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Dans ce numéro, Focus sur
L'endothélium et les lésions intestinales radio-induites


Les cellules endothéliales en apoptose ont pu être visualisées à l'aide de la technique Tunel (en vert) associée au marquage CD31 (en rouge) spécifique des cellules endothéliales. Les cellules endothéliales en apoptose présentent à la fois le marquage ver Deux thèses soutenues récemment ont approfondi la compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans le développement des lésions radio-induites de l'intestin après une radiothérapie de la sphère abdomino-pelvienne. L'une a confirmé le rôle important d'une protéine, PAI-1, dans la fibrose après irradiation. L'autre a révélé le rôle des mastocytes dans le maintien de l'inflammation post-irradiation. Ces deux facteurs focalisent l'attention sur le fonctionnement spécifique de la cellule de l'endothélium après une irradiation, qui pourrait ouvrir la voie à de futures approches thérapeutiques des effets secondaires des radiothérapies.

 
La recherche en radioprotection : à chaque principe, son potentiel de progrès

La mise en œuvre des activités nucléaires doit s'effectuer dans le respect des trois principes fondamentaux de radioprotection érigés par le Code de la Santé publique : la justification, l'optimisation et la limitation des expositions humaines aux rayonnements ionisants. Le respect de ces principes de gestion vise à protéger les personnes (travailleurs, patients, public).

Pour autant, les modalités d'application des principes sont directement liées à l'état des connaissances dont deux articles de ce numéro illustrent des progrès : des modélisations plus fines de l'humain mettent en lumière un potentiel d'optimisation des doses délivrées en médecine nucléaire. De même, les travaux sur les dommages radio-induits dans la sphère gastro-intestinale ouvrent des voies prometteuses pour faire évoluer dans un sens plus favorable la balance avantages / détriments de santé (fondant la justification) pour les patients traités par radiothérapie ; voies d'autant plus utiles qu'elles pourraient les aider à surmonter certains effets secondaires indésirables difficiles à vivre au quotidien.

Ainsi, l'avancée des connaissances en protection de l'homme constitue un moteur essentiel du progrès dans l'application des principes de radioprotection.

Matthieu Schuler,
Directeur de la stratégie, du développement et des partenariats
Dosimétrie interne
Une dosimétrie de plus en plus personnalisée
Une thèse à l'IRSN a quantifié l'intérêt d'utiliser des représentations morphologiques réalistes du corps humain pour calculer les doses reçues lors d'actes de médecine nucléaire. Ces outils permettront à l'avenir d'optimiser les doses aux patients, à service médical équivalent.

La médecine nucléaire concerne 35 millions de patients chaque année dans le monde. Grâce à l'injection d'un radiopharmaceutiqueGLO dans le corps, elle permet de diagnostiquer ou de traiter des pathologies. En contrepartie du bénéfice médical, les patients sont exposés à des rayonnements ionisants (1). Les principes de la radioprotection exigent que cette exposition soit optimisée. Un travail de thèse mené à l'IRSN par Lama Hadid a quantifié l'avantage, pour mieux évaluer les doses reçues, d'utiliser une représentation morphologique réaliste du corps humain, voire les caractéristiques réelles du patient. 

Fantôme mathématique de Cristy et Eckerman pour un adulte. Cristy M. Mathematical Phantoms Representing Children of Various Ages for Use in Estimates of Internal Dose. Oak Ridge National Laborator, 1980. ORNL/NUREG/TM-367

Dans le cas du diagnostic, qui implique des doses relativement faibles, la dosimétrieGLO est estimée à partir de valeurs de référence calculées à l'aide de modèles mathématiques simplifiés du corps humain. Mais la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) vient d'abandonner ces modèles pour adopter des fantômes voxelisésGLO, représentations plus réalistes. Ils correspondent à des morphologies moyennes de la population européenne et nord-américaine.


[ Fantômes voxélisés et anatomie réelle ] 

Les doses absorbéesGLO par 24 organes des fantômes voxélisés ont été calculées pour 11 radiopharmaceutiques à l'aide du logiciel OEDIPE et des modèles biocinétiquesGLO de la CIPR. Ainsi calculée, la dose absorbée par certains organes peut être quatre fois plus importante que la dose de référence obtenue avec les modèles mathématiques antérieurs, montrant le gain apporté par le changement de la CIPR.

