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La
recherche en radioprotection : à chaque principe, son
potentiel de progrès |
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La mise en œuvre
des activités nucléaires doit s'effectuer dans le respect des
trois principes fondamentaux de radioprotection érigés par le
Code de la Santé publique : la justification,
l'optimisation et la limitation des expositions
humaines aux rayonnements ionisants. Le
respect de ces principes de gestion vise à protéger les
personnes (travailleurs, patients,
public).
Pour autant, les modalités d'application des principes
sont directement liées à l'état des connaissances
dont deux articles de ce numéro illustrent des progrès :
des modélisations plus fines de l'humain mettent en lumière un
potentiel d'optimisation des doses délivrées en médecine
nucléaire. De même, les travaux sur les dommages radio-induits
dans la sphère gastro-intestinale ouvrent des voies
prometteuses pour faire évoluer dans un sens plus favorable la
balance avantages / détriments de santé (fondant la
justification) pour les patients traités par
radiothérapie ; voies d'autant plus utiles
qu'elles pourraient les aider à surmonter certains
effets secondaires indésirables difficiles à vivre au
quotidien.
Ainsi, l'avancée des connaissances en protection de
l'homme constitue un moteur essentiel du progrès dans
l'application des principes de radioprotection. |
Matthieu
Schuler, Directeur de la stratégie, du développement et
des partenariats
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Dosimétrie
interne
Une
dosimétrie de plus en plus personnalisée
Une thèse à l'IRSN a quantifié
l'intérêt d'utiliser des représentations morphologiques réalistes du
corps humain pour calculer les doses reçues lors d'actes de médecine
nucléaire. Ces outils permettront à l'avenir d'optimiser les doses
aux patients, à service médical équivalent.
La médecine nucléaire concerne 35 millions de patients chaque
année dans le monde. Grâce à l'injection d'un radiopharmaceutiqueGLO
dans le corps, elle permet de diagnostiquer ou de traiter des
pathologies. En contrepartie du bénéfice médical, les patients sont
exposés à des rayonnements ionisants (1). Les principes
de la radioprotection exigent que cette exposition soit optimisée.
Un travail de thèse mené à l'IRSN par Lama Hadid a quantifié
l'avantage, pour mieux évaluer les doses reçues, d'utiliser une
représentation morphologique réaliste du corps humain, voire les
caractéristiques réelles du patient.
Dans
le cas du diagnostic, qui implique des doses relativement faibles,
la dosimétrieGLO
est estimée à partir de valeurs de référence calculées à l'aide de
modèles mathématiques simplifiés du corps humain. Mais la Commission
internationale de protection radiologique (CIPR) vient d'abandonner
ces modèles pour adopter des fantômes voxelisésGLO,
représentations plus réalistes. Ils correspondent à des morphologies
moyennes de la population européenne et nord-américaine.
[ Fantômes
voxélisés et anatomie réelle ]
Les
doses absorbéesGLO
par 24 organes des fantômes voxélisés ont été calculées pour 11
radiopharmaceutiques à l'aide du logiciel OEDIPE et des modèles
biocinétiquesGLO
de la CIPR. Ainsi calculée, la dose absorbée par certains organes
peut être quatre fois plus importante que la dose de référence
obtenue avec les modèles mathématiques antérieurs, montrant le gain
apporté par le changement de la CIPR.
Pour 8 radiopharmaceutiques, ces
nouvelles doses moyennes de référence ont ensuite été comparées aux
doses calculées pour l'anatomie réelle de 12 patients. Excepté pour
un organe particulier (œsophage), les différences entre les doses
absorbées par les organes, spécifiques de l'anatomie des 12
patients, et celles obtenues avec les fantômes voxelisés varient de
0 à près de 100 % après avoir effectué les corrections de
masse (2). Ces résultats fournissent un ordre de
grandeur de l'incertitude induite par les fantômes voxélisés de la
CIPR pour évaluer les doses en médecine nucléaire diagnostique.
Malgré l'importance de l'écart relatif, l'opportunité d'utiliser un
calcul « anatomie réelle » n'apparait pas évidente pour
chaque acte diagnostic, au vu des niveaux de doses en jeu.
