Savoir et comprendre

La contamination des denrées alimentaires en Ukraine, Biélorussie et Russie 

21/04/2018

Les retombées radio​actives atmosphériques se répartissent sur les différents milieux de l’environnement.

 

Les végétaux sont ainsi directement contaminés, par interception par les feuilles des produits radioactifs en suspension dans l’air (aérosols). Ce phénomène, beaucoup plus efficace pour les dépôts secs que pour les dépôts humides, entraîne une contamination des productions agricoles et des denrées d’origine naturelle.

 

Du fait de la saison pendant laquelle l’accident s’est produit, l’herbe et les légumes à feuilles, notamment les salades, les épinards et les poireaux, sont les végétaux les plus touchés en mai 1986. Les animaux d’élevage qui ​consomment l’herbe contaminée des pâtures, sont également atteints. Cette contamination s’étend aux productions qui s’y rattachent, comme les produits laitiers et les viandes.

 

La contamination atteint un pic immédiatement après les dépôts et diminue fortement dans les semaines qui suivent en raison de la croissance continue des végétaux et de la disparition des éléments radioactifs à demi-vie courte (iode 131). Elle est 100 fois plus faible au bout de trois mois.

 

Le sol retient une partie des éléments radioactifs déposés et, pour ceux qui ont une demi-vie longue et une tendance à se fixer sur les constituants du sol (par exemple les argiles), tels que le césium 137, un stock durable se forme.

 

À partir de 1987, le transfert des éléments radioactifs par les racines, beaucoup moins efficace que l’interception directe par les feuilles, contribue à entretenir une contamination des végétaux et du reste de la chaîne alimentaire dans les territoires les plus touchés.

 

Les territoires contaminés d’Ukraine, de Biélorussie et de Russie 

Les productions agricoles

Dans les territoires fortement touchés de Russie, de Biélorussie et d’Ukraine, des niveaux élevés de contamination des productions agricoles sont observés en 1986, mais aussi durant les années suivantes. Après 1986, la contamination est surtout fixée dans les 10 à 20 premiers centimètres dans la majorité des sols.  

La contamination des produits agricoles diminue globalement au fil des années, de façon variable en fonction des caractéristiques initiales des dépôts, des natures de sol et des pratiques agricoles. Il n’est pas rare d’observer des valeurs élevées de concentration de césium 137 jusqu’au début des années 1990. Ceci s’observe principalement dans la région de Gomel en Biélorussie, où l’on atteint plusieurs milliers de becquerels par litre pour le lait de vache, 1 000 à 5 000 becquerels par kilogramme dans la viande de boeuf ou 1 000 à 2 500 becquerels par kilogramme pour le chou.

Sur la même période, la plus grande partie des céréales et des pommes de terre produites présente une activité massique inférieure à 100 becquerels par kilogramme. Cependant il subsiste des zones où les activités massiques sont restées notables, quelques milliers de becquerels par kilogramme dans les herbes naturelles ou certains fourrages.

Activité du césium 137 mesurée à partir de 1987 dans le lait de vache collecté dans les fermes des territoires contaminés

Activité du césium 137 (en becquerel par litre) mesurée à partir de 1987 dans le lait de vache collecté dans les fermes des territoires contaminés. La contamination est très variable, en rapport avec l'intensité des retombées, mais aussi des actions de réhabillitation des surfaces agricoles.

Après une nette diminution jusqu’au début des années 1990, la contamination des produits agricoles évolue plus lentement (baisse de 3 et 7 % par an) et elle est très majoritairement due au césium 137. Elle est plus marquée dans les denrées animales (viande, lait), notamment issues d’élevages extensifs, que dans les denrées végétales.

Les forêts

Les feuillages des arbres interceptent facilement les aérosols radioactifs ambiants. La chute des feuilles entraîne localement une contamination de la litière et des sols des forêts, qui constituent ainsi un stock pérenne de substances radioactives recyclées par les arbres et les plantes de sous-bois, notamment les jeunes pousses.

Vingt-cinq ans après l’accident, la contamination par le césium 137 persistant dans la litière végétale et la terre forestière n’a pratiquement diminué que sous le seul effet de la décroissance radioactive (soit 56 % de l’activité initialement déposée), provoquant toujours, via les racines, la contamination du bois, des feuillages, ainsi que des champignons, des baies et du gibier.

Ainsi, contrairement aux produits agricoles dont la contamination a généralement fortement diminué au fil du temps, on observe toujours de très fortes activités de césium 137 dans les produits naturels récoltés dans les forêts des territoires les plus contaminés. Elles atteignent parfois plusieurs dizaines de milliers de becquerels par kilogramme dans les champignons, le gibier et les baies sauvages.

 

Concentration du césium 137 mesurée dans des champignons récoltés entre 1986 et 2000 dans les territoires contaminés

Concentration du césium 137 mesurée dans des champignons récoltés entre 1986 et 2000 dans les territoires contaminés de Russie, de Biélorussie et d'Ukraine.

Les eaux de rivière

L’impact sur les eaux de surface est surtout observé au cours des premières semaines après l’accident, dans les territoires proches de la centrale accidentée, où elles ont été contaminées directement par les retombées radioactives. La contamination de l’eau a ensuite décru fortement, du fait de la disparition des éléments radioactifs de courte période radioactive et de l’absorption des substances radioactives sur les sédiments.

Ainsi, la Pripiat et le Dniepr, ressources en eau potable des principales villes d’Ukraine, sont contaminés au point de nécessiter, durant les premiers mois, la mise en oeuvre d’actions préventives : mise en place de digues, approvisionnement des villes en eau depuis des zones non contaminées, restrictions d’usage.

Port de Pripiat (affluent du Dniepr) et les bâteaux contaminés abandonnés

En 1986 et les années suivantes, le ruissellement des eaux de pluie, la fonte de la neige ou les crues favorisent le lessivage d’une partie des dépôts de la surface du sol vers les cours d’eau. Le césium 137 et le strontium 90 sont les principaux éléments radioactifs observés sur le long terme dans la Pripiat, à proximité de Tchernobyl, à des concentrations faibles (de l’ordre de 0,1 Bq/l en solution dans l’eau). Les nappes phréatiques ne sont pas touchées, si ce n’est à proximité même du site en raison de l’infiltration dans le sol où des débris contaminés ont été hâtivement enfouis.

Courbe de l'évolution du césium dans la Pripiat et le Dniepr de 1986 à 1994

Courbe de l'évolution du césium dans la Pripiat et le Dniepr de 1986 à 1994.