Le code de calcul Moret

La recherche

10/12/2010


Code Monte-Carlo dédié à l’évaluation du risque de criticité

dans les installations nucléaires

 

Le code Moret est un code Monte-Carlo(1) qui simule le transport des neutrons dans un espace à trois dimensions. Il a été spécialement conçu pour l’évaluation du risque de criticité dans les installations nucléaires, c’est-à-dire l’apparition d’une réaction en chaîne non maîtrisée en dehors des cœurs de réacteurs en fonctionnement (accident de réactivité). Cette évaluation est réalisée à l’aide de plusieurs grandeurs, notamment le facteur de multiplication effectif(2) que le code Moret calcule à partir de la configuration géométrique, des caractéristiques et de la modération par des produits hydrogénés de la matière fissile, ainsi que de son environnement (géométrie, constituants, etc.).
Plus précisément, le code Moret permet d’obtenir, pour des espaces complexes à trois dimensions contenant des matières fissiles, une valeur pour les principales grandeurs suivantes :

  • le facteur de multiplication effectif (keff) des neutrons,
  • les flux neutroniques (nombre de neutrons par cm² et par seconde),
  • les taux de réactions (fission, absorption, diffusion) dans les différents volumes,
  • les fuites des neutrons hors du système,
  • les paramètres cinétiques du système.

 

 

Principe de calcul

 

Données d’entrée

 

Les données d’entrée du code Moret sont :

  • la géométrie du système étudié,
  • la composition des matériaux qui constituent le système,
  • les conditions initiales de la simulation :
  1. type de calcul envisagé : ponctuel ou multi-groupes (voir ci-dessous),
  2. positionnement des premières générations de neutrons,
  3. critères d’arrêt de la simulation,
  4. méthode de simulation.
  • les données nucléaires de base qui serviront au calcul (ce sont les sections efficaces, c’est-à-dire la probabilité d’interaction de la matière avec les neutrons pour un type de réaction donné (diffusion, adsorption, fission…).

 

Les trois premiers paramètres sont définis et saisis par l’opérateur. Les données nucléaires de base sont tirées directement de bibliothèques de données (calcul ponctuel) ou sont préparées avant leur utilisation par le code MORET à l’aide d’un autre code (calcul multi-groupes).

 

Calcul et méthodes de simulation

 

Pour obtenir les valeurs des grandeurs souhaitées, le code Moret applique la méthode probabiliste Monte Carlo sur des simulations de propagation des neutrons qui sont effectuées avec les configurations définies par les données d’entrée.
L’objectif est d’atteindre la répartition réelle des sources neutroniques au sein du système modélisé nécessaire à une bonne évaluation de la valeur du keff de ce système. Pour ce faire, la méthode Monte-Carlo procède par itérations jusqu’à stabilité de la population neutronique, c'est-à-dire jusqu’à stabilité du keff d’une étape de calcul à l’étape itérative suivante.

 
À chaque étape, la population de neutrons est suivie jusqu’à sa disparition (par absorption ou fuite du système) en reproduisant le plus exactement possible le comportement élémentaire des neutrons, tel que décrit par la physique des particules. Certaines absorptions sont des fissions et donnent naissance à de nouveaux neutrons. Pour la première étape, la position initiale des neutrons suivis est fixée par l’opérateur, pour les étapes suivantes, elle est déterminée à partir des sites de collision des neutrons dans la matière fissile lors de l’étape précédente : c’est le ré-échantillonnage ou repositionnement des neutrons suivis.
Le keff final du système est obtenu en calculant la moyenne des keff d’étapes. Par ailleurs, le code Moret fournit l’écart-type sur le keff ainsi que trois indicateurs permettant de quantifier la confiance dans la solution obtenue.

  • le test du Khi2,
  • le test de Lilliefors,
  • le calcul de l’entropie de Shannon.

 

Les deux premiers permettent d’évaluer la distance d’éloignement à une loi normale de la répartition de la population des keff obtenus à chaque étape. L’entropie de Shannon donne un indicateur sur la convergence de la répartition des neutrons sources dans le système.

