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Bulle Avancées Bulle Formation Bulle Collaborations Bulle Aktis N° 14



Dans ce numéro, Focus sur
Modéliser l'explosion de vapeur


Visualisation d'une simulation 3D par le logiciel MC3D de la dispersion du corium (en rouge) dans l'eau (dégradé bleu/blanc) contenu dans le puits de cuve en cas de percement central du fond de la cuve. Les points oranges et noirs représentent les gouttes

Dans le domaine des accidents de réacteur nucléaire avec fusion du coeur, les travaux de recherche à l'IRSN visent notamment à identifier des moyens susceptibles d'en limiter les conséquences. Le corium, mélange de matériaux en fusion résultant de l'accident, peut interagir avec l'eau présente dans le réacteur et, dans certaines configurations, entraîner une explosion de vapeur. La gravité des conséquences d'une telle explosion sur le confinement des matières radioactives motive le besoin d'en comprendre les mécanismes et de les modéliser afin de pouvoir apprécier par le calcul sa dangerosité. Le programme international Serena2, mené sous l'égide de l'OCDE/AEN, vient de s'achever. Il a permis de collecter des données expérimentales cruciales pour la compréhension et la modélisation des explosions de vapeur.


 
 
Pour l'IRSN, la recherche d'aujourd'hui est la sûreté nucléaire de demain
Jacques Repussard, Directeur général de l'IRSN


L'enjeu central de la sûreté nucléaire n'est pas d'assurer la seule conformité réglementaire des installations, mais d'éviter, année après année, la survenue d'un enchaînement malheureux de circonstances et d'incidents de fonctionnement qui conduise à un accident très grave. En outre la précaution élémentaire impose de se tenir prêt à faire face aux effets d'un tel accident, pour en réduire les conséquences pour le pays. Pour cela, la sûreté nucléaire repose sur une démarche de progrès continu, encouragée par un cadre réglementaire fixant des objectifs plutôt qu'imposant des moyens, et imposant une pratique de revue critique (et périodique) des démonstrations de sûreté des exploitants à la lumière des avancées des savoirs et des technologies. Dans l'organisation française, c'est l'IRSN qui est principalement responsable de la mise en oeuvre de ces revues d'expert. Pour les mener à bien, il s'appuie sur les deux piliers d'évolution des savoirs que sont la recherche, et l'exploitation du retour d'expérience du fonctionnement des installations et des incidents, en général sans gravité, qui s'y produisent régulièrement.

L'IRSN consacre à la recherche près de la moitié de la subvention qu'il reçoit de l'État et mobilise des partenaires français et étrangers et des financements externes, pour être capable d'anticiper : identifier les faiblesses ou susciter une meilleure protection contre les accidents et leurs effets, fournir en cas de crise des diagnostics et pronostics opérationnels et des mesures de gestion des rejets, évaluer les situations d'exposition pour prendre en compte les risques sanitaires, acquérir les données expérimentales nécessaires au développement des outils d'expertise notamment sous la forme de codes de calculs indépendants.

Aktis, numéro après numéro, illustre l'ampleur des thématiques à investiguer, et présente les résultats marquants des travaux de l'Institut. Je vous en souhaite une bonne lecture.

Jacques Repussard,
Directeur général de l'IRSN
Radiotoxicologie
Les nanoparticules d'uranium traversent la barrière pulmonaire

La compréhension des effets biologiques de faibles doses de rayonnements ionisants et des conditions dans lesquelles ils peuvent avoir des conséquences pathologiques est une préoccupation sociétale forte, en même temps qu'un défi scientifique très complexe. Pour être à même d'y répondre, l'IRSN mène des recherches expérimentales. Une étude récente a permis de suivre le cheminement in vivo de nanoparticules d'uranium dans un organisme suite à une inhalation ponctuelle, cas particulier de mode d'exposition.

Sur un plan sanitaire, la part de toxicité due aux rayonnements ionisants lors d'une contamination interneGLO par inhalation de nanoparticules d'uranium appauvri (de taille inférieure à 100 nanomètres, nm) est négligeable. En revanche, ces particules peuvent conduire à une toxicité liée à l'inflammation qu'elles peuvent engendrer dans les organes où elles se déposent. Pour analyser cette toxicité, deux types d'expériences in vivo avaient été menées par le passé : des instillations de nanoparticules d'actinides directement dans les poumons via la trachée ; des contaminations par inhalation de radioéléments de taille supérieure à 100 nm ou de nanoparticules mais non radioactives. Récemment, l'IRSN a complété ces expérimentations.

10 mn après l’inhalation, les particules d’uranium sont présentes dans les alvéoles pulmonaires, certaines ont pénétré dans le tissu pulmonaire et se logent notamment sur les fibres de collagène et dans les capillaires sanguins.

10 mn après l'inhalation, les particules d'uranium sont présentes dans les alvéoles pulmonaires, certaines ont pénétré dans le tissu pulmonaire et se logent notamment sur les fibres de collagène et dans les capillaires sanguins.

[ Nanoparticules inhalées ]

Pour la première fois, l'IRSN a étudié la contamination interne chez des animaux suite à l'inhalation de nanoparticules d'actinide (dioxyde d'uranium, UO2). Trois groupes de 18 rats ont inhalé pendant une heure un aérosol d'UO2 (à raison de 107 particules par cm3 de 38 nm de diamètre médian). Des échantillons de rein, os, sang, poumon, cerveau ont été prélevés immédiatement, 4 h, puis 24 h après la fin de l'inhalation et analysés en microscopie électronique et spectrométrie de masse.


