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PCR : Une évolution des profils et des missions

04/01/2016

Chargés de la radioprotection des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants, les Personnes Compétentes en Radioprotection (PCR) portent une responsabilité importante sur leurs épaules. La réforme du dispositif de formation doit leur permettent de mener à bien des missions de plus en plus exigeantes.

 
Rôle du PCR dans le milieu industriel
 

Des centrales nucléaires aux agences immobilières, en passant par les hôpitaux, les aéroports, les universités ou l’industrie agroalimentaire, près de 380 000 travailleurs utilisent des sources de rayonnements ionisants en France. Et partout, des Personnes Compétentes en Radioprotection (PCR) veillent sur leur sécurité.

« Les usages des rayons ont bien changé depuis le début des années 1990 », observe Jean-Pierre Vidal, expert en radioprotection à l’IRSN. L’utilisation des rayonnements ionisants s’est diversifiée et la fonction de PCR a évolué.

Dans l’industrie, la gammagraphie s’est développée pour contrôler les soudures à l’aide de rayons X. Dans l’immobilier, des analyseurs à fluorescence X servent à détecter le plomb dans les peintures. Dans les aéroports, des appareils à rayons X sont utilisés pour contrôler les bagages. La radiographie interventionnelle est de plus en plus utilisée par les chirurgiens pour guider leurs gestes opératoires en temps réel grâce à l’imagerie. Les appareils de radiographie se sont également généralisés dans les cabinets dentaires.

Pour mieux armer les PCR à faire face à leurs responsabilités, une réforme de la formation est entrée en vigueur le 1er juillet 2014, en attendant, d’ici à 2018, une évolution du statut des PCR liée à la transposition en droit français d’une directive européenne Euratom (lire l’encadré en bas de page).

 

Technicien, ingénieur ou chercheur

Infographie: Bilan 2014 de l'exposition des travailleurs
Voir l'infographie en grand format
 

En France, le nombre de PCR est estimé entre 8 000 et 15 000 personnes. Cette fourchette relativement large est liée à l’absence d’éléments statistiques sur le nombre et les secteurs d’activité des PCR. « Les PCR regroupent des personnes aux parcours et aux profils variés », rappelle Christian Lefaure, animateur de la Coordination des réseaux de PCR et acteurs de la radioprotection (CoRPAR).

Dans le nucléaire, il existe des services de radioprotection où plusieurs PCR exercent à plein temps. Dans le milieu médical, les PCR sont souvent des manipulateurs en radiologie, des techniciens de médecine nucléaire ou des physiciens médicaux. Dans ces deux secteurs, elles jouent un rôle d'informateur et de formateur, que ce soit en vérifiant que les salariés portent bien leur dosimètre ou en organisant des formations.

Dans les grands établissements hospitaliers,  ce sont souvent des PCR à temps plein qui s'assurent de la radioprotection des travailleurs. Elles réalisent les études de poste - l'évaluation de la dose efficace à laquelle sera soumis un travailleur durant une année. Elles optimisent le zonage en évaluant les risques spécifiques de chaque salle. Elles suivent les doses individuelles des travailleurs. Elles sonnent l'alerte en cas de trop forte dose.

Dans l’industrie non-nucléaire, les PCR sont fréquemment des ingénieurs qui couvrent d’autres champs du risque professionnel. Dans certains cas, la PCR a été désignée uniquement pour répondre aux impératifs réglementaires et n'y consacre pratiquement aucun temps. Par exemple, dans l’agroalimentaire, les jauges pour contrôler le niveau de cuves de stockage utilisent une petite source radioactive. La PCR peut sembler peu utile. Cependant, elle peut éviter l'accident si, du fait d'une panne, un ouvrier essaie de scier le système pour le réparer.

Entre ces deux extrêmes, une palette de situations co-existent. À l’université, il s’agit en général de chercheurs qui consacrent entre 5 % et 20 % de leur journée à la radioprotection. Les petites structures, comme les cabinets dentaires ou les vétérinaires, n’ont pas besoin d’une personne à demeure. Elles font donc appel à des personnes externes, souvent des sociétés spécialisées.

