La station expérimentale de Tournemire
Situé dans un ancien tunnel ferroviaire de près de 2 km de long creusé entre 1882 et 1888, ce laboratoire grandeur nature a pour objectif d’acquérir des connaissances méthodologiques et phénoménologiques sur les roches argileuses similaires au site de Bure (Meuse/Haute Marne) où pourrait être implanté un stockage de déchets radioactifs par l’Andra. C’est un outil fondamental pour l’IRSN, permettant d’étudier les propriétés de confinement de ces roches et les performances de certains composants d’un stockage dans le but d’assurer une expertise indépendante de l’Andra.
Contexte
Un laboratoire grandeur nature au service de l’expertise
Acquise en 1992, la station expérimentale de Tournemire, dans laquelle l’IRSN mène des expérimentations depuis 1989, est utilisée à seules fins de recherche scientifique et technique. Il n’est en aucun cas destiné à accueillir un jour des déchets radioactifs. De plus, aucun composant radioactif n’y est introduit au titre des recherches.
La station expérimentale est située dans le bassin des Grands Causses, en bordure sud du Massif Central (au sud de l’Aveyron). Le tunnel centenaire traverse la formation argileuse jurassique¹ du Toarcien². La couche argileuse, composée d’argilites et de marnes, s’est déposée en domaine marin il y a environ 180 millions d’années. Située entre 200 et 250 mètres de profondeur, elle mesure 250 mètres d’épaisseur et est encadrée par des formations calcaires [contexte géologique] dans lesquelles circulent des aquifères.

De par sa configuration géologique et la nature des roches, ce site expérimental présente de larges similitudes avec celui étudié par l’Andra en Meuse/Haute-Marne, mais la présence d’une faille régionale hydrauliquement active et de failles plus locales, constituent des conditions extrêmes (par comparaison avec le site de l’Andra où de telles discontinuités n’ont pas été identifiées) pour l’évaluation des propriétés de confinement d’un milieu argileux à l’échelle de millions d’années.
Les études géologiques sont abordées dans le cadre de plusieurs programmes de recherche menés depuis 1990 au moyen de différentes techniques d’observations et d’analyse à partir de la surface, du tunnel, des six galeries excavées depuis 1996 et des nombreux forages (plus de 250) réalisés dans le tunnel et les galeries, selon différentes directions. La connaissance géologique du secteur constitue la base nécessaire pour le développement des différents programmes de recherche et pour le choix des zones d’expérimentations. Celle-ci apporte des informations nécessaires pour le test de méthodes d’investigation et la validation des modèles.
La station expérimentale de Tournemire est l’un des quatre laboratoires de recherche souterrains en milieu argileux en Europe, à côté des laboratoires de Mol (Belgique), du Mont-Terri (Suisse) et de Bure (Meuse/Haute-Marne, France). Elle a été intégrée, en 2007, au réseau des centres d’excellence de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)1.
1- Le Jurassique est une période géologique qui s’étend d'environ -200 à -145 millions d'années.
2- Le Toarcien est, sur l’échelle des temps géologiques, dernier étage de l’époque du jurassique inférieur (ou Lias).
Note 1 : Ce réseau baptisé Underground Research Facilities (URF’s) réunit une dizaine de partenaires dans le monde.
Photo : Justo Cabrera, ingénieur-chercheur de l'IRSN en géologie, au croisement d'une galerie creusée dans le tunnel.(c) Noak / Le bar Floréal / Médiathèque IRSN
Un tunnel centenaire
Un des intérêts de la station expérimentale de Tournemire pour mener les expertises de l’IRSN réside dans la présence d’un ancien tunnel : le tunnel ferroviaire de la Boutinenque (aussi appelé tunnel de Tournemire), qui permet d’accéder à l’argilite du Toarcien, une roche qui présente de nombreuses analogies avec la formation argileuse étudiée par l’Andra sur le site de Meuse/Haute-Marne. Avec plus de 125 ans d’âge, il permet d’évaluer, sur le long terme, la perturbation de la roche argileuse induite par un ancien ouvrage souterrain.

Ce tunnel, de pente ascendante du sud vers le nord (1,4 %), traverse en grande partie les argilites du Toarcien supérieur. Dans sa partie nord, il traverse la grande faille régionale du Cernon qui draine une partie des aquifères (supérieur et inférieur) de la région : cela explique la présence d’une source à son intersection avec le tunnel. Cette source est canalisée sous le radier le long de l’axe de l’ouvrage, avec une exhaure (sortie des eaux d’infiltration) côté sud du tunnel.
Graphique : Plan du tunnel et des galeries de la station expérimentale. Le tunnel est entouré en rouge. (c) IRSN
L'ouvrage original
Le tunnel fait partie d’un ensemble d’ouvrages d’art réalisés à la fin du 19e siècle dans le cadre du projet de voie ferroviaire qui devait relier Tournemire au village du Vigan. Cette voie n’a jamais été totalement achevée, mais elle a été utilisée jusqu’aux années 1950 par un train de marchandises reliant Tournemire au Plateau du Larzac.
Le tunnel a été creusé essentiellement à la main entre 1882 et 1888, sur une longueur de 1885 mètres (PM 0)1. Du point de vue géométrique, il possède une section de type fer à cheval de 5,6 mètres de hauteur et 4,7 mètres de largeur à la base. Le revêtement est composé d’une maçonnerie à blocs de calcaire, jointoyés par un liant à base de chaux.
De l’armée au laboratoire souterrain
Dans les années 1970, l’armée de terre en fait l’acquisition afin de permettre l’extension d’un camp militaire sur le plateau du Larzac. A cette occasion, les rails de la voie ont été entièrement remplacés. Ce projet d'extension n’aboutira finalement pas, le projet étant stoppé au début des années 1980.
En 1989, l’IPSN (aujourd’hui IRSN) débute l’exploitation du tunnel, avec l’autorisation de l’armée, dans le cadre de ses premiers programmes de recherche. En 1992, l’IPSN devient officiellement propriétaire du tunnel afin de faciliter ses recherches en soutien à l’expertise. A cette occasion, le radier du tunnel sera bétonné dans sa totalité en 2003 pour faciliter l’accès à la station expérimentale.
L’existence du tunnel facilite grandement la réalisation des galeries et des forages selon différentes directions, l’amenée des matériels, et contribue ainsi à la mise en œuvre des programmes de recherche de l’IRSN dans des conditions aisées.
Un développement en plusieurs étapes
La station expérimentale s'est construite au fil des années, avec trois étapes principales :
En 1996, les premières études géomécaniques
En 2003, l'instrumentation et l'étude du comportement de la roche pendant le creusement des galeries
En 2008, l'extension de la zone d'expérimentation