Savoir et comprendre

Les retombées de Tchernobyl en France

21/04/2018

 

​​​​​En France, la concentration des éléments radioactifs dans l’air augmente au cours du 30 avril 1986 dans l’est du pays, pour atteindre un maximum d’extension le 1er mai. La contamination de l’air persiste jusqu’au 5 mai tout en diminuant. C’est à l’est qu’elle est la plus élevée au cours de cette période. À partir du 6 mai, elle diminue fortement, le panache repartant vers l’est de l’Europe.

 

En raison de l’appauvrissement du panache radioactif et de la courte durée de la contamination de l’air en France (environ une semaine) les dépôts sont d’une activité généralement faible, plus importante à l’est qu’à l’ouest du pays. C’est dans les régions de l’Est que les valeurs de contamination les plus élevées sont atteintes dans les productions agricoles.

 

Contamination de l’air en France

En France, la contamination de l’air a pu être reconstituée à partir des mesures de la radioactivité sur des prélèvements d’air réalisés par les stations de surveillance du SCPRI et du CEA. Au début mai 1986, les principaux éléments radioactifs mesurés dans l’air sont :

Principaux éléments radioactifs mesurés dans l'air en France début mai 1986

​​É​léments radioactifs

Période radioactive
(demi-vie)

Iode 131

8 jours
Tellure 132 78 heures

Tellure 129m

33 jours
Ruthénium 103 39 jours

Césium 137

30 ans
Césium 134 2 ans

Baryum

13 jours
Tellure 132 78 heures

 

Les radionucléides présents dans l’air ont évolué sensiblement de manière identique :

Évolution des éléments radioactifs à Verdun entre le 29 avril et 9 mai 1986

Évolution des activités volumiques du césium 137 (Cs137), de l’iode 131 (I131), de l’iode 132 + tellure 132 (I132+Te132) et du ruthénium 103 (Ru103) dans l’air, mesurées entre le 29 avril et le 9 mai 1986 à Verdun.

 

Les dépôts radioactifs en France

Si les dépôts secs ont été assez homogènes, de modérés sur l’est de la France (de l’ordre de 1 000 Bq/m2) jusqu’à très faibles sur l’ouest (de l’ordre de 100 Bq/m2), les pluies sur l’est ont conduit à des dépôts radioactifs beaucoup plus importants et très hétérogènes.

Ainsi, les dépôts secs de césium 137 sont estimés autour de 1 000 becquerels par mètre carré dans l’est et à environ 100 becquerels par mètre carré dans les départements les plus à l’ouest. Toutefois, des pluies fortes et localisées, notamment entre le 2 et le 4 mai, provoquent des dépôts humides plus importants à l’est d’une ligne allant globalement de la Moselle jusqu’à la Corse.

Dans les départements du nord-est, de Franche-Comté, du sud des Alpes et de la Corse, certains endroits ont reçu des dépôts dont l’activité en césium 137 dépasse 10 000 Bq/m², voire localement 20 000 Bq/m². Très localement, à l’échelle de quelques dizaines de kilomètres carrés, des averses très intenses ont conduit à des dépôts encore plus importants, dépassant 40 000 Bq/m2 sur la côte orientale de la Corse par exemple.

En montagne, la concentration du dépôt sous l’effet de l’écoulement des eaux superficielles dans des cuvettes en pied de pente, de l’égouttement des arbres et de la fonte des amas de neige provoquent des taches de forte activité sur de très faibles surfaces (plusieurs becquerels par kilogramme de terre sur quelques décimètres carrés).

Dans le détail, de forts contrastes peuvent être observés au sein d’un même département, pouvant atteindre un facteur 10 à 15 entre les extrêmes. Une cartographie très précise de ces dépôts n’est donc pas réalisable. L’iode 131 a qualitativement le même comportement que le césium 137 en termes de dépôt, avec une activité initiale environ 10 fois plus élevée. Toutefois, sa courte demi-vie (huit jours) entraîne sa disparition rapide dans les sols, contrairement au césium (80 jours après l’accident, l’activité de l’iode 131 a diminué d’un facteur 1 000 alors que celle du césium 137 n’a pratiquement pas changé).

