Savoir et comprendre

Expertise des colis de substances radioactives

19/03/2018

​​​L’évaluation de la sûreté des colis de substances radioactives commence dès la conception d’un nouvel emballage jusqu’à son agrément initial puis à l’occasion de son renouvellement. La maintenance des colis fait également l’objet de contrôle. Suite à l’accident de Fukushima, les plans d’urgence vont devoir prendre en compte des situations extrêmes jusqu’ici non couvertes par la réglementation.

 

Modélisation 3D d'un emballage de combustibles usés dans le cadre de la prévention de l’accident de criticité

Modélisation 3D d'un emballage de combustibles usés dans le cadre de la prévention de l’accident de criticité. Ce type d’événement est provoqué par une réaction en chaîne inopinée.
(© Florence Levillain/Signatures/IRSN)

En moyenne cinq ans sont nécessaires entre le besoin initial et l’agrément d’un nouvel emballage, sachant que trois ans est un minimum incompressible. Pour certains colis complexes, les études visant à garantir la sûreté des colis de substances radioactives, peuvent même durée dix années. Et pour cause : l’expertise des emballages commence dès leur conception.
 

Dans un premier temps, le concepteur de l’emballage remet à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un dossier d’options de sûreté (DOS). Ce document décrit les hypothèses et les méthodes choisies pour en démontrer la conformité à la réglementation. Durant son élaboration, les allers-retours sont nombreux entre l’IRSN et le concepteur. In fine, les experts de l’Institut rendent un avis sur le DOS. Par ailleurs, le concepteur réalise également des tests.
 

Une fois ces phases achevées, le concepteur transmet un dossier de sûreté à l’ASN et à l’IRSN. Puis, sur la base d’un rapport d’expertise réalisé par l’IRSN, le groupe permanent, un comité constitué d’experts (dont l’IRSN), d’industriels (comme EDF et Areva), et de représentants des autorités de sûreté étrangères, remet un avis. Dernière étape, l’ASN émet ou non le certificat d’agrément.


 

Les étapes de l'agrément d'un nouveau modèle de colis





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Quels sont les types de colis qui nécessitent un agrément ?

Seuls les colis de types B et C, ainsi que les colis contenant des matières fissiles en quantités supérieures à certains seuils réglementaires ou contenant plus de 100 g d’hexafluorure d’uranium, doivent faire l’objet d’un agrément. Pour les colis à usage civil, c’est l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui délivre les agréments et valide ceux émis par les autorités étrangères. Pour ce faire, l’ASN fait appel à l’IRSN pour l’expertise technique du dossier de sûreté préparé par l’industriel.
 

A contrario, les colis exceptés, de type A et de type IP dont les quantités de matières fissiles et d’hexafluorure d’uranium sont inférieures aux seuils réglementaires, peuvent être transportés sans agrément. L’analyse de sûreté et les dossiers de conformité des transports impliquant ces colis sont cependant gardés à disposition de l’ASN, qui peut en contrôler le contenu dans le cadre d’inspections.

 

Maintenance et contrôle dans la durée
 

La surveillance ne s’arrête pas après l’obtention de l’agrément. En effet, sa durée est limitée à trois ans pour les anciens colis et cinq ans pour les plus récents. Par exemple, Orano (ex-Areva) formule une dizaine de demandes de renouvellement d’agrément par an. De son côté, l’IRSN émet une centaine d’avis techniques de sûreté des transports par an : agrément, renouvellement, extension…
 

La maintenance de l’emballage doit également être assurée pour rester conforme au modèle agréé et être aussi sûr qu’au premier jour. Ainsi, l’ASN réalise des inspections, y compris quand la maintenance d’emballages français est assurée à l’étranger.
 

Par ailleurs, la sûreté du transport de substances radioactives bénéficie de programmes de recherche et du retour d’expérience. Par exemple, l’IRSN a étudié le cas d’un colis chutant avec un léger angle. Il percute d’abord le sol avec un bord puis avec l’autre. Or, le second impact s’avère parfois beaucoup plus sévère que le premier.

 

Organisation de crise en cas d’accident
 

Après la robustesse des emballages et la fiabilité des transports, la gestion des situations d’urgence est le dernier niveau de l’approche de défense en profondeur. En cas d’accident impliquant un transport de substances radioactives, elle doit permettre d’en limiter les conséquences pour la population et l’environnement.
 

Ainsi, le transporteur et l’expéditeur disposent de plans d’urgence qui définissent à l’avance une organisation et des moyens afin de réagir en cas d’incident ou d’accident. Quant aux pouvoirs publics, c’est le préfet qui coordonne les actions des services de secours et des experts en radioprotection et en sûreté.
 


 
A gauche, Essais de chute dans le cadre de la demande d'agrément d’un de colis destiné au transport de déchets bitumés. (© Noak/Le bar Floréal/IRSN) . A droite, mise en place d'une situation d'urgence de transport lors d’un exercice national transport de substances radioactives à usage civil. (© Nicolas Denert/IRSN)

 

L’accident de Fukushima Daiichi, au Japon, a aussi laissé sa marque. En 2013, l’ASN a étendu les évaluations complémentaires de sûreté (ECS) au transport de matières radioactives.  Sollicité sur son application, l’IRSN a estimé que la réglementation actuelle couvrait un large spectre de situations accidentelles envisageables.
 

L’Institut a néanmoins identifié des situations accidentelles de forte sévérité à priori non couvertes, en particulier dans des zones particulières. C’est le cas notamment pour une chute supérieure à 9 mètres – par exemple, depuis un pont de grande hauteur -, une immersion à grande profondeur ou encore un incendie de longue durée à une température supérieure à 800 ° - par exemple, dans un tunnel.
 

Pour l’IRSN, les plans d’urgence doivent intégrer une gamme plus large de situations accidentelles ainsi que l’ensemble des colis sensibles. Autre mesures envisagées : limiter l’occurrence des situations redoutées par des dispositions opérationnelles (sélection d’itinéraires pour éviter les ponts de grande hauteur, le passage dans certains tunnels, etc.) ou de gestion de la co-activité avec le transport d’autres marchandises dangereuses (séparation des flux dans les zones d’entreposage ou certains tunnels, etc.).
 

 

3 questions à… Pierre Malesys, spécialiste de la sûreté des transports chez Orano (ex-Areva)

Quels types d’emballages concevez-vous ?
 

TN International, filiale d’Orano, conçoit des colis destinés à l’ensemble du cycle du combustible – du minerai au combustible usé –, à tous les modes de transport – camion, train, bateau, avion – et de tous les types réglementaires.
 

Pourquoi en créer de nouveaux ?
 

Nous avons sans cesse besoin de nouveaux emballages : combustibles plus riches en uranium, évolutions réglementaires, attentes spécifiques d’un client… Malgré tout, leur durée de vie dépasse largement les trente ans.
 

Comment les concevez-vous ?

Tout commence par un cahier des charges qui définit les interfaces – de quelle installation à quelle autre –, les transports, les itinéraires (un tunnel de chemin de fer limite les dimensions). Nous nous interrogeons aussi sur les besoins futurs pour les rendre le plus polyvalent possible.