Savoir et comprendre

Etat du site de la centrale de Tchernobyl depuis l'accident

21/04/2018

​​​​Entre 1986 et 2000, tous les réacteurs de la centrale de Tchernobyl ont été définitivement arrêtés. Sur le site aujourd’hui, une intense activité se poursuit pour la construction d’un nouveau confinement et d’une installation d’entreposage de combustible usé. 

 

Construit en six mois après l’accident, dans des conditions particulièrement difficiles, le sarcophage qui devait confiner les matières radioactives du réacteur détruit s’est rapidement dégradé. Son écroulement aboutirait à la mise en suspension de poussières radioactives qui pourraient, à nouveau, contaminer le voisinage du site. À l’intérieur du sarcophage, le coeur fondu est encore radioactif pour des milliers d’années.

Le démantèlement de la centrale de Tchernobyl

La construction de la centrale de Tchernobyl a fait suite aux décisions prises par l’Union Soviétique en 1966 de développer largement la production d’énergie d’origine nucléaire. Les réacteurs de type « RBMK » ont été développés à partir de cette date. Six réacteurs nucléaires RBMK de puissance 1000 mégawatts électriques (MWe) devaient être mis en service sur le site de Tchernobyl :

  • Le réacteur numéro 1, mis en service en septembre 1977, a été arrêté en novembre 1996. Son maintien en fonctionnement aurait nécessité de très importants travaux.
  • Le réacteur numéro 2, qui a démarré en décembre 1978, est hors service depuis 1991, à la suite d’un incendie dans la salle des machines. Les autorités ukrainiennes ont décidé de sa mise à l’arrêt définitif en mars 1999.
  • Le réacteur numéro 3 a été mis en service en 1981. Après 1995, il a subi de nombreux arrêts pour des opérations de maintenance, de contrôle et de réparation. En application d’une décision prise en juin 2000, les autorités ukrainiennes l’ont arrêté définitivement le 15 décembre 2000.
  • Le réacteur numéro 4, mis en service en 1984, a explosé le 26 avril 1986.
  • La construction des réacteurs 5 et 6 a démarré en 1981 et a été abandonnée à la suite de l’accident.

Les opérations de démantèlement du site sont restées parcellaires pendant très longtemps, les efforts se concentrant majoritairement sur la zone des turbines du réacteur n°1 et sur les travaux de déblaiement et de décontamination autour du réacteur n°4 accidenté, dans le cadre de la réalisation des travaux de consolidation du sarcophage et de réalisation de l’arche de confinement.

Après l’arrêt des réacteurs 1, 2 et 3, les combustibles usés ont été entreposés sous eau dans l’installation ISF-1. Cependant, en 2016, une certaine quantité de combustibles se trouvait encore dans les piscines de refroidissement 1 et 2. Une installation d’entreposage à sec (ISF-2), destinée à recevoir l’ensemble des combustibles, sains ou endommagés, était en en cours de réalisation à proximité de la zone des réacteurs. Ce chantier a néanmoins subi des retards importants.

La sécurisation du réacteur accidenté : le sarcophage 

Achevé à la fin 1986, soit sept mois à peine après l’explosion, le premier sarcophage avait pour objectif de remédier à une situation d’extrême urgence. C’est la période où des « liquidateurs » ont été dépêchés dans la zone d’exclusion pour d’une part, enfouir les matériaux radioactifs dans plus de 800 tranchées réparties dans la zone d’exclusion et d’autre part, construire le sarcophage destiné à confiner le réacteur détruit pour en limiter les rejets radioactifs. 

Le sarcophage enveloppant le réacteur accidenté devait éviter la dispersion dans l’environnement de matières radioactives, empêcher l’eau de pluie de pénétrer à l'intérieur, mais également permettre d’exploiter l’unité 3, mitoyenne de l’unité accidentée.

la centrale de Tchernobyl

Or, au bout de quelques années, le sarcophage a commencé à se dégrader. De nombreuses fissures sont apparues et la tenue de l’édifice s'est affaiblie. Les risques principaux étaient : 

  • le risque d’effondrement du sarcophage, avec un enjeu majeur pour la sécurité des personnels présents sur le site 
  • le risque de criticité, c’est-à-dire de redémarrage d’une réaction en chaîne dans le combustible fondu, à cause de la présence d’eau 
  • le risque de remise en suspension dans l’atmosphère de poussières radioactives dues à la décomposition de la lave en poussière (plusieurs tonnes).

C’est dans ce contexte que l’Ukraine et un fonds international regroupant une vingtaine d’acteurs – en particulier, l’Union Européenne, les États-Unis, l’Allemagne, la France -, ont décidé de mettre en œuvre en 1997 un programme d’actions en 3 étapes dénommé « Shelter Implementation Plan » (SIP):

  • Etape 1 : La stabilisation des structures du sarcophage
  • Etape 2 : La construction d'un nouveau confinement sûr
  • Etape 3 : Le démantèlement futur du sarcophage et l'enlèvement des matériaux radioactifs qu'il enferme.