 

Un mauvais couplage neutronique entre les volumes contenant de la matière fissile peut aboutir à des résultats erronés sur la valeur de keff. C’est pourquoi, en complément de la méthode de simulation décrite ci-dessus (dite naturelle), cinq autres méthodes de simulation sont proposées dans le code : Stratifiée, MKIJ, Importance, Super-Histoire et Wielandt. L’opérateur peut ainsi choisir la méthode de simulation qui convient à ses objectifs, c’est l’un des points forts du code.
Les méthodes de simulation Stratifiée, MKIJ et Importance diffèrent de la méthode naturelle par la façon de « repositionner » (ou ré-échantillonner) les neutrons à chaque étape de simulation. De plus, elles imposent à l'utilisateur de placer, pour l’étape initiale, des neutrons dans chaque volume fissile afin de ne pas oublier de visiter un volume fissile lors de la simulation.
Les méthodes Super-Histoire et Wielandt (très proches) diffèrent principalement des précédentes par :

  • une durée de suivi de l'histoire d'un neutron pendant plusieurs générations au sein de chaque étape (autre façon d'augmenter la probabilité de visiter tous les volumes fissiles),
  • le choix des sites d'absorption dans la matière fissile (et non de collision) comme sites potentiels de fission.
    Pour la méthode Wielandt, le nombre de générations à l'intérieur d'une étape n'est pas constant, contrairement à la méthode super-Histoire.

 

Ces méthodes de ré-échantillonage ont été conçues afin de répondre à deux préoccupations :

  1. éviter d'avoir des volumes fissiles non visités par les neutrons pour limiter le risque de mauvais couplage neutronique,
  2. accélérer la convergence (via des algorithmes pertinents de ré-échantillonnage des sources) afin d'arriver plus rapidement à une distribution des neutrons représentative de la distribution réelle qui permettra d'accéder à la valeur de la réactivité du système (keff).


Cette multiplicité de méthodes de simulation offre aux utilisateurs (ingénieurs d’études, experts et chercheurs) la possibilité de comparer les résultats et d’appréhender au mieux le risque de criticité selon les configurations étudiées.

 

Par ailleurs, pour les méthodes de simulation naturelle, Super-Histoire et Wielandt, le code Moret permet l’utilisation d’une variante dans leur simulation du parcours des neutrons, dite méthode de Woodcock, qui améliore le temps de calcul pour des configurations hétérogènes contenant un nombre très important de volumes.

 


Préparation des données d’entrée

 

Les données spatiales

 

L’utilisateur définit l’espace physique à étudier ainsi que la composition des matériaux le composant et la matière fissile qui s’y trouve.


Pour décrire la géométrie de l’espace concerné, le code Moret utilise des modules et des opérateurs géométriques combinatoires (géométrie dite modulaire et combinatoire). Les modules sont des assemblages plus ou moins complexes de volumes élémentaires (formes simples convexes tels que des sphères, cylindres, parallélépipèdes…), utilisables dans plusieurs zones de l’espace sans avoir à répéter leur définition.

 

Les opérateurs combinatoires sont issus de la théorie des ensembles (« contient », « intersection », « réunion », « écrasement », « troncature ») permettant de décrire des volumes complexes à partir de volumes élémentaires positionnés les uns par rapport aux autres.

 

Exemple d’utilisation de la géométrie modulaire.

Exemple d'utilisation de la géométrie modulaire

 

 

Les données sur les matériaux

 

La description des caractéristiques neutroniques de la matière fissile ainsi que des matériaux constitutifs de l’espace dépend du mode d’utilisation du code MORET.

 

L’approximation multi-groupes

 

Dans le cadre d’une expertise industrielle, les temps de calcul doivent être optimisés pour des coûts raisonnables en conservant une précision suffisante. Des approximations (découpe du spectre énergétique des neutrons en plages dans lesquelles des caractéristiques neutroniques moyennes sont retenues, remplacement d’un milieu hétérogène (réseau de crayons dans un assemblage par exemple) par un milieu homogène équivalent) permettent de limiter le nombre de calculs : c’est l’approximation dite multi-groupes. Les données sur les matériaux sont alors préparées avant leur utilisation dans le code Moret par un code de calcul dit « cellule » qui calcule les propriétés physiques de ces matériaux pour fournir des grandeurs homogénéisées en espace, condensées en énergie et autoprotégées(3). Cette opération est réalisée par des codes déterministes comme par exemple le code Apollo2 (du CEA), Dragon (de l’Ecole polytechnique de Montréal) ou Scale (du Los Alamos National Laboratory ou LANL) à partir de bibliothèques de données.

