N° 2, Octobre-Décembre 2010 |
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Former
de futurs chercheurs, une mission fondamentale pour l'IRSN
En cette période de rentrée universitaire, je salue
avec satisfaction les 26 nouveaux doctorants qui débutent leurs travaux de
recherche à l'IRSN. La formation des futurs chercheurs est un élément
fondamental de la mission de l'Institut, qui accueille en permanence plus
d'une centaine de doctorants et de post-doctorants dans ses laboratoires.
Ils y apportent un sang neuf et innovateur qui contribue à faire avancer
nos recherches et à créer des relations privilégiées entre l'Institut, les
écoles doctorales et les laboratoires universitaires associés. En
témoignent les Journées des thèses qui viennent de s'achever et se
déroulent avec un succès constant depuis plusieurs années. La présence de
doctorants et de post-doctorants est ainsi essentielle pour l'Institut
dont les recherches à caractère appliqué doivent, pour se maintenir à un
niveau d'excellence de rang international, s'adosser aux développements
scientifiques les plus récents. Aktis réserve aux docteurs
récemment diplômés une place toute particulière.
Contact :
Michel Schwarz, Directeur scientifique de l'IRSN
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Irradiation
- Médecine - Thérapie
Les
cellules souches mésenchymateuses, un espoir pour le
traitement des complications des radiothérapies |
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A la
suite de recherches expérimentales menées par des
chercheurs de l'IRSN en thérapie cellulaire,
d'importants progrès dans le traitement des brûlures
radiologiques accidentelles sévères viennent d'être
réalisés en France par l'hôpital Percy (Clamart). Les
cellules souches adultes mésenchymateuses se sont
révélées très efficaces pour le traitement des lésions
musculo-cutanées radio-induites, en permettant notamment
de réduire les douleurs, rebelles par nature aux
traitements analgésiques classiques. Récemment, l'IRSN
vient de mettre en évidence un effet bénéfique des
cellules souches mésenchymateuses sur les lésions
intestinales sévères chez des souris localement
irradiées à fortes doses. Ce résultat expérimental ouvre
de nouveaux espoirs thérapeutiques pour la prise en
charge de patients présentant des complications
digestives sévères après une radiothérapie ciblant la
sphère abdomino-pelvienne.
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Exposition
chronique - Radioprotection
Les
effets biologiques des expositions chroniques à des radionucléides
et leurs impacts sur la santé
Dans un dossier publié sur Internet,
l'IRSN dresse le bilan de ses recherches sur les effets des faibles
doses de radionucléides sur la santé de l'homme.
L'Institut va publier sur son site Internet un bilan des
recherches menées dans le cadre de son programme ENVIRHOM-Santé,
consacré à l'étude des effets biologiques et sanitaires des
expositions chroniques à de faibles doses de radionucléides. Ces
effets, qui restent très mal connus, sont en général extrapolés à
partir de ceux décrits dans le passé pour des intoxications aigues à
fortes doses de radionucléides, alors que la nature et le niveau des
réponses moléculaires et cellulaires radioinduites peuvent différer
fortement selon les modalités d'exposition.
Le programme ENVIRHOM-Santé, lancé en 2001, est mené sur des
rongeurs de laboratoire, exposés selon des conditions simulant
celles des populations humaines qui vivent dans des territoires
contaminés. Les recherches ont été concentrées jusqu'à présent sur
la survenue d'effets moléculaires et cellulaires au niveau des
grands systèmes physiologiques, dont l'atteinte pourrait induire des
pathologies plus marquées.
Le dossier mis en ligne sur Internet présente et analyse
l'ensemble des résultats obtenus à ce jour et indique les voies de
recherche qui mériteraient d'être maintenant explorées. Voici les
principaux titres :
- Les objectifs du programme ENVIRHOM-santé - Le
cerveau : un organe cible de l'uranium - Effets de l'uranium
sur le métabolisme de la vitamine D - Détoxication des
xénobiotiques et exposition chronique à l'uranium - Ingestion
chronique de césium 137 en situation post-accidentelle -
Exposition chronique au césium 137
+++ Les
dossiers d'Aktis : « ENVIRHOM-Santé : recherches sur
les effets des faibles doses de rayonnements ionisants sur la santé
de l'homme ». |
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177
C'est le nombre de publications
scientifiques de l'IRSN en 2008, indicateur publié par
l'Observatoire des sciences et des techniques en juillet 2010.
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Radiolyse
Phénomène de décomposition chimique de l'eau survenant au cours
d'une irradiation.
