Savoir et comprendre

Expertises sur les sites miniers de la Division minière de la Crouzille (Haute Vienne-Limousin)

21/05/2012

Dans le cadre du suivi et de l’évaluation dans la durée de l’impact environnemental des anciennes exploitations d’uranium de la division minière de la Crouzille, le préfet de Haute-Vienne a demandé, en 2004, à AREVA NC d’établir un bilan décennal environnemental.

 

Ce bilan avait notamment pour objectif de rassembler et d’analyser l’ensemble des données relatives à la surveillance de ses sites et de leur environnement, acquises au cours des dix dernières années. A la demande du préfet, l’analyse critique (ou tierce-expertise) de ce bilan a été confiée à l’IRSN qui a proposé un découpage en trois volets. La tierce-expertise IRSN a été conduite en liaison étroite avec le groupe d’expertise pluraliste (GEP) mis en place en 2006 à la demande des ministres en charge de l’environnement, de la santé et de l’industrie.

 

1er rapport de tierce-expertise

 

Dans une première étape, objet d’un rapport remis en janvier 2007, la tierce expertise de l’IRSN s’est focalisée sur l’examen de la maîtrise des impacts associé au stockage des résidus de traitement de Bellezane et de l’évaluation de l’impact environnemental des anciennes exploitations d’uranium à l’échelle du bassin versant du Ritord.

 

Les principales conclusions et recommandations émises par l’IRSN ont porté sur l’utilité :

  • d’améliorer la compréhension du fonctionnement hydraulique du site de Bellezane afin de mieux caractériser la nature et l’importance des émissions diffuses du site vers le milieu aquatique et, le cas échéant, de définir une stratégie de réduction optimisée de ces émissions 
  • de compléter les mesures de contrôle dans l’environnement pour préciser l’impact global des rejets des anciennes activités minières sur le milieu aquatique (eaux et sédiments) du bassin du Ritord et identifier clairement les principaux mécanismes en jeu et les paramètres les plus influents
  • de mettre en œuvre une démarche d’évaluation de l’incidence écologique des marquages radiologiques  constatés sur les eaux et les sédiments du bassin du Ritord.

 

2ème rapport de tierce-expertise

 

La deuxième étape de la tierce expertise a consisté d’une part à étendre l’examen à l’ensemble des sites des quatre bassins versants principaux concernés, d’autre part à apprécier la méthodologie de l’évaluation de l’impact sur l’homme et l’environnement mise en œuvre par AREVA NC et les applications associées. Cette deuxième étape a fait l’objet d’un nouveau rapport remis début 2008.

 

Les résultats obtenus ont conduit à proposer des pistes d’améliorations du système de gestion et de maîtrise des impacts envisagé par AREVA NC dans le cadre de la surveillance à moyen terme de ses sites. Ces pistes ont été déclinées en actions de réduction des impacts à court terme, en actions de surveillance et en actions liées au besoin de connaissance. Parmi les actions de réduction des impacts, on peut citer la réduction des rejets non canalisés - et plus particulièrement ceux issus du lessivage des stériles miniers déposés en bordure de cours d’eau - ou encore la mise en œuvre de traitements pour réduire la teneur en uranium dans les rejets.

 

Concernant la surveillance, des propositions ont été faites pour répondre à trois types d’objectifs : accroître la connaissance sur l’écoulement des eaux au sein des entités minières (galeries des travaux miniers souterrains, mines à ciel ouvert, ruissellement,…), suivre les rejets et les impacts associés en termes de marquages environnementaux et enfin acquérir des données nécessaires pour la réalisation des calculs d’impact. Les actions liées au besoin de connaissance se traduisent par une proposition de mise en œuvre d’études spécifiques dont les résultats doivent permettre une prise de décision ultérieure sur des actions de réduction ou de maîtrise des impacts sur le long terme.

 

Dans son analyse critique, l’IRSN s’est également attaché à évaluer la méthodologie retenue par AREVA NC pour caractériser l’impact des anciens sites miniers du Limousin sur les populations. De ce point de vue, l’examen des hypothèses et données utilisées par AREVA NC a conduit à recommander tout d’abord un recentrage de l’effort de surveillance sur les données réellement pertinentes.

 

Ainsi, il a été jugé que la surveillance de la radioactivité des eaux potables distribuées dans les villages voisins des sites miniers, telle qu’envisagée par AREVA, n’était pas toujours justifiée et que les mesures correspondantes pouvaient être abandonnées à condition de confirmer de façon indiscutable que les points de captage d’alimentation en eau potable se situent à l’abri de toute influence des sites miniers.

 

A contrario, l’IRSN a souligné que la surveillance effectuée sur les denrées alimentaires produites localement nécessite d’être renforcée. Une amélioration de la précision des mesures et une meilleure représentativité et reproductibilité des prélèvements s’avèraient pour cela indispensable. En complément, l’IRSN a considéré également nécessaire d’accompagner systématiquement les calculs de dose effectués par des analyses de sensibilité prenant notamment en compte les incertitudes associées aux mesures. Le recours à la modélisation a par ailleurs été jugé utile pour compléter la démarche.

