Note d'information : Impacts de la détérioration du réseau électrique national ukrainien sur les centrales nucléaires

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24/11/2022

La sûreté des centrales nucléaires ukrainiennes a été très régulièrement affectée par les bombardements visant les infrastructures énergétiques du pays. Le démarrage des groupes électrogènes de secours et la restauration rapide des lignes d’alimentation électrique externe ont permis jusqu’à présent, de ne pas remettre en cause le refroidissement des combustibles nucléaires. La situation reste néanmoins extrêmement préoccupante, avec actuellement un effondrement du réseau électrique national.

 

Télécharger la note d'information de l'IRSN du 23 novembre 2022 : Impacts de la détérioration du réseau électrique national ukrainien sur les centrales nucléaires (PDF)

 

La Fédération de Russie poursuit actuellement des bombardements qui impactent le réseau électrique ukrainien et par voie de conséquences les alimentations électriques externes des centrales nucléaires :

  • le 23 novembre 2022, à la suite de nouveaux bombardements russes des infrastructures énergétiques ukrainiennes, la fréquence du réseau électrique national est passée en-dessous de 49 Hz, ce qui a eu comme conséquence l’arrêt automatique de toutes les tranches des centrales nucléaires des sites de Rivne, Khmelnitski et Sud Ukraine ; seul le réacteur 3 de la centrale de Sud Ukraine a réussi son transitoire d’ilotage[1] et alimente électriquement la centrale ; les centrales de Rivne, Khmelnitski sont alimentées par leur diesel de secours et les réacteurs devraient pouvoir redémarrer et être connectés au réseau lorsque que les conditions le permettront ; la centrale de Zaporizhzhya a également perdu son alimentation électrique externe et est alimentée par les diesels de secours ;
     
  • le 20 novembre 2022, de multiples tirs d’artillerie ont touchés la centrale de Zaporizhzhya et un poste de distribution électrique situé à proximité ; l’AIEA a constaté les dommages sur le site, qui toutefois n’ont pas affecté la sûreté ; 
     
  • le 15 novembre 2022 à 18h35, les 4 lignes haute tension alimentant la centrale de Khmelnytsky (2 réacteurs de type VVER-1000) ont été rendues indisponibles, ce qui a conduit à l’arrêt des deux réacteurs de cette centrale et au démarrage des groupes électrogènes de secours pour alimenter les systèmes nécessaires à la sûreté de la centrale ; 2 lignes haute tension de 300 kV ont été restaurées 10 heures plus tard : une de ces lignes a ensuite été perdue à nouveau puis restaurée le 16 novembre à 11h25 ; 
     
  • le 15 novembre après-midi, la centrale de Rivne (2 réacteurs de type VVER-440, 2 réacteurs de type VVER-1000) a perdu une de ses alimentations électriques en 750 kV ce qui a conduit à l’arrêt d’un réacteur et à la réduction de puissance des autres réacteurs ;
     
  • le 2 novembre 2022 à 23h04, les deux lignes haute tension alimentant la centrale de Zaporizhzhya (6 réacteurs de type VVER-1000) ont été perdues entrainant le démarrage des groupes électrogènes de secours ; une alimentation électrique a été rétablie le 5 novembre (une ligne 750 kV et une ligne 330 kV) ; les réacteurs 5 et 6 sont en arrêt à chaud (pompes primaires en service) pour produire de la chaleur[2] et contribuer au chauffage urbain de la ville d’Enerhodar ; les autres réacteurs sont en arrêt à froid (pompes primaires à l’arrêt).
     

 

La situation des centrales nucléaires est très évolutive et dépend de l’état du réseau électrique. Si la fréquence ou la tension du réseau sort des limites prévues, les protections des réacteurs sont sollicitées (ilotage et en cas d’échec, arrêt automatique des réacteurs et démarrage des diesels de secours pour suppléer le réseau électrique externe).

 

Avant la perte du réseau électrique national, le 23 novembre 2022, les 4 réacteurs de la centrale de Rivne, les 3 réacteurs de la centrale de Sud-Ukraine (de type VVER-1000) et les deux réacteurs de la centrale de Khmelnytsky étaient en puissance.

 

Dans la situation actuelle, le redémarrage des réacteurs nucléaires va nécessiter une reconstitution progressive du réseau électrique par zone lorsque des moyens conventionnels de production d’électricité (centrales thermiques, centrales hydrauliques) disposeront d’une puissance suffisante pour stabiliser le réseau. Le gestionnaire du réseau Ukrainien devra adapter la production et la consommation d’électricité pour stabiliser la fréquence du réseau. Ces étapes vont nécessiter plusieurs heures mais dépendront de l’état des infrastructures et des moyens de production conventionnels disponibles.

 

Jusqu’à maintenant, le démarrage des groupes électrogènes de secours et la restauration d’au moins une ligne d’alimentation électrique externe de chaque centrale a permis d’assurer sans discontinuité l’ensemble des fonctions de sûreté des réacteurs.

 

Néanmoins, la sûreté des sites nucléaires est directement affectée par les bombardements en cours sur les infrastructures énergétiques du pays. La reconstitution du réseau électrique national est nécessaire à l’alimentation pérenne des systèmes de sûreté des sites nucléaires. 

 

 

Notes :

  1. En situation d’ilotage, le turbo-alternateur du réacteur alimente uniquement la centrale nucléaire pour ses besoins en électricité ; le réacteur fonctionne à basse puissance. 
  2. Les réacteurs sont à l’arrêt mais la puissance résiduelle du cœur et la puissance apportée par les pompes primaires permettent de produire de la chaleur ; les pompes primaires peuvent fonctionner si la centrale est alimentée par le réseau électrique.

 

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