Les activités relatives à la 1ère étape ont été complètement achevées en 2008.

Elles ont permis de réduire les risques d'effondrement ainsi que les conséquences d'un éventuel accident d'écroulement. Aussi, les systèmes de surveillance à l'intérieur du sarcophage ont été modernisés pour permettre un suivi fiable des paramètres importants pour la sûreté, comme le flux de neutrons, le niveau de radiations ou l'activité sismique.

L'étape 2 s'est elle achevée fin 2017 avec la pose de l’arche de confinement au-dessus de l’ancien  sarcophage et du réacteur détruit.

Conçu pour durer 100 ans, ce dôme métallique doit résister à des conditions extrêmes, à savoir des températures comprises entre -43° et +45°, des tornades de catégorie 3 (vitesse de vents de 250 à 330 km/h) et des séismes de magnitude 7 sur l’échelle de Richter. Ces caractéristiques visent à réaliser un démantèlement avec des garanties de confinement et de sûreté.

Projet de l'arche sarcophage - Credits : Novarka

L'arche permet d’améliorer sensiblement la situation sur le site avec trois objectifs :

  • Assurer le confinement des matières radioactives qui se trouvent encore à l’intérieur du réacteur détruit et ainsi remédier au problème d’étanchéité du sarcophage construit à la fin 1986, lequel laissait échapper de plus en plus de radioactivité.
  • Protéger le vieux sarcophage des agressions climatiques et du risque sismique, et éviter ainsi sa dégradation additionnelle, voire in fine son effondrement. 
  • Préparer le démantèlement du sarcophage et le retrait des matières radioactives. Le sarcophage et son environnement immédiat concentrent la majeure partie de l’activité radioactive, dont 200 tonnes de déchets contenant du combustible.

Confiée en 2007 au consortium Novarka (groupe Bouygues et groupe Vinci), la construction de l’arche a été réalisée dans des conditions spécifiques limitant la dose reçue par les 3 600 travailleurs à 14 millisieverts par an (mSV) et par personne, soit un niveau inférieur à la limite réglementaire autorisée en France fixée à 20 mSv/an/personne. Selon Novarka, l’exposition moyenne était estimée à 2,6 mSv/an/personne à la fin 2015. Et le consortium ne déplorait aucun cas de contamination corporelle ou interne depuis le début du projet.

L’arche a été assemblée à 330 mètres du sarcophage et du réacteur détruit, sur une zone préalablement décontaminée en 2012 et 2013. À son achèvement en novembre 2016, le dôme de 38 000 tonnes pour 257 m de portée, 150 m de long et 105 m de hauteur, a été glissé jusqu’à sa destination finale puis scellé au-dessus de l’ancien sarcophage.

Par ailleurs, une zone située au pied du réacteur détruit a été déclassée en avril 2016 afin de terminer le bâtiment de commande de l’arche destiné à réaliser les opérations de démantèlement. Ainsi, l’arche de confinement comprend deux ponts roulants équipés d’outils « multifonctions », un système de ventilation adapté au nucléaire ou encore des réservoirs et des pompes incendie.

La troisième étape vise à transformer le site en une « zone écologiquement sûre ». Elle devrait s'étaler sur plusieurs décennies.

La mise en œuvre de cette étape nécessite au préalable de définir une stratégie de gestion des matières radioactives et la construction des infrastructures nécessaires. Outre l’ancien sarcophage et le réacteur détruit, la transformation du site nécessite également le démantèlement des trois autres réacteurs et une réflexion plus globale sur le devenir de la zone d’exclusion.

Elle durera très certainement beaucoup plus longtemps que les deux précédentes. La mise en œuvre de cette étape nécessite avant tout la définition d'une stratégie claire de gestion des matières radioactives et ensuite la construction des installations ad-hoc nécessaires. Les procédures administratives assez longues pour la création de telles installations, les études de conception, les travaux de construction et, enfin, les tâches de démantèlement du sarcophage et de transfert des matières radioactives qu'il renferme vers les nouvelles installations devraient s'étendre au total sur plusieurs décennies. 

Enfin, dans l'optique de transformation du site en zone écologiquement sûre, il faut procéder aussi au démantèlement des trois autres réacteurs.

La gestion des déchets radioactifs

A la suite de l’accident du réacteur n°4, la dispersion de portions du réacteur détruit, la contamination des sols et des forêts et l’abandon des villages environnants ont obligé à engager des travaux de décontamination et à placer les déchets dans des dépôts temporaires au sein de la zone d’exclusion.