Fantômes voxélisés de référence de la CIPR 110 : homme adulte à gauche et femme adulte à droite.

Pour 8 radiopharmaceutiques, ces nouvelles doses moyennes de référence ont ensuite été comparées aux doses calculées pour l'anatomie réelle de 12 patients. Excepté pour un organe particulier (œsophage), les différences entre les doses absorbées par les organes, spécifiques de l'anatomie des 12 patients, et celles obtenues avec les fantômes voxelisés varient de 0 à près de 100 % après avoir effectué les corrections de masse (2). Ces résultats fournissent un ordre de grandeur de l'incertitude induite par les fantômes voxélisés de la CIPR pour évaluer les doses en médecine nucléaire diagnostique. Malgré l'importance de l'écart relatif, l'opportunité d'utiliser un calcul « anatomie réelle » n'apparait pas évidente pour chaque acte diagnostic, au vu des niveaux de doses en jeu.


[ En thérapie ]

Fantômes voxélisés de référence de la CIPR 110 : homme adulte à gauche et femme adulte à droite.

En appliquant une dosimétrie personnalisée à un patient traité pour un cancer du foie par injection de microsphères marquées à l'yttrium 90, Lama Hadid a montré qu'il est possible de réaliser une dosimétrie qui prend en compte la répartition hétérogène réelle du radionucléide dans le corps du patient. Cette possibilité offre un intérêt tout particulier pour optimiser la dose délivrée à la tumeur tout en protégeant au mieux les tissus sains. Compte-tenu des niveaux mis en jeu durant une thérapie, son application clinique en routine est à l'étude.

CollaborationHelmholtz Zentrum München (Allemagne) ; Université de Floride (États-Unis) ; Institut Curie ; Hôpital européen Georges Pompidou.

Contact :
Aurélie Desbrée
(Laboratoire d'évaluation de la dose interne)
(1) Si la médecine nucléaire ne représente que 1,6 % des actes diagnostiques médicaux en France, elle génère 10 % de la dose efficaceGLO annuelle due aux expositions médicales, qui est passée de 0,83 mSv en 2002 à 1,3 mSv en 2007 en moyenne par an et par individu.
(2) La correction de masse consiste à utiliser dans le fantôme voxélisé les masses réelles des organes de patients.

Apoptose
Mort cellulaire programmée (selon un programme génétique établi), induite ici par l'irradiation. C'est une composante normale du développement d'un organisme multicellulaire, qui aboutit à la mort de cellules particulières, à certains endroits, à un moment précis. L'apoptose sert notamment à éliminer les cellules « usées ».

Criticité
Le risque de criticité est celui de l'emballement des réactions neutroniques en chaîne. Les conditions d'un tel accident dépendent notamment de la masse, de la géométrie, de la modération par des produits hydrogénés et de l'environnement de la matière fissile.

Dose absorbée
Énergie absorbée par la matière par unité de masse, exprimée en Gray (Gy).

Dosimétrie
Évaluation de la dose de rayonnement reçue lors de l'exposition à une source radioactive.

Endothélium vasculaire
Couche la plus interne des vaisseaux sanguins, formée d'une monocouche de cellules endothéliales, en contact direct avec le sang.

Entérite radique
Se caractérise par des lésions de la paroi intestinale dues à la radiothérapie de l'abdomen ou du bassin.

Exprimé
Être transcrit puis traduit en protéine.

Fantôme voxélisé
Représentation en trois dimensions d'un corps humain, créée à partir des scanners de ce corps. Les fantômes voxélisés standards correspondent à des morphologies moyennes de la population européenne et nord-américaine.

Fibrose
Remplacement progressif des tissus lésés par du tissu conjonctif, qui est normalement limité à la formation de la cicatrice et cesse spontanément. La fibrose dite « pathologique » est en général le stade ultime de l'inflammation chronique. Elle se traduit par une accumulation excessive de tissu conjonctif (par les fibroblastes et les cellules musculaires lisses) dont la production ne cesse pas. Elle compromet le fonctionnement de l'organe.

Logiciel 0D
Un logiciel 0D utilise une modélisation simplifiée de la physique en supprimant la dimension spatiale par le regroupement de certains paramètres en des entités discrètes qui approximent le comportement global.

Logiciel CFD
Computational Fluid Dynamics, logiciel multidimensionnel de résolution des problèmes de dynamique des fluides.