[ Passage sous forme solide ]

Premier constat : conformément aux modèles d'inhalation de particules d'uranium développés par la CIPRGLO pour la radioprotection des travailleurs de l'industrie nucléaire, 27 % de la masse totale de nanoparticules inhalées se déposent dans l'arbre respiratoire, en majeure partie au fond des poumons.

Deuxième constat : une partie des nanoparticules d'UO2 traverse la barrière pulmonaire sous forme solide, alors que les modèles biocinétiquesGLO d'épuration pulmonaire, qui simulent le transfert des particules d'uranium du poumon vers d'autres organes via le sang, prévoient que les particules sont solubilisées dans les fluides biologiques avant de passer dans le sang. Ces nanoparticules sous forme solide forment des agrégats (5 à 47 nm de diamètre médian) qui s'adsorbent sur les membranes des globules rouges. C'est la première fois qu'un tel résultat est observé.

Troisième constat : le passage de l'uranium dans le sang après inhalation de nanoparticules d'UO2 est plus rapide(1) que ne le prévoient les modèles biocinétiques. Cette persistance d'une partie importante des particules dans le poumon pourrait accroitre les risques d'inflammation in situ. Il reste à préciser quelle proportion de nanoparticules est solubilisée et quel est l'impact de la partie qui reste sous forme solide.

Contact :
Fabrice Petitot
(Laboratoire de radiotoxicologie expérimentale - LRTox)
(1) 1/5ème traverse la barrière pulmonaire en quelques heures (demi-vieGLO de 2,4 h), le reste est épuré plus lentement (demi-vie de 141,5 jours) avant d'atteindre les os et les reins.
 
ADAPTATION
Différenciation génétique d'une population au cours du temps, permettant d'améliorer ses chances de survie dans un environnement spécifique.

BASSIN VERSANT
Aire délimitée par des lignes de partage des eaux, à l'intérieur de laquelle toutes les eaux tombées alimentent un même exutoire (par ex. la Manche pour le bassin versant de la Seine).

CIPR
Commission internationale de protection radiologique.

CONTAMINATION INTERNE
On parle de contamination interne lorsque des radioéléments entrent dans un corps vivant, que ce soit par inhalation (poussières, gaz, nanoparticules...), ingestion ou lorsqu'une plaie cutanée est souillée par des produits radioactifs.

DEMI-VIE D'ÉPURATION PULMONAIRE
Temps nécessaire pour que la moitié des particules soit éliminée du poumon vers le sang ou par remontée dans l'arbre respiratoire puis expulsion vers l'appareil digestif.

GDR MOMAS
Groupement de recherche « Modélisation et simulation mathématiques pour le stockage ».

GDR FORPRO
Groupement de recherche « Formations géologiques profondes ».

GDR GEPEDEON
Groupement de recherche « Gestion des déchets et production d'énergie par des options nouvelles ».

GÉNÉTIQUE QUANTITATIVE
Partie de la génétique qui s'intéresse aux caractères quantitatifs à variation continue (poids, longueur, fertilité, croissance, etc.). Elle fait appel à des outils mathématiques et dans de nombreux cas à la mise en place de plans expérimentaux spécifiques pour, en particulier, distinguer la part génétique de la part environnementale dans l'expression d'un phénotype donné (par ex. la taille).

GNR TRASSE
Groupement national de recherche « Transferts des radionucléides dans le sol, le sous-sol et vers les écosystèmes ».

MODÈLES BIOCINÉTIQUES
Ils permettent de simuler en fonction du temps la pénétration dans le corps humain, la distribution et l'élimination des éléments radioactifs.

PROGRAMME PACEN
Programme sur l'aval du cycle et l'énergie nucléaire.

STRESSEUR
Facteur qui peut être une caractéristique de l'environnement (augmentation de température, de la salinité, manque d'eau ou de nourriture…) ou un polluant (chimique, radiologique), qui induit un stress sur un organisme.
 
PRIX

Meilleur poster Animma 2013

Donovan Maire, doctorant au Laboratoire de métrologie et de dosimétrie des neutrons (LMDN) de l'IRSN, a reçu le prix du meilleur poster pour celui qu'il a présenté lors du congrès Animma 2013 sur son travail de thèse, et intitulé μ-TPC: a future standard instrument for low energy neutron field characterization.
 

Intervention de Jacques Repussard, président de l’association Melodi et directeur général de l’IRSN au symposium « Benefits and Limitations of Nuclear Fission for a Low Carbon Economy », à Bruxelles les 26-27 février 2013.

 

+++ En savoir plus sur le meilleur poster Animma 2013.


Meilleur poster Spectr'Atom 2013

Azza Habibi, doctorante à l'IRSN, a reçu le prix du meilleur poster dans la catégorie étudiant, lors du congrès Spectr'Atom 2013, qui s'est déroulé du 25 au 28 juin 2013 au Québec. Le poster présentait l'analyse de l'uranium et du thorium dans des échantillons environnementaux par un couplage chromatographie liquide/ ICP-MS.
 

Intervention de Jacques Repussard, président de l’association Melodi et directeur général de l’IRSN au symposium « Benefits and Limitations of Nuclear Fission for a Low Carbon Economy », à Bruxelles les 26-27 février 2013.

