Savoir et comprendre

Le déroulement de l’accident

13/09/2019

L'accident s'est déroulé dans un atelier spécialisé dans la production de composés d'uranium enrichi en isotope 235, destiné à la fabrication de combustible pour réacteurs de recherche. Il s'agissait lors de l'accident d'un nitrate d'uranyle enrichi à 18,8% pour le réacteur expérimental Joyo.

Pour élaborer le nitrate d'uranyle à 18,8% d'isotope 235, il fallait suivre plusieurs étapes approuvées par l'autorité de sûreté. Schématiquement, il s'agissait d'abord de dissoudre de l'oxyde d'uranium dans un « dissolveur » dit de géométrie sûre : sa forme et ses dimensions excluent le risque de criticité. Puis, le liquide obtenu devait passer dans des récipients intermédiaires qui permettaient un contrôle de la masse d'uranium en jeu avant transfert de la solution dans une cuve de précipitation, qui n'est pas de géométrie sûre. Enfin, après avoir été calciné, le composé obtenu devait être à nouveau dissous dans le dissolveur de géométrie sûre puis homogénéisé dans l'un des récipients intermédiaires.

Or ces étapes n'ont pas été respectées.

En réalité, il semble que l'habitude avait été prise de ne pas utiliser le dissolveur de géométrie sûre à la seconde dissolution : cette étape était effectuée dans des seaux de 10 litres et le liquide obtenu était directement injecté dans la ligne de traitement.

De plus, le jour de l’accident, pour gagner du temps et obtenir un produit final plus homogène, le contenu des seaux a été déversé directement dans la cuve de précipitation. La cuve a servi à la fois à homogénéiser le composé et à l'entreposer, ce qui n'était pas son utilisation normale. La veille de l'accident, 9,2 kg d'uranium avaient déjà été versés par charges unitaires de 2,3 kg et le jour de l'accident, trois nouvelles charges ont été ajoutées.

Il apparaît ainsi que l'organisation de l'usine était déficiente, tant pour ce qui concerne l'établissement des modes opératoires, que pour ce qui concerne la formation du personnel, et que, plus généralement, la culture de sûreté était insuffisante. Les opérateurs, qui travaillaient habituellement dans les unités de conversion de l'uranium destiné au combustible des réacteurs électronucléaires, n'avaient qu'une expérience limitée (2 à 3 mois au plus) de l'exploitation de l'atelier de conversion dédié à l'uranium enrichi à plus de 5%. De plus, ils n'avaient pas reçu de formation aux risques de criticité depuis 1992 et, en tout état de cause, la formation délivrée à l'époque avait été générale et non spécifique des postes de travail correspondants. Par ailleurs, il est à relever que l'autorité de sûreté japonaise ne semblait pas effectuer un réel suivi de cette installation.
 

Le déroulé des événements


À 10h35, heure locale, la réaction en chaîne a démarré, dégageant d'intenses rayonnements gamma et des neutrons. La puissance dégagée a atteint un pic puis a rapidement décru à un niveau plus faible qui s'est maintenu pendant plusieurs heures. Étant donné les conditions de l'accident, il a fallu intervenir pour stopper la réaction.
Environ 14 heures après le début de l'accident, les premières opérations ont pu commencer. L'eau du circuit de refroidissement de la cuve de précipitation, qui favorisait la réaction en chaîne (en réfléchissant les neutrons responsables de la fission des atomes), a d'abord été vidangée. Vers 6 heures du matin, les mesures ont montré que cette opération avait été suffisante pour arrêter la réaction en chaîne. Puis, pour éviter tout redémarrage, du bore -un élément chimique connu pour absorber les neutrons- a ensuite été introduit dans la cuve. Il a été fourni par un établissement proche, l'usine n'en ayant pas en stock. À 8 heures, l'accident était terminé.

Plusieurs équipes de deux personnes se sont succédé pour réaliser ces opérations au voisinage de l'atelier accidenté. Leurs durées d'intervention de l'ordre de 2 à 3 minutes étaient définies pour limiter la dose de rayonnements qu'ils recevaient à environ 100 millisieverts (mSv). Ainsi, selon un rapport de l'AIEA publié fin 1999, 21 personnes de la société JCO auraient reçu des doses de 0,04 à 119 mSv lors de la vidange de l'eau de la cuve et 6 autres des doses de 0,03 à 0,61 mSv au cours du déversement de l'acide borique.

L'installation n'ayant subi aucun dommage, les dégagements d'isotopes radioactifs dans l'environnement ont été limités à de très faibles concentrations. Les conséquences radiologiques de ces rejets ont été évaluées à 0,1 mSv à proximité de l'usine. 

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Infographie « qu’est-ce qu’une réaction en chaine ? » - Crédits : Antoine Dagan/Citizen Press/Médiathèque IRSN - Source IRSN

 

 Les mesures de protection des populations et de l'environnement


L'atelier accidenté est situé à moins de 100 mètres de la limite du site de l'usine, et les habitations sont proches.

Les autorités japonaises et le maire de la ville ont pris par précaution des mesures de protection des populations rapides et efficaces dans un rayon de 10 kilomètres :

  • Le 30 septembre 1999 à 15 heures, le maire de Tokaï-Mura a fait évacuer les 160 personnes présentes dans un rayon de 350 mètres autour de l'usine. 
  •  Vers 22h30, la préfecture a demandé aux 310 000 riverains habitant dans un rayon de 10 kilomètres de ne pas sortir. Cette dernière mesure a été levée le lendemain, à 16 heures.
  •  Quant aux populations évacuées, elles ont pu regagner leur demeure le 2 octobre 1999 vers 18h30 après un contrôle des niveaux de radioactivité. 7 000 personnes auraient subi un contrôle médical.


Les doses mesurées à proximité du site sont restées très faibles : durant la phase stable du dégagement des rayonnements radioactifs, on a mesuré une dose de 4,5 millisievert par heure (mSv/h) à la limite du site, de 3 mSv/h à 100 mètres de l'atelier, de 0,1 mSv/h à 350 mètres et de 0,001 mSv/h à 800 mètres.