Savoir et comprendre

En pratique : L'exposition des patients lors d'examens radiologiques

21/05/2012

La radioprotection évolue pour mieux protéger les patients lors d'examens radiologiques.

« Comme tout acte médical, la radiologie présente à la fois des risques et des bénéfices », explique le Dr María del Rosario Pérez, spécialiste santé à l’Organisation mondiale de la santé. « Un usage inapproprié des rayonnements en santé peut faire courir un risque inutile. »

La règle d’or en matière de radioprotection médicale est la justification de l’acte – un autre système d’imagerie ou une évaluation clinique permettrait-il de réduire ou éviter la dose ? – et son optimisation – choisir la dose la plus faible permettant d’assurer une qualité d’image radiologique suffisante.

Malgré tout, « la part de l’exposition médicale a fortement augmenté depuis les années 1980, au point de devenir presque aussi importante que l’exposition naturelle », met en garde le Dr Hervé Brisse, radiopédiatre à l’Institut Curie et membre du groupe permanent d’experts en radioprotection médicale de l’ASN.

« Un rapport sur l’exposition des citoyens américains a montré qu’en 25 ans, le nombre d’examens a été multiplié par 7,3 et la dose par personne par 5,7 », précise le Pr Eliseo Vano, de la faculté de médecine de Madrid, membre de la CIPR et du groupe d’experts « Article 31» d’Euratom. Aux États-Unis, le scanner est responsable de 49 % de la dose médicale reçue, le reste étant délivré par la médecine nucléaire (26 %), la fluoroscopie interventionnelle (14 %) et la radiographie et la fluoroscopie conventionnelles (11 %).

« Technologiquement, le scanner a beaucoup évolué : alors que chaque coupe nécessitait plusieurs minutes à ses débuts, on peut aujourd’hui réaliser 500 coupes en quelques secondes », poursuit le Dr Hervé Brisse. « La facilité avec laquelle la dose peut être délivrée s’est donc largement accrue. En imagerie numérique, la surexposition peut être méconnue, car elle fournit une image identique, voire plus belle, alors qu’en argentique, on obtiendrait un cliché noir. »

Pour protéger les patients, la législation française a contraint les constructeurs à équiper leurs appareils de radiologie d’un indicateur de la dose délivrée. Des guides de prescription et de bonnes pratiques ont été rédigés pour les prescripteurs et les utilisateurs. Les radiologues doivent suivre une formation initiale et continue en radioprotection ; les machines sont régulièrement contrôlées ; des niveaux de référence diagnostiques (NRD [1]) réglementaires permettent à chaque établissement de s’auto-évaluer.

À partir de l’analyse réalisée en 2010 par l’IRSN, « une mise à jour de ces NRD est attendue pour fin 2011, avec des chiffres souvent revus à la baisse et, enfin, des NRD pour le scanner chez l’enfant qui n’existaient pas dans le premier arrêté de 2004 », se félicite Hervé Brisse. Demain, la législation devrait se renforcer, à la suite des recommandations en cours de publication dans les commissions internationales.

 

Un œil sur les cardiologues 

En 2007, la CIPR n’avait pas modifié la limite de dose de rayonnements fixée pour le cristallin de l’œil, mais pointait la probable sous-estimation du risque de cataracte
radio-induite. En avril 2011, sous la pression d’experts souhaitant profiter de la révision des normes de l’AIEA et d’Euratom, la Commission a revu ses recommandations : 20 mSv par an, au lieu des 150 mSv de 2007.  

Sont notamment concernés les cardiologues interventionnels lors des procédures qu’ils réalisent en utilisant des rayons X. « Les premiers résultats de notre étude nationale O’cloc montrent qu’ils ont un risque de cataracte sous-capsulaire postérieure 3,8 fois plus élevé qu’une population non exposée », confirme Sophie Jacob, épidémiologiste à l’IRSN et responsable de l’étude. Reste à estimer les doses reçues par les cardiologues au regard des données collectées dans les questionnaires, à examiner si certains d’entre eux dépassent le seuil de 20 mSv par an et à tenter d’évaluer le risque en fonction de la dose.

 

 

Recommandations à paraître

Pr Eliseo Vano, président du comité 3 (médical) de la CIPR et du groupe d’experts "Article 31” d’Euratom : « La CIPR devrait publier, en 2012, trois documents sur la radioprotection en cardiologie, en pédiatrie et en fluoroscopie. Dans la directive à paraître sur les normes de base en radioprotection, la Commission européenne a intégré plusieurs recommandations de protection du patient.  

Des cours de radioprotection deviennent obligatoires dans les écoles de médecine et dentaires. Pour des personnes non malades, les actes de diagnostic doivent être justifiés. L’exposition des travailleurs et des patients est prise en compte dans la justification et l’optimisation des actes radiologiques. Le patient doit être informé par son généraliste des risques encourus pour tout scanner… »

 

Remédier au déficit de savoir sur les effets des faibles doses

« Les conséquences sur la santé de l’exposition à des rayonnements ionisants peuvent être de deux natures : déterministe ou stochastique », explique Jean-René Jourdain, expert en radioprotection de l’homme à l’IRSN. Les effets déterministes, telles les cataractes ou les brûlures radiologiques, sont dits "à seuil", c’est-à-dire qu’ils n’apparaissent qu’au-delà d’un certain niveau d’exposition (loi "du tout ou rien"). Les effets stochastiques, cancers radio-induits essentiellement, sont susceptibles d’apparaître même à de faibles doses. Leur probabilité augmente proportionnellement à la dose (loi du "linéaire sans seuil").

Si cette relation linéaire entre dose et effets s’appuie sur des études épidémiologiques, elle n’est pas confirmée en deçà de 100 mSv environ. « Pour tenter de répondre à ces questionnements sur les faibles doses, un réseau européen a été mis en place en janvier 2010 sur les recommandations d’un groupe d’experts », précise-t-il. Dénommé Doremi [2], ce réseau rassemble 22 organismes européens qui vont travailler ensemble jusqu’à la fin 2015. Il va mener des études pilotes et organiser des séminaires pour identifier les déficits de connaissances et les moyens d’y remédier.

Parallèlement, l’association Melodi [3] a été créée pour mutualiser les ressources des principaux acteurs de la radioprotection en Europe. Comprenant 15 membres fondateurs et présidée par l’IRSN, elle définira un agenda stratégique de recherche pour les prochaines décennies et en identifiera les financements possibles.

Notes :

1- Les niveaux de référence diagnostiques ou NRD sont établis pour des examens standardisés et des patients types, sur la base des pratiques relevées en France. Ce ne sont pas des limites, mais des indicateurs de dose qui ne devraient pas être dépassés sans justification pour des procédures courantes. Voir le site des NRD.

2- Plus d'information sur Doremi

3- Voir le site de l'association MELODI.