Savoir et comprendre

Les principales découvertes de ce programme de recherche

26/02/2013

Principales découvertes
 

Ces essais ont permis d’obtenir des données inattendues.
 

La fusion est intervenue à des températures de 400 à 600°C plus faibles qu’attendu ce qui a conduit à des dégradations plus précoces et plus importantes que ne le prédisaient les logiciels jusqu’alors utilisés. La prise en compte de ces résultats dans les logiciels permet aujourd’hui de mieux apprécier la progression d’un accident de fusion du cœur.
 

La cinétique de production d’hydrogène dans une ambiance riche en vapeur d’eau a été plus rapide que prévue par la plupart des logiciels existants. Ce résultat est pris en compte dans l’appréciation des dispositions visant à éviter une explosion d’hydrogène dans l’enceinte de confinement.
 

Le comportement physico-chimique de l’iode [1] transporté dans le circuit primaire et dans l’enceinte de confinement a été plus complexe qu’attendu avec :
 

  • une volatilité plus élevée que ne le prédisaient les logiciels lors du transport de l’iode dans le circuit primaire et lors des quelques heures suivant son arrivée dans l’enceinte de confinement.
     

C’est un phénomène lié à la chimie de l’iode et à celle du césium dans le circuit primaire mais également aux interactions qui vont se produire avec les éléments provenant de la fusion du crayon reproduisant les barres de commande en argent-indium-cadmium ou en carbure de bore et avec d’autres produits relâchés tel que le molybdène.
 

  • une volatilité plus faible que ne le prédisaient les logiciels sur le plus long terme dans l’enceinte de confinement.
     

Il était attendu que l’iode volatil se forme à nouveau sous l’effet de la radioactivité dans les eaux collectées dans le bas de l’enceinte (puisard). Dans aucun des essais réalisés les eaux du puisard n’ont été une source importante d’iode volatil pour des raisons diverses : 
 

- lors des essais FPT-0 et FPT-1, l’iode a été piégé dans le puisard par l’argent provenant de la fusion du crayon simulant les barres de commande en argent-indium-cadmium 

- lors de l’essai FPT2, les conditions chimiques de l’eau du puisard (alcalines et non acides) n’ont pas favorisé la formation d’iode volatil (ce résultat était attendu) 

- lors de l’essai FPT3, la majeure partie de l’iode relâché dans l’enceinte de confinement était sous forme gazeuse et a été piégé par les surfaces peintes exposées à l’atmosphère de l’enceinte.
 

  • une spéciation chimique de l’iode volatil dans l’enceinte de confinement dépendant sur le long terme de la présence ou non de condensation sur les surfaces peintes.
     

Ainsi, l’iode volatil a été essentiellement observé sous forme d’iodures organiques dans les essais FPT-0 et FPT-1 et essentiellement sous forme d’iode moléculaire dans les essais FPT-2 et FPT-3. Les iodures organiques sont principalement formés à partir des surfaces peintes exposées à l’atmosphère de l’enceinte de confinement. Lors des essais FPT-0 et FPT-1, ces surfaces étaient sèches (absence d’évaporation et de condensations des eaux du puisard dans ces deux essais, contrairement à FPT-2 et FPT-3) favorisant la formation d’iodures organiques. Cette différence de résultats est d’un intérêt particulier pour l’appréciation des rejets d’iode radioactif lors d’un d’accident, car en cas d’un éventage de l’enceinte de confinement visant à éviter une montée en pression qui pourrait être dommageable pour cette dernière, les iodures organiques sont moins efficacement retenus par les filtres utilisés que l’iode moléculaire.
 

Ces enseignements, notamment sur la volatilité de l’iode, ont été pris en compte dans les études réalisées par l’IRSN concernant l’évaluation des rejets de substances radioactives en cas d’accident de fusion du cœur.
 

Les essais Phébus ont également confirmé les connaissances acquises grâce à des expériences de laboratoire sur le relâchement des produits radioactifs et sur les caractéristiques physiques des aérosols transportés dans les circuits.


Conséquences opérationnelles
 

Les résultats des essais PHEBUS PF constituent une base de données unique au monde, source importante d’amélioration de la simulation numérique des accidents de fusion de cœur et de la quantification des rejets radioactifs dans l’environnement lors de tels accidents.
 

