Savoir et comprendre

La gestion d’un accident grave sur un réacteur à eau sous pression en France

21/05/2012

On appelle accident « grave » ou « accident de fusion du coeur » d’un réacteur nucléaire un accident au cours duquel le combustible du réacteur est significativement dégradé avec fusion plus ou moins étendue du coeur du réacteur.
 

Pour les réacteurs actuellement en exploitation en France, la probabilité d’un tel accident est très faible. Néanmoins, si la dégradation du coeur ne peut pas être contenue dans la cuve du réacteur par refroidissement du coeur dégradé (renoyage dans la cuve par le fluide caloporteur), l’accident peut à terme conduire à la perte de l’intégrité du confinement et à des relâchements importants de produits radioactifs dans l’environnement. 
 

Les principaux modes de défaillance figurent sur le schéma suivant :
 

  • le mode α : explosion de vapeur dans la cuve ou le puits de cuve, provoquant la défaillance à court terme de l'enceinte de confinement 
  • le mode  β : défaut d'étanchéité de l'enceinte, initial ou rapidement induit 
  • le mode γ : explosion d'hydrogène dans l'enceinte conduisant à sa défaillance 
  • le mode δ : mise en surpression lente dans l'enceinte conduisant à sa défaillance
  • le mode ε : traversée du radier en béton par le corium conduisant à sa percée 
  • le risque de perte d’étanchéité de l'enceinte de confinement due à l’échauffement direct de l’enceinte auxquels s'ajoute le mode V, bipasse du confinement par l'intermédiaire de tuyauteries sortant de l’enceinte de confinement.

 

Principaux modes de défaillance sur un réacteur à eau sous pression.©IRSN

   Principaux modes de défaillance sur un réacteur à eau sous pression. © IRSN 

 

Gestion de l’accident de fusion de coeur pour les réacteurs à eau pressurisés (REP) en exploitation
 

La recherche de moyens permettant de limiter les conséquences des accidents graves s'est articulée selon deux directions complémentaires :

  • la caractérisation simplifiée des différents types de rejets 
  • l'étude des modes de défaillance de l'enceinte de confinement.


Les enseignements de ces travaux ont servi de base à la rédaction par EDF d’un Guide d'Intervention en situation d'Accident Grave (GIAG) de manière à apporter une aide aux équipes de crise.
 

Pour les réacteurs du parc français d’EDF, le Guide d'Intervention en situation d'Accident Grave (GIAG), rédigé par l’exploitant, vise à apporter une aide aux équipes de crise en vue d'assurer au mieux le confinement des produits radioactifs. Dans ce guide, les actions possibles pour diminuer les conséquences d'un accident grave sont décrites.
 

Lorsque le GIAG est mis en oeuvre, la priorité n'est plus la sauvegarde du coeur du réacteur mais celle du confinement.
 

Pour faire face aux éventuels défauts d’étanchéité initiaux de l’enceinte, la procédure U2, qui permet de surveiller l'étanchéité de l'enceinte de confinement en situation accidentelle dès qu'une certaine radioactivité y est présente est appliquée.  
 

Pour ce qui concerne l’échauffement direct de l'enceinte, le principal risque lié à ce phénomène est une perte d’étanchéité de l'enceinte de confinement due à une pressurisation rapide. La prévention de ce risque consiste à réduire la possibilité d'une fusion du coeur sous pression en dépressurisant volontairement le circuit primaire.

 

Pour ce qui concerne l’explosion d’hydrogène dans l’enceinte, soulignons tout d’abord que des recombineurs catalytiques passifs d'hydrogène équipent l'ensemble des réacteurs du parc français. Par ailleurs, la gestion, dans le GIAG, des injections d’eau dans la cuve et de l’aspersion de l’enceinte est faite de telle sorte d’éviter une explosion d’hydrogène qui pourrait menacer l’intégrité de l’enceinte.
 

La mise en oeuvre du système d’aspersion de l’enceinte (EAS) permet de refroidir l’atmosphère de l’enceinte et de rabattre les produits de fission. Néanmoins, en cas d’indisponibilité de l’EAS, la pression dans l'enceinte de confinement monterait alors inexorablement, dépassant la pression de dimensionnement au bout d'environ 24 heures dans les cas extrêmes. Un système « d'éventage » (dépressurisation) volontaire avec filtration a ainsi été installé pour :
 

  • faire décroître la pression à l'intérieur de l'enceinte de confinement 
  • réduire d'un facteur 10 au moins les relâchements d'aérosols contenus dans les gaz rejetés 
  • canaliser les gaz filtrés vers la cheminée où leur radioactivité peut être mesurée et qui améliore leur dispersion dans l'atmosphère.
      

La procédure d’éventage et de filtration de l’enceinte associée (nommée « U 5 ») ne serait mise en oeuvre sur un site, en situation d'accident de fusion du coeur, qu'en concertation étroite avec les pouvoirs publics.
 

En cas de rupture de la cuve, une injection d’eau sur le corium peut retarder, voire empêcher la traversée du radier en béton par le corium. Ceci est notamment fonction de la masse de corium, de l’épaisseur du radier qui dépend du site.

 

L'approche retenue pour le réacteur EPR 

 

Les différents modes de défaillance du confinement ont été examinés en France, pour les réacteurs actuels, dans un souci d'amélioration de la défense en profondeur, de manière pragmatique, et en utilisant des hypothèses réalistes.
 

Il en va tout autrement pour le réacteur EPR pour lequel des objectifs de sûreté ambitieux ont été fixés, prévoyant une réduction significative des rejets radioactifs pouvant résulter de toutes les situations d’accident concevables, y compris les accidents avec fusion du coeur. Ceci implique des dispositions de conception spécifiques.

 

Pour le réacteur EPR, on peut noter en particulier les améliorations de sûreté suivantes :

  • des dispositions permettent de maintenir le puits de cuve sec avant percée de la cuve et contribuent à rendre quasi improbable le risque d'explosion de vapeur ;
  • un récupérateur de corium situé au fond de l’enceinte permet de recueillir et de refroidir le coeur fondu après la rupture du fond de la cuve (voir figure ci-après) ;
  • toutes les traversées de l’enceinte de confinement (y compris le tampon d’accès des matériels) débouchent dans des bâtiments dont l’atmosphère est ventilée et filtrée.

  

Schéma du récupérateur de corium du réacteur EPR.©IRSN

Schéma du récupérateur de corium du réacteur EPR © IRSN