 

Zones principales de localisation des déchets à 10 km autour de la centrale
Zones principales de localisation des déchets à 10 km autour de la centrale

Environ 90% de tous les déchets de décontamination ukrainiens, soit quelque 2,8 millions de m3, sont à ce jour entreposés à proximité de la centrale, dans des modules en béton ou des tranchées construits dans l’urgence et sans étude de sûreté préalable. En outre, la traçabilité de toute les tranchées n’a pas été assurée.

 

Situation dans les zones de stockage des déchets

 Site  Volume et type de déchets
 Centrale de Tchernobyl  Sarcophage du réacteur n°4 :
  • 400 000 m3 (activité totale : 410 pétabecquerels) de déchets dans le sarcophage, dont 200 tonnes de déchets contenant du combustible.
  • 15 000 m3 dans la zone proche du sarcophage (sol, béton, métal, débris).
 Sur le site de la centrale :
  • Dépôts au fond des bassins de refroidissement (activité totale: 0,2 pétabecquerel).
  • 500 000 m3  de déchets de faible et moyenne activités (sol, béton, métal, équipements).
  • 2 500 m3 de déchets solides et 19 800 m3 d’effluents liquides provenant de la liquidation de l’accident et du fonctionnement des réacteurs avant leur arrêt​​.
 Site de stockage ouvert de Buryakova
  • 606 000 m3 de déchets de faible ou moyenne activités (activité totale de 2,45 pétabecquerels) situés dans trente tranchées.
  • Site ouvert et quasi saturé (capacité de 690 000 m3), nécessitant une extension.
​ Sites d’entreposage fermés  Entreposage de Podlosny :
  • 11 000 m3 de déchets pratiquement tous à vie longue (activité estimée à 2,6 pétabecquerels) entreposés dans des modules en béton sans conteneurs.
  • Site fermé (opérationnel de décembre 1986 à novembre 1988) posant des problèmes de sûreté (fissures dans les fondations et dans les parois des modules).
 Entreposage de ChNPP – stage III :
  • 13 400 m3 de déchets en conteneurs et 12 800 m3 sans  conteneurs de faible ou moyenne activités, incluant des éléments à vie longue (activité estimée à 0,34 pétabecquerels) entreposés dans des structures prévues à l’origine pour les réacteurs n°5 et n°6 de la centrale.
  • Site fermé (opérationnel entre octobre 1986 et décembre 1988) posant des problèmes de sûreté (défauts d’étanchéité)​.​
 Aire de dépôts provisoires de déchets
  • 1,3 million de m3 déchets principalement de faible activité, avec la présence d’éléments à vie longue.
  • 9 zones de stockage sur une surface de 10 km2 comprenant environ 1 000 tranchées et tumulus (activité estimée à 1,8 pétabecquerels).
  • Déficiences en termes de sûreté (100 tranchés inondées de façon permanente ou périodique), de caractérisation des déchets (moitié de la surface concernée), et de localisation et de conception des sites.

 

Le plan stratégique de gestion des déchets

La gestion des déchets issus de l’accident de Tchernobyl reste dans une phase préliminaire au cours de laquelle il faut d’une part, définir les infrastructures nécessaires et d’autre part, mener des études de caractérisation et d’impact.

Dans un premier temps, en août 2009, le plan stratégique de gestion des déchets approuvé par le gouvernement ukrainien, s’est orienté vers :

  • un stockage de surface pour les déchets à vie courte de faible et moyenne activités,
  • un stockage géologique pour les déchets à vie longue et de haute activité, en particulier pour ceux qui seront extraits du sarcophage et des zones avoisinantes.

Pour les déchets déjà entreposés, des ateliers de reprise et de traitement (ICSRM Lot 1 et Lot 2) font l’objet de procédures d’autorisation. Ces déchets seront ensuite stockés après conditionnement dans l’installation de surface (ICSRM Lot 3). En outre, l‘entreposage de Podlosnyi, celui de ChNPP Stage III et les neuf aires de dépôts provisoires vont faire l’objet d’une caractérisation plus poussée afin de décider de leur évolution future.

Le plan stratégique de gestion prévoit de concentrer les installations d’entreposage des déchets conditionnés et de stockage de surface sur le site « Vector », situé dans la zone d’exclusion. Ce site est en cours d’aménagement sans être pour l’instant opérationnel. Il abrite déjà l’ICSRM Lot 3 et deux plateformes de stockage en cours de finition (SRW-1 et SRW-2). A terme, il accueillera un entreposage de déchets de haute activité, un entreposage de déchets de faible ou de moyenne activités à vie longue, un entreposage de déchets vitrifiés, un atelier de traitement de déchets et un atelier d’entreposage de sources scellées.

Aménagement du site d’entreposage et de stockage Vector situé dans la zone d’exclusion
Aménagement du site d’entreposage et de stockage Vector situé dans la zone d’exclusion

​Les études relatives au futur site de stockage géologique en sont à leur phase initiale et aucune option n’est envisagée à ce jour sur son « design » et son emplacement.

 

Ressources documentaires :