 

+++ En savoir plus sur le meilleur poster Spectr'Atom 2013.


COLLABORATIONS

En radioprotection

L'Europe de la recherche en radioprotection poursuit sa construction : deux des projets récemment sélectionnés par la Commission européenne pour organiser la recherche sur les faibles doses et sur la radioécologie ont démarré. Le projet Operra (Open Project for European Radiation Research Area), lancé le 18 juin, prépare une structure de coordination et d'intégration de la recherche européenne en radioprotection. Quant au projet Comet, lancé le 29 août, il développe son pendant en radioécologie, en vue de l'intégrer in fine à Operra.

+++ En savoir plus sur les collaborations en radioprotection.


En sûreté

Le réseau d'excellence européen Sarnet de recherche sur les accidents de fusion du coeur, et piloté par l'IRSN, est désormais intégré à la plateforme européenne Nugenia de recherche sur les réacteurs nucléaires. Du 2 au 4 octobre, un séminaire a permis de faire le bilan des 9 années d'activité fructueuse de ce réseau précurseur.

+++ En savoir plus sur les collaborations en sûreté.


RENDEZ-VOUS

SNA & MC 2013

L'IRSN présentera une dizaine de posters au congrès international sur l'utilisation des supercalculateurs dans le nucléaire et les applications Monte-Carlo (Supercomputing in Nuclear Applications and Monte Carlo - SNA & MC), organisé à Paris du 27 au 31 octobre 2013.

+++ En savoir plus sur SNA & MC 2013.


Journée des thèses

Les Journées des thèses 2013 de l'IRSN sont un séminaire résidentiel qui permet aux doctorants de l'Institut de présenter leurs travaux. Elles ont lieu cette année du 14 au 17 octobre 2013 sur la Presqu'île de Giens.

+++ En savoir plus sur les Journées de thèses 2013.


Eurosafe

Forum annuel sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, Eurosafe se tiendra les 4 et 5 novembre prochains à Cologne. La thématique principale en est la sûreté des déchets nucléaires.

+++ Le site du forum Eurosafe.


SOUTENANCE

Nawfal Blal a soutenu sa thèse Modélisation micromécanique et identification inverse de l'endommagement le mardi 12 septembre 2013 à Montpellier.

+++ En savoir plus sur la thèse de Nawfal Blal.

Radioécologie
L'adaptation à un stress induit un « coût » pour la survie

Les préoccupations sociétales dans le domaine de l'écologie, dont la nécessité de préserver la biodiversité, contribuent à faire émerger un système de radioprotection contre les rayonnements ionisants spécifique à l'environnement. Dans ce cadre, l'IRSN mène des recherches sur l'effet génétique de l'exposition chronique à des radionucléides, seuls ou en combinaison avec d'autres types de stresseursGLO.

Quelle est l'évolution à long terme de populations animales exposées de manière chronique à de faibles doses de stresseurs ? Morgan Dutilleul a étudié durant sa thèse les évolutions de populations de vers Caenorhabditis elegans(1) soumises à deux stresseurs (un radioélément, l'uranium, en combinaison ou non avec un stress salin ou un stress thermique) en utilisant des techniques de génétique quantitativeGLO.


[ Stratégies adaptatives ]

Il a d'abord cherché à discriminer la part génétique de la part environnementale dans les effets que l'adaptationGLO aux stresseurs génère sur les vers. Six populations de 500 individus ont été élevées dans des boîtes différentes en laboratoire dans un environnement pollué avec de l'uranium, six autres avec du sel, et les six dernières sans stresseur. Les concentrations d'exposition ont été choisies pour que la fertilité baisse de 60 % à la première génération, ce qui induit une forte sélection pouvant mener à une évolution génétique. Dans chaque population, la descendance a été prélevée et placée dans une nouvelle boîte avec le même stresseur. L'opération a été répétée 22 fois de suite. Toutes les 3 générations, des caractères tels que la fertilité (nombre d'oeufs) ou la croissance (entre 0 et 96 h) ont été mesurés. Pour les populations soumises à l'uranium, une adaptation est apparue dès la 6ème génération : individus plus fertiles, de croissance plus rapide et un temps de génération plus court. Le stress salin induit, par contre, la sélection d'individus ayant un temps de génération plus long et une fertilité réduite.


[ Coût de l'adaptation ]

À la 18ème génération, une autre expérience (dite de translocation réciproque) a été également menée pour évaluer l'effet consécutif de deux stresseurs. Une partie des C. elegans soumis à l'uranium a été placée dans un environnement salé ou plus chaud durant trois générations, inversement pour les vers élevés dans le sel. Résultat : la population élevée dans l'uranium supporte bien le sel mais pas l'augmentation de la température ; celle élevée dans le sel ne supporte ni l'uranium, ni l'augmentation de température. Les populations exposées ont donc mis en place une stratégie adaptative spécialisée pour un stresseur, mais qui diminue leur capacité à en supporter d'autres.
 

Morgan Dutilleul prépare des boîtes de culture pour C. elegans. Gros plan : vue d’une population de C. elegans : on distingue des oeufs, des larves et des individus adultes.

Morgan Dutilleul prépare des boîtes de culture pour C. elegans. Gros plan : vue d'une population de C. elegans : on distingue des oeufs, des larves et des individus adultes.


