L’uranium (U) est un radioélément naturel,
généralement retrouvé à l’état de traces, mais dont la concentration
peut être significativement augmentée à proximité de certaines
installations du cycle du combustible nucléaire ou de zones
d’agriculture intensive. En raison de son association dans les minerais
avec différents éléments traces métalliques tels que le cadmium, l’U est
la plupart du temps présent en mélange avec d’autres contaminants dans
l’environnement. L’étude de leurs effets combinés est indispensable afin
de mieux appréhender le risque engendré par les contaminations
métalliques multiples pour les écosystèmes. L’évaluation de la toxicité
des mélanges et l’identification des interactions synergiques ou
antagonistes sont généralement réalisées sur la base de modèles
d’additivité de référence intégrés à des approches descriptives,
purement statistiques et sans réelles considérations biologiques. Plus
récemment, des modèles mécanistes ont été proposés en alternative afin
de mieux rendre compte de la dynamique des processus biologiques et des
mécanismes de toxicité des contaminants. Ceux-ci n’ont cependant été mis
en pratique que dans un nombre limité de cas d’étude de la toxicité des
mélanges.
L’objectif
de ce projet de thèse a été d’étudier les effets combinés chroniques de
l’U et du Cd sur les traits de vie du nématode Caenorhabditis elegans,
en utilisant en parallèle une approche descriptive (MixTox) et une
approche mécaniste (DEBtox). Pour cela, une exposition des nématodes à
différentes concentrations d’U et de Cd, seuls ou en mélange, a été
réalisée durant onze jours. Une interaction antagoniste importante entre
l’U et le Cd a été identifiée pour les critères d’effet de croissance
et de reproduction, à partir des deux approches. L’étude du transfert de
l’U et du Cd du milieu vers la nourriture ainsi que de leur
bioaccumulation par C. elegans nous a permis de montrer que la
coprésence d’U diminuait la fraction de Cd disponible pour l’exposition
des nématodes. Afin de déceler la présence d’une éventuelle interaction
au niveau des organismes, durant les phases toxicocinétique ou
toxicodynamique, les données d’effet ont été réanalysées à partir des
concentrations d’U et de Cd dans la nourriture, supposées plus proches
des concentrations disponibles pour C. elegans*. Des effets
combinés globalement additifs, sans interaction notable, ont été mis en
évidence pour l’U et le Cd même si des conclusions légèrement
contrastées ont été obtenues à partir des approches descriptives et
mécanistes. La présente étude permet d’illustrer la complexité de
l’étude des effets des mélanges et de l’identification des interactions
entre les substances. Malgré quelques difficultés d’application,
l’approche mécaniste DEBtox semble particulièrement prometteuse pour
décrire la toxicité de mélanges au cours du temps et tester d’éventuels
mécanismes d’interaction. À terme, le perfectionnement des outils
d’analyse des effets combinés des contaminants devrait permettre une
meilleure prise en compte de la problématique des mélanges dans les
démarches d’évaluation des risques.