Savoir et comprendre

Comment évacuer une source radioactive inutilisée ?

04/02/2014

Laboratoires, universités et hôpitaux sont souvent démunis lorsqu’ils se retrouvent face à un objet radioactif, inutilisé ou périmé. Qu’il s’agisse d’une source étalon d’une Babyline ou d’une galette de cobalt, il ne faut pas la conserver. Pour le domaine industriel et médical, que dit la loi ? Quelle conduite tenir et quel organisme contacter ? Quelles responsabilités pour son détenteur ?

 

Décryptage : Les démarches d’évacuation d’une source inutilisée

 

Le détenteur d’une source radioactive inutilisée ou périmée est responsable des actions à mener pour sa reprise et son évacuation. Comment faire et vers qui se tourner ? De sa découverte à sa récupération, toutes les étapes, légales et techniques.

 

 

Les démarches d’évacuation d’une source inutilisée

 

 

​ Glossaire

Source orpheline : source d’activité supérieure aux seuils d’exemption qui n’est plus sous le contrôle d’une personne déclarée ou autorisée à la détenir : abandonnée, perdue, égarée, volée ou non déclarée.

 

Source en déshérence : source toujours sous le contrôle d’un détenteur mais dont ce dernier recherche un repreneur, en l’absence de fournisseur ou de fabricant subsistant ou identifiable.

 

Source radioactive scellée : source dont la structure ou le conditionnement empêche, en utilisation normale, toute dispersion de matières radioactives dans le milieu ambiant. Elle ne présente pas de risque de contamination.

 

Source radioactive non scellée : source dont la présentation et les conditions normales d’emploi ne permettent pas de prévenir toute dispersion de substance radioactive. Elle présente, par nature, un risque de contamination et nécessite des précautions d’emploi particulières.

 

Plus on attend pour la récupération, plus la facture grimpe

 

Julien Fanjeaux est conseiller en radioprotection à l’université Toulouse III – Paul-Sabatier (Haute-Garonne), qui regroupe des facultés de sciences et de santé. Il accompagne et assiste les personnes compétentes en radioprotection des laboratoires, notamment lorsqu’ils découvrent une source, scellée ou non, en déshérence dans un placard.

 

« Sur le site de l’université, nous découvrons encore un ou deux objets radioactifs en déshérence par an. Plusieurs dizaines, très anciens, stockés dans les règles de radioprotection, attendent d’être évacués. Le fournisseur est tenu de reprendre celui qu’il a distribué, mais il est parfois difficile de l’identifier. Pour retrouver la société responsable d’un appareil analytique acheté en 1982, j’ai fait appel à l’unité d’expertise des sources de l’IRSN, car l’entreprise avait été rachetée à cinq reprises. Les spécialistes peuvent fournir des copies de certificats anciens ou aider à ‘convaincre’ un distributeur de son obligation de les récupérer. Les équipes d’intervention et d’assistance en radioprotection de l’Institut interviennent pour en caractériser certaines ou les manipuler jusqu’à leur conditionnement.

 

Pour l’université, le coût est énorme. Une source d’américium achetée 4 600 € en 1991 sera reprise par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives contre 23 000 €. Plus nous attendons, plus la facture grimpe ! Ce type de produit devient trop rare pour justifier une filière d’élimination et un colis de transport ad hoc. L’évacuation d’une source à neutrons achetée en 1967 était chiffrée 7 500 € en 1998. L’opération a été facturée 19 200 € en 2011. Parfois, les solutions techniques n’existent plus : une autre, des années 1960, dont le fabricant américain a disparu, doit être évacuée par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, mais elle ne dispose pas d’un colis adéquat.

 

Dans l’attente, nous avons adressé une liste des objets radioactifs à l’Autorité de sûreté nucléaire et les conservons en sécurité. Lorsque l’un de nos laboratoires en achète un, j’insiste pour que le prix de la reprise, transport compris, soit inclus dans la facture initiale et que l’objet soit retourné au fournisseur dans les délais réglementaires : dix ans. »

 

Archives, base de données, compétences… pour remonter à la source

 

Le témoignage de Franck Ropero, ingénieur à l’unité d’expertise des sources (UES) de l’IRSN

 

« Les quatorze personnes de l’unité d’expertise des sources disposent de plusieurs moyens d’identification, à commencer par la base de données du système d’information et de gestion de l’inventaire des sources, scellées ou non, de rayonnements ionisants (Sigis). Elle répertorie chacune d’elles, avec des renseignements sur ses radionucléides, activité, référence catalogue, fabricant, numéro de série, utilisateur, lieu de détention, numéro et date de visa d’enregistrement... Quelque 45 000 objets radioactifs y sont référencés.

 

Quatre salles d’une cinquantaine de mètres carrés conservent les archives papier de la Commission interministérielle des radio-éléments artificiels (Cirea), précédent organisme chargé de les suivre. Ce sont par exemple les dossiers des fournisseurs industriels ou médicaux et des utilisateurs qui tracent, depuis les années 1950, le devenir des sources mises en circulation.

 

Un classeur spécifique a été constitué, dédié aux cas de sources orphelines et en déshérence traitées : des fiches avec des photos et la filière supposée identifiée et parfois validée permettent à chaque expert de profiter de l’expérience de chaque ’affaire’. L’unité consulte parfois les experts du service d’intervention et d’assistance en radioprotection [Siar] de l’Institut. Leurs connaissances du terrain et leur pratique peuvent aider à résoudre le mystère de l’une d’elles. »  

 

Textes de référence

Procédure ASN SD3-D-08. Liste des démarches à mettre en œuvre par le détenteur en cas de découverte d’une source scellée inutilisée ou périmée.

Code de la santé publique (CSP), article R.1333-52. Le fournisseur de sources radioactives scellées, de produits ou de dispositifs en contenant, est dans l’obligation de récupérer, sans condition et sur simple demande, toute source scellée qu’il a distribuée, notamment lorsque cette source est périmée (plus de dix ans) ou que son détenteur n’en a plus l’usage.

 

Notes :

1- Personne compétente en radioprotection. Selon le Code de la santé publique, la détention et/ou l’utilisation de sources scellées se fait sous sa responsabilité.
2- Fournisseur ou fabricant.
3- Service d’intervention et d’assistance en radioprotection de l’IRSN.
4- Unité d’expertise des sources de l’IRSN.
5- Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) ou division régionale de l’Autorité de sûreté nucléaire.
6- Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.

 

En savoir plus :