Si ce schéma d'adaptation est spécifique aux C. elegans (d'autres organismes pourraient évoluer différemment(2)), ces résultats mettent en évidence la part génétique dans l'évolution d'une population modèle face à un stresseur. Ils montrent de plus qu'elle induit un coût sur les capacités de cette population à s'adapter à un nouveau stresseur, et une baisse de sa probabilité de survie.

Collaboration Chaire de recherche du Canada en écologie comportementale (Département des sciences biologiques, Université du Québec, Montréal) ; Laboratoire de toxicologie de la Faculté de pharmacie (Université de Montpellier 1).

Contact :
Jean-Marc Bonzom
(Laboratoire d'écotoxicologie des radionucléides - Leco)
Radioécologie
La mémoire sédimentaire de la Seine révèle 50 années de pollution

Gérer les conséquences d'une pollution industrielle repose en grande partie sur des modèles capables de décrire et de modéliser les transferts de polluants dans l'environnement, notamment les fleuves. Pour la première fois, l'IRSN est parvenu à reconstituer avec précision les flux de polluants d'un bassin versant, celui de la Seine.

Il existe peu d'archives anciennes sur les polluants dans les fleuves. Cependant, dans certaines zones d'accumulation de sédiments, l'analyse de carottages sur quelques mètres de profondeur peut révéler l'historique et les sources des contaminations fluviales. C'est ce qu'a pu réaliser Anne Vrel durant sa thèse, en s'intéressant à 55 éléments stables et 18 radionucléides, sur le bassin versantGLO de la Seine sur la période 1960-2010.


[ Concentrations élevées ]

Trois sites de sédimentation qui permettent de faire la part des polluants venant de l'amont de Rouen, de sa zone industrielle et de ceux venant de l'aval, ont été carottés (voir carte). Les sédiments ont été précisément datés grâce aux pollutions historiques connues(1). Et il a pu être montré que la concentration relevée dans les carottes est égale à celle portée par les particules du fleuve. Ainsi, les prélèvements à Bouafles et à la darse des Docks ont permis de reconstituer l'évolution des concentrations de polluants sur un demi-siècle. A. Vrel a pu attribuer des concentrations anormalement élevées en métaux et radionucléides (ceux de la série de l'uranium 238, notamment) à des rejets directs provenant de deux usines d'engrais phosphatés. Les radionucléides massivement rejetés dans le fleuve par cette activité dans les années 70-80 y sont décelables jusqu'en 2000. On y trouve aussi des traces de radionucléides dont la signature s'identifie à des rejets provenant d'installations nucléaires.
 

Trois sites sédimentaires ont été étudiés : la darse des Docks, ancien bassin portuaire, influencé par les rejets industriels intra-estuariens et par des particules marines ; Bouafles, une plaine d’inondation soumise à la seule contamination fluviale ; la vasière Nord, qui enregistre les polluants de la Seine et de l’usine de traitement des combustibles nucléaires usés de La Hague.

Trois sites sédimentaires ont été étudiés : la darse des Docks, ancien bassin portuaire, influencé par les rejets industriels intra-estuariens et par des particules marines ; Bouafles, une plaine d'inondation soumise à la seule contamination fluviale ; la vasière Nord, qui enregistre les polluants de la Seine et de l'usine de traitement des combustibles nucléaires usés de La Hague.


[ Chronique de dépôts ]

Pour compléter l'analyse, la doctorante a cherché à identifier dans ses carottes la part de polluants provenant du lessivage du bassin versant du fleuve par les pluies. Elle s'est intéressée en particulier aux retombées atmosphériques des essais nucléaires et de l'accident de Tchernobyl. Elle a établi une chronique des dépôts de césium 137 et simulé le lessivage en testant plusieurs cinétiques. Comme les concentrations en césium dans les sédiments sont égales aux concentrations qui ont transité dans le fleuve, elle a pu mettre en évidence que la fraction de césium qui peut être entrainé par les pluies représente moins de 1 % de l'ensemble des dépôts (99 % du césium reste sur place), un résultat cohérent avec ceux obtenus dans d'autres pays, et cela avec deux cinétiques(2).

Ce travail a confirmé qu'il est possible de reconstituer un historique des pollutions fluviales à partir de l'analyse des sédiments carottés. De plus, il montre que le lessivage de retombées radioactives sur un bassin versant est un processus lent (plusieurs décennies), ne concernant qu'une faible fraction de l'activité déposée, même s'il peut induire des flux de contaminants significatifs vers les fleuves et vers l'océan.

Collaboration Universités de Caen et Rouen, Laboratoire de morphodynamique continentale et côtière (M2C, UMR CNRS 6143), Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE- CEA), UMR Sisyphe (Université Paris 6).

Contact :
Dominique Boust
(Laboratoire de radioécologie de Cherbourg-Octeville - LRC)
(1) Retombées des essais nucléaires aériens des années 1960 et de l'accident de Tchernobyl en 1986, rejets industriels.
(2) Le lessivage s'opère selon deux cinétiques dont les périodes caractéristiques sont de l'ordre de 16 mois et 46 ans, pour 0,16 % et 0,54 % de la quantité de césium déposée, respectivement.
Déchets radioactifs - Radioécologie - Sûreté nucléaire
Le défi Needs, nouveau cadre partenarial pour des recherches pluridisciplinaires sur le nucléaire

Needs (pour « Nucléaire : énergie, environnement, déchets, société ») est ce que le CNRS appelle un défi. Ce programme multi et inter-disciplinaire s'inscrit sur le long terme et vise à mettre l'homme et la société au coeur de la réflexion scientifique. Il s'agit de répondre à un besoin sociétal et de favoriser l'émergence de nouveaux champs disciplinaires. L'IRSN en est partie prenante pour apporter sa vision et son savoir-faire et pour alimenter ses propres connaissances, nécessaires pour maintenir son expertise au meilleur niveau.