[ En
thérapie ]
En appliquant une dosimétrie
personnalisée à un patient traité pour un cancer du foie par
injection de microsphères marquées à l'yttrium 90, Lama Hadid a
montré qu'il est possible de réaliser une dosimétrie qui prend en
compte la répartition hétérogène réelle du radionucléide dans le
corps du patient. Cette possibilité offre un intérêt tout
particulier pour optimiser la dose délivrée à la tumeur tout en
protégeant au mieux les tissus sains. Compte-tenu des niveaux mis en
jeu durant une thérapie, son application clinique en routine est à
l'étude.
Helmholtz Zentrum München (Allemagne) ;
Université de Floride (États-Unis) ; Institut Curie ;
Hôpital européen Georges Pompidou.
Contact :
Aurélie Desbrée (Laboratoire d'évaluation de la dose
interne)
(1)
Si la médecine nucléaire ne représente que 1,6 % des actes
diagnostiques médicaux en France, elle génère 10 % de la dose
efficaceGLO annuelle due aux expositions médicales, qui
est passée de 0,83 mSv en 2002 à 1,3 mSv en 2007 en moyenne par an
et par individu.
(2)
La correction de masse consiste à utiliser dans le fantôme voxélisé
les masses réelles des organes de patients.
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Apoptose
Mort cellulaire programmée (selon un programme génétique
établi), induite ici par l'irradiation. C'est une composante normale
du développement d'un organisme multicellulaire, qui aboutit à la
mort de cellules particulières, à certains endroits, à un moment
précis. L'apoptose sert notamment à éliminer les cellules
« usées ».
Criticité
Le risque de criticité est celui de l'emballement des réactions
neutroniques en chaîne. Les conditions d'un tel accident dépendent
notamment de la masse, de la géométrie, de la modération par des
produits hydrogénés et de l'environnement de la matière fissile.
Dose
absorbée
Énergie absorbée par la matière par unité de masse, exprimée en
Gray (Gy).
Dosimétrie
Évaluation de la dose de rayonnement reçue lors de l'exposition
à une source radioactive.
Endothélium
vasculaire
Couche la plus interne des vaisseaux sanguins, formée d'une
monocouche de cellules endothéliales, en contact direct avec le
sang.
Entérite
radique
Se caractérise par des lésions de la paroi intestinale dues à
la radiothérapie de l'abdomen ou du bassin.
Exprimé
Être transcrit puis traduit en protéine.
Fantôme
voxélisé
Représentation en trois dimensions d'un corps humain, créée à
partir des scanners de ce corps. Les fantômes voxélisés standards
correspondent à des morphologies moyennes de la population
européenne et nord-américaine.
Fibrose
Remplacement progressif des tissus lésés par du tissu
conjonctif, qui est normalement limité à la formation de la
cicatrice et cesse spontanément. La fibrose dite
« pathologique » est en général le stade ultime de
l'inflammation chronique. Elle se traduit par une accumulation
excessive de tissu conjonctif (par les fibroblastes et les cellules
musculaires lisses) dont la production ne cesse pas. Elle compromet
le fonctionnement de l'organe.
Logiciel
0D
Un logiciel 0D utilise une modélisation simplifiée de la
physique en supprimant la dimension spatiale par le regroupement de
certains paramètres en des entités discrètes qui approximent le
comportement global.
Logiciel
CFD
Computational Fluid Dynamics, logiciel multidimensionnel de
résolution des problèmes de dynamique des fluides.
Longueur
d'extinction
Distance maximale parcourue par un photon émis depuis la
surface d'un crayon avant d'être pratiquement absorbé par la
matière.
Médiateurs
mastocytaires
Le mastocyte est une cellule granuleuse présente
essentiellement dans les tissus conjonctifs et les muqueuses, qui
contient de très nombreuses granulations elles-mêmes contenant des
médiateurs chimiques comme la sérotonine, l'histamine, la tryptase
ou l'héparine. Lorsqu'il est en contact avec un allergène, il
« dégranule » et libère ces médiateurs de façon très
rapide.
Modèles
biocinétiques
Ces modèles définissent la répartition et l'accumulation de la
radioactivité dans le corps selon les produits utilisés.
Radiopharmaceutique
Élément radioactif associé ou non à un vecteur spécifique d'une
cible biologique.
siRNA
Small interferring RNA ou « petits acides ribonucléiques
(ARN) interférents ». La technique siRNA consiste à introduire
dans une cellule ces petits ARN simple ou double brin. Leur
interférence avec un ARN messager spécifique conduit à la
dégradation de celui-ci et à son « extinction ».
