Les données nucléaires décrivent les
interactions d’une particule avec la matière et sont de ce fait au coeur
des calculs de physique nucléaire. Après avoir été mesurées et
évaluées, elles sont fournies dans des bibliothèques, sous forme d’une
liste de paramètres. Leur utilisation ultérieure dans les codes de
calcul nécessite un traitement numérique prenant en compte plusieurs
phénomènes physiques. Divers logiciels, comme NJOY, existent pour faire
ce traitement, mais ils emploient des méthodes numériques datées
dérivant d’algorithmes semblables. Or, pour les applications de sûreté
nucléaire, il est important de disposer de méthodes indépendantes, pour
avoir un point de comparaison et bien identifier les effets du
traitement sur les résultats. De plus, la précision doit être
correctement contrôlée au cours des différentes étapes du processus.
Ainsi, le but de ce doctorat est de développer des méthodes numériques
indépendantes garantissant le traitement des données nucléaires avec une
précision donnée et de les implémenter en pratique via l’écriture du
code GAIA.
La première étape a
consisté à reconstruire les sections efficaces à partir des paramètres
des bibliothèques, en utilisant les diverses approximations de la
théorie de la matrice R. La reconstruction avec le formalisme général,
sans approximation, a également été implémentée, ce qui a nécessité
l’élaboration d’une nouvelle méthode de calcul de la matrice R. Les
tests, réalisés sur l’ensemble des formalismes possibles, y compris le
plus moderne, montrent un bon accord entre GAIA et NJOY. Le calcul
direct des sections efficaces différentielles à partir des paramètres de
la matrice R, avec la formule de Blatt-Biedenharn, a également été
implémenté et testé. Les sections ainsi obtenues correspondent à un
noyau cible fixe, au zéro absolu. Du fait de l’agitation thermique, ces
sections efficaces sont soumises à un effet Doppler, ce qui revient à
les intégrer avec le noyau de Solbrig. Pour calculer cette intégrale,
une méthode de référence, précise mais lente, a d’abord été élaborée et
validée. Puis, une méthode basée sur l’algorithme de transformée de
Fourier rapide a été développée. Les comparaisons avec la référence
suggèrent que cette nouvelle méthode permet d’obtenir des résultats plus
précis que NJOY en des temps de calcul comparables. Cette approche a de
plus été adaptée pour le cas des noyaux cibles dans un état condensé
(solide ou liquide). Une implémentation alternative a été développée
pour obtenir les sections par intégration de la loi S(a,b), qui
caractérise l’effet des liaisons chimiques sur les collisions
neutrons–matière. Enfin, un procédé a été mis en place pour générer une
grille d’énergie permettant l’interpolation linéaire des sections entre
ses points.
À ce stade,
l’information minimale nécessaire à la production des fichiers d’entrée
pour le code de calcul neutronique MCNP est connue (cette information
est traduite au format adéquat avec l’aide d’un module de NJOY). Des
calculs ont ensuite été réalisés sur plusieurs configurations afin de
démontrer que les méthodes développées ici peuvent être effectivement
utilisées pour le traitement d’évaluations modernes. En parallèle, dans
le cadre d’une collaboration avec l’Institut Laue-Langevin, nous avons
participé au traitement de mesures expérimentales de la loi S(a,b) de
l’eau légère et lourde. À l’aide de GAIA, nous avons combiné les valeurs
expérimentales avec des valeurs provenant d’une simulation de dynamique
moléculaire, l’objectif étant de se passer de modèle moléculaire dans
le domaine couvert par l’expérience. Ce n’est qu’une première étape,
mais les valeurs obtenues permettent d’améliorer les prévisions du
modèle du réacteur de l’ILL.
En
conclusion, ce doctorat a permis de développer de nouvelles méthodes
numériques pour le traitement des données nucléaires et de montrer leur
applicabilité à des cas pratiques.