Depuis avril 2012, les recherches interdisciplinaires sur le nucléaire ont pris une plus grande ampleur au niveau national avec le défi Needs. Cette nouvelle forme de collaboration affirme une double volonté : d'une part, améliorer la visibilité et donner un cadre de cohérence à des travaux menés dans le domaine du nucléaire par le monde académique, les industriels et l'IRSN ; d'autre part, y intégrer les sciences humaines et sociales (SHS) pour insérer dans ces travaux des aspects de la relation entre la société, la nature et la technologie nucléaire. Needs, prévu pour 5 ans renouvelables, comporte sept projets fédérateurs cofinancés annuellement par les partenaires à hauteur de 2,5 à 2,6 M€ par an, dont environ 1 M€ par le CNRS.
 

L’IRSN pilote le sous-projet « Études des effets chroniques de l’accident de Fukushima sur la biologie d’un amphibien, Hylajaponica. Approche multiéchelle : des gènes à l’écologie comportementale (AsHyla) » dans le cadre du projet fédérateur « Impact des activités nucléaires sur l’environnement ;».   L'IRSN pilote le sous-projet « Études des effets chroniques de l'accident de Fukushima sur la biologie d'un amphibien, Hylajaponica. Approche multiéchelle : des gènes à l'écologie comportementale (AsHyla) » dans le cadre du projet fédérateur « Impact des activités nucléaires sur l'environnement ».


[ Lien entre recherches finalisée et fondamentale ]

L'Institut est impliqué dans quatre de ces projets fédérateurs et copilote celui sur l'environnement. Le directeur scientifique de l'IRSN, Giovanni Bruna, a été invité à participer au conseil scientifique de Needs, en tant qu'expert des problématiques de recherche sur la sûreté nucléaire. Des premiers projets ont été initiés dès 2012, d'autres viennent de débuter suite à l'appel à projets de mars 2013. Financés pour un an, ils associent des équipes mixtes universitaires/CNRS à des équipes partenaires.

Needs prend le relais du programme PacenGLO qui fédérait déjà les recherches du CNRS sur le nucléaire. L'IRSN menait dans ce contexte, depuis 2007, une collaboration fructueuse sur le transfert des radionucléides dans l'environnement et le confinement des déchets nucléaires (dans le cadre du GNR TrasseGLO) et était engagé dans un groupement de recherche consacré à la modélisation du stockage (avec le GDR MomasGLO). Une façon privilégiée de faire le lien entre recherches finalisées et fondamentales et d'intéresser des équipes affiliées au CNRS aux thématiques de l'Institut.
 

La Station expérimentale de Tournemire (Aveyron) de l’IRSN sert de support au sous-projet « PétroFabrique et Autocolmatage des Argilites » du projet fédérateur « Comportement aux différentes échelles des matériaux pour le stockage ».

La Station expérimentale de Tournemire (Aveyron) de l'IRSN sert de support au sous-projet « PétroFabrique et Autocolmatage des Argilites » du projet fédérateur « Comportement aux différentes échelles des matériaux pour le stockage ».


[ Déchets radioactifs et milieux poreux ]


Dans le domaine du stockage géologique de déchets radioactifs, Needs a conduit à rapprocher les recherches conduites par le CNRS, d'une part avec l'IRSN au sein du GNR Trasse et d'autre part avec l'Andra, dans celui du GDR ForproGLO : au travers du nouveau projet fédérateur Mipor(1), les trois organismes ont décidé de s'associer pour étudier les milieux poreux constitutifs du stockage et renforcer la robustesse des prédictions à long terme. Le projet mobilise des approches innovantes afin d'étudier la structure des argiles et des bétons et les phénomènes physicochimiques qui en gouvernent les propriétés, depuis l'échelle du nanomètre jusqu'aux échelles supérieures au micromètre. Mipor bénéficie des moyens d'observation et des compétences en recherche fondamentale du CNRS. L'IRSN, qui participe à 3 des 16 sous-projets déjà engagés, apporte la connaissance des argiles naturelles et de leurs interactions avec les ciments issue des recherches menées dans sa station expérimentale de Tournemire (Aveyron) mais également sa compréhension des enjeux de sûreté.


[ S'enrichir grâce aux approches plus fondamentales ]

Le lancement de Needs a aussi été l'occasion d'étendre les coopérations de recherche, de réaffirmer l'importance de connecter recherche fondamentale et finalisée en initiant de nouveaux sujets. C'est le cas notamment du projet fédérateur sur l'environnement(2), désormais reconnu comme une thématique à part entière. L'IRSN aura ainsi l'opportunité d'enrichir les réponses à ses questionnements grâce à des contributions issues d'approches plus fondamentales, en abordant les mécanismes physiques jusqu'à l'échelle atomique et en affinant les modélisations. L'enjeu de ces recherches, co-pilotées par l'IRSN et le CNRS, est de mieux évaluer les conséquences environnementales de substances radioactives et de toxiques chimiques issus de l'industrie nucléaire. Les travaux se dérouleront sur quatre sites d'expérimentation (Fukushima, Tchernobyl, l'environnement de l'ancien site minier des Bois Noirs (Loire) et l'observatoire de l'Andra à Bure). L'IRSN est impliqué dans 10 des 14 sous-projets retenus en 2013 dans le cadre du projet fédérateur « Environnement ». Ils portent notamment sur la recherche de marqueurs environnementaux des rejets nucléaires, la modélisation des mécanismes de transfert et de leurs effets sur les écosystèmes, la métrologie.
 

