Les activités anthropiques liées à l'industrie nucléaire
contribuent à des rejets continus de radionucléides dans les écosystèmes
terrestres et aquatiques. Au cours des dernières décennies, le risque
écologique des radiations ionisantes est devenu une préoccupation publique,
réglementaire et scientifique majeure pour la protection des écosystèmes. À ce
jour, très peu d’études se sont intéressées aux situations d’exposition
chroniques à faibles doses, bien que ces situations soient représentatives des
conditions environnementales réelles. Comprendre comment les radiations ionisantes
affectent les espèces au cours de plusieurs générations et à différents niveaux
d’organisation biologique est un enjeu majeur en radioécologie. Dans ce
contexte, les travaux réalisés au cours de ce doctorat visent à apporter de
nouvelles connaissances relatives aux effets des radiations ionisantes au cours
d’une exposition multigénérationnelle de l’invertébré aquatique, Daphnia magna. Pour répondre à cet
objectif, une stratégie en deux étapes a été mise en place. Tout d’abord, une
irradiation gamma externe à des débits de dose pertinents du point de vue
environnemental a été réalisée sur D.
magna pendant trois générations successives (F0, F1 et F2). Les objectifs
de cette démarche étaient d’évaluer si de faibles débits de dose d’irradiation
gamma externe induisaient une aggravation des effets sur la survie, la
croissance et la reproduction des daphnies au cours des générations et de
tester s’il existait une accumulation transgénérationnelle d’altérations à
l’ADN. Les résultats mettent en évidence une accumulation et une transmission
d’altérations de l’ADN au fil des générations, en parallèle d’une augmentation
de la sévérité des effets sur la croissance et la reproduction entre les
générations F0 et F2. Toutefois, des effets moins prononcés ont été observés au
cours de la génération F1, laissant présager des processus de réparation de
l’ADN transitoirement plus efficaces. Dans un second temps, les données
d’irradiation gamma externe et celles d’une étude antérieure de contamination
alpha interne ont été analysées à l’aide du modèle DEBtox (Budget d’Énergie Dynamique
appliqué à la toxicologie), afin d’identifier et de comparer les causes de
l’aggravation transgénérationnelle des effets entre les deux types de
rayonnements. Dans les deux cas, deux modes d’action métaboliques distincts ont
été nécessaire pour expliquer l’aggravation des effets sur la croissance et la
reproduction de D. magna au cours
des générations. Les résultats de modélisation suggèrent que les rayonnements
alpha et gamma agissent selon deux combinaisons différentes de modes d’action,
illustrant toute la complexité des processus biologiques mise en jeu. Ce projet
de recherche contribue à apporter des connaissances significatives sur les
effets chroniques des radiations ionisantes et indique clairement qu’il est
important, à l’avenir, d’étudier et de comprendre les effets
transgénérationnels des radiations ionisantes à faibles doses.