 
Les données condensées, homogénéisées et autoprotégées sont fournies au code Moret grâce à un couplage avec les codes précités.

 

Section efficace totale de l’U238 représentée ponctuellement ou par 172 groupes d’énergie

Section efficace totale de l'U238 représentée ponctuellement

ou par 172 groupes d'énergie 

 

 

 

L’approche ponctuelle

 

Si une recherche plus fine est demandée, les sections efficaces ne sont pas moyennées mais récupérées directement par le code Moret dans des bibliothèques établies à partir des évaluations de données nucléaires (JEF 2.2, par exemple) : c’est l’approche dite ponctuelle. La version du code Moret capable d’accepter les données brutes pour une approche ponctuelle (version 5.A) est en cours de validation ; les calculs réalisés avec cette approche ne nécessiteront pas de couplage du code Moret avec un autre code.

 

Voies multi-groupes                            Voie ponctuelle

 


Outils graphiques

 

Pour interpréter les résultats, le code Moret dispose de différentes sorties :

  • des sorties au format postscript : coupes graphiques selon les axes X, Y et Z ; courbes de convergence du facteur de multiplication calculé à chaque étape de calcul…,
  • la sortie des grandeurs standards dans un fichier au format XML, permettant une visualisation ergonomique dans un navigateur web (présentation des grandeurs par catégories dans des onglets).

 

 

Exemple de fichier au format XML

Exemple de fichier au format XML

 

 

Exemple de fichier au format postscriptExemple de fichier au format postscript

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Exemple de fichier au format postscript 

 

 

Application et perspectives

 

Le code Moret a servi dans la majorité des études de criticité concernant les installations et les usines du cycle du combustible nucléaire et du transport de la matière fissile en France. Il est aussi utilisé depuis quelques années pour des études de sûreté dans les réacteurs (risque de criticité lors du chargement du cœur lié à une erreur de positionnement d’assemblage, criticité du corium, analyse d’accident du type BORAX, etc.).

 
Les industriels l’utilisent pour le dimensionnement de leurs installations, et les organismes de recherche l’emploient pour l’analyse d’expériences de criticité : c’est le cas de l’IRSN pour les programmes Mirte et Midas.

 

De nouvelles fonctions sont actuellement en développement dans le code Moret, et notamment :

  • la rotation des volumes et des modules géométriques,
  • les calculs de sensibilité des grandeurs de sortie aux incertitudes sur les données nucléaires de base, ainsi que la propagation des incertitudes au cours du calcul.

La version 5.A du code devrait être mise à disposition de l’Agence pour l'énergie nucléaire (AEN) d’ici à la fin 2011 afin de favoriser sa diffusion et les collaborations avec les universités et les industriels.

 

 

Notes
(1) méthode visant à calculer une valeur numérique en utilisant des procédés aléatoires dits probabilistes
(2) Le facteur de multiplication effectif (k-effectif ou keff) est défini comme le rapport du nombre de neutrons produits sur le nombre de neutrons perdus (par fuite et absorption) au sein d’un système contenant des matières fissiles. Si la valeur est inférieure à 1, le système est sous-critique et l’installation nucléaire est dans un état sûr. Si la valeur est égale à 1, la population neutronique est constante ; c’est l’état d’un réacteur nucléaire en fonctionnement normal. Un keff supérieur à 1 correspond à un emballement des réactions de fission où la production de neutrons n’est pas compensée par les pertes.
(3) L’autoprotection permet de prendre en compte les soudaines et fortes variations de la section efficace réelle dans le domaine énergétique.

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Laboratoire IRSN impliqué
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Le formulaire Cristal
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Le code Moret est en particulier utilisé dans le formulaire de criticité Cristal

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