Évolution de la distribution de la concentration en Uranium 235 en fonction de l’irradiation de crayons de combustible coupés en 8 tranches homogènes : en haut distributions attendues, en bas distributions simulées. Le projet M2C2 de Needs, piloté par l’IRSN dans le cadre du projet fédérateur Systèmes nucléaires et scénarios, a pour objectif d’étudier des solutions pour pallier la divergence non physique que produit la simulation couplant Monte Carlo et Evolution.

Évolution de la distribution de la concentration en Uranium 235 en fonction de l'irradiation de crayons de combustible coupés en 8 tranches homogènes : en haut distributions attendues, en bas distributions simulées. Le projet M2C2 de Needs, piloté par l'IRSN dans le cadre du projet fédérateur Systèmes nucléaires et scénarios, a pour objectif d'étudier des solutions pour pallier la divergence non physique que produit la simulation couplant Monte Carlo et Evolution.


[ Éclairage d'expert en sûreté et radioprotection ]


L'IRSN va accéder à de nouveaux champs de connaissance via Needs. Il va aussi apporter au CNRS et à ses partenaires ses compétences spécifiques et son éclairage d'expert en sûreté nucléaire et en radioprotection dans les projets auxquels il participe. L'Institut intègre par exemple le projet fédérateur qui concerne les systèmes nucléaires(3), des recherches menées jusque-là dans le cadre du GDR GedepeonGLO de Pacen. L'Institut participe à 4 des 24 sous-projets retenus, portant sur l'amélioration des méthodes de calculs neutroniques, la sûreté des réacteurs de 4ème génération et les scénarios de développement de ces réacteurs et des cycles du combustible associés. L'IRSN pilote l'un de ces projets.

Enfin, avec le projet fédérateur sur les risques et la société(4), Needs s'ouvre aux problématiques du domaine social, éthique, politique, et les rapports entre connaissance et société, problématiques que l'accident de Fukushima a mis en lumière. L'Institut est partenaire de ce projet dont le programme scientifique est dans la lignée de ses propres recherches dans le domaine des SHS. Travailler sur ce sujet jusque-là peu étudié, qui plus est en collaboration avec les autres partenaires de l'énergie nucléaire, sera assurément porteur de nouvelles connaissances, utiles aux différents partenaires de Needs en fonction de leurs rôles respectifs.

Contact :
Matthieu Schuler
(Direction de la stratégie, du développement et des partenariats - DSDP)
(1) Partenaires du projet fédérateur Mipor : CNRS, Andra, CEA, EDF, IRSN, BRGM.
(2) Projet fédérateur sur l'environnement : Impact des activités nucléaires sur l'environnement (IRSN, CNRS, Andra, EDF).
(3) Projet fédérateur qui concerne les systèmes nucléaires : Systèmes nucléaires et scénarios (CNRS, CEA, Areva, IRSN, EDF).
(4) Projet fédérateur sur les risques et la société : Nucléaire, risques et société (CNRS, Andra, EDF, IRSN).
 
Visualisation d'une simulation 3D par le logiciel MC3D de la dispersion du corium (en rouge) dans l'eau (dégradé bleu/blanc) contenu dans le puits de cuve en cas de percement central du fond de la cuve. Les points oranges et noirs représentent les gouttes
Accidents de fusion du cœur
Modéliser l'explosion de vapeur

Dans le domaine des accidents de réacteur nucléaire avec fusion du coeur, les travaux de recherche à l'IRSN visent notamment à identifier des moyens susceptibles d'en limiter les conséquences. Le corium, mélange de matériaux en fusion résultant de l'accident, peut interagir avec l'eau présente dans le réacteur et, dans certaines configurations, entraîner une explosion de vapeur. La gravité des conséquences d'une telle explosion sur le confinement des matières radioactives motive le besoin d'en comprendre les mécanismes et de les modéliser afin de pouvoir apprécier par le calcul sa dangerosité. Le programme international Serena2, mené sous l'égide de l'OCDE/AEN, vient de s'achever. Il a permis de collecter des données expérimentales cruciales pour la compréhension et la modélisation des explosions de vapeur.

  Visualisation du champ de pression sur la paroi du puits de cuve et de sa propagation dans le passage d’accès. Cette image résulte d’une simulation numérique d’explosion de vapeur, pour une brèche centrale du fond de la cuve de 60 cm. La pression s’étend de 1 à 400 bars du bleu au rouge. Images à 5 dix millièmes de seconde d’écart.
 
Visualisation du champ de pression sur la paroi du puits de cuve et de sa propagation dans le passage d'accès. Cette image résulte d'une simulation numérique d'explosion de vapeur, pour une brèche centrale du fond de la cuve de 60 cm. La pression s'étend de 1 à 400 bars du bleu au rouge. Images à 5 dix millièmes de seconde d'écart.

