Savoir et comprendre

Démantèlement : des contextes et des stratégies très différents selon les pays

24/01/2018

​​​​Suite à l’accident de Fukushima Daiichi au Japon en 2011, l’Allemagne, la Suisse et la Belgique ont décidé de fermer leurs réacteurs nucléaires. En France, la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité votée en 2015 devrait se traduire par la fermeture de plusieurs installations. Toutefois, la stratégie de démantèlement, le plus souvent différé ou immédiat, est propre à chaque pays ou filière de réacteurs.

 

Voir la carte interactive des réacteurs nucléaires  en démantèlement dans le monde

Voir la carte interactive des installations en démantèlement en France

 

Pourquoi démanteler ? Les causes peuvent être économiques pour des installations arrivant en fin de vie  technologiques. C’est le cas des réacteurs Uranium Naturel Graphite Gaz (UNGG) de première génération qui posait en outre, un problème de rentabilité économique. Il peut également s’agir d’un choix politique.
 

En 2012, la Cour des comptes reprenait les statistiques de la World Nuclear Association, l’organisation des producteurs d’électricité d’origine nucléaire : « 14 réacteurs ont cessé de fonctionner à la suite d’un accident ou d’un incident sérieux, 22 ont été fermés à la suite de choix politiques et 97 ont été arrêtés pour des raisons de rentabilité économique ».
 

Après l'accident de Tchernobyl, l'Italie a décidé en 1986 par référendum l'arrêt de ses six réacteurs nucléaires via une stratégie de démantèlement différé. Puis, au début des années 2000, l’Italie a opté pour une procédure accélérée bien que la ​​date annoncée de 2025 puisse paraître optimiste. Par exemple, la centrale du Garigliano (en photo ci-dessous) s'avère plus complexe à démanteler qu'annoncée.
 

Centrale nucléaire du Garigliano (Italie) en démantèlement

Centrale nucléaire du Garigliano (Italie) en démantèlement : bâtiment réacteur (à gauche) et salle des machines du réacteur (à droite) (© IRSN/Dureuil)


Ce sont également des raisons politiques, à savoir le respect des conditions d'accès à l’Union européenne, qui ont poussé la Bulgarie, l'Arménie, la Lituanie ou encore la Slovaquie à arrêter leurs réacteurs de technologie russe, qui ne disposaient pas d'enceinte de confinement.
 

Plus récemment, l'accident de Fukushima a conduit l’Allemagne à abandonner progressivement sa filière nucléaire. C’est le cas également de la Suisse où les centrales actuelles seront mises à l’arrêt définitif à la fin de leur durée d’exploitation sans être remplacées. La centrale de Mühlberg  (BWR de 373 MW) a été définitivement arrêtée le 20 Décembre 2019.  Le démantèlement de la Centrale de Mühlberg devrait durer 15 ans environ. Idem en Belgique qui prévoit une sortie du nucléaire en 2025 via l’arrêt de toutes ses centrales après 40 ans d’exploitation. La découverte de défauts sur les cuv​es des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 en 2012 pourrait cependant modifier cette stratégie et le calendrier d’arrêt définitif des deux centrales. Enfin, au Japon, seuls 9 des 33 réacteurs opérationnels lors de l'accident de 2011 ont redémarré à la fin 2019.
 

En France, l’application de la loi de transition énergétique pour une croissance verte conduira à l’arrêt de plusieurs réacteurs à moyen terme. En effet, l’article L.100-4 du code de l’énergie fixe un objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025. EDF a également étudié le démantèlement de deux réacteurs de 900 MWe.
 

Chantier de démantèlement à la centrale de Greifswald, en Allemagne


Chantier de démantèlement à la centrale de Greifswald, en Allemagne : intérieur de la cheminée de rejet en cours d’assainissement (à gauche), puit après le retrait de la cuve à l’intérieur du bâtiment réacteur (au milieu), casemate (bunker) de décontamination à sec des équipements et des structures (à droite) (© IRSN/Dureuil)

 

Stratégies de démantèlement possibles
 

La réglementation propre à chaque pays peut impacter la stratégie et par conséquence la durée des opérations de démantèlement.
 

Première stratégie possible, le démantèlement immédiat consiste à réaliser les opérations le plus tôt possible après l’arrêt définitif de l’installation. L'Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) recommande le démantèlement immédiat afin de ne pas faire supporter les coûts aux générations futures. En France, ce principe - et son déroulement jusqu’à son terme sans interruption volontaire - est inscrit dans la loi de 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte.
 

La Belgique et l'Espagne ont également opté pour le démantèlement immédiat. Toutefois, le réacteur graphite-gaz de Vandellós 1 (Espagne) est en démantèlement différé pour cause d’absence de filière de gestion des déchets graphite.

 

Réacteur nucléaire Chooz A en démantèlement

Réacteur nucléaire Chooz A (Ardennes) en démantèlement : galerie d’accès au réacteur (à gauche) et piscine du réacteur utilisée pour le démantèlement de la cuve et des internes et surmontée d’une passerelle destinée à réaliser les opérations à distance (à droite)  (© IRSN/Dureuil)

 

Deuxième stratégie, le démantèlement différé vise à attendre que la radioactivité baisse d'elle-même avant de commencer la déconstruction. Le Royaume-Uni a choisi cette approche. Cela s’explique par le grand nombre réacteurs UNGG pour lesquels il n’existe pas de filière de traitement des déchets.
 

Par exemple, sur la côte de la mer d'Irlande, l'immense site de Sellafield, qui abrite des réacteurs et usines de traitement du combustible, devrait être déconstruit d'ici à 2120. A cet égard, c’est la stratégie mise en œuvre pour l’ensemble du site qui prime sur les choix retenus pour chaque installation.
 

Autre option très particulière en terme de gestion des déchets, le démantèlement « in situ » ou « entombment » (mise en tombeau) peut être effectué en quelques années et de manière moins coûteuse. Il s’agit de couler du béton sur l'ensemble du bâtiment. Toutefois, de nombreux experts s'inquiètent sur les garanties en termes de sûreté sur le long terme et la création d’installations de stockage diffuses.
 

Aux États-Unis, le nucléaire militaire s'autorise dans certains cas à mettre en œuvre le démantèlement « in situ », notamment​ pour les installations dont les procédés sont situés sous le niveau du sol. Cette stratégie de démantèlement est étudiée par la Russie, même si le pays reste pour le moment engagé dans une stratégie de démantèlement différé pour ses cinq réacteurs à l'arrêt.