Les logiciels développés à l'IRSN dans ce domaine en sont les premiers bénéficiaires, il s’agit notamment du logiciel ASTEC. Ce logiciel qui permet de simuler l’ensemble des phénomènes survenant dans un réacteur lors d’un accident de fusion de cœur – logiciel dit intégral - est développé par l’IRSN dans le cadre d’une collaboration avec son homologue allemand la GRS. Ce logiciel est aujourd’hui une référence internationale en matière de simulation des accidents de fusion de cœur, il est largement diffusé au sein de la communauté européenne mais aussi en Russie, en Inde et en Chine. A l’IRSN, il est utilisé pour les évaluations de sûreté relatives aux accidents de fusion de cœur et il constitue la référence des outils utilisé par le centre technique de crise afin notamment d’estimer le déroulement potentiel d’un accident et les rejets de substances radioactives dans l’environnement. Le logiciel ASTEC et les connaissances acquises dans le cadre du programme Phébus PF ont ainsi permis à l’IRSN durant l’accident de Fukushima de réaliser des estimations relativement précises des rejets de substances radioactives dans l’environnement.
 

Le logiciel intégral MELCOR, utilisé par la Nuclear Regulatory Commission (NRC) américaine pour la simulation des accidents de fusion du cœur, a également été modifié pour tenir compte des observations faites lors des essais Phébus.
 

Les résultats du programme Phébus ont également permis de consolider la pertinence des mesures envisagées par les exploitants afin de limiter les conséquences d’un accident de fusion de cœur. Il a par exemple été confirmé par l’essai FPT-2 qu’afin de réduire les rejets en iode radioactif dans l’environnement il faut, comme cela est actuellement prévu, prendre des dispositions pour s’assurer que l’eau des puisards du réacteur soit alcaline. L’essai FPT3 a quant à lui permis également de s’assurer, dans des conditions représentatives de celle d’un réacteur que les recombineurs  catalytiques d’hydrogène, dispositifs équipant notamment les réacteurs du parc français pour réduire le risque d’explosion d’hydrogène dans l’enceinte de confinement ne voient pas leur fonctionnement altéré par les substances radioactives relâchées sous forme de gaz et de poussières dans l’enceinte de confinement.
 

Sans que cela ne soit réellement une conséquence opérationnelle pour les réacteurs, il convient de relever qu’une des retombées de ce programme est d’avoir fédéré dans une structure organisée l’ensemble de la communauté internationale des chercheurs et experts dans le domaine des accidents de fusion du cœur et a ainsi constitué le socle sur lequel en 2004 a été lancé le réseau d’excellence SARNET coordonné par l’IRSN. Ce réseau traite toutes les questions techniques relatives aux accidents de fusion du cœur tant sur le plan expérimental que de la modélisation. Il coordonne des travaux impliquant plus de 200 chercheurs d’une cinquantaine d’organismes (Communauté Européenne, Suisse, Inde, Corée, Japon, Canada, Etats-Unis). Il contribue à la réorientation des programmes de recherche consacrés aux accidents de fusion du cœur en tant que de besoin et joue un rôle majeur pour la dissémination des connaissances grâce à l’organisation de cours et de conférences.

Notes :
1- En cas d’accident de fusion du cœur d’un réacteur et de rejet de substances radioactives dans l’environnement, l’iode est un des radioéléments les plus critiques pour la population autour de la centrale accidentée. Il peut être presque totalement relâché du cœur du réacteur et transporté vers l’enceinte de confinement. Il est important de pouvoir estimer la fraction volatile de l’iode transférée dans l’enceinte afin d’améliorer l’évaluation de la quantité qui pourrait être rejetée à l’extérieur de cette dernière. L’iode atteint l’homme par inhalation directe et par ingestion et se fixe dans la thyroïde. C’est pourquoi, dans le cadre des plans particuliers d’intervention (PPI) les autorités peuvent prendre la décision de faire ingérer aux populations susceptibles d’être exposées aux rejets une dose d’iodure de potassium prescrite dans le but de saturer la thyroïde.


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