Les estuaires sont des systèmes dynamiques qui assurent le
transfert d’eau et de contaminants du fleuve vers la mer, y compris pour des
radionucléides rejetés par les installations nucléaires en situations normale
ou accidentelle.
Le césium 137 est récurrent en situation accidentelle et
persistant dans l’environnement. Il a une forte affinité avec les particules en
milieu fluvial mais se désorbe dans le gradient de salinité, ce qui favorise sa
dispersion en mer et son transfert vers les organismes marins.
Un des objectifs de l’Institut de Radioprotection et de
Sûreté Nucléaire (IRSN) est de prédire et quantifier la radioactivité
transitant sur le continuum fleuve-mer en recourant à la modélisation. Cette
modélisation pour des radionucléides dissous est déjà assurée par deux modèles
indépendants pour les parties fluviale et marine (CASTEAUR et STERNE), mais
leur couplage n’existe pas. Or, il est nécessaire pour améliorer les capacités
de prédiction et anticiper des mesures de mitigation. La fonction de transfert
de l’estuaire, différente d’un continuum à l’autre, doit y être définie et
intégrée pour simuler le mélange des eaux et la désorption, en particulier pour
le 137Cs.
Cette thèse présente un nouveau modèle boîte (DRACAR)
décrivant les processus estuariens hydrodynamiques et géochimiques qui
affectent le devenir du 137Cs dans un estuaire. Cette approche est
généralisable à d’autres radionucléides, et permettra d’augmenter la cohérence
des entrées-sorties des deux modèles et de les interfacer. Le site d’étude est
le continuum Rhône-Méditerranée qui présente 4 centrales nucléaires sur le
Rhône et un estuaire stratifié comme la plupart des estuaires nucléarisés dans
le monde.
DRACAR réalise la jonction des flux du Rhône vers la mer et
prend en compte les phénomènes de désorption. Il a été alimenté et validé par
des données de terrain pour représenter les processus hydrodynamiques comme la
diffusion et l’advection.
L’augmentation de salinité favorise la désorption du 137Cs
mais ce processus général est mal contraint. Cette désorption a été
caractérisée grâce à une synthèse bibliographique exhaustive et des
expérimentations de laboratoire sur des particules du Rhône, qui ont permis de
préciser le rôle, l’intensité et les cinétiques de ce processus utilisables
dans DRACAR. La désorption du césium commence au seuil de 3 à 4 de salinité, et
elle est d’autant plus forte que la durée de contamination des particules
(phase d’adsorption) a été courte (quelques heures). Un modèle d’échange
dynamique impliquant 2 sites de différentes affinités sur les particules est le
plus apte à prédire la distribution du césium sur le gradient de salinité.
Dans la majorité des conditions le panache fluvial n’existe
qu’à l’extérieur du fleuve, et dans ce cas la désorption est simulée à la
sortie en mer. Mais d’après DRACAR un coin salé remonte dans le lit du Rhône
pour un débit inférieur à 1700 m3/s et va apporter du sel à la couche de
surface. En dessous de 700 m3/s ces apports sont suffisants pour que
la salinité du panache interne dépasse 3. Des simulations dans cette zone
estuarienne interne montrent qu’une désorption de 40 à 50 % du césium des
particules pourrait y avoir lieu avant la sortie en mer.
Pour anticiper les conséquences d’une dispersion en mer de
césium, la dernière partie de la thèse s’attache à catégoriser les états
hydroclimatiques (conditions de vents et débits) les plus fréquents à
l’embouchure grâce à un algorithme de fuzzy clustering. 6 scénarios
récurrents avec des variabilités saisonnières ont été identifiés. Une
simulation de rejet dans le Rhône a été faite avec les modèles couplés et elle
a été testée sur ces 6 scénarii pour évaluer les schémas de dispersion. Cette
approche a permis d’identifier des conditions pénalisantes où le 137Cs est
totalement exporté sous phase dissoute et où le panache radioactif est bloqué à
l’embouchure ou exporté vers le Golfe de Fos