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Version papier
N° 1, 5 juillet 2010
Faire rayonner
la recherche de l'IRSN

Michel SchwarzAktis signifie « rayon » en grec ancien.

Rayon ou rayonnement, un mot qui s'applique tout autant à la radioactivité qu'à la diffusion de l'information ou à la transmission des connaissances.

Aktis est le nom de la lettre d'information scientifique de l'IRSN, dont vous lisez le premier numéro. Centrée sur l'actualité de la recherche à l'Institut et sur ses résultats, elle se décline selon des rubriques qui mettent en valeur l'articulation de la recherche avec l'expertise, sa pluridisciplinarité et sa dimension collaborative.

L'IRSN, expert public référent en matière d'évaluation des risques radiologiques et nucléaires, se doit de faire une recherche d'excellence, à la croisée des chemins entre recherche fondamentale et développements technologiques. Avec cette lettre, diffusée gratuitement, l'IRSN souhaite mieux faire connaître ses travaux de recherche auprès de la communauté scientifique nationale et internationale.

Michel Schwarz, Directeur scientifique de l'IRSN
 
Epidémiologie - Exposition chronique
Alpha-Risk ou la quantification du risque associé à une exposition chronique aux émetteurs alpha
Mine d'uranium, Saint-Priest-la-Prugne, 1957
Peu étudiés jusqu'à présent, les risques à long terme sur la santé d'une contamination chronique interne par des émetteurs de rayonnement alpha (radon et ses descendants, uranium et plutonium) ont fait l'objet du programme européen Alpha-Risk.

En effet, certains travailleurs de l'industrie nucléaire sont susceptibles d'être exposés à ces radionucléides durant leur vie professionnelle ; de plus, la population générale peut être soumise à de bas niveaux de radon. Il est donc important de quantifier les risques associés. Dix-neuf partenaires issus de dix pays ont participé à ces recherches européennes, coordonnées par l'IRSN dans le cadre du 6ème PCRD.

Entre autres résultats, leurs travaux confirment le risque de cancer du poumon lié à une exposition au radon ; un risque observé chez les non-fumeurs comme chez les fumeurs, pour qui le tabagisme agit en synergie avec le radon.
 
Accidents de fusion du cœur - Evaluation des risques
Modéliser le comportement du corium pour évaluer la fiabilité des récupérateurs
Depuis plus de quinze ans, l'IRSN mène des recherches pour modéliser le comportement du coeur fondu (corium) en cas d'accident de fusion dans un réacteur nucléaire. Les résultats permettent aujourd'hui d'évaluer la sûreté des récupérateurs de corium qui équiperont certains nouveaux réacteurs.

Si un accident de fusion du cœur d'un réacteur nucléaire se produisait, le coriumGLO pourrait percer la cuve du réacteur, voire le radier en béton de l'enceinte de confinement qui sépare le réacteur de l'environnement extérieur.

Pour éviter ce risque, certains nouveaux réacteurs prévoient des récupérateurs de corium tels que celui de l'EPR (1). Son principe consiste à recueillir et étaler le corium le plus largement possible afin d'en faciliter le refroidissement. Pour cela, il est dans un premier temps recueilli dans un puits sous la cuve où, sous l'effet de la chaleur, il fait fondre une partie du béton auquel il se mélange, ce qui abaisse sa température de fusion et améliore sa fluidité. Le corium est ensuite canalisé, via une porte fusible, vers une large cavité où il peut s'étaler et être refroidi par un système passif de circulation d'eau.

Pour évaluer la fiabilité de ce dispositif, l'IRSN a mené des études sur deux points clés : l'interaction entre le corium et le béton (ICB) et l'étalement lui-même. Il s'est agi en particulier de comprendre les mécanismes d'érosion du béton au contact du corium et les évolutions de la rhéologie du corium en fonction de sa température et de sa teneur en béton.

Des expériences pour simuler l'ICB et l'étalement du corium

Plusieurs types d'expériences, en particulier les expériences Vulcano (voir photo) et MCCI (réalisées sous l'égide de l'OCDE) co-financées par l'IRSN, ont été nécessaires pour bien comprendre l'interaction corium-béton et l'étalement.

