EPI-CT, une étude épidémiologique européenne pour estimer le risque de cancer suite à des scanners durant l’enfance

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06/12/2022

 

L’étude EPI-CT, à laquelle l’IRSN a contribué en partenariat avec la SFIPP (Société Francophone d’Imagerie Pédiatrique et Prénatale) et la SFR (Société Française de Radiologie), montre que, même si ce risque est faible au regard du bénéfice diagnostique, il existe un excès de risque de développer une tumeur maligne du cerveau après des examens scanners de la tête chez l’enfant et le jeune adulte. Les résultats de cette étude viennent de paraitre dans la revue scientifique Lancet Oncology. 

 

Objectif de l’étude

Le scanner est un outil diagnostique dont le bénéfice médical est clairement établi. Néanmoins, la possibilité d’un risque faible de cancer induit par l’exposition aux rayonnements ionisants inhérente à ce type d’examen est considérée dans le système de radioprotection actuel, en particulier chez les enfants. Pour améliorer notre connaissance de la balance bénéfice-risque de l’examen scanner, il est important de mieux quantifier ce risque de cancer. 

 

L’objectif de l’étude européenne EPI-CT est de quantifier l’excès de risque de cancer associé à l’exposition aux rayonnements ionisants due à la réalisation d’un ou plusieurs scanners dans l’enfance et chez le jeune adulte. Les résultats de cette étude épidémiologique vont permettre de consolider la radioprotection des patients par rapport à ce type d’examen diagnostique.

C​ontexte

Les enfants sont particulièrement sensibles aux rayonnements ionisants comparativement aux adultes. La question du risque de cancer associé à l’exposition médicale aux rayonnements ionisants à visée diagnostique pendant l’enfance est récurrente, d’autant que, depuis les années 1980, l’utilisation des examens radiologiques en pédiatrie a augmenté dans la plupart des pays industrialisés. L’augmentation globale des doses de rayons X délivrées aux enfants est principalement liée à l’emploi du scanner, technologie d’imagerie très performante et indispensable pour la prise en charge de nombreuses maladies, mais délivrant les doses les plus élevées parmi les méthodes d’imagerie. Depuis 2012, environ 100 000 examens scanners de la tête sont réalisés annuellement pour des patients de 0 à 15 ans en France.

 

Les doses de rayonnements ionisants délivrées par un scanner restent dans le domaine des doses dites « faibles » pour les expositions médicales. La dose reçue lors d’un scanner équivaut néanmoins à environ 3 années d’exposition à la radioactivité naturelle et elle est nettement plus importante que celle d’une radiographie classique (100 fois plus par exemple pour un scanner du thorax comparativement à une simple radiographie pulmonaire ). 

 

L’association entre l’exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants au niveau de la tête durant l’enfance et l’augmentation du risque de développer une tumeur cérébrale avait déjà été mise en évidence dans plusieurs études publiées depuis 2012, incluant des cohortes d’enfants exposés en France (cohorte « Enfant Scanner » conduite par l’IRSN), en Grande-Bretagne, en Australie et à Taiwan. Le projet EPI-CT vient conforter les résultats précédemment publiés sur la base d’un plus grand nombre de patients, augmentant ainsi la puissance statistique de l’analyse.

​Quelques chiffres de l’étude EPI-CT

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  • Projet européen coordonné par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) de l’OMS
  • 9 cohortes européennes : 1 million d’enfants suivis au moins un an après un 1er scanner
  • Analyse du risque de tumeurs cérébrales malignes pour les 658 752 enfants suivis au moins 5 ans après le 1er scanner
  • 276 services de radiologie impliqués, dont 23 en France
  • Période de suivi : de 1977 à 2014

 

Synthèse​ des résultats de l’étude EPI-CT

  • La durée moyenne de suivi des patients dans l’étude à partir du 1er scanner reçu est de 12 ans.
  • La majorité des enfants de cette analyse n’avait été exposée qu’une fois à un scanner de la tête. 

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* 174 968 enfants ont été exposés à des scanners d’autres zones anatomiques que la tête (ex : abdomen, membres) et n’ont donc pas été exposés au niveau du cerveau (groupe témoin)​

  • La dose moyenne reçue au niveau du cerveau pour un examen scanner de la tête était de 38 mGy, mais la dose cumulée moyenne au cerveau par enfant était de 49 mGy, certains enfants ayant été exposés plusieurs fois. 
  • Au cours du suivi des 658 752 enfants inclus dans cette étude, 165 cas de tumeurs cérébrales malignes ont été diagnostiqués. 
  • L’étude montre un excès de risque de développer un cancer du cerveau après des examens scanners de la tête chez l’enfant et le jeune adulte ; ce risque augmente d’autant plus que la dose cumulée augmente.  
  • Compte tenu du risque estimé dans l’étude, pour 10 000 enfants ayant reçu un seul examen scanner de la tête (dose estimée à 38 mGy en moyenne), on s'attend à observer 1 cas de tumeur maligne cérébrale attribuable à l'exposition aux rayonnements ionisants dans la période de 5 à 15 ans suivant l'examen.