Une explosion de vapeur peut se produire lorsqu'un liquide très chaud se mélange à un liquide plus froid et plus volatil. Dans le cas d'un accident avec fusion du coeur, le corium peut entrer en contact avec de l'eau soit lorsqu'il s'écoule au fond de la cuve renfermant le coeur (il rencontre alors l'eau du circuit primaire), soit lorsqu'il se déverse dans le bâtiment réacteur après avoir percé la cuve (l'eau rencontrée est alors celle injectée par le système d'aspersion(1)). Une explosion de vapeur pourrait alors fragiliser les structures de confinement : la cuve, ou les parois de béton de l'enceinte.


[ Fragmentation en gouttelettes ]

Le déroulement des phénomènes physiques qui conduisent à une explosion de vapeur est connu : dès son entrée dans l'eau, le jet de corium se fragmente en gouttelettes et produit une vaporisation intense de l'eau ; celle-ci engendre une onde de choc qui fragmente plus finement le corium, augmentant encore la surface de contact avec l'eau. Le phénomène se propage de proche en proche, développant un processus explosif, produisant une grande quantité de vapeur. Le déclenchement de l'explosion n'est cependant pas systématique, il dépend beaucoup des conditions de mise en contact des fluides et de leurs propriétés physiques : dans le mélange initial (ou prémélange), le corium doit rester liquide pour pouvoir se fragmenter et se disperser mais sans provoquer une vaporisation trop intense pour qu'il reste de l'eau autour des gouttes. Pour ses évaluations de la sûreté, l'IRSN a besoin de pouvoir calculer les pressions qu'une telle explosion impose aux structures. Il développe à cette fin depuis plusieurs années le logiciel MC3D, et a contribué de façon importante au financement de programmes expérimentaux, à l'instar de Serena2, pour affiner et valider cet outil de simulation numérique. Serena2 avait pour objectif de comprendre pourquoi les explosions sont plus limitées avec du corium reconstitué qu'avec certains matériaux de substitution (notamment l'alumine). Douze essais ont été réalisés dans les installations Krotos du CEA et Troi de l'institut coréen Kaeri avec différentes compositions de corium et deux géométries différentes (de type monodimensionnel pour Krotos avec une largeur faible en regard de la hauteur; de type bidimensionnel pour Troi avec une largeur similaire à la hauteur).


[ 3 compositions de corium ]

Ces expériences d'explosion, très complexes à réaliser, ont donné des résultats particulièrement importants concernant l'influence de la solidification du corium sur la puissance de l'explosion. Au cours de sa dispersion dans l'eau, le corium se refroidit et se solidifie, ce qui, à partir d'un certain stade, empêche la fragmentation fine nécessaire à l'explosion. L'explosion dépend donc du mécanisme et de la rapidité de la solidification, euxmêmes dépendants de la composition du corium. Trois compositions de corium totalement oxydés ont été utilisées. Deux de ces compositions alliaient uniquement de l'oxyde d'uranium et de l'oxyde de zirconium (UO2/ZrO2), l'une dans une configuration eutectique. Les résultats expérimentaux montrent que dans la plage étudiée la composition exacte des mélanges UO2/ZrO2 n'a qu'une influence marginale sur la puissance de l'explosion. La 3ème composition intégrait au mélange UO2/ZrO2 d'autres oxydes (oxydes de fer, lanthane, strontium, baryum, chrome), afin d'étudier l'impact d'une plage de solidification (différence entre les températures de liquidus et de solidus) large, telle qu'attendue avec un corium réel. En raison du faible nombre d'essais, les conclusions restent à confirmer par d'autres expériences, mais l'explosion observée dans l'installation Troi avec cette composition de corium est la plus forte jamais enregistrée. Ce résultat conforte les pré-calculs réalisés par l'IRSN avec le logiciel MC3D : ils prédisaient une explosion deux fois plus puissante avec cette composition de corium, du fait de ses caractéristiques énergétiques.


Visualisation d’une simulation 3D par le logiciel MC3D de la dispersion du corium (en rouge) dans l’eau (dégradé bleu/blanc)contenu dans le puits de cuve en cas de percement central du fond de la cuve. Les points oranges et noirs représentent les gouttes de corium(oranges si elles sont liquides, noires si elles sont solides). La géométrie du puits de cuve est simplifiée.  

Visualisation d'une simulation 3D par le logiciel MC3D de la dispersion du corium (en rouge) dans l'eau (dégradé bleu/blanc) contenu dans le puits de cuve en cas de percement central du fond de la cuve. Les points oranges et noirs représentent les gouttes de corium (oranges si elles sont liquides, noires si elles sont solides). La géométrie du puits de cuve est simplifiée.

 
[ Instabilité de la vapeur ]

Les essais réalisés dans l'installation Krotos, équipée d'une imagerie à rayons X, ont permis de caractériser avec une bonne précision le comportement de la vapeur dans le mélange et sa répartition. En particulier, l'instabilité du film de vapeur entourant le jet de corium a été mise en évidence, confortant également les prévisions des calculs MC3D. Les images ont de plus confirmé le comportement très turbulent du jet une fois dans l'eau. Des analyses complémentaires seront réalisées pour tirer pleinement parti des résultats.

Un essai réalisé dans chacune des deux installations avec un corium contenant du zirconium non totalement oxydé a par ailleurs été consacré à l'influence du degré d'oxydation. Les deux essais se sont avérés difficiles à interpréter, l'oxydation du corium reste néanmoins un phénomène de nature à modifier significativement le comportement de l'interaction et des investigations supplémentaires seront nécessaires.