Les connaissances et modèles obtenus ont été intégrés dans le logiciel de calcul Astec (2), développé par l'IRSN et son homologue allemand GRS (3) pour simuler l'intégralité d'un accident de fusion de cœur en prenant maintenant en compte la présence d'un récupérateur de corium.

Ces travaux ont également permis de valider le logiciel Croco qui simule de manière détaillée le phénomène clé qu'est l'étalement, en résolvant en deux dimensions les équations de Navier-Stokes pour un fluide non-newtonien multi-constituants en présence d'une surface libre.

Des résultats qui ont conduit à des recommandations

Ces résultats ont conduit l'IRSN à mettre en évidence, dans le contexte du récupérateur de l'EPR, la possibilité d'optimisation qu'offre un béton siliceux de grande épaisseur présentant une enthalpie de fusion supérieure.

Dernièrement, les connaissances acquises ont aussi permis de mener une pré-analyse d'un récupérateur d'un tout autre type, celui de la future centrale de Belene en Bulgarie.

Extrait en vidéo d'un essai Vulcano

Michel Cranga (IRSN/DPAM/SEMIC)
Laboratoire d'étude du corium et du transfert des radio éléments
95
C'est le nombre de personnes en cours de thèse de doctorat dans les laboratoires de l'IRSN à la date du 31 décembre 2009.
Activité spécifique d'une substance (Bq/kg)
Nombre de désintégrations par seconde ou activité (Bq) par unité de masse (kg) pour un radionucléide ou un mélange de radionucléides donnés.

Corium
Mélange de combustible et d'éléments de structure fondus résultant de la fusion du coeur d'un réacteur nucléaire.

Dose individuelle absorbée (en gray = joule/kg)
Énergie moyenne communiquée à un tissu ou un organe exposé à un rayonnement ionisant, par kilo de matière.

Dose individuelle équivalente (en Sievert)
Produit de la dose absorbée dans un tissu ou un organe par un facteur de pondération tenant compte de l'effet biologique lié à la nature et à l'énergie du rayonnement.

Étude cas-témoin
Étude épidémiologique sur deux groupes de sujets malades et non malades, pour évaluer leur exposition à un facteur de risque et déterminer son rôle dans la survenue de la maladie.

Excès de risque absolu
Différence entre le risque pour une population exposée et le risque pour une population non exposée, pour un nombre de personnes, une durée de suivi, et une exposition donnés.

Excès de risque relatif
Rapport entre le risque pour une population exposée et le risque pour une population similaire non exposée, pour une exposition donnée.

Gray (Gy)
1 Gy = 100 rad = énergie de 1 Joule déposée dans 1 kg de matière (biologique ou autre).

Hygroscopicité
Capacité à adsorber l'humidité.

Perte de charge
Différence entre les pressions statiques en amont et en aval d'un composant.

Uranium (naturel, enrichi, appauvri)
L'uranium naturel est composé d'238U (99,2745 %), d'235U (0,72 %) et d'234U (0,0055 %).

L'uranium est plus ou moins enrichi en isotope 235 selon son utilisation.

Le résidu du minerai dont on a extrait l'235U est nommé uranium appauvri.
Publication

couverture de la revue

La revue internationale Progress in Nuclear Energy a publié un numéro spécial sur les principaux résultats du réseau d'excellence européen Sarnet dont l'IRSN est le pilote.

Rendez-vous

Les Journées des thèses de l'IRSN

Ce séminaire au cours duquel tous les doctorants de l'IRSN présentent leurs travaux se déroule cette année à Arles.

Nouveauté de 2010 : le premier jour est une journée scientifique consacrée au thème de la recherche au service de l'évaluation des risques.

Deux nouveaux laboratoires de recherche communs entre l'IRSN et le CNRS : le C3R et l'Etic

logos

L'IRSN et le CNRS ont inauguré le 16 mars 2010 à Cadarache (Bouches du Rhône) deux nouveaux laboratoires communs de recherche : le Laboratoire cinétique chimique, combustion et réactivité (C3R) et le Laboratoire étude de l'incendie en milieu confiné (Etic).

Le C3R réunit l'IRSN et le Laboratoire physicochimie des processus de combustion et de l'atmosphère (CNRS/Université Lille 1) pour notamment améliorer la compréhension du comportement de l'iode lors d'un accident nucléaire.