137Cs
Césium 137, isotope radioactif du césium d'une période
d'activité de 30 ans.
90Sr
Strontium 90 isotope radioactif du strontium d'une période
d'activité de 28,8 ans.
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Soutenances
Le 9 juillet 2010, Jean-Claude Latché a
obtenu son habilitation à diriger des recherches dans le
domaine de la mise au point de schémas numériques de
logiciels.
Le 27 septembre 2010, Yann Monerie a
obtenu son habilitation à diriger des recherches dans le
domaine de la micromécanique du combustible (homogénéisation,
fissuration, milieux granulaires).
Rendez-vous
10-14 octobre 2010
EPRBiodose 2010 à Mandelieu la Napoule (France) rassemble
deux conférences : le symposium international sur la
dosimétrie EPR (EPR) et la conférence internationale sur la
dosimétrie biologique (BioDose).
18- 20 octobre 2010
International MELODI Workshop (Multidisciplinary European
Low Dose Initiative).
8 et 9 novembre 2010
Le Forum Eurosafe se tient cette année à
Cologne, en Allemagne, sur le thème “Innovation in Nuclear
Safety and Security”.
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Accidents
de fusion du cœur - Combustible
L'influence
de l'oxydation en service sur la résistance des gaines de
combustible
En cas d'accident de
perte de réfrigérant primaire (APRP) dans un réacteur nucléaire, le degré
de résistance des gaines en zircaloy qui contiennent le combustible
dépendrait directement de leur état d'oxydation préalable.
Durant un accident de perte de réfrigérant primaire (APRP) dans un
réacteur nucléaire à eau sous pression, la gaine, cylindre métallique qui
contient le combustible, serait soumise à des températures élevées dans
une atmosphère de vapeur. Ces conditions induisent une oxydation qui peut
dégrader les propriétés mécaniques de la gaine. Les critères de sûreté
liés à ce type d'accident ne tiennent qu'indirectement compte de
l'oxydation préalable de la gaine (oxydation dite « en
service ») qui se produit pendant le fonctionnement normal du
réacteur. Le Laboratoire d'expérimentation en mécanique et matériaux
(LE2M) a réalisé une étude pour évaluer l'influence de l'oxydation en
service sur une gaine de Zircaloy-4 soumise à une oxydation par la vapeur
à haute température (HT).
Simuler l'oxydation
L'expérience se déroule en deux étapes. Dans un premier temps des
échantillons de gaine sont oxydés à basse température pendant des durées
variables afin de simuler différents niveaux d'oxydation en service. Puis
ces échantillons sont portés à une température de 900°C pendant 6000 s
dans une atmosphère de vapeur, simulant alors les conditions de
l'APRP.
Des résultats pleins d'enseignements
Première constatation : les examens réalisés sur ces échantillons
montrent que l'oxydation HT de la gaine n'est pas uniforme. Certaines
régions ont été oxydées, d'autres pas. La couche d'oxydation en service
joue ainsi un rôle protecteur à certains endroits et pas à d'autres. On
pourrait penser que la couche d'oxydation en service retarde l'accès de la
vapeur vers le métal, expliquant ainsi la distribution de l'oxyde HT. Mais
contre toute attente, c'est là où la couche d'oxydation en service est la
plus épaisse que celle d'oxyde HT est la plus étendue. Ce phénomène
pourrait être dû à de grandes différences entre l'expansion thermique du
métal et celle de l'oxyde, induisant l'apparition d'un réseau de fissures
facilitant l'accès de la vapeur.
Seconde constatation : quelle que soit l'épaisseur de la couche
d'oxydation en service, le comportement mécanique de la gaine après
oxydation HT est fortement dégradé par rapport à celui des gaines neuves.
Ceci confirme les résultats (non publiés) obtenus lors d'expériences
similaires par l'institut tchèque UJP (Ústavu jaderných paliv, Institut du
combustible nucléaire).
De nouveaux tests seront menés, notamment pour étendre la gamme des
paramètres étudiés, en particulier la température à laquelle est réalisée
l'oxydation HT. Mais les résultats obtenus indiquent d'ores et déjà que
l'effet de la corrosion en service, même s'il fait appel à des phénomènes
complexes, doit nécessairement être considéré dans l'élaboration des
critères de sûreté.
Travaux réalisés en collaboration avec le CEA et
l'organisme tchèque ALIAS CZ s.r.o.
Contact :
Séverine Guilbert (Laboratoire d'expérimentation en mécanique et
matériaux)
+++ Publication :
Duriez C., Guilbert S., Stern A., Grandjean C., Bìlovský L., Desquines J.,
Characterization of oxygen distribution in LOCA situations,
Proceedings of the 16th International Symposium on the Zirconium in the
Nuclear Industry, Chengdu, China, May 9-13, 2010.
