Incidence des leucémies infantiles à proximité des installations nucléaires : résultats d'une étude multi-sites en France

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16/06/2005

Titre du congrès :SFRP Ville du congrès :Nantes Date du congrès :14/06/2005

Type de document > *Congrès/colloque
Unité de recherche > IRSN/DRPH/SRBE/LEPID
Auteurs > CLAVEL Jacqueline , HEMON Denis , JOUGLA Eric , LAURIER Dominique , TIRMARCHE Margot , WHITE-KONING Mélanie

L'objectif de cette communication est de présenter les résultats d'une étude de l'incidence des leucémies à proximité des sites nucléaires français récemment publiée dans le British Journal of Cancer (White-Koning et al, 2004), en replaçant la situation française dans un contexte international. Depuis 1984 de nombreuses études épidémiologiques ont concerné le risque de leucémie chez les jeunes à proximité de sites nucléaires (Laurier et al. 2002). Des études locales ont mis en évidence des concentrations de cas de leucémie anormalement élevées à proximité de sites nucléaires, en particulier en Grande-Bretagne à proximité des usines de retraitement de Sellafield et de Dounreay, ou plus récemment en Allemagne à proximité de la centrale de Krümmel. Néanmoins, les études effectuées à l'étranger autour de plusieurs sites simultanément ne montrent pas une fréquence de leucémies chez les jeunes plus élevée à proximité des sites nucléaires qu'ailleurs. En France, un excès de leucémies avait été suggéré en 1995 à proximité de l'usine de retraitement de combustibles irradiés de La Hague (Viel et al, 1995). Néanmoins, l'absence d'un registre national ne permettait pas d'étudier l'incidence des leucémies de l'enfant sur l'ensemble du territoire, et seules des études de mortalité avaient pu considérer plusieurs sites simultanément (Hattchouel et al,1995). Une étude d'incidence a été réalisée récemment, sur la base des données du registre national des leucémies de l'enfant de l'INSERM-U170 (Clavel et al, 2004). L'étude a considéré 29 sites nucléaires abritant des installations nucléaires de base, répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain : 19 centrales EDF, le surgénérateur Superphénix de Creys-Malville (EDF), 6 centres de recherche CEA, l'usine de retraitement de La Hague (COGEMA), le site de Marcoule (COGEMA/CEA) et l'usine de production de combustible de Romans-sur-Isère (FBFC). Au total, l'étude inclut 670 cas de leucémies diagnostiqués entre 1990 et 1998 chez des enfants de 0 à 14 ans résidant à moins de 20 km de l'un des 29 sites considérés. Autour de chacun de ces sites, des zones concentriques de 5 km de rayon ont été définies (0-5, 5-10, 10-15 et 15-20 km). La population de 0 à 14 ans de 1990 à 1998 a été déterminée à l'intérieur de chacune de ces zones par la méthode d'interpolation diagonale entre les recensements. Le nombre de cas attendus dans chaque zone a été calculé à partir des taux nationaux de leucémie et des effectifs de la population locale dans les différentes classes d'âge. Le risque relatif de leucémie dans chaque zone est estimé par la méthode classique du ratio d'incidence standardisé, c'est-à-dire le rapport du nombre de cas observés sur le nombre de cas attendus. L'intervalle de confiance à 95% associé à cette estimation a été systématiquement calculé. Plusieurs méthodes statistiques ont été appliquées pour tester l'existence d'une variation du risque relatif de leucémie avec la distance par rapport aux sites nucléaires. Au total, le nombre de cas observés dans un rayon de 20 km autour des 29 sites nucléaires considérés est de 690, pour 729,1 cas attendus (ratio d'incidence standardisé = 0,92 ; intervalle de confiance à 95% = [0,85 – 0,99]). Les analyses par classe d'âge, par type d'installation, par puissance électrique ou par date de mise sur le réseau (pour les centrales EDF) ne font pas apparaître d'excès de risque. Il n'apparaît pas de décroissance du risque relatif avec la distance par rapport aux sites. Localement, des excès significatifs de cas sont notés à proximité des centrales de Chinon et de Civaux et un déficit significatif de cas est noté autour des sites de Bruyère-le-Chatel, Saclay et Fontenay-aux-Roses. Compte tenu de la multiplicité des tests statistiques effectués, ces résultats sont tout à fait compatibles avec un effet aléatoire, et aucun résultat statistiquement significatif ne persiste après application d'une méthode de correction de test multiple. Cette étude fournit la première analyse du risque de leucémie autour de l'ensemble des sites nucléaires français reposant sur des données de morbidité. Sachant que le taux de rémission des leucémies chez les enfants est de l'ordre de 75%, cet indicateur de r isque est nettement plus pertinent que la mortalité. De plus, la présente étude porte sur un effectif important (plusieurs centaines de cas), et permet de réduire les difficultés d'interprétation liées aux très faibles effectifs observés dans les études locales (souvent quelques cas à quelques dizaines de cas). Néanmoins, il est important de conserver à l'esprit les limites méthodologiques inhérentes à l'approche utilisée (données agrégées par unité géographique, pas de contrôle des migrations, absence de donnée d'exposition…), et ces résultats ne doivent être interprétés que pour leur intérêt descriptif. En particulier, les résultats de cette étude, et plus généralement les données du registre national des leucémies de l'enfant, fournissent un contexte général qui permettra de mettre en perspective l'éventuelle observation d'agrégats de leucémies localisés dans le futur. En conclusion, cette étude ne montre pas d'augmentation de l'incidence des leucémies chez les enfants de 0-14 ans résidant à proximité des 29 installations nucléaires françaises considérées entre 1990 et 1998.

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