Dépassement de la limite autorisée de rejets gazeux d'isotope 14 du carbone à l'usine Socatri du Tricastin : l'IRSN mène une évaluation des conséquences dosimétriques de cet incident

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07/08/2008


L'installation d'assainissement et de récupération de l'uranium de la société Socatri, implantée sur le site du Tricastin, assure, entre autres activités, l’entreposage et le traitement de déchets radioactifs collectés par l’Agence nationale pour la gestion des déchets (Andra) dans les hôpitaux, les universités ou des laboratoires de recherche qui utilisent des radioéléments. Le devenir de ces déchets est soit leur stockage sur le centre de surface de l’Aube de l’Andra, soit leur incinération par l’installation Centraco de la société Socodei, implantée sur le site de Marcoule.

 

L’identification, l’entreposage, le tri, la séparation et le conditionnement des déchets avant expédition sont réalisés dans un atelier dédié de l’usine Socatri. Ces opérations génèrent des rejets atmosphériques, notamment de carbone 14, qui font l’objet d’une autorisation fixant notamment des limites réglementaires.

 

Le 4 juillet 2008, l’exploitant a constaté que le résultat de la mesure de l’activité en carbone 14 dans les effluents gazeux de cet atelier a conduit à un rejet dans l’environnement de 2,26 gigabecquerels (GBq) sur la période du 25 juin au 2 juillet 2008. Cette valeur représente un dépassement de la limite mensuelle autorisée pour l’ensemble de l’usine Socatri, qui est égale à 1/6 de la limite annuelle (limite annuelle pour le carbone 14 fixée par décision ASN à 3,4 GBq). Les activités générant des rejets en carbone 14 ont été immédiatement arrêtées. A la date du 4 juillet 2008, le cumul des rejets de carbone 14 de l’ensemble de l’usine Socatri depuis le début de l’année (3,25  GBq) restait inférieur à la limite annuelle autorisée.

 

Malgré l’arrêt de l’atelier, un rejet de carbone 14 s’est poursuivi, mais à un niveau plus faible, conduisant, le 18 juillet 2008, à un dépassement de la limite annuelle autorisée pour le rejet de carbone 14 de l’ensemble de l’usine (3,56 GBq, soit 104,7% de la limite annuelle).

 

Le carbone 14 est un isotope radioactif du carbone, produit naturellement dans l’environnement par interaction du rayonnement cosmique avec les atomes d’azote présents dans l’atmosphère. Cette origine naturelle génère environ 1,5 million de GBq par an. Le carbone 14 est également émis par les activités nucléaires : tirs d’armes nucléaires en atmosphère (entre 1945 et 1980, ayant entraîné une émission cumulée de 213 millions de GBq de carbone 14), réacteurs nucléaires, retraitement du combustible nucléaire irradié, utilisations industrielles et en recherche (molécules marquées).

 

Ainsi, le carbone 14 existe en permanence et en tout lieu de notre environnement ; hors de l’influence d’une installation nucléaire, l’activité spécifique du carbone 14 dans la biosphère se situe actuellement autour de 242 Bq par kilogramme de carbone total et décroît lentement (-0,5% par an). Lorsqu’il est présent sous forme de gaz carbonique, le carbone 14 est assimilé par les plantes par photosynthèse et se retrouve, par la suite, dans l’ensemble de la chaîne alimentaire. Cet élément radioactif émettant uniquement un rayonnement bêta peu pénétrant n’entraîne pratiquement aucune exposition par irradiation externe lorsqu’il est dispersé dans l’environnement, et la voie prépondérante d’exposition de l’homme se fait par l’alimentation. La dose annuelle due au carbone 14 naturel est de 12 microsieverts. Il s’y ajoute une dose d’environ 1 microsievert par an en moyenne due aux rejets de carbone 14 par les activités nucléaires actuelles. Rappelons que l'exposition moyenne de la population française, résultant principalement de la radioactivité naturelle et des applications de santé (radiographies...), est de l'ordre de 2 millisieverts par an (2000 microsieverts).

 

A la suite du rejet de 2,26 GBq émis du 25 juin au 2 juillet 2008 par l’usine Socatri, les doses maximales susceptibles d’être reçues au voisinage du site ne devraient pas dépasser quelques microsieverts. L’IRSN, saisi par l’Autorité de sûreté nucléaire le 6 août, procède actuellement à une évaluation plus précise de ces doses ; les résultats seront disponibles et rendus publics dans les prochains jours.

 

De même, l’IRSN va engager rapidement une campagne de prélèvement de végétaux terrestres dans les secteurs les plus exposés aux rejets de l’usine Socatri et mettra en œuvre des techniques de mesure de haute précision afin d’identifier un éventuel marquage de ces végétaux attribuable au carbone 14 émis par l’usine depuis fin juin, s’ajoutant au bruit de fond naturel. Ces techniques impliquant un traitement d’échantillon long et rigoureux, les premiers résultats ne seront connus que fin août. Ils seront également rendus publics.