Longueur d'extinction
Distance maximale parcourue par un photon émis depuis la surface d'un crayon avant d'être pratiquement absorbé par la matière.

Médiateurs mastocytaires
Le mastocyte est une cellule granuleuse présente essentiellement dans les tissus conjonctifs et les muqueuses, qui contient de très nombreuses granulations elles-mêmes contenant des médiateurs chimiques comme la sérotonine, l'histamine, la tryptase ou l'héparine. Lorsqu'il est en contact avec un allergène, il « dégranule » et libère ces médiateurs de façon très rapide.

Modèles biocinétiques
Ces modèles définissent la répartition et l'accumulation de la radioactivité dans le corps selon les produits utilisés.

Radiopharmaceutique
Élément radioactif associé ou non à un vecteur spécifique d'une cible biologique.

siRNA
Small interferring RNA ou « petits acides ribonucléiques (ARN) interférents ». La technique siRNA consiste à introduire dans une cellule ces petits ARN simple ou double brin. Leur interférence avec un ARN messager spécifique conduit à la dégradation de celui-ci et à son « extinction ».

Transfert radiatif
Mode de transfert de chaleur résultant des rayonnements (photons) émis et absorbés par deux parois de températures différentes. Il se distingue ainsi de la conduction (éventuellement augmentée par la convection) qui se fait par mouvement des atomes ou molécules.


Prix

Miloud Chahlafi, lauréat d'un prix 2011 de la Fondation EADS

Miloud Chahlafi recevra le 28 mars 2012, le prix de la meilleure thèse en sciences de l'ingénieur décerné par la fondation EADS en 2011. Il a effectué sa thèse (voir ci-contre, Formation par la recherche) au Laboratoire d'étude et de simulation des accidents majeurs (Lesam) de l'IRSN et au Laboratoire EM2C de l'École centrale Paris, et l'a soutenue en janvier 2011.
La fondation EADS récompense chaque année six thèses qui ont contribué à une avancée significative de la recherche, en explorant de nouvelles voies, en proposant de nouveaux paradigmes, ou en établissant de nouvelles interfaces entre disciplines.

Soutenance de HDR

Transfert des radionucléides

Denis Maro, chercheur du Laboratoire de radioécologie de Cherbourg-Octeville de l'IRSN, a soutenu son habilitation à diriger des recherches (HDR) sur le thème « Transfert des radionucléides sous forme de gaz et d'aérosols dans les environnements complexes : études expérimentales de dispersion atmosphérique et d'échanges aux interfaces », le 2 décembre 2011 à l'École centrale de Nantes.

Criticité
Lorsque la réactivité d'une solution de plutonium augmente avec la température
Un programme de l'IRSN a, pour la première fois dans le monde, réuni les conditions expérimentales confirmant que la réactivité nucléaire d'une solution de plutonium peut, sous certaines conditions, augmenter avec la température.

Des études théoriques menées depuis quinze ans ont montré que la réactivité nucléaire de certaines solutions très diluées de plutonium peut, de façon paradoxale en criticitéGLO, augmenter avec la température. Les conditions de ce phénomène pourraient se trouver réunies dans une installation de retraitement du combustible nucléaire et influer sur la cinétique et la puissance d'un éventuel accident de criticité. Le programme Pu-Température de l'IRSN visait à mettre en évidence expérimentalement ce phénomène.

Cuve de l'appareillage B du Centre de recherche de Valduc (CEA)

[ Identifier un effet de très faible ampleur ]

Pour identifier l'augmentation de réactivité, les chercheurs de l'IRSN ont comparé, avant et après avoir élevé la température, les volumes de solution de nitrate de plutonium nécessaires pour atteindre le seuil critique dans la cuve de l'installation expérimentale utilisée. Comme le niveau critique de nitrate de plutonium à la température la plus élevée est inférieur à celui relevé à la température la plus basse, la réactivité du système a augmenté. 14 expériences ont ainsi été réalisées pour tester l'évolution de la réactivité de la solution pour des valeurs de température et de concentration prévues par les études théoriques.

Pour chacune, la solution était chauffée à la température voulue dans un réservoir, et introduite dans la cuve expérimentale jusqu'à un niveau nettement inférieur à celui correspondant à la criticité. Puis des quantités de plus en plus petites de solution étaient ajoutées en se rapprochant de l'état critique tout en maintenant une marge de sécurité, la hauteur critique de solution étant déterminée par extrapolation.