 

Enfin, l’analyse du Bilan Décennal Environnemental par l’IRSN a montré que la caractérisation de l’impact environnemental pouvait être nettement améliorée en préférant la surveillance des écosystèmes aux contrôles de radioactivité dans les végétaux et par l’application de la méthodologie innovante d’évaluation du risque à l’environnement développée dans le cadre du programme de recherche européen ERICA, auquel a contribué l'IRSN en partenariat avec d'autres organismes de recherche étrangers.

 

3ème rapport de tierce-expertise

 

Le troisième et dernier volet de la tierce expertise menée par l’IRSN a consisté à examiner la question de la réutilisation dans le domaine public de stériles miniers. Cette question a été traitée sur la base des informations relatives à la division minière de la Crouzille transmises par AREVA NC d’une part, et d’autre part en tirant bénéfice du retour d’expérience acquis en France au travers du traitement de divers cas avérés de réutilisation. Ce retour d’expérience a concerné plus particulièrement trois cas : celui des sites de la concession de Mallièvre (Deux-Sèvres et Vendée), du site de Saint-Priest-La-Prugne (Loire) et celui de Lachaux (Puy de Dôme).

 

Ce troisième volet, remis par l’IRSN début 2009, a examiné en particulier les informations issues de la mise en place par AREVA NC (COGEMA à cette époque), à compter de 1984, d’un registre de cessions destiné à encadrer la demande croissante d’entreprises locales, et notamment de carriers, pour la réutilisation de stériles. La tenue de ce registre s’est accompagnée de la mise en œuvre de dispositions destinées à limiter les risques liés à la réutilisation de ces matériaux, telles que par exemple des mesures du niveau de la radioactivité via des contrôles en sortie de site ou la restriction d’usages imposée aux acquéreurs et en particulier l’interdiction d’utilisation pour des soubassements ou en tant que matériaux de construction.

 

A l’issue de son analyse, l’IRSN a noté l’utilité et la pertinence de la démarche mise en œuvre à l’époque mais a souligné également certaines limites des dispositions adoptées : manque de précisions concernant certaines cessions, absence de vérification sur les lieux de réutilisation en particulier.

 

En ce qui concerne les années antérieures à la mise en place du registre, les informations sur les cessions restent pauvres. Les résultats des campagnes radiamétriques réalisées par AREVA NC en 2000 dans les villages limitrophes des sites miniers permettent de disposer d’un état des lieux des zones ayant potentiellement fait usage de stériles miniers en tant que matériaux de remblayage. Les résultats, bien que rassurants, ne permettent cependant pas de tirer des conclusions concernant l’ensemble des secteurs géographiques ou constructions potentiellement impactés.

 

Le retour d’expérience de la réutilisation des stériles miniers dans l’environnement des sites de la concession de Mallièvre, de Saint-Priest-La-Prugne et de Lachaux a montré que l’utilisation de stériles dans le domaine public a pu conduire à des situations justifiant la mise en œuvre d’opérations d’assainissement et de reprise de matériaux. Si aucune utilisation comparable de stériles n’a été mise en évidence autour des sites couverts par le bilan décennal environnemental, l’IRSN a considèré que les informations dont dispose AREVA NC n’était pas suffisantes pour exclure tout impact et qu’il était nécessaire d’améliorer les connaissances en matière de réutilisation de stériles dans la région du Limousin.

 

Plusieurs pistes, fondées sur le retour d’expérience, ont été proposées par l’IRSN. Elles reposent d’une part sur la collecte et l’exploitation plus systématique des informations détenues par les populations locales, notamment par le biais de questionnaires, et d’autre part, sur le recensement des zones aménagées les plus susceptibles d’avoir fait l’objet de réutilisation de stériles. La comparaison de photographies aériennes permettant d’identifier les constructions nouvelles pendant la période correspondant à la période d’exploitation et de réaménagement des sites miniers a ainsi été suggérée. Celles-ci pourraient guider des investigations radiamétriques de terrain destinées à compléter le diagnostic.

 

En complément, l’IRSN a considéré important d’engager une action spécifique pour les lieux à usages sensibles, tels que les écoles et les autres établissements d’enseignement ou de soin, compte tenu de l’enjeu plus particulier qui leur est associé. Ces établissements sont aujourd’hui soumis à une obligation de dépistage du radon par l’arrêté du 22 juillet 2004 relatif aux modalités de gestion du risque lié au radon dans les lieux ouverts au public. L’IRSN a considéré qu’il conviendrait a minima de vérifier que les mesures de dépistage prévues ont bien été effectuées et d’examiner les résultats pour voir s’ils ne conduisent pas à suspecter la présence de stériles.

 

Enfin, l’IRSN a considéré que les actions mises en œuvre ne seront pleinement efficaces que si les informations recueillies sont mises en forme, exploitées et surtout diffusées de la manière la plus large et pertinente possible afin d’en favoriser la conservation et l’utilisation. Il serait en particulier utile d’exploiter les données figurant dans les registres ou découlant des diverses campagnes d’investigations (dont celle de 2000) afin d’établir une cartographie des chemins, routes, aires, plateformes et autres secteurs sur lesquels des stériles ont été utilisés et d’en transmettre a minima une copie aux services municipaux concernés.

 

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