Transfert
radiatif
Mode de transfert de chaleur résultant des rayonnements
(photons) émis et absorbés par deux parois de températures
différentes. Il se distingue ainsi de la conduction (éventuellement
augmentée par la convection) qui se fait par mouvement des atomes ou
molécules.
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Prix
Miloud Chahlafi, lauréat d'un prix 2011 de la
Fondation EADS
Miloud Chahlafi recevra le 28 mars 2012, le
prix de la meilleure thèse en sciences de l'ingénieur décerné
par la fondation EADS en 2011. Il a effectué sa thèse (voir
ci-contre, Formation par la recherche) au Laboratoire d'étude
et de simulation des accidents majeurs (Lesam) de l'IRSN et au
Laboratoire EM2C de l'École centrale Paris, et l'a soutenue en
janvier 2011. La fondation EADS récompense chaque
année six thèses qui ont contribué à une avancée significative
de la recherche, en explorant de nouvelles voies, en proposant
de nouveaux paradigmes, ou en établissant de nouvelles
interfaces entre disciplines.
Soutenance
de HDR
Transfert des radionucléides
Denis
Maro, chercheur du Laboratoire de radioécologie de
Cherbourg-Octeville de l'IRSN, a soutenu son habilitation à
diriger des recherches (HDR) sur le thème « Transfert des
radionucléides sous forme de gaz et d'aérosols dans les
environnements complexes : études expérimentales de
dispersion atmosphérique et d'échanges aux interfaces »,
le 2 décembre 2011 à l'École centrale de Nantes.
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Criticité
Lorsque
la réactivité d'une solution de plutonium augmente avec la
température
Un programme de l'IRSN
a, pour la première fois dans le monde, réuni les conditions
expérimentales confirmant que la réactivité nucléaire d'une solution de
plutonium peut, sous certaines conditions, augmenter avec la température.
Des études théoriques menées depuis quinze ans ont montré que la
réactivité nucléaire de certaines solutions très diluées de plutonium
peut, de façon paradoxale en criticitéGLO,
augmenter avec la température. Les conditions de ce phénomène pourraient
se trouver réunies dans une installation de retraitement du combustible
nucléaire et influer sur la cinétique et la puissance d'un éventuel
accident de criticité. Le programme Pu-Température de l'IRSN visait à
mettre en évidence expérimentalement ce phénomène.
[ Identifier un effet de
très faible ampleur ]
Pour identifier
l'augmentation de réactivité, les chercheurs de l'IRSN ont comparé, avant
et après avoir élevé la température, les volumes de solution de nitrate de
plutonium nécessaires pour atteindre le seuil critique dans la cuve de
l'installation expérimentale utilisée. Comme le niveau critique de nitrate
de plutonium à la température la plus élevée est inférieur à celui relevé
à la température la plus basse, la réactivité du système a augmenté. 14
expériences ont ainsi été réalisées pour tester l'évolution de la
réactivité de la solution pour des valeurs de température et de
concentration prévues par les études théoriques.
Pour chacune, la
solution était chauffée à la température voulue dans un réservoir, et
introduite dans la cuve expérimentale jusqu'à un niveau nettement
inférieur à celui correspondant à la criticité. Puis des quantités de plus
en plus petites de solution étaient ajoutées en se rapprochant de l'état
critique tout en maintenant une marge de sécurité, la hauteur critique de
solution étant déterminée par extrapolation.
Mais, en vidangeant
la cuve du dispositif à chaque fois, il n'était pas certain que la
composition chimique de la solution restât strictement identique. Cette
incertitude n'a pas permis de mettre en évidence l'augmentation de
réactivité lors des premiers essais. Ce problème a été résolu en chauffant
directement la solution dans la cuve lors des derniers essais.
L'augmentation de la réactivité de la solution avec la température a été
constatée pour une concentration de plutonium égale à 14,3 g/l :
le niveau de solution relevé à 28 °C était inférieur de 1,3 cm à
celui relevé à 22 °C, correspondant à une augmentation de réactivité
de 0,013 %.
