Savoir et comprendre

Exemple : le remplacement des générateurs de vapeur à Cruas

22/10/2014

Composants essentiels des réacteurs à eau sous pression, trois générateurs de vapeur de la centrale EDF de Cruas-Meysse (Ardèche) ont été remplacés. Récit de l’opération.
 

Le chantier a nécessité deux ans de préparation. Entre le 8 mars et le 20 juin 2014, plus de 1 000 personnes – agents EDF et personnels des entreprises partenaires conduites par Areva – se sont mobilisées pour réaliser le remplacement des générateurs de vapeur (GV) du réacteur 4 de la centrale de Cruas-Meysse (Ardèche).
 

Une opération d’envergure puisque le GV mesure plus de 20 mètres de haut, pèse 300 tonnes à vide – soit l’équivalent d’un avion A380 et demi – et se loge dans  un bâtiment exigu. Chaque remplacement est instruit par l’ASN avec le soutien de l’IRSN, notamment pour les aspects thermohydrauliques en relation avec la  gestion du combustible du réacteur et le type de GV installé.

 

Améliorer la sûreté et l’efficacité de l’installation
 

« Dans une centrale, chaque réacteur compte trois ou quatre GV, dont la fonction consiste à transformer en vapeur l’eau du circuit secondaire pour alimenter la turbine et produire de l’électricité », rappelle Thierry Sollier, ingénieur d’analyse de sûreté à l’IRSN. « L’énergie pour cette transformation provient de l’eau chauffée par le combustible dans le circuit primaire. Le générateur est un échangeur thermique entre le circuit primaire et le circuit secondaire. »
 

Le GV joue également un rôle crucial sur le plan de la sûreté : « Il fait partie de la deuxième et de la troisième barrière de confinement. L’échange thermique se fait au niveau de plusieurs milliers de tubes en U où circule l’eau du circuit primaire et dont la paroi très fine – 1 mm d’épaisseur environ – empêche le transfert d’eau radioactive à l’extérieur du bâtiment. Dans certaines situations accidentelles, le GV est utilisé pour refroidir le cœur du réacteur. »
 

En maintenance, des opérations de colmatage des microfissures
 

En fonctionnement normal, les tubes subissent des contraintes thermiques et mécaniques – pression, vibrations, etc. – en milieu aqueux. D’où des phénomènes d’usure et de corrosion, surveillés lors des arrêts pour maintenance par des sondes de contrôle.
 

« Des microfissures de quelques millimètres de longueur finissent par apparaître sur certains GV d’origine. Pour prévenir tout risque de fuite significative ou de rupture, nous bouchons les tubes qui présentent un risque au fil des interventions de maintenance », témoigne Jean-Marie Boursier, directeur technique de la centrale de Cruas-Meysse.
 

Des critères relatifs à la taille des fissures ont été établis par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l’IRSN. Le taux de bouchage admissible est défini en fonction du type de générateur et des conditions d’exploitation. Au-delà de cette limite, justifiée par les études de sûreté, un GV ne peut pas être autorisé à fonctionner.
 

EDF réalise régulièrement des pronostics d’évolution des taux de colmatage pour planifier de manière optimale les opérations lourdes de remplacement. « Les impératifs de sûreté rejoignent les enjeux de production. Le bouchage affecte le rendement de  l’installation. Sur la tranche 4 de Cruas-Meysse, âgée de 30 ans, la perte de rendement atteignait environ 5% », précise Jean-Marie Boursier.

 

26 remplacements déjà effectués
 

EDF a lancé le programme de  remplacement des GV de ses 34 réacteurs de 900 MWe en 1990. Celui de Cruas 4 est le 26e en France. Les mêmes opérations sont programmées dans les prochaines années pour les trois autres réacteurs de Cruas-Meysse. « Nous bénéficions d’un solide retour d’expérience », constate Jean-Marie Boursier.
 

Dans un premier temps, le réacteur est arrêté, son combustible déchargé et les circuits vidangés, les générateurs usés sont extraits du bâtiment du réacteur. Vient ensuite la phase d’installation des nouveaux GV et leur raccordement aux tuyauteries, qui exige des ajustements au millimètre. Après vérification des soudures par radiographie et épreuve hydraulique, le réacteur est rechargé et recouplé au réseau électrique.
 

Et Jean-Marie Boursier d'ajouter : « Les nouveaux matériels bénéficient d’améliorations technologiques. Par exemple, l’alliage ‘600’ à base de nickel des tubes est remplacé par de l’alliage ‘690’, également à base de nickel mais plus riche en chrome. Cela les rend moins sensibles à la corrosion et facilite la maintenance. Nous avons investi 140 millions d’euros pour le chantier afin de se donner un horizon de 30 ans supplémentaires de production et d’améliorer la sûreté de l’installation. »