Savoir et comprendre

Mesures de protection des populations et évaluation dosimétrique

21/05/2012

 

L’accident de Fukushima-Daiichi a conduit les autorités japonaises à engager des actions de protection des populations, d’abord vis-à-vis des conséquences immédiates des rejets (exposition au panache radioactif) puis vis-à-vis des dépôts radioactifs formés lors de la dispersion atmosphérique de ces rejets (exposition externe au rayonnement émis par les dépôts et risque de contamination interne par ingestion de denrées contaminées).

Vidéo : Les enjeux sanitaires après l'accident de Fukushima

Mesures initiales de protection des populations

 

Dans les jours qui ont suivi l'accident, les autorités japonaises ont ordonné l'évacuation de la population dans un rayon de 20 kilomètres autour de la centrale (78 000 personnes) et la mise à l'abri de la population dans un rayon de 20 à 30 km (62 000 personnes) :

  • 11 mars 2011 : évacuation des personnes résidant dans un rayon de 2 km autour de la centrale, puis 3 km. Mise à l'abri dans le rayon de 3 à 10 km.
  • 12 mars 2011 : évacuation dans un rayon de 10 km, puis 20 km.
  • 15 mars 2011 : mise à l'abri dans un rayon de 20 à 30 km.
  • 25 mars 2011 : dans le rayon de mise à l'abri de 20 à 30 km, le gouvernement encourage les personnes à l'évacuation volontaire.

 

Estimation des doses susceptibles d’avoir été reçues par les personnes exposées au panache radioactif

 

Dès le 17 mars 2011, les premières estimations des doses de radioactivité susceptibles d’avoir été reçues par les personnes exposées au panache radioactif au Japon étaient publiées par l'IRSN. Les simulations réalisées supposaient qu'une personne ait séjourné sans protection (c'est à dire à l’extérieur) dans la même localité du 12 au 22 mars 2011. Pour ces calculs de dose, l’IRSN a considéré un enfant d’un an qui est le plus sensible à l’iode 131. Les simulations montrent l’évolution des doses prévisionnelles au cours du temps, sur la période de simulation.

 

En cas d’accident nucléaire, les valeurs prévisionnelles de doses "corps entier" à partir desquelles des actions de protection des populations sont recommandées sont de 10 mSv pour la mise à l’abri et de 50 mSv pour l’évacuation. L’ingestion d’iode stable est recommandée pour des valeurs prévisionnelles de doses à la thyroïde de 100 mSv. En dessous de 10 mSv, le risque pour la santé est jugé suffisamment faible pour ne pas rendre nécessaires ces actions de protection. A titre de comparaison, la dose annuelle moyenne reçue en France due à la radioactivité naturelle et aux expositions médicales est de 3,7 mSv.

Dose corps entier susceptible d’avoir été reçue par un enfant de 1 an en l’absence de protection pendant les rejets

 Période de rejets considérée : du 12 au 22 mars 2011.

Dose à la thyroïde susceptible d’avoir été reçue par un enfant de 1 an en l’absence de protection pendant les rejets

Période de rejets considérée : du 12 au 22 mars 2011. 

 

Estimation des doses susceptibles d'être reçues par irradiation externe due aux dépôts radioactifs

Pendant la période concernée par les rejets radioactifs issus de la centrale accidentée, la météorologie a été globalement favorable, les vents étant principalement dirigés vers l’Océan Pacifique.

Toutefois, les 15 et 16 mars 2011, ces rejets ont été orientés vers le nord-ouest du site de Fukushima-Daiichi, et en raison à la fois des précipitations importantes ces jours là et de très la faible altitude du panache radioactif, des dépôts radioactifs substantiels se sont produits dans un secteur de territoire s’étendant bien au-delà de la zone évacuée de 20 km autour du site, et même au-delà de la zone de mise à l’abri, entre 20 km et 30 km autour du site. 

Dès le dépôt formé, les personnes résidant sur les territoires concernés ont un risque d’exposition selon deux voies principales :

  • la contamination interne par ingestion de denrées issues de cultures locales, principalement les légumes à feuilles et le lait frais ;
  • l’exposition externe au rayonnement émis par le dépôt.

Secondairement, il existe un risque d’ingestion involontaire de particules radioactives non fixées sur les surfaces (dépôt labile). 

Le 8 avril 2011, 28 jours après l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima Daiichi, l’IRSN publiait la première carte présentant les doses susceptibles d’être reçues par les populations par irradiation externe si elles demeuraient sur place pendant un an. Cette carte, élaborée à partir des mesures aéroportées de débits de doses réalisées par le DoE/NNSA (Etats-Unis) entre le 30 mars 2011 et le 3 avril 2011, révélait des doses externes significatives dans une zone située au nord-ouest de la centrale, d’une vingtaine de km de large et de 50 à 70 km de longueur.

Malgré d’importantes incertitudes liées à l’époque à l’absence de résultats de mesure des dépôts radioactifs sur le terrain, cette carte montrait déjà que  des mesures de gestion du risque radiologique seraient probablement nécessaires pour les populations habitant ces territoires, au-delà de la zone des 20 km.