[ Une confirmation
numérique à venir ]
De nouvelles données
nucléaires, obtenues en collaboration avec l'Institut Laue Langevin,
devraient permettre de simuler cet effet. D'ores et déjà, l'IRSN qui est
le premier à avoir mis en évidence ce phénomène expérimentalement, prépare
un modèle d'expériences afin de permettre à la communauté scientifique
internationale de confronter ses logiciels de simulation numérique à cet
effet de réactivité dans le cadre d'un exercice comparatif organisé par
l'OCDE.
CEA-Valduc.
Contact :
Wim Haeck (Laboratoire d'expertise et de recherche en neutronique
des réacteurs - LNR)
Accidents
de fusion du cœur
Pour
mieux simuler les effets de l'aspersion en cas d'accident
Deux expériences
menées à l'IRSN ont permis d'éprouver la précision de plusieurs logiciels
existant dans le monde pour simuler certains effets de l'aspersion, dont
l'efficacité est un facteur clé pour la maîtrise d'une situation
d'accident de fusion dans un réacteur nucléaire.
Si un accident avec fusion du cœur survenait dans un réacteur
nucléaire, un système d'aspersion par sprays serait activé en haut du
bâtiment du réacteur. Les effets induits sont, d'une part de réduire la
pression en refroidissant les mélanges gazeux – dont la vapeur qui
s'échapperait accidentellement – d'autre part de mélanger l'hydrogène
éventuellement produit, limitant ainsi les risques d'explosion.
Étudier l'efficacité de ce système passe par la simulation
numérique, dont les modèles sont validés à l'aide d'études expérimentales
à petite échelle. Certaines de ces expériences menées à l'IRSN ont permis
récemment de confronter les résultats (benchmarks) que donnent différents
logiciels pour deux des principaux phénomènes en jeu : l'effet de
l'aspersion sur la dépressurisation et sur la cinétique du mélange
gazeux.
[ Les échanges entre la
vapeur et les gouttes ]
Le premier
phénomène a été étudié avec l'expérience Tosqan 101 (1), qui a
reproduit une dépressurisation d'un mélange air-vapeur par un spray. La
majorité des simulations réalisées par les différents logiciels ont abouti
à une dépressurisation de l'enceinte plus rapide que dans l'expérience,
donc trop optimiste. Afin d'identifier l'origine de ce décalage, la
modélisation de phénomènes élémentaires, notamment les échanges de masse
et de chaleur entre la vapeur et les gouttes (évaporation et condensation
de vapeur d'eau sur une goutte) par les logiciels a été comparée. Les
essais Caraidas (2) de chute d'une goutte dans un environnement
pressurisé en air et en vapeur, ont servi de base de travail. Les
résultats de ce benchmark élémentaire ont montré que les différences
observées entre les logiciels provenaient du choix des paramètres dans le
calcul du flux de masse entre le gaz et les gouttes.
[ Le mélange gazeux
entraîné par le spray ]
La simulation de
la cinétique de dilution de l'hydrogène dans l'espace a été étudiée avec
l'essai Tosqan 113 (1) qui s'est déroulé en deux phases :
une première phase de mélange rapide, dans toute l'enceinte, d'une couche
d'hélium dans le dôme de l'enceinte simulant une « bulle »
d'hydrogène ; puis une phase, beaucoup plus lente, de mélange d'une
couche d'hélium résiduelle « coincée » au-dessus de la buse
d'aspersion. Les logiciels 0DGLO,
qui, actuellement, modélisent la chute de gouttes sans entraînement du
gaz, reproduisent logiquement mal ce phénomène. Mais les codes
multi-dimensionnels (CFD) ont également montré certaines limites
essentiellement pour la deuxième phase de l'expérience. La cause pourrait
aussi se trouver dans la modélisation de l'entraînement du gaz par les
gouttes du spray. Un benchmark élémentaire a donc été proposé sur
l'expérience Calist (voir photo). Les résultats de ce benchmark sont
attendus en 2012.
Réseau d'excellence européen Sarnet et Sarnet-2
(6ème et 7ème PCRD)
Contacts :
Jeanne Malet (Laboratoire d'études et de modélisation en
aérodispersion et confinement - Lemac)
Emmanuel
Porcheron (Laboratoire d'expérimentations en confinement, épuration et
ventilation - Lecev)
(1)
Réalisée dans l'installation Tosqan de l'IRSN qui permet de simuler des
conditions thermo-hydrauliques d'un accident grave affectant le cœur d'un
réacteur nucléaire.
