimiques et mécaniques hétérogènes, entre les bords du lingot et le centre, ainsi qu’entre le haut et le bas. Dans le cas présent, la tête du lingot présente des concentrations plus importantes que le reste de la pièce en éléments tels que le carbone, ce qui peut, pour certains niveaux de concentration, dégrader les propriétés mécaniques de l’acier.

Si elle est identifiée, l’hétérogénéité d’une pièce peut être limitée voire éliminée par les opérations d’usinage.

 

De fortes concentrations en carbone dans une pièce ont pour conséquence une diminution des propriétés de ténacité de l’acier, c’est-à-dire de la capacité du matériau à résister à la propagation d’une fissure en cas de défaut préexistant. La ténacité d’un matériau peut être mesurée sur des échantillons (appelés éprouvettes) et correspond à la force ou la quantité d’énergie qu’un matériau peut absorber avant de se fissurer et de rompre.

Dans le schéma ci-contre, la fissure a est symbolisée par le trait plein rouge. Les flèches vers le haut et vers le bas représentent les forces à l’œuvre sur l’éprouvette.

 

Typiquement, il est constaté une fragilisation de l’acier dans les zones à forte concentration en carbone, se traduisant par une diminution de la ténacité et par une augmentation de la température de transition dénommée « RTndt », entre les comportements fragile et ductile du matériau (la ductilité d’un matériau désigne sa capacité à s’étirer, se déformer avant de rompre ; à l’inverse, un matériau fragile va casser et se rompre rapidement).

À titre d’illustration, la ténacité varie en fonction de la température du matériau comme représenté sur la figure ci-dessous :