La très grande taille de l’étude a permis de réaliser des analyses complémentaires pour vérifier la solidité des conclusions. 

Comme​nt interpréter ces résultats ?

Parmi les tumeurs malignes solides des enfants et adolescents, les tumeurs cérébrales sont les plus fréquentes ; environ 300 sont diagnostiquées chaque année en France parmi les 12 millions de jeunes âgés de 0 à 15 ans.

 

En France la dose délivrée au niveau du cerveau lors d’un scanner de la tête est aujourd’hui de 20 mGy en moyenne, soit environ 2 fois moins que dans l’étude EPI-CT. En considérant cette dose pour 20 000 enfants ayant passé un examen scanner de la tête, on s’attend à observer entre 5 à 15 ans après le scanner 1 cas de tumeur maligne cérébrale attribuable à la dose délivrée. 

 

Sachant qu’environ 100 000 scanners de la tête sont réalisés chaque année en France chez les enfants de 0 à 15 ans, sur une période de 10 ans, le nombre de tumeurs cérébrales malignes attribuables au scanner serait de 5. Ces 5 cas sont à mettre en perspective avec les 3000 tumeurs cérébrales malignes survenant spontanément dans cette population sur une période de 10 ans. 

 

L’étude EPI-CT confirme donc l’existence d’un excès de risque de développer une tumeur cérébrale maligne après des examens scanners de la tête réalisé chez l’enfant et l’adolescent et permet de l’estimer plus précisément grâce à la très grande taille de l’étude. Ce sur-risque reste cependant très faible au regard du bénéfice diagnostique des examens scanners. 

 

Ces résultats confirment les résultats déjà observés au niveau français dans la cohorte « Enfant Scanner », étude portant sur 100 000 enfants exposés au scanner en France dans 23 services de radiologie pédiatrique sur la période 2000-2010, réalisée en partenariat avec la SFIPP (Foucault et al, 2022). Elle a mis en évidence une augmentation significative du risque de tumeur cérébrale et du risque de leucémie en fonction de la dose reçue, respectivement au niveau de la tête et de la moelle osseuse.

Enseignements

Ces résultats consolident les connaissances sur l’impact des rayonnements ionisants à faibles doses et confirment l’importance et l’utilité des principes obligatoires de radioprotection déjà en vigueur. Ceux-ci reposent sur l’hypothèse d’un effet potentiel des rayonnements ionisants à faibles doses et visent à maintenir l’exposition des patients à la plus faible dose de rayonnements ionisants possible, tout en considérant la balance bénéfice-risque de l’examen. En effet, le scanner est un outil extrêmement utile pour la prise en charge des maladies et il est important de ne pas renoncer à son utilisation lorsqu’il est nécessaire. 

 

Les règles de radioprotection déjà appliquées sont les suivantes :

  • Le principe de justification : l’indication de l’examen est systématiquement vérifiée par le médecin-radiologue et l’examen n’est fait que s’il est indispensable et contributif pour la prise en charge médicale du patient.
  • Le principe de substitution : l’examen scanner est remplacé par un autre type d’examen n’exposant pas aux rayons X comme l’IRM ou l’échographie lorsque cela est possible dans un délai compatible avec l’urgence. On observe ainsi une constante évolution des pratiques en pédiatrie et une augmentation du nombre d’IRM réalisées depuis une dizaine d’années alors que la fréquence des scanners n’augmente plus. 
  • Le principe d’optimisation : si le scanner est nécessaire, et tout particulièrement pour les enfants, le médecin-radiologue doit employer la dose la plus faible possible tout en maintenant une qualité d’examen suffisante à l’obtention du diagnostic de la maladie recherchée. 

 

Pour en​ savoir p​lus

​​Projet européen EPI-CT

 

Cohorte​ Française « Enfant Scanner »

 

Scanners péd​​​iatriques en France

  • L’IRSN a récemment publié un rapport ​basé sur les données de l’Assurance Maladie sur le nombre d’actes scanner réalisés en France chez les enfants entre 2012 et 2018. Environ 180 000 examens scanners sont réalisés en France annuellement chez l’enfant de 0 à 15 ans, dont près de 100 000 de la tête.