(2)
L'installation Caraidas de l'IRSN a été construite pour étudier la
condensation et l'évaporation de la vapeur sur une goutte, ainsi que la
collecte d'aérosols et le piégeage de l'iode par une goutte en chute
verticale.
+++ Publication :
Malet J., Gelain T., Mimouni S., Manzini G., Arndt S., Klein-Hessling W.,
Xu Z., Povilaitis M., Kubisova L., Parduba Z., Paci S., Siccama N.B. et
Stempniewicz M.H. : « Spray model validation on single droplet heat
and mass transfers for containment applications - Sarnet-2 benchmark »,
The 14th International Topical Meeting on Nuclear Reactor
Thermalhydraulics, NURETH-14, Toronto, Ontario, Canada, September
25-30, 2011.
+++ Publication :
Malet J., Blumenfeld L., Arndt S., Babic M., Bentaib A., Dabbene F.,
Kostka P., Mimouni S., Movahed M., Paci S., Parduba Z., Travis J.,
Urbonavicius E. : « Sprays in containment : Final results of the
Sarnet spray benchmark ». Nucl. Eng. Des. 241, pp. 2162-217
(2011).
Séismes
Mieux
modéliser l'interaction entre le sol et les bâtiments soumis à un
séisme
L'interaction du sol
avec les éléments de structure d'un bâtiment est importante pour
déterminer son comportement en cas de séisme. La thèse d'Ali Gandomzadeh
permet de mieux prendre en compte la nature complexe des sols et son
impact sur l'évaluation de cette interaction.
Pour étudier le comportement des bâtiments soumis à un séisme, les
ingénieurs utilisent des modèles de transmission des ondes sismiques entre
le sol et la structure de génie civil qui les compose (interaction
sol-structure). En général, le sol y est représenté de façon simplifiée en
une dimension, et son comportement est supposé linéaire, c'est-à-dire
qu'il revient à son état initial après le passage du séisme.
Or, ces approximations ne sont plus réalistes dès que la géologie du
lieu est complexe ou si l'intensité des secousses sismiques devient
importante : le comportement du sol devient alors non-linéaire, ce
qui signifie que des déformations permanentes apparaissent.
Les travaux d'Ali Gandomzadeh visaient d'une part, à rendre compatible
un modèle réaliste de la non-linéarité du sol soumis à un séisme avec un
logiciel de calcul des structures, d'autre part, à évaluer l'influence
d'un comportement non linéaire du sol sur l'interaction sol-structure.
[ Un modèle réaliste,
facile à paramétrer ]
Parmi les modèles
élasto-plastiques capables de représenter la non-linéarité du sol, celui
qu'Ali Gandomzadeh a choisi (1) ne demande que peu de données
de terrain pour son paramétrage. Sur la base de ce modèle et en utilisant
une méthode de résolution aux éléments finis en deux dimensions, il a
développé un module de simulation du comportement non linéaire du sol dont
les résultats ont été vérifiés grâce à ceux de logiciels de sismologie. De
plus, il a élaboré une méthode simple d'atténuation des ondes pour éviter
leur réverbération sur les bords de la surface modélisant le sol :
créée artificiellement par le calcul, la réverbération peut entraîner des
interférences parasites. Ces différents éléments ont alors été implantés
dans le logiciel de calcul de génie civil CESAR-LCPC (2) qui
permet de faire, à la fois, le calcul du comportement des structures et la
représentation mécanique des sols et des roches.
L'ensemble a été
testé sur plusieurs cas numériques. Un test de prévision a par exemple été
réalisé sur un modèle 2D du bassin de Nice en tenant compte de la
complexité des couches géologiques (en termes de géométrie et de
propriétés mécaniques). Des phénomènes caractéristiques de la réponse
non-linéaire du sol, et en particulier les changements de fréquence de la
résonance sous une forte sollicitation sismique, ont ainsi pu être
quantifiés.
[ Des modèles simplifiés
pour des applications opérationnelles ]
Ce logiciel permet d'étudier des cas réalistes d'interaction
sol-structure. Cependant le temps de calcul est relativement long. Des
méthodes simplifiées doivent être développées pour réduire le temps de
calcul tout en conservant une résolution suffisamment précise.
