Savoir et comprendre

Résumé

Comment sensibiliser les jeunes à la radioprotection ?

21/05/2012

Source : Magazine Repères n°07, Octobre 2010

Environ 200 lycéens ont participé en 2009-2010 aux ateliers de la radioprotection coorganisés par l’IRSN et deux autres partenaires. Deux enseignantes d’un lycée francilien et une experte de l’Institut débattent sur l’importance de cette démarche dans l’enseignement.

Ce débat se déroule entre :

  • Roselyne Améon, physicienne de formation. Elle est l’une des expertes radon de l’IRSN depuis dix ans. En plus de ses travaux d’ingénierie et de recherche, elle enseigne ce sujet en formation continue et en formation initiale dans les universités de Paris-XII et de Grenoble.
  • Dominique Aupépin enseigne les sciences de la vie et de la terre (SVT) au lycée Louis-de-Broglie, à Marly-le-Roi (Yvelines), depuis trente ans.
  • Béatrice Casanova enseigne la physique-chimie au lycée Louis-de-Broglie, à Marly-le-Roi (Yvelines). Elle a depuis toujours été sensibilisée à la radioactivité par son père chercheur.

 

Comment la radioprotection et la radioactivité sont-elles abordées aujourd’hui dans le programme scolaire?

Roselyne Améon, ingénieur chercheur au bureau d'évaluation des risques à la radioactivité naturelle.©Noak/Le bar Floréal/IRSN Dominique Aupépin: Le sujet de la radioactivité est à peine effleuré au lycée... Dans la matière que j’enseigne [sciences de la vie et de la terre, SVT], on parle de la radioactivité aux terminales scientifiques quand on leur explique comment dater les roches, et c’est tout !

Béatrice Casanova : En cours de physique, nous organisons un seul TP [travaux pratiques] sur la radioactivité, qui propose aux élèves de mesurer le radon dans l’environnement.

Roselyne Améon : L’IRSN avait été contacté à l’époque de l’élaboration de ce TP. Nous avions essayé d’imaginer un moyen simple qui permettrait de faire comprendre aux élèves ce qu’est la radioactivité.

B. C. : Et ce TP fonctionne bien. En revanche, il nécessite d’investir dans du matériel – l’appareil de mesure coûte plus de 2 000 € – et je doute que tous les lycées le possèdent… En outre, la radioactivité n’est pas abordée sous l’angle de la radioprotection !

R. A. : C’est vraiment dommage, car chacun doit apprendre à se protéger contre les rayonnements ionisants. Dans ce contexte, que pensez-vous des ateliers de la radioprotection auxquels vous avez participé cette année ?

D. A. : Les ateliers ont énormément plu. Les lycéens ont beaucoup appris sur la radioprotection en tant que telle, mais ont aussi affûté leur esprit critique, ils ont notamment pu toucher du doigt la notion d’incertitude des mesures… Que du positif, si ce n’est que seuls 14 élèves de notre lycée en ont profité.

R. A. : Les ateliers reposent sur le volontariat des élèves, ce qui restreint les effectifs, mais est aussi une garantie de leur motivation. Les ateliers s’ajoutent à leur emploi du temps, on ne peut donc pas les contraindre !

D. A. : C’est sûr, mais je trouve cela dommage de ne pas toucher tous les élèves. J’ai noté, avec la même pointe de regret, que les lycées impliqués dans ces ateliers ne représentaient pas toutes les catégories d’élèves.

R. A. : On touche là une des limites de cette démarche : la difficulté de l’élargir au plus grand nombre.

 

Comment peut-on sensibiliser le plus grand nombre à la radioprotection ?

De gauche à droite : Béatrice Casanova, professeur de physique-chimie et Dominique Aupépin, professeur de SVT. ©Noak/IRSN B. C.: La réforme des lycées prévoit l’instauration d’enseignements d’exploration en seconde, soit une heure trente par semaine pour découvrir des domaines d’activité qui mêlent plusieurs disciplines enseignées au lycée. Ce pourrait être une porte d’entrée intéressante pour parler de radioprotection aux élèves.  

R. A. : Nous réfléchissons à d’autres supports. Un livret sur le radon, d’approche très pédagogique, est par exemple en cours d’élaboration. Nous retravaillons le site Internet de l’Institut, pour en faire un lieu de réponses aux questions que se posent les élèves et les enseignants. Nous sommes aussi disponibles pour répondre aux demandes d’information sur la radioprotection.

D. A. : Le lycée a plusieurs fois sollicité l’IRSN, et nous avons toujours trouvé une oreille attentive à nos questions. Mais encore faut-il savoir que l’établissement existe ! J’avoue pour ma part que je ne le connaissais pas avant la mise en place des ateliers, et que j’ignorais presque tout de la radioprotection.

R. A. : Nous devons être plus visibles, c’est un point sur lequel nous travaillons. Les lycéens, une fois sensibilisés, se sentent-ils concernés par ces sujets ?

D. A. : À l’issue des ateliers, on ne peut pas dire que les lycéens se soient montrés beaucoup plus préoccupés qu’avant. Notre situation en Île-de-France, située loin des centrales nucléaires et où l’exposition au radon n’est pas très élevée, les a vite rassurés.

B. C. : Mais ils se sont rendu compte que c’était différent dans d’autres régions. Les échanges avec les lycéens biélorusses et ukrainiens leur ont aussi ouvert les yeux sur l’impact que peut avoir la radioactivité au quotidien.

R. A. : Les risques liés aux rayonnements nous concernent tous, qu’on passe une radio, ou qu’on prenne l’avion…

D. A. : Cette approche liée à la vie quotidienne aurait peut-être été plus percutante pour les interpeller davantage.

R. A. : L’idée pourrait aussi être de sensibiliser les enfants plus jeunes. On sait qu’ils sont un formidable vecteur d’information. Cela permettrait sans doute de réduire l’exposition de la population par des gestes simples, et de dédramatiser le sujet, qui n’est aujourd’hui abordé que lors des incidents.