L'Etic associe l'IRSN et l'Institut universitaire des systèmes thermiques industriels (CNRS/Universités d'Aix-Marseille I et II) pour améliorer la modélisation de l'incendie en milieu confiné et ventilé.

Contact IRSN pour le C3R :
Laurent Cantrel
Contact IRSN pour l'Etic :
Laurence Rigollet
Exposition chronique - Radiotoxicologie
La toxicité de l'uranium pour l'ADN dépend de sa composition isotopique
Le Laboratoire de radiotoxicologie expérimentale de l'IRSN, en collaboration avec l'Université de la Méditerranée, a quantifié la contribution respective des propriétés chimiques et radiologiques de l'uranium à ses effets génotoxiques.

Pour les travailleurs du cycle du combustible nucléaire, le risque principal de contamination interne par l'uranium résulte d'une exposition par blessure ou par inhalation. L'uranium est un agent cancérigène reconnu en cas de contamination interne sur la base de ses propriétés radiologiques (émetteur alpha) responsables de cassures chromosomiques (effet clastogène). Cependant, les propriétés chimiques de l'uranium, métal lourd, contribuent également à sa génotoxicité en induisant des modifications du nombre de chromosomes (effet aneugène). Pour la première fois, l'étude menée par le Laboratoire de radiotoxicologie expérimentale (LRTOX) a montré que l'importance relative des effets clastogène et aneugène est fonction de la composition isotopique de l'uraniumGLO, ou plus précisément de son enrichissement en isotope 235 par rapport à l'isotope 238. L'isotope 235 est en effet le principal contributeur à la dose radiologique délivrée par l'uranium.

Une méthode pour détecter les dommages causés

Pour mesurer l'impact de la composition isotopique de l'uranium sur le génome, le LRTOX a comparé le profil génotoxique (et tout particulièrement l'importance relative des effets clastogène et aneugène) de l'uranium enrichi à 12 % en 235U avec celui de l'uranium appauvri à 0,3 % en 235U. Des cellules fibroblastiques embryonnaires de souris ont été contaminées in vitro avec ces deux types d'uranium à diverses concentrations (5 μM, 50 μM et 500 μM). Les cellules ainsi exposées ont absorbé des doses de rayonnements ionisants comprises entre 0,3 µGy et 761 µGyGLO. Ces expositions génèrent des micronoyaux(1) et des ponts nucléoplasmiques(2), entités nucléaires qui révèlent des aberrations chromosomiques et donc une atteinte de l'ADN. La fréquence d'apparition des ponts nucléoplasmiques caractérise l'effet clastogène induit par les propriétés radiologiques de l'uranium.

L'uranium appauvri a un effet clastogène moins important que l'uranium enrichi

En conclusion, cette étude montre que le profil génotoxique de l'uranium dépend de sa composition isotopique et donc de son activité spécifiqueGLO, et que l'uranium appauvri a un effet clastogène moins important que l'uranium enrichi. En revanche, l'uranium appauvri conserve un effet aneugène significatif. L'étude montre par ailleurs que la toxicité chimique de l'uranium contribue effectivement à l'effet aneugène, mais pas à elle seule. L'éventuelle contribution de ces effets aneugènes dans un mécanisme de cancérogenèse reste à démontrer.

Contact : Fabrice Petitot (IRSN/DRPH/SRBE)
Laboratoire de radiotoxicologie expérimentale)
1. L'apparition de micronoyaux (MNx) est consécutive à des événements aneugènes et/ou clastogènes. Le test des MNx associé à la technique d'hybridation in situ utilisant des sondes pancentromériques fluorescentes de souris permet de discriminer les évènements clastogènes et aneugènes.
2. Le pont nucléoplasmique traduit la présence d'un ou plusieurs chromosomes dicentriques issus de cassures chromosomiques (effet clastogène).
Accidents de fusion du cœur - Evaluation des risques
Rupture de gaine au cours d'un accident de réactivité
Grâce à des recherches menées dans un cadre largement international, l'IRSN a mis au point une méthode permettant de déterminer les limites de défaillance des différents types de combustibles pour le risque d'accident de réactivité.

