À la suite des accidents nucléaires de Tchernobyl et
Fukushima et de par l’utilisation croissante des radionucléides, la
radioprotection de l’environnement constitue une source de préoccupation
majeure. Des études démontrent une sensibilité aux rayonnements ionisants (RI)
accrue lors du développement embryonnaire. Cependant, il existe peu de données
sur les mécanismes moléculaires conduisant à des effets des RI sur
l’embryogenèse et de surcroit pour les expositions chroniques. Dans ce
contexte, l’objectif de cette thèse, est de mieux comprendre les effets d’une
exposition aux RI sur le développement du poisson zèbre (Danio rerio),
un organisme modèle en écotoxicologie et en biomédecine. Des œufs fécondés ont
été exposés à des rayons gamma émis par une source de 137Cs à des
débits de doses faibles à modérés (de 0,005 mGy/h à 50 mGy/h), puis analysés du
stade gastrula (6 heures) au stade larvaire (5 jours) par une approche
intégrative des effets moléculaire aux effets comportementaux.
Une partie de ce travail a porté sur l’étude des effets des
RI à un stade précoce de développement du poisson zèbre après une exposition
aux RI. Pour cela, une approche multi-omics avec l’étude du transcriptome et du
méthylome a été mise en place. Une étude transcriptomique au stade shield à des
débits de doses allant de 0,005 mGy/h à 50 mGy/h a été réalisée et a démontré
un effet modéré mais significatif sur la régulation du stress oxydatif et de
l’activité mitochondriale. À 5 et 50 mGy/h, les gènes impliqués dans le
développement du système nerveux central (SNC) et des muscles sont impactés.
L’étude du méthylome a permis de mettre en évidence une hypométhylation des
séquences promotrices des gènes impliqués dans le développement du SNC et des
muscles associé à une modification de l’expression des gènes. Ces résultats sur
des stades embryonnaires précoces, mettent en évidence des effets potentiels
sur le développement du SNC et des muscles. L’autre partie de ce travail a
porté sur l’évaluation des effets d’une exposition aux RI à des stades plus
tardifs du développement par une approche de biologie des systèmes. Pour cela
des analyses ont été réalisées de l’échelle moléculaire à l’échelle
phénotypique. À l’échelle moléculaire, une analyse multi-omics du transcriptome
et du protéome a mis en évidence la modulation de gènes impliqués dans la voie
de l’acide rétinoïque, le développement du SNC et des muscles chez des embryons
et des larves exposés à 0,5 ; 5 et 50 mGy/h. Le marquage par hybridation in-situ
a confirmé la modulation de l’expression des facteurs de transcription her4.4
dans le SNC et de myog dans les muscles des embryons exposés aux RI. Au
niveau tissulaire, une disruption des myofibrilles musculaires et une
altération des jonctions neuromusculaires ont été détectées chez les embryons
exposés à 5 et 50 mGy/h. Afin d’évaluer un effet individuel à l’échelle
phénotypique, le comportement locomoteur des larves a été évalué en situation
de stress. Une diminution significative de la motilité des larves a été
détectée entre 0,5 mGy/h et 50mGy/h.
Ces travaux ont montré des effets des RI sur le
développement du SNC et des muscles dès le développement précoce au niveau
moléculaire. Ces effets sont confirmés à des stades de développement plus
tardifs. Cette étude suggère donc que les perturbations moléculaires observées
au cours du développement précoce sont prédictives des effets observés à des
stades de développement plus tardifs. De plus ce travail de thèse, permet de
proposer un modèle d’« Adverse Outcome Pathway » où la dérégulation
de la voie de l’acide rétinoïque par une exposition aux RI conduirai à des
effets sur le développement du SNC et des muscles.