Institut français des sciences et technologies des
transports, de l'aménagement et des réseaux (Ifsttar).
Contact :
Fabian Bonilla (Bureau d'évaluation des risques sismiques pour les
installations - Berssin)
(1)
Développé par un chercheur de Caltech, Bill Iwan.
(2)
CESAR-LCPC est un progiciel de calcul fondé sur la méthode des éléments
finis et adapté à la résolution des problèmes du génie civil et de
l'environnement : calcul de structures, mécanique des sols et des
roches, thermique, hydrogéologie, etc.
Accidents
de fusion du cœur
Une
méthode Monte Carlo pour simplifier l'équation de transfert radiatif
À l'aide d'une méthode
de type Monte Carlo, Miloud Chahlafi a estimé l'intensité des transferts
de chaleur radiatifs dans un cœur de réacteur nucléaire accidenté, donnée
fondamentale pour l'évolution de l'accident.
En cas d'accident grave d'un réacteur nucléaire, comme cela est arrivé
sur les réacteurs de Fukushima en 2011, la chaleur est évacuée
principalement par rayonnement. Ce transfert radiatifGLO
de la chaleur est plus ou moins efficace selon la géométrie du cœur qui se
dégrade, et influence donc la progression de cette dégradation. Simuler
l'évolution d'un accident nécessite donc de calculer ce transfert. Or, si
le calcul est simple pour des crayons de combustible nucléaire intacts
(disposition périodique), il s'avère beaucoup plus complexe quand les
crayons sont endommagés.
[ Longueur
d'extinction... ]
Pour surmonter cette
difficulté, la thèse de Miloud Chahlafi a adopté une démarche nouvelle
pour estimer précisément le transfert radiatif et aboutir à un modèle
approché. Il a reconstitué la géométrie en 3D d'un cœur dégradé à l'aide
des tomographies de crayons obtenues après les essais du programme
Phébus-PF (1). Puis il a simulé le rayonnement thermique par un
lancement aléatoire de photons (méthode statistique Monte Carlo). Ceci a
permis d'estimer la longueur d'extinctionGLO
du rayonnement et les caractéristiques d'absorption et de diffusion du
rayonnement dans le milieu, paramètres qui interviennent dans l'équation
de transfert radiatif en 3D.
[ ... et conductivité
radiative ]
Miloud Chahlafi a ainsi
montré que ces grandeurs sont indépendantes de la direction dans le plan
perpendiculaire aux crayons, lorsque ceux-ci sont dégradés.
L'équation de transfert radiatif peut donc être résolue en 2D :
dans la direction parallèle aux crayons et dans le plan perpendiculaire.
Elle peut de plus être approximée par une équation de diffusion, avec un
coefficient de « conductivité radiative » qui, dans la direction
des crayons, est deux à trois fois plus élevé que dans le plan
perpendiculaire. La conductivité dépend des principales variables
caractérisant le milieu : la température, la porosité, la surface des
crayons endommagés.
Cette méthode, établie d'abord pour un gaz transparent, a été améliorée
pour prendre en compte un gaz absorbant (vapeur d'eau) contenant
éventuellement des gouttelettes et ainsi évaluer les transferts entre
crayons et gaz ou gouttelettes. Ce cas est important pour estimer si une
injection d'eau dans le cœur peut stopper la progression d'un
accident.
[ Applications à
l'expertise ]
Cette modélisation du
transfert radiatif présente deux avantages considérables par rapport à ce
qui existait jusqu'à présent : d'une part, elle est facilement
adaptable à d'autres types de réacteurs à eau et, d'autre part, elle est
compatible avec les méthodes numériques utilisées dans les logiciels
simulant les accidents de fusion. Son intégration dans le logiciel
Astec (2) est donc en cours.
Laboratoire EM2C de l'École Centrale Paris,
Areva.
Contact :
Florian Fichot (Laboratoire d'étude et de simulation des accidents
majeurs - Lesam)
(1) Le
programme international Phébus PF était un programme expérimental mené par
l'IRSN, pour reproduire les conditions d'un accident de fusion du cœur et
étudier notamment le comportement des produits de fission
(PF).
(2) Le
logiciel de simulation des accidents Astec est conjointement développé
depuis de nombreuses années par l'IRSN et GRS, son homologue
allemand.
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