Mais, en vidangeant la cuve du dispositif à chaque fois, il n'était pas certain que la composition chimique de la solution restât strictement identique. Cette incertitude n'a pas permis de mettre en évidence l'augmentation de réactivité lors des premiers essais. Ce problème a été résolu en chauffant directement la solution dans la cuve lors des derniers essais. L'augmentation de la réactivité de la solution avec la température a été constatée pour une concentration de plutonium égale à 14,3 g/l : le niveau de solution relevé à 28 °C était inférieur de 1,3 cm à celui relevé à 22 °C, correspondant à une augmentation de réactivité de 0,013 %.


[ Une confirmation numérique à venir ]

De nouvelles données nucléaires, obtenues en collaboration avec l'Institut Laue Langevin, devraient permettre de simuler cet effet. D'ores et déjà, l'IRSN qui est le premier à avoir mis en évidence ce phénomène expérimentalement, prépare un modèle d'expériences afin de permettre à la communauté scientifique internationale de confronter ses logiciels de simulation numérique à cet effet de réactivité dans le cadre d'un exercice comparatif organisé par l'OCDE.

CollaborationCEA-Valduc.

Contact :
Wim Haeck
(Laboratoire d'expertise et de recherche en neutronique des réacteurs - LNR)
Accidents de fusion du cœur
Pour mieux simuler les effets de l'aspersion en cas d'accident
Deux expériences menées à l'IRSN ont permis d'éprouver la précision de plusieurs logiciels existant dans le monde pour simuler certains effets de l'aspersion, dont l'efficacité est un facteur clé pour la maîtrise d'une situation d'accident de fusion dans un réacteur nucléaire.

Si un accident avec fusion du cœur survenait dans un réacteur nucléaire, un système d'aspersion par sprays serait activé en haut du bâtiment du réacteur. Les effets induits sont, d'une part de réduire la pression en refroidissant les mélanges gazeux – dont la vapeur qui s'échapperait accidentellement – d'autre part de mélanger l'hydrogène éventuellement produit, limitant ainsi les risques d'explosion.

Étudier l'efficacité de ce système passe par la simulation numérique, dont les modèles sont validés à l'aide d'études expérimentales à petite échelle. Certaines de ces expériences menées à l'IRSN ont permis récemment de confronter les résultats (benchmarks) que donnent différents logiciels pour deux des principaux phénomènes en jeu : l'effet de l'aspersion sur la dépressurisation et sur la cinétique du mélange gazeux.


[ Les échanges entre la vapeur et les gouttes ]

Le premier phénomène a été étudié avec l'expérience Tosqan 101 (1), qui a reproduit une dépressurisation d'un mélange air-vapeur par un spray. La majorité des simulations réalisées par les différents logiciels ont abouti à une dépressurisation de l'enceinte plus rapide que dans l'expérience, donc trop optimiste. Afin d'identifier l'origine de ce décalage, la modélisation de phénomènes élémentaires, notamment les échanges de masse et de chaleur entre la vapeur et les gouttes (évaporation et condensation de vapeur d'eau sur une goutte) par les logiciels a été comparée. Les essais Caraidas (2) de chute d'une goutte dans un environnement pressurisé en air et en vapeur, ont servi de base de travail. Les résultats de ce benchmark élémentaire ont montré que les différences observées entre les logiciels provenaient du choix des paramètres dans le calcul du flux de masse entre le gaz et les gouttes.

L’expérience Calist de l’IRSN permet de générer des sprays d’envergure et de débit similaires à ceux des 500 buses des réacteurs nucléaires français. Les mesures d’entraînement des gaz sont effectuées à l’aide de techniques optiques non–intrusives (laser).


[ Le mélange gazeux entraîné par le spray ]

La simulation de la cinétique de dilution de l'hydrogène dans l'espace a été étudiée avec l'essai Tosqan 113 (1) qui s'est déroulé en deux phases : une première phase de mélange rapide, dans toute l'enceinte, d'une couche d'hélium dans le dôme de l'enceinte simulant une « bulle » d'hydrogène ; puis une phase, beaucoup plus lente, de mélange d'une couche d'hélium résiduelle « coincée » au-dessus de la buse d'aspersion. Les logiciels 0DGLO, qui, actuellement, modélisent la chute de gouttes sans entraînement du gaz, reproduisent logiquement mal ce phénomène. Mais les codes multi-dimensionnels (CFD) ont également montré certaines limites essentiellement pour la deuxième phase de l'expérience. La cause pourrait aussi se trouver dans la modélisation de l'entraînement du gaz par les gouttes du spray. Un benchmark élémentaire a donc été proposé sur l'expérience Calist (voir photo). Les résultats de ce benchmark sont attendus en 2012.

