Savoir et comprendre

Les démantèlements en cours chez EDF, Areva et au CEA

24/01/2018

​​​Neuf réacteurs EDF sont en cours démantèlement, notamment les six réacteurs de production d’électricité de première génération de la filière uranium naturel graphite gaz. Le CEA a également lancé deux programmes de grande ampleur sur ses centres de Marcoule et de Fontenay-aux-Roses. Enfin, une première usine de retraitement de combustible est en cours de démantèlement chez Orano La Hague (ex-Areva).

 

  Voir la carte interactive des installations en démantèlement en France

 

Démantèlement des réacteurs EDF de première génération

 

L’arrêt de la filière uranium naturel graphite gaz (UNGG), une technologie de réacteur de première génération refroidi au gaz, s’est étalé entre 1973 et 1994. Il concerne six réacteurs de production d’électricité mis en service entre 1963 et 1972.
 

Réacteur de la filière uranium graphite gaz

Centrales et réacteurs

Chinon
(Indre-et-Loire)
Saint-Laurent-des-Eaux
(Loir-et-Cher)
Bugey
(Ain)
A1D A2D A3D A1 A2 Bugey-1
Année de divergence 1963​ ​1965 ​1966 ​1969 ​1971 ​1972
Année d'arrêt ​1973 ​1985 ​1990 ​1990 ​1992 ​1994
Puissance net
(en mégawatt électrique)
70​ ​210 ​365 ​480 ​515 ​540

  

Le démantèlement a déjà concerné les bâtiments conventionnels, tels que les salles des machines, et certains matériels à la périphérie des caissons béton renfermant le cœur du réacteur.
 

Concernant les caissons, les parties les plus radioactives d'une installation, EDF a évolué en termes de stratégie ; la dernière version a été exposée à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à la fin 2015.
 

Un démantèlement des caissons sous air, à distance et en vision indirecte, est désormais envisagé au lieu de la technique sous eau, à distance et en vision directe. Ce nouveau procédé devrait être utilisé pour le démantèlement complet d’un caisson puis pour les cinq autres. Ainsi, la fin du déma​ntèlement de la filière UNGG est susceptible d'intervenir au-delà de 2100 pour le dernier réacteur. Néanmoins, le maintien de la sûreté des caissons à un niveau satisfaisant pendant plusieurs décennies soulève plusieurs questions, notamment concernant le vieillissement de leurs structures métalliques et de génie civil.
 

Par ailleurs, les déchets constitués du graphite - de 1 100 à 3 400 tonnes en fonction du réacteur - devront être transférés dans une installation de stockage de déchets de faible activité à vie longue (FAVL). Or, les échéances de construction et de mise en service par l’Agence Nationale pour la gestion des Déchets RAdioactifs (Andra) d’une installation de stockage de déchets FAVL ont glissé.

 

Réacteurs EDF de la filière UNGG en démantèlement

Réacteurs EDF de la filière UNGG en démantèlement à la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux (à gauche), dans le Loir-et-Cher, et à celle de Chinon (à droite), en Indre-et-Loire. (© IRSN / Jean Chipot)

 

Brennilis : démantèlement d’un réacteur prototype à eau lourde 
 

réacteur prototype à eau lourde EL4-D de Brennilis  
EDF a lancé le démantèlement du réacteur prototype à eau lourde de Brennilis (Finistère). Un déclassement de l'installation est envisagé avant 2035. (Source : Wikimedia Commons)

EDF a lancé le démantèlement du réacteur prototype à eau lourde EL4-D de Brennilis, dans le Finistère. Entré en service en 1967, le réacteur a été définitivement arrêté en 1985. Entre 1996 et 2007, de nombreuses opérations de démantèlement ont été réalisées dans l’enceinte du réacteur et dans les bâtiments périphériques.
 

Les difficultés rencontrées par EDF dans les procédures d’obtention d’un décret ont décalé d’environ 15 ans le démantèlement du bloc réacteur. En effet, l’annulation du premier décret par le conseil d’État a interrompu les travaux de la mi-2007 à la fin 2011. Un nouveau décret de 2012 a autorisé la reprise des opérations, tout en limitant leur périmètre aux matériels du circuit primaire du réacteur et aux infrastructures résiduelles du génie civil de la station de traitement des effluents. Cette décision s’explique par l’absence d’une installation d’entreposage des déchets les plus actifs.
 

A ce jour, les opérations de démantèlement autorisées sont en voie d’achèvement. EDF envisage d’effectuer le démantèlement du bloc réacteur entre 2022 et 2035, pour parvenir à un déclassement de l’installation avant 2040.

 

Installations du CEA à Marcoule et à Fontenay-aux-Roses
 

Le CEA a lancé un programme de démantèlement de grande ampleur de ses installations les plus anciennes de son centre de Marcoule (Gard). Ce chantier concerne trois réacteurs de la filière UNGG et deux installations de retraitement de combustibles usés. Le glissement dans la réalisation de certaines opérations est, à la fin 2017, de 5 à 15 ans en fonction de l’installation.

 

  • Usine d’extraction du plutonium UP1


Spécialisée dans le traitement du combustible usé, l’usine d’extraction du plutonium UP1 de Marcoule a également été utilisée pour les besoins de la défense, ou liés à des réacteurs expérimentaux (Brennilis, Phénix...) ou non (réacteurs de la filière UNGG). Entrée en service en 1958, l’usine UP1 a été définitivement arrêtée en 1997.