Rupture de gaine

L'un des scénarios d'accident envisagés pour évaluer la sûreté d'un réacteur nucléaire est l'accident d'insertion de réactivité, qui se produirait si l'une des barres contrôlant la réactivité du réacteur était éjectée sous la pression du circuit primaire. L'événement provoquerait une hausse très rapide de la puissance pendant un bref instant au voisinage de la barre éjectée. Le combustible verrait alors sa température augmenter brutalement, et, se dilatant, il exercerait une forte pression sur la gaine qui le contient et n'a pas encore eu le temps de s'échauffer. La gaine risquerait, selon ses caractéristiques et son état d'usure, de casser. C'est la première phase dite PCMI (Pellet-Clad Mechanical Interaction) de l'accident.

L'IRSN a mis au point une méthode et des logiciels de calcul capables d'évaluer le risque de rupture des gaines pour différents types de combustibles, grâce à des recherches réalisées dans un cadre international, en particulier avec la Nuclear Regulatory Commission américaine et la Japan Atomic Energy Agency (JAEA).

Les phénomènes impliqués dans la phase PCMI ont d'abord été identifiés et quantifiés grâce à des programmes expérimentaux menés par l'IRSN dans le réacteur Cabri du CEA et par JAEA dans le réacteur japonais Nuclear Safety Research Reactor (NSRR).

Parallèlement, l'IRSN a financé deux programmes expérimentaux au CEA. D'une part, les essais Patricia ont fourni les caractéristiques de l'ébullition transitoire qui se développe dans les conditions d'un tel accident, et permis de quantifier les transferts de chaleur entre les gaines et l'eau de refroidissement du réacteur. D'autre part, les essais Prometra ont permis de constituer une importante base de données sur les comportements mécaniques des gaines et montré l'effet très délétère de l'hydrogène sur leur résistance (voir photo). En interprétant ces essais, l'IRSN a affiné sa compréhension des principaux phénomènes en jeu.

Toutes ces données ont contribué à développer et qualifier Scanair, un logiciel qui simule le comportement thermo-mécanique d'un crayon de combustible lors d'un accident de réactivité. Le logiciel est pleinement opérationnel pour étudier la phase PCMI pour des combustibles UO2 et MOX et des gainages en Zircaloy 4, ZirloTM et M5TM. Il dispose notamment d'un modèle spécifique permettant de déterminer si un défaut initial peut se propager à travers la gaine et provoquer sa rupture.

Cet outil constitue la base de la méthode utilisée par l'IRSN pour évaluer les limites de rupture des gaines des combustibles utilisés dans les centrales et apprécier la pertinence des critères de sûreté proposés par l'exploitant.

Olivier Marchand (IRSN/DPAM/SEMCA)
Laboratoire d'étude du combustible
Aérosols - Modélisation - Rejets
Une méthode innovante pour mesurer les vitesses de dépôt sec des aérosols submicroniques en milieu naturel
Dans le cadre de sa thèse, menée au sein du Laboratoire de radioécologie de Cherbourg-Octeville et soutenue en avril 2010, Pierre Damay a développé une méthode pour mesurer les vitesses de dépôt sec des aérosols submicroniques en milieu naturel. Cette innovation s'inscrit dans le cadre des travaux de prévision de l'impact d'une pollution atmosphérique menés par l'IRSN. Elle lui a valu le prix Jean Bricard 2010, décerné par l'Association d'études et de recherches sur les aérosols (Asfera).

Matériel Landes

Pour évaluer l'impact des rejets radioactifs contrôlés ou accidentels qu'une installation nucléaire émet ou pourrait émettre dans l'environnement, l'IRSN a développé des modèles de dispersion des contaminants radioactifs dans la biosphère. Ces modèles, comme les modèles existants au niveau international, présentent des incertitudes de calcul allant jusqu'à un facteur 100, notamment dans le cas de dépôt de polluants portés par les aérosols atmosphériques ultrafins, d'un diamètre inférieur à 0,1 µm. En effet, ces particules se comportent alors comme des gaz et obéissent à la diffusion brownienne, difficile à modéliser dans ces conditions. De récentes avancées technologiques ont permis à Pierre Damay, dans le cadre de sa thèse menée au sein du Laboratoire de radioécologie de Cherbourg Octeville, d'affiner la mesure des vitesses de dépôt sec (sans pluie) des aérosols submicroniques sur les surfaces rurales telles que les sols ou les plantes, ce qui permettra, in fine, de réduire les incertitudes. 