 

Carte des retombées de césium 137 en France en mai 1986

Carte des retombées de césium 137 en mai 1986 en France

   Source : modélisation IRSN fondée sur l'intensité des pluies tombées début mai 1986.

 

Les impacts sur les denrées alimentaires en France

C’est dans l’est de la France que les valeurs les plus élevées sont atteintes. Elles sont mesurées au cours de la première quinzaine de mai 1986, sur le lait de vache et les salades.

Contamination des denrées alimentaires en césium 137 et en iode 131 
au cours de la première quinzaine de mai 1986

Contamination des denrées alimentaires en césium 137 et en iode 131 au cours de la première quinzaine de mai 1986

 

Dans les semaines qui suivent, les concentrations en césium 137 et en iode 131 dans les légumes et les produits laitiers diminuent très rapidement sous l’effet de la croissance des végétaux et de la période radioactive courte de l’iode 131 (8 jours).

Le lait de chèvre et le lait de brebis figurent parmi les denrées les plus sensibles aux retombées radioactives. En zone méditerranéenne, leur contamination a pu atteindre 10 000 becquerels par litre (Bq/l) en iode 131 et 500 Bq/l en césium 137.  

À partir de 1987, la contamination des productions agricoles est liée à l’absorption par les racines des plantes, du césium 137 et du césium 134 présents dans les sols. L’activité est alors beaucoup plus faible et diminue régulièrement au fil des années.

 

Les impacts en France 30 ans après l’accident

En France, certaines zones témoignent encore de niveaux de radioactivité supérieurs ou très supérieurs à ceux observés dans le reste de l’Hexagone.

Dénommées « zones de rémanence de la radioactivité artificielle », elles sont identifiables grâce au  césium dont la contamination persiste encore à l’heure actuelle dans les sols. L’activité surfacique dépasse 10 000 Bq/m2 pour les zones impactées par l’accident de Tchernobyl et 3 000 Bq/m2 pour celles concernées par les retombées des anciens essais aériens d’armes nucléaires.

 

Dépôts théoriques en césium 137 provenant des essais nucléaires atmosphériques et de l’accident de Tchernobyl

Dépôts théoriques en césium 137 provenant des essais nucléaires atmosphériques et de l’accident de Tchernobyl

 

Zones d'étude de la rémanence de la radioactivité artificielle

​Zones d'étude de la rémanence de la radioactivité artificielle

 

L’accident de Tchernobyl a ainsi touché des zones localisées et très éparses dans l’est de la France, tant en plaine (plaine d’Alsace et Vallée du Rhône) qu’en montagne (Alpes du Sud, Corse, Jura et Vosges). Il s’agit des territoires où les précipitations ont été les plus importantes dans les jours qui ont suivi l’accident en Ukraine.

En 2013 et 2014, l’IRSN a réalisé un bilan actualisé dans les zones de rémanence : 

  • En milieu aquatique. Dans les lacs du Mercantour, la radioactivité artificielle évolue faiblement au fil des années. Dans ces « milieux fermés », la persistance du césium 137 dans l’eau, les mousses et les sédiments est élevée. En comparaison, dans les « milieux ouverts » que constituent les fleuves et les rivières qui drainent l’est de la Corse et le Mercantour, l’activité en césium 137 a nettement diminué depuis les premières mesures réalisées en 1986-1987.
     
  • En milieu terrestre. Dans les massifs de l’est du territoire (Vosges, Jura, Alpes du Sud et Corse) qui cumulent les activités en césium 137 les plus élevées de France métropolitaine,  l’activité est  encore aujourd’hui supérieure à 10 000 Bq/m2 et en moyenne 8 fois supérieure à la moyenne des sols français (soit 51 Bq/kg contre 6,5 Bq/kg). Dans les prairies d’altitude des Alpes du sud, des « points chauds » sur de très petites surfaces (quelques dm2 à un m2 environ), des activités supérieures à 100 000 Bq/m2 peuvent être observées.
     