CollaborationRéseau d'excellence européen Sarnet et Sarnet-2 (6ème et 7ème PCRD)

Contacts :
Jeanne Malet
(Laboratoire d'études et de modélisation en aérodispersion et confinement - Lemac)
Emmanuel Porcheron
(Laboratoire d'expérimentations en confinement, épuration et ventilation - Lecev)
(1) Réalisée dans l'installation Tosqan de l'IRSN qui permet de simuler des conditions thermo-hydrauliques d'un accident grave affectant le cœur d'un réacteur nucléaire.
(2) L'installation Caraidas de l'IRSN a été construite pour étudier la condensation et l'évaporation de la vapeur sur une goutte, ainsi que la collecte d'aérosols et le piégeage de l'iode par une goutte en chute verticale.
Séismes
Mieux modéliser l'interaction entre le sol et les bâtiments soumis à un séisme
L'interaction du sol avec les éléments de structure d'un bâtiment est importante pour déterminer son comportement en cas de séisme. La thèse d'Ali Gandomzadeh permet de mieux prendre en compte la nature complexe des sols et son impact sur l'évaluation de cette interaction.

Pour étudier le comportement des bâtiments soumis à un séisme, les ingénieurs utilisent des modèles de transmission des ondes sismiques entre le sol et la structure de génie civil qui les compose (interaction sol-structure). En général, le sol y est représenté de façon simplifiée en une dimension, et son comportement est supposé linéaire, c'est-à-dire qu'il revient à son état initial après le passage du séisme.

Or, ces approximations ne sont plus réalistes dès que la géologie du lieu est complexe ou si l'intensité des secousses sismiques devient importante : le comportement du sol devient alors non-linéaire, ce qui signifie que des déformations permanentes apparaissent.

Les travaux d'Ali Gandomzadeh visaient d'une part, à rendre compatible un modèle réaliste de la non-linéarité du sol soumis à un séisme avec un logiciel de calcul des structures, d'autre part, à évaluer l'influence d'un comportement non linéaire du sol sur l'interaction sol-structure.


 


[ Un modèle réaliste, facile à paramétrer ]

Parmi les modèles élasto-plastiques capables de représenter la non-linéarité du sol, celui qu'Ali Gandomzadeh a choisi (1) ne demande que peu de données de terrain pour son paramétrage. Sur la base de ce modèle et en utilisant une méthode de résolution aux éléments finis en deux dimensions, il a développé un module de simulation du comportement non linéaire du sol dont les résultats ont été vérifiés grâce à ceux de logiciels de sismologie. De plus, il a élaboré une méthode simple d'atténuation des ondes pour éviter leur réverbération sur les bords de la surface modélisant le sol : créée artificiellement par le calcul, la réverbération peut entraîner des interférences parasites. Ces différents éléments ont alors été implantés dans le logiciel de calcul de génie civil CESAR-LCPC (2) qui permet de faire, à la fois, le calcul du comportement des structures et la représentation mécanique des sols et des roches.

L'ensemble a été testé sur plusieurs cas numériques. Un test de prévision a par exemple été réalisé sur un modèle 2D du bassin de Nice en tenant compte de la complexité des couches géologiques (en termes de géométrie et de propriétés mécaniques). Des phénomènes caractéristiques de la réponse non-linéaire du sol, et en particulier les changements de fréquence de la résonance sous une forte sollicitation sismique, ont ainsi pu être quantifiés.


[ Des modèles simplifiés pour des applications opérationnelles ]

Ce logiciel permet d'étudier des cas réalistes d'interaction sol-structure. Cependant le temps de calcul est relativement long. Des méthodes simplifiées doivent être développées pour réduire le temps de calcul tout en conservant une résolution suffisamment précise.

CollaborationInstitut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar).