 

Des prérequis et une exigence de formation renforcés

Au cours des années, la réglementation a pris en compte l’évolution des missions des PCR, notamment le niveau de formation exigé. En 1967, un décret impose des limites de doses et des contrôles. Ce texte induit la nécessité d’avoir une personne chargée de suivre les doses reçues par les travailleurs, de tenir des registres des expositions et de créer des dispositifs de prévention ou d’urgence en cas d’incident.

À partir de 1986, la PCR a obligation de se former puis, à compter de 2005, une mise à jour des connaissances devient impérative au maximum tous les cinq ans. En 2013, un arrêté a accru les exigences (voir le tableau ci-dessous). 

Avec la réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2016, la PCR doit disposer d’un niveau bac scientifique ou technologique. Elle ne peut plus exercer que dans les secteurs, les options et le niveau égal ou inférieur précisés sur son certificat de formation. En parallèle, les niveaux de formation sont passés de 1 à 3, selon les risques rencontrés, tandis que de nouveaux secteurs bénéficient de formations spécifiques.

 

Modalités de formation de la personne compétente en radioprotection


Voir le tableau en grand format 

« Ces prérequis sont une bonne chose », considère Patrice Fraboulet, responsable des formations à l’IRSN. « Certains PCR étaient en difficulté pour comprendre les notions scientifiques ou pour réaliser des calculs complexes. La réforme homogénéise le niveau vers le haut. Les candidats seront plus à l’aise dans la formation. »

La réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2016 met l’accent sur la pratique, avec plus d’exercices appliqués, et moins de théorie. La PCR est ainsi formée à mieux présenter les risques liés aux rayonnements aux travailleurs et à mieux échanger avec les différents acteurs, en particulier l’employeur et le médecin du  travail.

Les qualités relationnelles s’ajoutent désormais aux connaissances fondamentales – radioactivité ou acteurs de la prévention - et à l’acquisition de savoir-faire – faire une étude de poste ou encore appliquer le principe d’optimisation.

 

La dosimétrie, la priorité

  Etude de poste

Étude de poste. Au poste de commande d’une salle de radiologie, un expert de l’IRSN mesure la dose de rayonnements
 

Pour assurer la sécurité des travailleurs, la surveillance quotidienne de la dose reçue est une priorité. Pour ce faire, les PCR peuvent s’appuyer sur plusieurs entités de l’IRSN.  En cas de dose significative, les experts du laboratoire de dosimétrie de l’IRSN aident les PCR à en déterminer la cause. Ils proposent des bilans – répartition et évolution des doses collectives… – à présenter à leur Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail (CHSCT).

Les PCR peuvent consulter les résultats dosimétriques, dans le respect de la réglementation sur le secret médical, les résultats de dosimétrie passive obtenus pour la surveillance individuelle de l’exposition externe n’étant accessibles qu’aux médecins du travail. Pour aider à l’élaboration des études de poste, l’Institut a élaboré un guide spécifique.

D’ailleurs, un groupe de travail pluraliste sur la surveillance radiologique des expositions des travailleurs a été initié par la Direction générale du travail (DGT), en concertation avec l’IRSN et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Il souhaite un élargissement de l’accès par les PCR à l’ensemble des données dosimétriques.

Ce groupe recommande également une meilleure articulation de la radioprotection avec la prévention des autres risques professionnels, ou une nouvelle organisation de la dosimétrie, combinant suivi au long cours et fonction d’alerte immédiate.

 

 

Directive européenne Euratom : une évolution, pas une révolution

 
 

La directive 2013/59/Euratom, qui doit être transposée en droit français avant début 2018, pourrait faire évoluer le statut des PCR. « Elle ne devrait pas entraîner de révolution », explique Yann Billarand, spécialiste de la radioprotection à l’IRSN. Elle vise à adapter le dispositif actuel quand la situation l’exige – moment particulier de la vie d’une installation, niveau d’enjeu radiologique. Dans ce cas, la PCR pourrait recourir à une compétence complémentaire en radioprotection dans l’entreprise ou en externe. Dans les situations d’exploitation courante, la PCR restera au cœur des installations.

 

 

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