Validation de modèles hydrodynamiques de dispersion en mer macrotidale à l'aide de radiotraceurs solubles.

  • La recherche

  • Recherche

10/09/2003

BAILLY DU BOIS P.

Séminaire en océanographie physique côtière. Brest (France) 15 au 17 septembre

Type de document > *Congrès/colloque
Mots clés publication scientifique > radioécologie marine et estuarienne , Manche , modélisation , traceurs
Unité de recherche > IRSN/DEI/SECRE/LRC
Auteurs > BAILLY DU BOIS Pascal

  L'évaluation de l'impact de rejets de substances polluantes en milieu marin, que ce soit en situation normale ou accidentelle, apparaît comme un besoin de plus en plus aigu. En ce qui concerne la Manche, une part importante du commerce mondial y transite et de nombreux émissaires de rejet industriels y aboutissent. Les modèles hydrodynamiques permettent de simuler la dispersion de substances solubles avec des emprises et des résolutions de calcul très variables. Pour être validés, ces modèles nécessitent des données de terrain ayant une étendue et une précision comparable. Les mesures de radiotraceurs rejetés par les usines de retraitement de combustibles nucléaires constituent des opportunités exceptionnelles pour réaliser de telles validations. C'est le cas en particulier des rejets liquides de l'usine de La Hague : ils sont parfaitement connus, rejet par rejet depuis 1982 ; certains radionucléides ont un comportement conservatif dans l'eau de mer ; les rejets de La Hague constituent la principale origine de ces traceurs à l'échelle de la Manche et de la Mer du Nord ; la base de données de mesures de terrain disponible pour la validation est particulièrement importante.

Le modèle de courants résiduels de marée TRANSMER permet de reconstituer ou prévoir la dispersion de rejets chroniques de radionucléides en milieu marin. Il simule le devenir de substances introduites dans l'écosystème marin à partir de termes sources, de vents et de marées réels en calculant les concentrations dans l'eau de mer, les espèces vivantes et les sédiments. Son emprise s'étend de l'île de Noirmoutier jusqu'au Danemark. Elle englobe la Mer d'Irlande, une partie de la Mer Celtique, le nord du Golfe de Gascogne, l'ensemble de la Manche et le sud de la Mer du Nord. Les substances prises en compte par TRANSMER peuvent être radioactives ou non, elles doivent avoir un comportement soluble lorsqu'elles sont transportées par l'eau de mer (densité proche de celle de l'eau de mer). TRANSMER calcule la dispersion dans l'eau de mer en exploitant des données de courants résiduels de marée pré­calculés par un modèle hydrodynamique de courants instantanés à deux dimensions, les vitesses et concentrations étant moyennées sur la verticale. Les résultats sont exploitables une semaine après un rejet et au-delà de 20 kilomètres de ce point de rejet avec un pas d'espace de un kilomètre. La durée des simulations peut atteindre plusieurs dizaines d'années (une heure de calcul par année de simulation avec un ordinateur de bureau).

Le modèle hydrodynamique de TRANSMER a fait l'objet d'un important effort de validation qualitative et quantitative à l'aide de 1469 mesures de concentrations de radionucléides solubles acquises en Manche et Mer du Nord entre 1988 à 1994. Après validation, le coefficient de corrélation entre les concentrations mesurées et simulées est de 0,88 et l'écart moyen entre les quantités de radionucléides calculées et mesurées est inférieur à 1%. Le principal paramètre d'ajustement du modèle est le mode de calcul de la force de frottement du vent sur la mer.

TRANSMER n'est pas utilisable dans le champ proche d'un émissaire de rejet et pour des durées de simulation inférieures à la semaine. Afin de combler cette lacune, un programme de recherche a débuté en 2002 afin à valider les paramètres de dispersion par des données de terrain pour le court terme (de l'heure à la semaine) et les petites distances (de 100 m à 30 km). Ce programme de dispersion en champ proche, DISPRO, s'appuie sur un modèle de courants instantanés 2D de maille 100m, associé à des mesures de terrains acquises à haute fréquence dans le panache d'un émissaire de rejet. Le traceur utilisé est le tritium, strictement conservatif associé à la molécule d'eau. Plus de 6000 échantillons ont été collectés, et 5000 mesures de tritium sont déjà acquises. Ces mesures sont complétées par des mesures courantologiques et bathymétriques obtenues depuis 2002, et de suivis de flotteurs réalisés antérieurement. Les premiers résultats confirment la représentativité du modèle hydrodynamique, les principaux écarts proviennent des imprécisions bathymétriques. Ces résultats constituent une base solide pour affiner les paramètres de dispersion pour des conditions réelles de rejet, de marée et de vent, dans une zone où la dynamique des courants est particulièrement active (le raz Blanchard au large du Cap de La Hague).

Les résultats acquis sont destinés à être généralisés à l'ensemble des côtes françaises soumises à un régime macrotidal au moyen de modèles de résolution plus grossière. L'objectif ultime est de disposer d'un modèle réaliste ayant une incertitude connue pour la simulation de la dispersion de substances solubles naturelles ou d'origine anthropique, pour des conditions de rejets chroniques ou accidentels.