Contact :
Fabian Bonilla
(Bureau d'évaluation des risques sismiques pour les installations - Berssin)
(1) Développé par un chercheur de Caltech, Bill Iwan.
(2) CESAR-LCPC est un progiciel de calcul fondé sur la méthode des éléments finis et adapté à la résolution des problèmes du génie civil et de l'environnement : calcul de structures, mécanique des sols et des roches, thermique, hydrogéologie, etc.
Bulles Formation par la Recherche
Accidents de fusion du cœur
Une méthode Monte Carlo pour simplifier l'équation de transfert radiatif
À l'aide d'une méthode de type Monte Carlo, Miloud Chahlafi a estimé l'intensité des transferts de chaleur radiatifs dans un cœur de réacteur nucléaire accidenté, donnée fondamentale pour l'évolution de l'accident.

En cas d'accident grave d'un réacteur nucléaire, comme cela est arrivé sur les réacteurs de Fukushima en 2011, la chaleur est évacuée principalement par rayonnement. Ce transfert radiatifGLO de la chaleur est plus ou moins efficace selon la géométrie du cœur qui se dégrade, et influence donc la progression de cette dégradation. Simuler l'évolution d'un accident nécessite donc de calculer ce transfert. Or, si le calcul est simple pour des crayons de combustible nucléaire intacts (disposition périodique), il s'avère beaucoup plus complexe quand les crayons sont endommagés.


[ Longueur d'extinction... ]

Pour surmonter cette difficulté, la thèse de Miloud Chahlafi a adopté une démarche nouvelle pour estimer précisément le transfert radiatif et aboutir à un modèle approché. Il a reconstitué la géométrie en 3D d'un cœur dégradé à l'aide des tomographies de crayons obtenues après les essais du programme Phébus-PF (1). Puis il a simulé le rayonnement thermique par un lancement aléatoire de photons (méthode statistique Monte Carlo). Ceci a permis d'estimer la longueur d'extinctionGLO du rayonnement et les caractéristiques d'absorption et de diffusion du rayonnement dans le milieu, paramètres qui interviennent dans l'équation de transfert radiatif en 3D.




[ ... et conductivité radiative ]

Miloud Chahlafi a ainsi montré que ces grandeurs sont indépendantes de la direction dans le plan perpendiculaire aux crayons, lorsque ceux-ci sont dégradés.

L'équation de transfert radiatif peut donc être résolue en 2D : dans la direction parallèle aux crayons et dans le plan perpendiculaire. Elle peut de plus être approximée par une équation de diffusion, avec un coefficient de « conductivité radiative » qui, dans la direction des crayons, est deux à trois fois plus élevé que dans le plan perpendiculaire. La conductivité dépend des principales variables caractérisant le milieu : la température, la porosité, la surface des crayons endommagés.


Cette méthode, établie d'abord pour un gaz transparent, a été améliorée pour prendre en compte un gaz absorbant (vapeur d'eau) contenant éventuellement des gouttelettes et ainsi évaluer les transferts entre crayons et gaz ou gouttelettes. Ce cas est important pour estimer si une injection d'eau dans le cœur peut stopper la progression d'un accident.


[ Applications à l'expertise ]

Cette modélisation du transfert radiatif présente deux avantages considérables par rapport à ce qui existait jusqu'à présent : d'une part, elle est facilement adaptable à d'autres types de réacteurs à eau et, d'autre part, elle est compatible avec les méthodes numériques utilisées dans les logiciels simulant les accidents de fusion. Son intégration dans le logiciel Astec (2) est donc en cours.


CollaborationLaboratoire EM2C de l'École Centrale Paris, Areva.

Contact :
Florian Fichot
(Laboratoire d'étude et de simulation des accidents majeurs - Lesam)
(1) Le programme international Phébus PF était un programme expérimental mené par l'IRSN, pour reproduire les conditions d'un accident de fusion du cœur et étudier notamment le comportement des produits de fission (PF).
(2) Le logiciel de simulation des accidents Astec est conjointement développé depuis de nombreuses années par l'IRSN et GRS, son homologue allemand.
 

Irradiation - Patients
L'endothélium et les lésions intestinales radio-induites
Deux thèses soutenues récemment ont approfondi la compréhension des mécanismes biologiques impliqués dans le développement des lésions radio-induites de l'intestin après une radiothérapie de la sphère abdomino-pelvienne. L'une a confirmé le rôle important d'une protéine, PAI-1, dans la fibrose après irradiation. L'autre a révélé le rôle des mastocytes dans le maintien de l'inflammation post-irradiation. Ces deux facteurs focalisent l'attention sur le fonctionnement spécifique de la cellule de l'endothélium après une irradiation, qui pourrait ouvrir la voie à de futures approches thérapeutiques des effets secondaires des radiothérapies.

