Savoir et comprendre

Les doses reçues par la population

25/01/2013

​​​En France métropolitaine, la dose annuelle due aux essais nucléaires atteint 300 microsieverts (µSv) en moyenne, en 1963

La génération la plus exposée aux retombées des essais atmosphériques est celle des enfants nés en 1961 : leur dose cumulée à 18 ans est estimée à 1,5 millisievert (mSv) en moyenne et jusqu’à 5 mSv dans les régions les plus arrosées. L’essentiel de ces estimations repose sur des mesures dans l'environnement.

 

L'air, le sol et les denrées contaminés sont les trois sources d’exposition aux rayonnements. La population est d'abord exposée aux particules radioactives contenues dans l’air (exposition externe due aux rayonnements de l’air et exposition interne après inhalation). Elle est ensuite exposée aux rayonnements émis par les dépôts radioactifs sur les sols et les végétaux (exposition externe due aux rayonnements des dépôts), ainsi qu’à la contamination de la chaîne alimentaire qui en résulte (exposition interne par ingestion).

 

La dose, plus précisément la « dose au corps entier », est un indicateur global d’évaluation du risque qui permet d’effectuer des comparaisons entre des situations très diverses (radioactivité naturelle, accident de Tchernobyl, retombées des tirs, etc.).

 

Les voies d'exposition aux rayonnements.L. Stefano – IRSN  

Les voies d'exposition aux rayonnements

 

1963, une dose proche de celle de 1986, année de l'accident de Tchernobyl :

 

La dose est maximale pour l'année 1963 : 300 microsieverts (µSv). C’est l'année où les activités dans l’air et les dépôts, responsables des doses par inhalation et exposition, sont les plus élevées. De plus, le Césium 137 et le Strontium 90 des retombées des essais antérieurs, accumulés dans les sols, entraînent une exposition externe et une contamination supplémentaire de la chaîne alimentaire. En France, la dose de 1963 est du même ordre de grandeur que celle de l’année 1986, due aux retombées de l’accident de Tchernobyl.

 

Dose annuelle moyenne reçue en France, en microsievert par an, entre 1961 et 1978.L. Stefano – IRSN

Dose annuelle moyenne reçue en France, en microsievert par an, entre 1961 et 1978

 

L’arrêt des essais américains et soviétiques a entraîné une diminution rapide de la dose à moins de 40 microsieverts en 1966. La rémanence dans les sols et les retombées des essais chinois l’entretiennent jusqu’au début des années 1980, la dose est alors de l'ordre de 20 µSv/an. Depuis, elle diminue régulièrement.

 

Dose cumulée : 

Pendant la même période, la dose cumulée attribuée aux essais augmente lentement, passant de 1 millisievert (mSv) en 1966 à 1,5 mSv en 1978. Depuis, elle n’augmente presque plus. Près de 70% de la dose totale due aux retombées des essais nucléaires (hors Carbone 14) aura été délivrée avant 1967. Cette dose cumulée sur 18 ans (de 1961 à 1978), de l’ordre de 1,5 mSv sur la majeure partie du pays et jusqu’à 5 mSv dans les régions où les précipitations moyennes annuelles ont été les plus fortes, correspond à une ou deux années d’exposition aux rayonnements naturels.

 

Dose cumulée reçue attribuée aux essais entre 1961 et 1978.L. Stefano – IRSN  

Dose cumulée reçue attribuée aux essais entre 1961 et 1978.
 

Voies d'exposition : 

En 1963, la dose par ingestion a représenté 60% de la dose totale. Elle a résulté majoritairement de la présence de Césium 137 et de Strontium 90. La mesure de ces deux radionucléides dans les plateaux-repas des cantines constitue un élément de validation important de la dose par ingestion. L'exposition externe aux dépôts est la deuxième composante de la dose totale.

 

En 1977, la contamination de la chaîne alimentaire, qui ne provient plus que du Césium 137 et du Strontium 90 accumulés dans les sols ainsi que des retombées de l’unique essai chinois de puissance moyenne de l’automne 1976, est beaucoup plus faible, ramenant la contribution de la dose par ingestion à 30%. La contribution de l'exposition externe aux dépôts devient prépondérante. Plus de la moitié de cette exposition est imputable au Zirconium 95, très régulièrement mesuré dans l’air et dans l’eau de pluie, et dont les dépôts sont bien connus.

 

Contribution des différentes voies d'exposition à la dose.L. Stefano – IRSN  

Contribution des différentes voies d'exposition à la dose 

 

Avec une valeur maximale de 1 millisievert pour l'année 1963, les doses à la thyroïde sont faibles au regard des doses efficaces

Les bouffées d’Iode 131, principales responsables de l’exposition de la thyroïde, sont brèves, alors que d'autres radionucléides contribuent faiblement mais de manière prolongée aux doses à la thyroïde. Ainsi, depuis le début des années 1970, le Césium 137 accumulé dans les sols est devenu le principal contributeur aux doses à la thyroïde.

 

Le calcul de la dose à la thyroïde permet d’évaluer le risque de développer des maladies spécifiques à cet organe, particulièrement sensible aux rayonnements chez l’enfant. Pour les enfants nés au début des années 1960, la contamination des denrées par l'Iode 131, résultant des bouffées successives des nombreux essais, constitue la composante principale des doses à la thyroïde. En région parisienne, les doses fluctuent brutalement d’un mois à l’autre, passant de 10 microsieverts par mois (µSv/mois) jusqu’à près de 500 µSv/mois, en juin et juillet 1964 notamment. La dose cumulée augmente après chacun des épisodes « Iode 131 », pour atteindre 3 millisieverts (mSv) en août 1964.