Déchets
radioactifs - Radioécologie - Tchernobyl
Comprendre
les modes de transfert des radionucléides aux plantes
De récents travaux de
l'IRSN permettent de mieux quantifier le transfert des radionucléides
depuis l'environnement jusqu'aux plantes à travers l'étude de trois
processus majeurs : le transfert racinaire, la translocation et le
recyclage de la matière organique.
Après l'accident de Tchernobyl, la nourriture a été pour les
populations locales la principale voie d'exposition aux rayonnements
ionisants. D'où l'importance d'évaluer les taux de transfert des
radionucléides de la biosphère vers les plantes, en fonction de leur
environnement, et d'étudier leur mobilité dans la plante jusqu'aux parties
comestibles.
Facteur de transfert racinaire
Le facteur de transfert d'un radionucléide, rapport entre la
concentration de ce radionucléide dans la plante et celle du sol, dépend
des plantes considérées et du sol sur lequel elles poussent. Afin
d'identifier les éléments qui font varier ce facteur pour le
137CsGLO
et le 90SrGLO,
principaux radionucléides présents après l'accident, une équipe de l'IRSN
a cultivé différentes espèces agricoles sur cinq types de terre
représentatifs des sols européens et les a contaminés artificiellement
(programmes européens RESSAC et PEACE). La composition de l'eau présente
dans le sol (solution du sol) dans laquelle les végétaux puisent les
nutriments disponibles influence directement les variations des facteurs
de transfert du césium et du strontium. Celles-ci sont fonction de la
concentration du radionucléide considéré, mais aussi de la présence
d'autres éléments comme le potassium, qui se révèle un concurrent du
césium, ou le calcium qui est en concurrence avec le strontium : plus
ils sont concentrés dans la solution du sol, moins les radionucléides sont
transférés à la plante et inversement.
Facteur de translocation
Lors d'une contamination aérienne, la canopée des plantes intercepte
les radionucléides, qu'ils soient transportés sous forme d'aérosols ou par
voie humide (pluie ou irrigation). Ils pénètrent dans la plante par les
feuilles d'où ils migrent ensuite vers le reste de la plante. La
distribution des radionucléides dans la plante, ou translocation, dépend
de l'élément lui-même, de la forme sous laquelle les radionucléides sont
transportés, de l'espèce végétale et de son stade de développement.
L'analyse bibliographique des études réalisées sur ce sujet montre que la
translocation est en général de plus forte intensité lors de la période de
floraison. De plus, le facteur de translocation est un indicateur de la
mobilité des radionucléides dans les organismes végétaux et cette analyse
a permis de recenser les valeurs existantes pour les radionucléides
majeurs et de les classer en trois groupes en fonction de leur mobilité.
Elle a également permis d'identifier les radionucléides dont les données
sont absentes.
Recyclage de la
contamination
Une fois transférée et internalisée dans les végétaux, la contamination
est en partie stockée et en partie redéposée au sol via la chute des
feuilles et des branches formant la litière. Ainsi, une étude récente
réalisée dans la « forêt rousse » (1) près de
Tchernobyl montre que les pins plantés après l'accident sur les tranchées
d'enfouissement de déchets radioactifs (290 ± 140 GBq en 90Sr,
600 ± 240 GBq en 137Cs) peuvent extraire annuellement jusqu'à
0,82 % du 90Sr et 0,004 % du 137Cs présents dans la
tranchée, pour une densité de 3300 arbres à l'hectare. La modélisation de
ce processus dans le temps indique que le pic de transfert du
90Sr sera atteint quarante ans après la plantation :
12 % du 90Sr contenu dans les déchets enterrés sera alors
transféré aux couches de surface du sol via le recyclage de la biomasse et
7 % stocké dans les arbres. Même si ces résultats préliminaires
doivent être complétés par une étude plus complète de l'écosystème, ils
restituent les ordres de grandeur mis en jeu et l'importance de prendre en
compte ce processus pour la gestion des zones polluées.
Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec
l'Université catholique de Louvain, l'Université de Barcelone, le CEAM
(Espagne), le Centre d'étude de l'énergie nucléaire belge (SCK-CEN),
l'Institut ukrainien de radiologie agricole (Ukrainian Institute of
Agricultural Radioecology UIAR) et l'Agence nationale française de gestion
des déchets (Andra).