Télécharger la note d'information IRSN du 12 avril 2011 : Estimation des doses reçues au Japon par irradiation externe due aux dépôts radioactifs provoqués par l’accident de la centrale de Fukushima-Daiichi (PDF)

 

Carte des débits de dose émis par les dépôts radioactifs dans l’environnement de la centrale de Fukushima-Daiichi et estimation des doses susceptibles d’être reçues par irradiation au bout de la 1ère année (version du 12 avril 2011)

Carte des débits de dose émis par les dépôts radioactifs dans l’environnement de la centrale de Fukushima-Daiichi et estimation des doses susceptibles d’être reçues par irradiation au bout de la 1ère année (version du 12 avril 2011)

 

Mesures complémentaires de protection des populations

Compte-tenu des résultats des campagnes de mesures aéroportées de débit de doses et des estimations d'impact dosimétrique, les autorités japonaises mettent en œuvre des actions complémentaires de protection des populations à compter d'avril 2011. 

Par ailleurs, certains habitants situés entre 20 et 30 km, où l’ordre de mise à l’abri est toujours en vigueur en raison de la situation précaire des installations accidentées de Fukushima Daiichi, commencent à évacuer volontairement cette zone où la vie économique et sociale est de plus en plus difficile à maintenir.

Le 7 avril 2011, le maire de la ville d’Iitate prend l’initiative de recommander aux femmes enceintes et aux enfants de moins de 3 ans (50 personnes) de se rendre dans un délai d’une semaine à la ville voisine de Fukushi. 

Le 11 avril, une première annonce est faite pour étendre la zone initiale d’évacuation : les habitants de Katsurao, Iitate, Namie et d’une partie de Kawamata et de Minamisoma sont priés de partir dans un délai d’un mois (première annonce).

Le 21 avril, la zone précédemment évacuée dans un rayon de 20 km autour de la centrale devient "zone interdite d'accès".

Le 22 avril, les habitants de Katsurao, Iitate, Namie et d’une partie de Kawamata et de Minamisoma sont de nouveau priés de partir dans un délai d’un mois. Ces territoires constituent alors la « Zone d’évacuation planifiée » ou « Zone d’évacuation élargie ».

En parallèle, la mise à l’abri dans la zone 20-30 km est levée autour de la centrale de Fukushima Daiichi et cette zone devient une « Zone de préparation à l’évacuation d’urgence » ; elle concerne la commune d’Hirono, une partie de Minamisoma, une partie de Tamura et une partie de Kawauchi. Dans ces communes, la population peut rester mais doit se préparer à une éventuelle évacuation d’urgence en cas de nouveau problème survenant à la centrale.

Carte des zones de protection des populations de la préfecture de Fukushima au 22 avril 2011

Carte des zones de protection des populations de la préfecture de Fukushima au 22 avril 2011

Le 16 mai 2011, soit 66 jours après l'accident, les autorités japonaises publiaient un plan d’évacuation des populations vivant dans certaines communes situées sous les rejets intervenus les 15 et 16 mars. Cette mesure intervenait notamment sur la base d'une cartographie des dépôts radioactifs publiée par le ministère japonais MEXT, et de la décision de principe de retenir une valeur de 20 mSv comme limite maximale admissible de la dose externe reçue du fait de ces dépôts au cours de la première année d’exposition.

Evaluation dosimétrique des doses projetées pour la population vivant dans la zone de retombées nord-ouest

Le 23 mai 2011, l’IRSN publiait un rapport d’analyse de la situation radiologique au Japon, avec une nouvelle évaluation dosimétrique pour estimer les doses par irradiation externe liées aux dépôts, projetées sur 3 mois, 1 an et 4 ans. Ces doses projetées estimées atteignent des valeurs particulièrement significatives, supérieures à 200 mSv, qui ne sont plus dans le champ dit des faibles doses selon l'UNSCEAR. Ces niveaux de doses ne prennent pas en compte les doses reçues lors du passage du panache sur les territoires concernés ni celles déjà reçues ou à venir liées à l'alimentation. Les doses efficaces totales (externe + interne) pourraient être augmentées notablement selon le type de dépôt (sec ou humide), le régime alimentaire et la provenance des aliments.

Le rapport de l'IRSN propose une analyse de la situation autour du site de Fukushima-Daiichi au regard des informations disponibles qui permettent d’estimer les doses qu’il serait possible d’éviter aux habitants de certains territoires en fonction des mesures de gestion pouvant être retenues (éloignement des populations, restrictions à l'exploitation économique des territoires, décontamination de l'environnement, surveillance des productions agricoles), ainsi que du calendrier d’exécution effective de ces mesures. Ces mesures se caractérisent toutes par des coûts élevés, à la fois en termes économiques et psycho-sociaux ou affectifs, voire sanitaires (liés par exemple à un déplacement important de populations.

Le rapport présente également une comparaison avec la situation des populations ayant vécu dans les territoires significativement contaminés de Russie, Biélorussie et Ukraine après l’accident de Tchernobyl. Cette comparaison est en effet pertinente car les niveaux de contamination élevés rencontrés au Japon dans la zone de 20 km et au-delà sont comparables à ceux constatés dans certains territoires de Russie, Biélorussie et Ukraine, bien qu’affectant des territoires moins vastes et des populations moins importantes.

 

Télécharger la note d'information IRSN du 23 mai 2011 : Gestion radiologique des territoires contaminés à la suite de l’accident de Fukushima : l’IRSN rend public son rapport d’analyse de la situation (PDF)

Télécharger le rapport IRSN 2011-010 en version française : Evaluation au 66e jour des doses externes projetées pour les populations vivant dans la zone de retombée nord-ouest de l’accident nucléaire de Fukushima (PDF)

Télécharger le rapport IRSN 2011-010 en version anglaise : Assessment on the 66th day of projected external doses for populations living in the north-west fallout zone of the Fukushima nuclear accident (PDF)