Une méthode innovante qui tient compte de la taille des aérosols ainsi que des conditions météorologiques

La vitesse de dépôt des aérosols sur le sol a été mesurée en fonction de la taille des aérosols, des conditions météorologiques et du type de végétation.

Pierre Damay a adapté pour cela la méthode dite de « covariance turbulente », qui permet de calculer la relation entre les fluctuations de la vitesse verticale du vent et celles de la concentration en aérosols. La vitesse du vent à hautes fréquences (1-10Hz) est mesurée grâce à un anémomètre ultrasonique, par l'intermédiaire de trois couples d'émetteurs-récepteurs d'onde ultrasonore. La concentration et la distribution en dimensions des aérosols sont obtenues en temps réel par un outil novateur, associant les propriétés électriques des particules avec leurs propriétés d'impaction à basse pression (Elpi, Dekati).

Une extension possible à d'autres types de polluants

Cette thèse fournit des données pour une meilleure modélisation du comportement des aérosols ultrafins d'origine artificielle dans l'environnement. La méthode développée par Pierre Damay trouvera donc des applications bien au-delà de l'étude de la dispersion des polluants radioactifs, puisqu'elle peut s'appliquer à l'étude du dépôt de n'importe quel type de polluant particulaire rejeté dans l'atmosphère. Ces résultats peuvent intéresser d'autres organismes de recherche, par exemple pour combler les incertitudes des modèles prévisionnels de transport de la pollution atmosphérique.

Contact : Denis Maro (IRSN/DEI/SECRE/LRC)
Laboratoire de radioécologie de Cherbourg Octeville
+++ Publication : Damay, P. E., Maro, D., Coppalle, A., Lamaud, E., Connan, O., Hébert, D., Talbaut, M. and Irvine, M. (2010), « New data on dry deposition velocities: influence of sizes, substrates and turbulent parameters », Journal of Aerosol Science (en préparation).
Modélisation - Ventilation et filtration
Comment l'humidité modifie la performance des filtres à très haute efficacité
A l'intérieur des installations nucléaires, on utilise des filtres plissés à très haute efficacité (THE) pour épurer l'air et piéger les aérosols radioactifs. La thèse soutenue fin 2009 par Aurélie Joubert montre l'influence de l'humidité de l'air sur les performances de ces filtres.

Épurer l'air est une préoccupation majeure dans l'industrie nucléaire. Pour assurer le confinement de la radioactivité à l'intérieur des bâtiments, les substances radioactives portées par des aérosols sont piégées à l'aide de filtres à très haute efficacité (THE). Or le taux d'humidité ambiant peut varier, notamment en cas d'accident, et modifier les performances (perte de chargeGLO et efficacité) de ces filtres.

Durant sa thèse, soutenue en novembre 2009, Aurélie Joubert a acquis de nombreuses données expérimentales sur ces performances et développé un modèle prédictif simulant l'évolution de la perte de charge des filtres THE plissés durant leur colmatage (phase où les particules s'accumulent sur le filtre en présence d'humidité).

Elle a réalisé ce travail au Laboratoire d'expérimentations en confinement, épuration et ventilation (LECEV) de l'IRSN, en collaboration avec Areva NC et le Laboratoire des sciences du génie chimique (LSGC) de Nancy.

Une nouvelle méthode pour estimer la perte de charge des filtres THE

Ces recherches ont montré que l'humidité de l'air filtré entraîne une diminution de l'efficacité des filtres vierges, mesurée selon la méthode normalisée NFX 44 011, pour des humidités relatives supérieures au point de déliquescence de l'aérosol, mais influence peu leur perte de charge. Par ailleurs, en phase de colmatage, l'action de l'humidité, notamment sur la perte de charge, dépend de plusieurs paramètres : l'hygroscopicitéGLO et la granulométrie de l'aérosol, la géométrie du filtre (plane ou plissées) et le temps d'interaction entre l'aérosol et l'air humide.

