Savoir et comprendre

Le contrôle des rejets en aval des centrales nucléaires

20/03/2015

Des dispositifs de contrôle permettent de s’assurer qu’à aucun moment les effluents radioactifs ne dépassent les limites de rejets autorisées pour chaque centrale. Ils jouent aussi un rôle d’alerte en cas d’incident.

 

98 % de l’eau prélevée par une centrale dans un fleuve, une rivière ou la mer, principalement pour refroidir les réacteurs, est restituée au milieu naturel, alors que les 2% restants s’évaporent pour refroidir les réacteurs. Toutefois, une centrale produit aussi des eaux usées contenant des traces de radioactivité.

 

« Pour une installation nucléaire, tout rejet dans l’environnement qui n’est pas spécifiquement autorisé est interdit », rappelle Michel Chartier, expert en radioprotection à l’IRSN. Ce principe de la réglementation française se double d’un autre : « Il n’existe pas de limite générale de rejets. Les quantités maximales de radionucléides permises dans les effluents sont propres à chaque installation et toujours les plus basses possibles. L’exploitant doit utiliser les meilleures techniques disponibles pour réduire ses émissions de polluants à la source. »

 

L’autorisation de rejet et son expertise

 

Avant la mise en service de l’installation, l'exploitant va effectuer une demande d’autorisation de rejet et de prélèvement d’eau auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Ce document spécifie les types de radionucléides et les niveaux d’activité qui vont être rejetés. L’ASN délivre une autorisation qui devra être renouvelée à chaque modification substantielle de l’installation ou de la réglementation.

 

Lors de la demande d’autorisation, l’IRSN vérifie que les meilleures techniques disponibles ont été mises en œuvre pour réduire les émissions de polluants à la source. Il effectue des études d’impact sanitaire indépendantes de celles réalisées par EDF. 

 

« Il s’agit d’estimer la dose maximale qui résulterait d’une exposition des populations d’usagers de l’eau aux limites de rejets demandées. L’objectif n’est pas de refaire les calculs de l’exploitant mais de confronter nos évaluations dosimétriques, afin de confirmer l’absence de risque radiologique », précise Michel Chartier. 

 

Des études d’impacts sur l’environnement

 

EDF comme l’IRSN réalisent également des études d’impact sur les écosystèmes, même s’il n’existe pas à ce jour d’obligation formelle dans ce domaine.

 

Responsable de son installation, l’exploitant établit un plan de surveillance de l’environnement autour de son site pour vérifier que, pendant toute la vie de la centrale, les rejets effectifs restent inférieurs aux maximums autorisés. L’IRSN peut être sollicité pour évaluer la pertinence du dispositif ou pour accompagner l’ASN lors d’inspections sur site. 

 

Parallèlement, l’IRSN déploie ses propres moyens de mesure sur le terrain, à commencer par son réseau d’hydrocollecteurs. « L’objectif n’est pas de contrôler au sens strict  l’exploitant mais d’acquérir des données indépendamment des moyens utilisés par ce dernier, sans redondance systématique. Il est rare que la confrontation des résultats fasse apparaître des écarts justifiant d’autres analyses », souligne Olivier Pierrard.

 

D’autres acteurs contribuent ponctuellement à cette surveillance. C’est le cas de certaines Commissions locales d’information nucléaire (Clin). « Le département souhaitait établir l’état de santé radiologique de son territoire au moment où il était question de construire un réacteur EPR à Penly », explique Mathieu Estevao, responsable de la Clin de Paluel-Penly (Seine Maritime). « Le plan de prélèvements dans l’environnement, élaboré par un laboratoire local avec l’appui de l’IRSN, a été lancé à l’été 2014 malgré l’abandon du projet industriel. Il inclut des analyses d’échantillons récoltés près des réacteurs existants, en vue de compléter les données déjà disponibles sur la région. »

 

La surveillance renforcée en cas d’accident

 

En cas de rejet accidentel, les données de la surveillance ne suffisent pas toujours pour estimer l’impact de l’événement. Après le rejet accidentel d’uranium dans la Gaffière à l’usine Socatri de Tricastin (Drôme) en 2008, l’IRSN a reconstitué le scénario d’une pollution en complément des mesures dans l’environnement.

 

Malgré un « trou » de plusieurs heures dans les mesures enregistrées par l’exploitant, le code de calcul Casteaur, développé par l’IRSN et utilisé pour des études d’impact et des exercices de crise en France et à l’international, a permis de retracer toute la chronologie du rejet à partir des mesures disponibles, de calculer son impact radiologique et d’en déduire l’absence de risque pour l’écosystème.

 

Après l’événement de Tricastin, l’IRSN a dressé pour le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN) un bilan de la qualité des eaux souterraines et superficielles près des sites nucléaires.   « Cette étude montre que la situation est connue sur la quasi-totalité du réseau fluvial », conclut Olivier Pierrard. « Elle confirme que des dispositifs de surveillance efficaces sont mis en œuvre par l’ensemble des acteurs pour détecter un problème majeur de nature environnementale ou sanitaire. ». ​