  • Dans les denrées alimentaires (cf. schéma ci-dessous). L’activité en césium 137 dans le lait prélevé dans les zones de rémanence (0,32 Bq/litre en moyenne) est plus élevée que celle du lait prélevé ailleurs (entre 0,004 et 0,03 Bq/l). Les denrées des forêts (baies, champignons et gibiers), dont l’activité en césium 137 est plus variable et potentiellement supérieure à 100 Bq/kg frais.

Valeurs en césium 137 mesurées dans les denrées, le sol et les sédiments en 2013-2014

Valeurs en césium 137 mesurées dans les denrées, le sol et les sédiments en 2013-2014

 

En 2013 et en 2014, l’activité radiologique des produits agricoles est toutefois 10 à 30 fois plus faible qu’en 1987, et 1 000 à 10 000 fois plus  faible qu’immédiatement après les dépôts de mai 1986. Elle diminue désormais lentement au cours du temps.

 

L’impact pour la population

Les mesures réalisées ont permis d’évaluer les doses efficaces consécutives au séjour dans les zones les plus marquées par l’accident de Tchernobyl et à l’ingestion des denrées provenant de ces zones. 

En 2015, un habitant des zones les plus touchées de l’est de la France recevra une dose moyenne de 37 microsieverts par an (µSv/an) contre 5,4 µSv/an pour une personne résidant ailleurs en France. Ces doses sont principalement dues à l’exposition externe au rayonnement émis par le césium présent dans les sols. La contribution de l’incorporation de césium via l’ingestion de denrées est en moyenne beaucoup plus faible, inférieure à 1 µSv/an. Elle peut toutefois devenir non-négligeable pour les personnes consommant beaucoup de champignons et de gibier issues des zones les plus touchées : de l’ordre de 80 µSv/an pour un consommateur régulier et potentiellement jusqu’à 570 µSv/an pour un gros consommateur (deux repas copieux par semaine basé sur ces denrées sauvages).

 

Évaluation des doses efficaces moyennes dues aux retombées de l’accident
de Tchernobyl en 2015 (exposition externe + ingestion)

Contamination des denrées alimentaires en césium 137 et en iode 131 au cours de la première quinzaine de mai 1986

Enfin, la dose efficace reçue par une personne qui resterait plusieurs heures (bivouac ou sieste, en position allongée) sur un des « ​point-chauds » d'altitude décrit précédemment, recevrait une dose de quelques dizaines de µSv. Ceci correspond à peu près à la dose reçue pour un aller-retour Paris-Marseille en avion liée au rayonnement cosmique naturel, beaucoup plus important en altitude.

Ressources documentaires

Rapports :

 

Ressources pédagogiques : 

 

Fiches thématiques pour comprendre les conséquences de l'accident de Tchernobyl en France :

  1. Contamination de l'air : Les particules radioactives émises lors de l’explosion du réacteur sont dispersées par le vent sur des milliers de kilomètres Télécharger cette fiche
  2. Contamination de l'air : La contamination de l’air, très contrastée géographiquement, évolue rapidement entre le 30 avril et le 5 mai 1986 Télécharger cette fiche
  3. Les dépôts au sol : Les dépôts de particules radioactives sont plus importants par temps de pluie Télécharger cette fiche
  4. Les dépôts au sol : Les dépôts en France sont très hétérogènes, comme partout en Europe. Télécharger cette fiche
  5. La contamination des produits agricoles : La contamination des denrées est déterminée par la date de l’accident et les caractéristiques des dépôts. Télécharger cette fiche
  6. La contamination des produits agricoles : Après les dépôts, la contamination des produits agricoles décroît avec une vitesse variable. Télécharger cette fiche
  7. La contamination des produits agricoles : Depuis 1987, la contamination des produits agricoles diminue plus rapidement que la décroissance radioactive du césium. Télécharger cette fiche
  8. La contamination des produits agricoles : Quelques cas particuliers de produits plus sensibles. Télécharger cette fiche
  9. Les effets sanitaires : Les doses moyennes reçues par la population française du fait de l’accident de Tchernobyl sont faibles. Télécharger cette fiche
  10. Les effets sanitaires : En France, le questionnement sur les conséquences sanitaires de l’accident concerne les cancers de la thyroïde. Télécharger cette fiche