En présence d'humidité, la perte de charge du filtre augmente davantage lors de la phase de colmatage qui conduit à une diminution de la surface de filtration (les aérosols s'accumulent préférentiellement sur certaines zones des plis), ou encore lorsque l'aérosol hygroscopique se trouve sous la forme de gouttelettes. A noter que, si l'efficacité du filtre diminue logiquement au cours du colmatage lorsque l'aérosol est liquide, elle reste au-dessus des valeurs requises en sûreté pour les filtres testés.

Ces résultats expérimentaux ont permis à Aurélie Joubert d'élaborer une méthode pour estimer l'évolution de la perte de charge d'un filtre THE. Le modèle mis au point est valable durant le colmatage du filtre par un aérosol solide, en présence d'humidité, dans les cas où aucune réduction de la surface de filtration n'est observée. D'autres essais sont nécessaires pour étendre le domaine de qualification de ce modèle.

Contact : Jean-Claude Laborde (IRSN/DSU)
Service d'études et de recherches en aérodispersion
des polluants et en confinement
 
Epidémiologie - Exposition chronique
Alpha-Risk ou la quantification du risque associé à une exposition chronique aux émetteurs alpha
Mine d'uranium, Saint-Priest-la-Prugne, 1957 Peu étudiés jusqu'à présent, les risques à long terme sur la santé d'une contamination chronique interne par des émetteurs de rayonnement alpha (radon et ses descendants, uranium et plutonium) ont fait l'objet du programme européen Alpha-Risk.

En effet, certains travailleurs de l'industrie nucléaire sont susceptibles d'être exposés à ces radionucléides durant leur vie professionnelle ; de plus, la population générale peut être soumise à de bas niveaux de radon. Il est donc important de quantifier les risques associés. Dix-neuf partenaires issus de dix pays ont participé à ces recherches européennes, coordonnées par l'IRSN dans le cadre du 6ème PCRD.

Entre autres résultats, leurs travaux confirment le risque de cancer du poumon lié à une exposition au radon ; un risque observé chez les non-fumeurs comme chez les fumeurs, pour qui le tabagisme agit en synergie avec le radon.

Coordonné par l'IRSN dans le cadre du 6ème Programme de recherche et développement euroépen (PCRD), le programme Alpha-Risk a rassemblé de juin 2005 à octobre 2009 dix-neuf partenaires issus de dix pays, spécialistes d'épidémiologie, de dosimétrie, de statistique, de modélisation et d'évaluation du risque. Les chercheurs ont présenté, lors du séminaire de clôture le 23 octobre 2009 à Paris, des résultats notables sur la quantification des risques sanitaires à long terme liés à une contamination chronique interne par des émetteurs alpha (radon et ses descendants, uranium et plutonium). Cette quantification des risques concerne plusieurs populations : la population générale, qui peut inhaler des concentrations plus ou moins importantes de radon chez elle selon son lieu géographique d'habitation, et certains travailleurs de l'industrie nucléaire, exposés aux émetteurs alpha durant leur activité professionnelle.

Le risque de cancer du poumon, fonction de la dose cumulée, diminue progressivement une fois l'exposition arrêtée

L'un des principaux résultats du programme Alpha-Risk, et l'un de ses principaux atouts, est la création d'une base de données épidémiologique de très grande ampleur. Elle rassemble les données dosimétriques et sanitaires de trois cohortes de mineurs d'uranium européens, soit plus de 50 000 personnes suivies en moyenne pendant 26 ans, dont la principale contamination interne est l'inhalation de radon, descendant de l'uranium. Elle offre une puissance statistique suffisante pour étudier le risque de mortalité pour des personnes soumises à une contamination chronique par un émetteur alpha.

Cette base a permis d'analyser en détail la relation entre le risque de cancer du poumon et l'exposition au radon, et a montré qu'elle dépend fortement du temps écoulé depuis l'exposition. Dans le cadre d'Alpha-Risk, pour l'étude des mineurs d'uranium exposés annuellement à de faibles niveaux de radon, des modèles d'évaluation dosimétrique ont été spécifiquement développés pour tenir compte de la contamination interne et des modèles statistiques pour décrire les résultats obtenus. On observe que 25 ans après l'exposition, l'excès de risque relatifGLO estimé correspond à 1/5ème de celui observé durant les quinze années qui suivent l'exposition : le risque diminue donc progressivement une fois l'exposition terminée. L'étude a de plus permis de montrer que le risque dépend également de l'âge auquel les personnes ont été exposées et de celui atteint au moment de l'analyse du risque. L'analyse de cette exposition cumulée dans le temps est donc complexe, car fonction de plusieurs variables dépendant de la période considérée.