Les résultats de l'ensemble des essais ont été analysés par les partenaires du programme Serena2 avec différents logiciels. Les simulations numériques réalisées par l'IRSN et par Kaeri avec le logiciel MC3D ont permis de reproduire correctement les expériences réalisées dans Troi (hors test avec oxydation), la simulation des essais réalisés dans Krotos s'avère quant à elle moins satisfaisante et les raisons sont encore à éclaircir : la forte production de vapeur mesurée dans certains essais est notamment difficile à retrouver par le calcul.


[ À l'échelle du réacteur ]

Les calculs ont également mis en évidence des points importants pour la sûreté. Dans le cas d'une géométrie de type bidimensionnel (largeur similaire à la hauteur) comme c'est le cas pour l'installation Troi et pour le puits de cuve d'un réacteur, les calculs font apparaître que l'onde de choc générée pendant la phase d'explosion décroît rapidement en se propageant radialement hors de la zone de mélange. Ainsi, les pressions plutôt « modérées » relevées dans les essais Troi (inférieures à 200 bars) masquent des explosions en réalité assez fortes. Par ailleurs, si le percement du fond de la cuve par le corium est central, cet effet diminue considérablement la pression sur les parois ce qui est alors bénéfique pour la sûreté. Enfin, les calculs ont montré que les effets d'échelle, lorsqu'on passe de l'expérience au réacteur, induisent une production de vapeur autour du jet de corium notablement plus forte et une solidification du corium proportionnellement plus importante, ce qui contribue à limiter la puissance d'une explosion.


Dans l'installation Krotos, les rayons X à haute énergie (Linatron) permettent de radiographier un jet de corium (température pouvant atteindre 3000K) d'une trentaine de millimètres en interaction avec de l'eau (température inférieure à 373K). Après traitement par analyses d'images, il est possible d'identifier les 3 phases en présence : eau liquide, gaz (vapeur, hydrogène) et corium. Cette analyse permet d'extraire des données quantitatives sur la distribution volumique et la répartition spatiale des 3 phases ainsi qu'une reconstruction 3 D (figures du bas) pour le corium et le gaz (« void » ou vide).

Dans l'installation Krotos, les rayons X à haute énergie (Linatron) permettent de radiographier un jet de corium (température pouvant atteindre 3000K) d'une trentaine de millimètres en interaction avec de l'eau (température inférieure à 373K). Après traitement par analyses d'images, il est possible d'identifier les 3 phases en présence : eau liquide, gaz (vapeur, hydrogène) et corium. Cette analyse permet d'extraire des données quantitatives sur la distribution volumique et la répartition spatiale des 3 phases ainsi qu'une reconstruction 3 D (figures du bas) pour le corium et le gaz (« void » ou vide).

[ Vers la simulation tri-dimensionnelle ]

L'utilisation dans les calculs de modélisations 2D introduit cependant un biais puisque cela revient à ne considérer que le cas « idéal » où l'écoulement du corium et l'explosion sont sur l'axe vertical de la cuve, loin des parois. Une modélisation 3D est donc nécessaire pour obtenir un niveau de confiance suffisant. Si la faisabilité de calculs en 3D a été démontrée dans Serena2, des progrès restent à faire sur la prise en compte des spécificités de l'écoulement des jets non centrés, ainsi que sur la rapidité des calculs.

Le programme Serena2 a été très utile à la compréhension des phénomènes. Il a permis de bien cerner l'influence de la composition du corium (marge à la solidification) et il a fourni des informations détaillées sur la fragmentation et la vaporisation qui serviront pour l'amélioration des modèles. Le niveau de modélisation des outils permet à présent de prévoir avec une précision raisonnable les pressions qui s'exercent sur les parois pour la situation la plus simple : celle d'une brèche centrale sur la cuve et d'un mélange UO2/ZrO2. Cependant, il reste du chemin à parcourir pour fiabiliser les extrapolations à l'échelle du réacteur.

Pour l'heure, les expériences n'ont pas permis d'éclaircir le rôle de l'oxydation, processus qui, dans les conditions considérées, reste mal connu et mal modélisé. De même, il faut envisager le cas d'une brèche décentrée ou latérale, qui induit très certainement des modifications dans le processus de fragmentation. Enfin, il reste des incertitudes sur le processus même de la pressurisation au cours de l'explosion. Pour lever ces trois incertitudes, l'IRSN va piloter le programme Interaction corium-eau (ICE), en collaboration avec le CEA, le laboratoire Lemta de Nancy, EDF et Areva. Ce programme, intégrant expériences et travaux théoriques, a été sélectionné par l'Agence nationale de la recherche (ANR) en mai dernier, doit se poursuivre durant 5 ans.

Collaboration Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA-France) ; Josef Stefan Institute (JSI-Slovénie) ; Korea Atomic Energy Research Institute (Kaeri-Corée) ; Institut für Kernenergetik und Energiesysteme (IKE-Stuttgart, Allemagne).

Contact :
Renaud Meignen
(Bureau de physique des accidents graves - BPhAG)
(1) Le système d'aspersion est situé dans l'enceinte du réacteur ; il est constitué notamment de buses qui, en cas d'accident, aspergent d'eau le réacteur afin d'abaisser la température et la pression dans l'enceinte.
 
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