Après les rinçages usuels, le démantèlement a débuté dès l’arrêt définitif, notamment pour la voie sèche de conversion et conditionnement du plutonium. Le démantèlement des procédés de dégainage, de dissolution discontinue, d’extraction, de séparation et de raffinage est également achevé.
 

Les opérations se poursuivent pour les procédés de dissolution continue et de traitement des raffinats de haute activité ou encore l’assainissement des locaux. Elles devraient s’achever entre 2032 et 2037.
 

Par ailleurs, les silos contenant plusieurs milliers de m3 de déchets solides en vrac morcelés (gainage du combustible...) ou pulvérulents (résidus de traitement des eaux de piscine...) doivent être vidés et leur contenu conditionné, avant d’être assainis. Ces opérations pourraient s’achever au-delà de 2035.
 

Concernant les silos d’entreposage de déchets, qui ont généralement une conception de type mono-barrière - à savoir une seule barrière physique entre les substances radioactives et l’environnement-, l’évacuation de leur contenu est une opération complexe avec des enjeux importants en termes de sûreté et de gestion des déchets.​

  • Atelier pilote de Marcoule (APM)


Arrêté en même temps que l’usine UP1, l’atelier pilote de Marcoule (APM) est également en démantèlement. Toutefois, les opérations sont moins avancées que celles concernant l’usine UP1. Le CEA se fixe pour objectif un retrait des équipements du procédé avant 2035.

  • Réacteurs G1, G2 et G3


Les réacteurs plutonigènes G1, G2 et G3 (filière UNGG) ont respectivement été arrêtés en 1968, 1980 et 1984. Dans les dix à quinze années qui ont suivi ces arrêts, les réacteurs ont fait l’objet d’un démantèlement partiel et d’une mise en configuration sécurisée pour les caissons réacteurs. Le CEA a donc privilégié un démantèlement différé des caissons, précédé d’une période de surveillance de plusieurs décennies. Ce choix soulève la question du vieillissement des structures métalliques et de génie civil des caissons.

Après avoir envisagé une fin des opérations au mieux av​ant 2030 (G1) ou 2040 (G2 et G3), le CEA n’annonce plus de date de fin du démantèlement des caissons des réacteurs plutonigènes. Selon l’organisme, ces opérations dépendent de la mise en service de l’installation de stockage des déchets FAVL et d’un retour d’expérience suffisant des réacteurs UNGG d’EDF.

 

CEA : dénucléarisation à Fontenay-aux-Roses, démantèlement à Cadarache

Le CEA s’est fixé pour objectif la « dénucléarisation » de son centre de Fontenay-aux-Roses à l’horizon 2035. Compte tenu de la pollution des sols sous certains bâtiments, ce chantier revêt de réels enjeux de sûreté et d’état final du site.

Concrètement, les opérations de démantèlement concernent des installations de recherche arrêtées au milieu des années 1990. C’est le cas du bâtiment 18 où furent d’une part, menées des études sur les procédés de traitement du combustible usé et d’autre part, manipulés des éléments radioactifs émetteurs de rayonnements alpha à forte activité spécifique tels que le plutonium 238.

Au centre CEA de Cadarache, le démantèlement de Rapsodie, un réacteur expérimental à neutrons rapides refroidi au sodium, arrêté en 1983, est tout aussi complexe. En 1994, des travaux préliminaires ont été suspendus suite à une explosion chimique de sodium ayant entraîné le décès d’un opérateur. Le démantèlement qui est en attente du décret (pas avant 2020) doit durer 25 ans.

 

Usine de retraitement de combustible de La Hague
 

Située à La Hague (Manche), l’usine UP2-400 de traitement de combustible usé pour la filière UNGG, a été définitivement arrêtée en 2003. Le démantèlement en cours devrait s’achever entre 2045 et 2050. Les deux premières opérations ont concerné d’une part, la voie sèche de conversion et de conditionnement du plutonium et d’autre part, l’évacuation des déchets de structure des combustibles à base d’oxydes.
 

Usine de retraitement de combustibles nucléaires usés du site Areva de La Hague

L’installation UP2-400 la première usine de retraitement de combustibles nucléaires usés du site Areva de La Hague (Manche), est en cours de démantèlement. La seconde usine UP3 (en photo) reste en revanche, en exploitation. - (© Caroline Pottier/Le bar Floréal/IRSN)

 

Ce démantèlement nécessite également de transférer dans de nouveaux bâtiments les déchets anciens, à savoir plusieurs milliers de m3 de boues (traitement des effluents aqueux), de déchets solides en vrac morcelés (gainage du combustible...) ou pulvérulents (résidus de traitement des eaux de piscine...). Des opérations qui devraient s’achever au-delà de 2035, soit un glissement de 5 à 15 ans par rapport à la date envisagée au moment de l’arrêt définitif de l’usine UP2-400.

Comme à Marcoule (Drôme), le site de La Hague utilise des silos d’entreposage de déchets qui ont souvent une conception de type mono-barrière, difficile à surveiller et à inspecter. En 1981, un incendie dans un silo a conduit à un rejet atmosphérique significatif de substances radioactives qui ont contaminé la zone périphérique. Il s’agit de l’un des incidents les plus graves survenus en France, classé postérieurement au niveau 3 de l’échelle internationale des événements nu​cléaires (INES).