La radiothérapie est aujourd'hui utilisée seule ou en association avec d'autres thérapeutiques (chimiothérapie, chirurgie, thérapie ciblée) pour traiter 60 % des cancers. Il s'agit d'administrer à la tumeur une dose de rayonnements maximale pour la détruire ou la stériliser tout en épargnant au mieux les tissus sains environnants. Malgré tous les progrès technologiques actuels en termes de balistique et de qualité de rayonnement, les traitements par radiothérapie peuvent cependant léser les tissus sains situés à proximité de la tumeur, et générer des effets secondaires indésirables.

Dans le cas des cancers de la sphère abdomino-pelvienne (prostate, utérus, rectum par exemple), l'entériteGLO et la rectite dites « radiques » car provoquées par l'irradiation, sont les principaux effets secondaires. Elles peuvent apparaître dans les jours et les semaines qui suivent le début du traitement (entérite ou rectite aigue) ou des mois voire plusieurs années après la fin du traitement (entérite ou rectite chronique) et évoluer vers des fibrosesGLO radiques. À ce jour, les stratégies thérapeutiques pour traiter ces lésions restent limitées à des traitements symptomatiques et parfois chirurgicaux pour les cas les plus sévères.

Pour trouver de nouveaux traitements protecteurs des tissus sains, l'IRSN a d'abord cherché à comprendre les mécanismes biologiques à l'origine de ces complications. Ces travaux s'inscrivent aujourd'hui dans un programme de recherche, Rosiris, que l'IRSN mène en précurseur pour mieux définir les critères d'évaluation du risque pour le patient et optimiser les protocoles de radiothérapie. Rosiris tente d'établir une relation entre la modélisation biophysique des effets précoces des rayonnements au niveau cellulaire et leurs conséquences tardives au niveau tissulaire, via la compréhension des mécanismes biologiques. Deux thèses soutenues récemment ont identifié et décrit le rôle de deux nouveaux facteurs de développement des lésions radio-induites, tous deux ayant un lien étroit avec la physiologie vasculaire : la protéine PAI-1 et les mastocytes.

[ Le rôle de PAI-1 dans l'initiation de la fibrose après irradiation ]

PAI-1, ou l'inhibiteur des activateurs du plasminogène de type-1, est une protéine qui est anormalement expriméeGLO dans les fibroses « classiques », notamment dans la paroi interne des vaisseaux sanguins, l'endothélium vasculaire. Cette expression anormale s'observe aussi pour les fibroses radio-induites de l'intestin.

Durant sa thèse, Rym Abderrahmani a montré que la protéine PAI-1 joue un rôle clé dans la réaction précoce des tissus à l'irradiation. Elle a tout d'abord travaillé in vivo sur des souris irradiées. En inhibant l'action de PAI-1 à l'aide d'une molécule pharmacologique administrée juste avant l'irradiation, les lésions radio-induites se développent moins dans l'intestin.

[ PAI-1 et apoptose radio-induite ]

Dans un second temps, elle a analysé le rôle de PAI-1 dans la mort radio-induite (apoptoseGLO) des cellules de l'endothélium et de la muqueuse de l'intestin, en étudiant un groupe de souris génétiquement modifiées, qui n'expriment plus la protéine PAI-1, et un groupe de souris normales. Après une irradiation localisée à forte dose (19 Gy) d'une anse de l'intestin, le taux d'apoptose a été évalué chez les deux groupes de souris pour les différents constituants cellulaires (endothélium et épithélium) de ce tissu. Les résultats obtenus montrent peu de différence entre les souris sauvages et les souris déficientes en PAI-1 pour les cellules de la muqueuse intestinale. En revanche, l'apoptose des cellules de l'endothélium est diminuée chez les souris déficientes en PAI-1 : PAI-1 influence donc principalement leur radiosensibilité.

L'impact de la mort des cellules de l'endothélium a ensuite été évalué : 24 heures après irradiation, les souris normales, possédant la protéine PAI-1, ont perdu davantage de micro-vaisseaux sanguins que les souris déficientes en PAI-1, ce qui est associé à des lésions intestinales plus importantes chez les souris normales.