Un co-facteur important : le tabac

Le tabac étant un facteur majeur du risque de cancer du poumon, le projet Alpha-Risk s'est efforcé de le prendre en compte par deux approches complémentaires.

La première approche s'appuie sur l'étude des cohortes des mineurs d'uranium. Trois études cas-témoins (1000 cas, 2400 témoins)GLO, menées parmi la population des mineurs français, tchèques et allemands, ont d'abord vérifié la relation entre l'exposition au radon et l'excès de risque de cancer du poumon. Cette analyse conjointe est la plus large jamais réalisée sur ce sujet à l'heure actuelle. Cette même approche a permis de confirmer que la relation entre le radon et le cancer du poumon persiste après la prise en compte du tabagisme chez les mineurs.

La seconde approche concerne des cohortes dites de « population générale » exposées au radon dans leur habitation. Des études antérieures au programme Alpha-Risk ont déjà suggéré que le radon et le tabac sont deux cancérigènes qui agissent de façon multiplicative : en effet le risque observé est largement supérieur à l'addition des effets considérés séparément. En réalisant la synthèse de plusieurs études cas-témoins menées à grande échelle en Europe, en Amérique du Nord et en Chine, qui totalisent près de 12 000 cas et plus de 21 000 témoins, le programme Alpha-Risk a démontré qu'il existe bien un risque de cancer lié au radon, même chez les non fumeurs. Il a aussi confirmé que le radon multiplie le risque de cancer du poumon par rapport à un taux de base du risque individuel, qui dépend du fait d'être fumeur ou non.

Si l'on s'intéresse à l'excès de risque absoluGLO comme indicateur de santé publique vis-à-vis de l'action conjointe du radon et du tabagisme (deux expositions chroniques présentes sur de longues périodes), le nombre de décès liés au radon est largement supérieur pour les fumeurs comparativement à celui des ex-fumeurs ou des non fumeurs.

Il faut noter une très bonne concordance des résultats obtenus selon les deux approches, sur les cohortes de mineurs d'uranium et dans les études cas-témoins menées sur les cohortes « population générale ».

Nouvelles perspectives

Les analyses conduites dans le cadre du projet Alpha-Risk ont confirmé l'excès de risque de cancers du poumon chez les mineurs d'uranium, mais elles ont également fait émerger un risque de leucémie et suspecter des excès de risque de maladies cérébro-vasculaires et de cancers du rein.

D'autres points importants ont par ailleurs émergé de ce programme européen. Les doses individuelles absorbéesGLO et équivalentesGLO au poumon, au rein, au foie et à la moelle osseuse ont en particulier été évaluées, en considérant à la fois l'inhalation des poussières d'uranium et des descendants du radon, et l'irradiation externe par des émetteurs gamma. Cette approche originale, conduite pour la première fois pour une cohorte de mineurs, mérite d'être développée dans le futur.

Par ailleurs, les collaborations scientifiques débutées dans le cadre des précédents programmes de recherche européens ont permis de mettre au point en commun des protocoles et des méthodologies utilisés dans le programme Alpha-Risk, ce qui a fortement contribué à la qualité scientifique des résultats obtenus. La réussite des travaux menés dans le cadre de ce programme a ouvert la voie à de futures études incluant par exemple de larges cohortes de travailleurs de l'industrie nucléaire de plusieurs pays.

Au final, quelque 60 communications à congrès, et 25 publications scientifiques (bilan à fin mars 2010), ont été produites. Certains travaux sont en cours d'achèvement, notamment les études sur les travailleurs exposés à l'uranium et au plutonium. Ces résultats contribuent actuellement à une meilleure connaissance du risque radon, tant en exposition professionnelle que résidentielle.

Contact : Margot Tirmarche (IRSN/DS), épidémiologiste, coordinatrice du programme Alpha-Risk
 
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