 

A partir de 1965, les activités en Iode 131 sont plus faibles et plus rares. Entre deux épisodes, le Césium 137 provoque une exposition de la thyroïde d'un peu plus de 1 µSv/mois (soit 15 µSv/an). Cette dose beaucoup plus faible résulte de l’exposition externe aux rayonnements émis par le Cesium 137 accumulé dans les sols, et, dans une moindre mesure, de l’ingestion de ce radionucléide.

 

Dose mensuelle à la thyroïde en région parisienne.L. Stefano – IRSN  

Dose mensuelle à la thyroïde en région parisienne

 

 

Dose mensuelle à la thyroïde en région parisienne.L. Stefano – IRSN  

Dose mensuelle à la thyroïde en région parisienne
 

 

Globalement, pour un enfant né en 1961, la dose due à l’ingestion de denrées contaminées représente plus de 80% de la dose cumulée à la thyroïde. L’ingestion de lait et de produits laitiers y contribue majoritairement.

 

Contrairement aux doses au corps entier, peu variables, les doses à la thyroïde sont sensibles aux variations de la contamination en Iode 131 des produits laitiers, ainsi qu’aux habitudes de consommation de ces produits : quantités consommées, lait maternel ou en poudre, frais ou de longue conservation. Leur estimation est par ailleurs basée sur un nombre beaucoup plus restreint de mesures.

 

Contribution des denrées alimentaires à la dose à la thyroïde pour un enfant né en 1961.L. Stefano – IRSN  

Contribution des denrées alimentaires à la dose à la thyroïde pour un enfant né en 1961, tout au long de ses 17 premières années

 

 

Le Carbone 14 dû aux essais nucléaires : une faible contribution aux doses

 

Le Carbone 14 résultant des essais nucléaires atmosphériques s'est ajouté au Carbone 14 naturellement produit dans la haute atmosphère. Sa teneur a pratiquement doublé entre 1955 et 1965, au plus fort des retombées des essais nucléaires.

 

Le carbone est un constituant fondamental de la matière vivante. Il est également présent dans le dioxyde de carbone de l'atmosphère (Co2), les roches calcaires, en particulier les carbonates des océans et les combustibles fossiles (pétrole, charbon, etc.). Il est constitué principalement de Carbone 12 stable, d’une très faible proportion de Carbone 13 et d’une infime quantité de Carbone 14.

 

Le Carbone 14 (appelé radiocarbone) est radioactif avec une période de 5 730 ans. Il est formé en permanence dans l’atmosphère par action des rayonnements cosmiques sur l’azote de l’air, à raison d’environ 1,54.1015 Bq/an. Sa production évolue donc en permanence avec la variation de l’énergie émise par le soleil et avec celle du champ magnétique terrestre.

 

À ce radiocarbone naturel se sont ajoutés environ 213.1015 Bq émis lors des essais nucléaires atmosphériques.

 

Cycle du carbone (représentation simplifiée).L. Stefano – IRSN  

 

Cycle du carbone (représentation simplifiée)

 

Le Carbone 14 est intégré au cycle du carbone. Dans les végétaux, son incorporation résulte de la photosynthèse et, dans les animaux, de l'ingestion de matière organique végétale.

 

Grâce à la photosynthèse, les végétaux incorporent le carbone présent dans le gaz carbonique de l'air et fabriquent leur matière organique. Les animaux se nourrissent de végétaux et le carbone devient ainsi partie intégrante de tous les organismes vivants. Ceux-ci en restituent une faible part directement dans l’air par leur respiration et, surtout, après leur mort par leur propre décomposition. Dans le sol, le carbone organique est lentement décomposé en carbone minéral et peut retourner à l’atmosphère. 

 

Un pic de carbone 14 en 1965 : 

Dans l’hémisphère nord, la contamination en Carbone 14 de la biosphère a pratiquement doublé entre 1955 et 1965, au plus fort des retombées des essais nucléaires. Depuis cette date, elle décroît lentement, en raison de l’arrêt de ces essais et de l’augmentation régulière du carbone provenant de combustibles fossiles, dépourvus de Carbone 14.

Concentration en 14C du carbone de la biosphère.L. Stefano – IRSN

Concentration en carbone 14 du carbone de la biosphère

 

Contamination en carbone 14 des denrées alimentaires.L. Stefano – IRSN

Contamination en carbone 14 des denrées alimentaires

 

Dose annuelle due au Carbone 14 : 

Pour un adulte, la dose est passée de 12 microsieverts par an (µSv/an) en 1950 à un maximum de l'ordre de 22 µSv/an en 1964, pour redescendre ensuite à 13 µSv/an, niveau à peine supérieur à sa valeur initiale.

Dose annuelle par ingestion pour l’adulte (14C naturel et 14C dû aux essais).L. Stefano – IRSN  

Dose annuelle par ingestion pour l’adulte (Carbone 14 naturel et Carbone 14 dû aux essais)

 

En 1964, la contribution à la dose annuelle du Carbone 14 provenant des essais nucléaires a été de 10 µSv, soit 5% de la dose totale imputable aux essais nucléaires cette année-là (200 µSv). Aujourd’hui, cette contribution est négligeable.