 

Enfin, des études in vitro ont été menées sur des cellules de l'endothélium de souris sauvages et de souris déficientes en PAI-1 ainsi que sur des cellules humaines où l'expression de PAI-1 a été « éteinte » par des techniques de biologie moléculaire (siRNAGLO). L'absence de PAI-1 rend ces cellules plus résistantes à l'irradiation.

Ces résultats renforcent l'hypothèse de l'IRSN qu'un effet précoce de l'irradiation – la mort des cellules endothéliales – peut influencer le développement des lésions tardives. La protéine PAI-1 semble une cible thérapeutique possible pour protéger les tissus sains des effets de l'irradiation, s'il se confirme que cela ne compromet pas le traitement anti-cancéreux chez l'homme.


[ Le rôle des mastocytes dans la fibrose après irradiation ]

Une autre voie de recherche a récemment porté ses fruits : l'analyse du rôle des mastocytes dans le développement des fibroses et rectites induites par la radiothérapie. Les mastocytes sont des cellules qui résident dans la plupart des tissus de l'organisme, et en particulier ceux qui sont à l'interface avec le milieu extérieur (peau, intestin, muqueuses). Entre autres fonctions, ils jouent un rôle important dans l'inflammation, et globalement dans les réactions de défense de l'organisme contre certaines agressions.

Durant sa thèse, Karl Blirando a d'abord étudié les mastocytes dans des tissus sains inclus dans le faisceau d'irradiation, prélevés sur des patients traités par radiothérapie pour des adénocarcinomes du rectum. Un marquage de ces tissus à l'aide d'anticorps spécifiques a montré que le nombre de mastocytes avait considérablement augmenté dans les tissus irradiés (au niveau de la muqueuse, sous-muqueuse et de la couche musculaire). Cette observation est confirmée par des études in vivo sur des souris irradiées localement dans la région pelvienne : sur des prélèvements de rectum, le nombre de mastocytes augmente dans tous les compartiments tissulaires lorsque les lésions deviennent chroniques. Puis in vitro, Karl Blirando a montré que les principaux médiateursGLO libérés par les mastocytes (l'histamine et les protéases) sont capables d'activer les cellules musculaires de la paroi rectale. Or on sait que les cellules musculaires activées contribuent significativement au développement des lésions chroniques du tube digestif.

Dans une autre expérimentation, Karl Blirando a montré que pour la même irradiation chez des souris génétiquement modifiées dépourvues de mastocytes, les lésions colorectales sont moins sévères, tant dans la phase précoce que la phase tardive après irradiation.


[ Mastocytes et vaisseaux sanguins ]


Les mastocytes ont donc un rôle négatif dans ce cas et favorisent le développement des lésions intestinales radio-induites. Pour aller plus loin, Karl Blirando a étudié le rôle des mastocytes en interaction avec les vaisseaux sanguins, d'une part parce que ces derniers sont des acteurs importants dans l'inflammation consécutive à l'irradiation, et d'autre part, parce que les médiateurs mastocytaires sont capables de stimuler l'endothélium. Après une irradiation, les cellules de l'endothélium sécrètent des molécules inflammatoires comme l'interleukine-6 et l'interleukine-8 (IL-6 et IL-8). Karl Blirando a démontré que, lorsque l'irradiation se produit en présence d'un « mélange complexe » de médiateurs mastocytaires, les cellules de l'endothélium sécrètent davantage d'Il-6 et Il-8. Les mastocytes peuvent donc exacerber la réponse inflammatoire des vaisseaux après irradiation et ainsi participer au développement des lésions. De plus, en bloquant l'action de l'histamine, l'inflammation n'est plus exacerbée.

Sur un plan fondamental, ces travaux suggèrent que les micro-vaisseaux sanguins jouent un rôle central dans l'apparition et le maintien de lésions précoces et tardives radio-induites dans l'intestin. Cette conviction a contribué à orienter la poursuite des recherches sur un modèle biologique unique : la cellule endothéliale. De nouvelles pistes thérapeutiques pour le traitement des effets secondaires des radiothérapies sont envisagées.

Contacts :
Marc Benderitter
(Laboratoire de radiopathologie et thérapies expérimentales - LRTE)
Fabien Milliat
(Laboratoire de radiopathologie et thérapies expérimentales - LRTE)
Agnès François
(Laboratoire de radiopathologie et thérapies expérimentales - LRTE)
 
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