Contact :
Pierre Hurtevent (Laboratoire de radioécologie et d'écotoxicologie)
1. La forêt
rousse : proche de la centrale de Tchernobyl, cette forêt a été
détruite par irradiation et par dépôt de particules lors de l'accident.
Les arbres ont alors été abattus et enterrés. Une nouvelle forêt a été
replantée sur le site.
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Déchets
radioactifs - Physique/chimie
La
radiolyse accélère l'oxydation des déchets en alliage de
zirconium
La thèse
soutenue par Claire Guipponi en décembre 2009 conclut que, dans un
site de stockage profond, la radiolyse de l'eau augmente la vitesse
de corrosion des gaines oxydées de Zircaloy-4.
Durant sa thèse, co-dirigée par l'IRSN et rattachée à l'école
doctorale de chimie de Lyon, Claire Guipponi a cherché à comprendre
les mécanismes d'altération de certains déchets nucléaires, dans le
contexte d'un stockage profond, par les produits de la
radiolyseGLO
de l'eau. Elle s'est intéressée plus particulièrement aux déchets
issus du traitement des combustibles nucléaires usés et notamment
aux gaines en Zircaloy-4 qui ont contenu le combustible.
Expérimenter les effets de la radiolyse
Pendant la phase d'exploitation du stockage, de l'eau est
présente sous forme gazeuse (vapeur d'eau atmosphérique). Après la
fermeture du stockage, de l'eau sous forme liquide (l'eau de
re-saturation qui a percolé à travers l'argile du site) finira tôt
ou tard par arriver au contact des déchets. La radioactivité de ces
déchets génère un phénomène de radiolyse des eaux, dont les produits
peuvent avoir en retour un impact sur les déchets. Afin d'étudier
les conséquences éventuelles de la radiolyse de l'eau sur les
déchets en alliage de zirconium, Claire Guipponi a reconstitué des
atmosphères gazeuses à partir d'un mélange représentatif de l'air
associé à de la vapeur d'eau aux pressions partielles de 6 et 50
mbars. Elle a aussi recréé différents milieux aqueux : eau
déminéralisée, eau de pH basique et eau simulant de l'eau de
re-saturation. Puis elle a soumis ces milieux à des rayonnements
gamma et à des faisceaux de protons dont elle a fait varier
l'énergie (les protons sont utilisés pour simuler l'irradiation par
un rayonnement alpha).
Corrosion
La thèse conclut que, selon que l'eau est sous forme gazeuse ou
liquide, l'effet de sa radiolyse sur les gaines est différent. La
radiolyse de la vapeur d'eau contenue dans l'air engendre des
réactions chimiques à la surface du Zircaloy-4 oxydé qui diffèrent
selon le type de rayonnement (alpha ou gamma). Seule l'irradiation
par des protons engendre des composés à base d'étain et de zirconium
à la surface des gaines oxydées. En revanche, l'irradiation par des
rayons gamma n'entraine pas d'altération de la couche d'oxyde,
probablement parce que les radicaux (NO°) formés par radiolyse de
l'air sont capturés par l'hydrogène issu de la radiolyse de l'eau.
La radiolyse de l'eau liquide, quant à elle, augmente la vitesse de
dissolution du Zircaloy-4. Elle semble en effet créer un ion
HZrO3- dans la couche d'oxyde qui recouvre la
gaine, ion qui passe en solution dans l'eau. L'oxyde se dissout
alors à la vitesse de quelques nanomètres à quelques micromètres par
an. Ce phénomène dépend des conditions d'irradiation, mais aussi de
la composition initiale de la solution aqueuse.
Contact :
Virginie Wasselin-Trupin (Bureau d'expertise et de sûreté des colis
et des installations de gestion des déchets)
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Facteurs
humains - Radioprotection
Vers
une culture collective de sécurité en radiothérapie
Dans le cadre de
sa thèse soutenue le 25 novembre 2009, Adélaide Nascimento a étudié
la fiabilité organisationnelle et humaine en radiothérapie.
Récemment, une dizaine d'accidents de radiothérapie ont été
déclarés à l'Autorité de sûreté nucléaire française. A partir du
constat qu'ils sont le plus souvent liés à des facteurs humains et
organisationnels, une thèse a été réalisée dans le Service d'étude
des facteurs humains de l'IRSN pour étudier la fiabilité
organisationnelle et humaine au cours du processus thérapeutique.
Menée par Adélaide Nascimento, cette thèse rattachée à l'école
doctorale « entreprise, travail et emploi » du CNAM a
abouti à une meilleure compréhension de la gestion collective de la
sécurité en radiothérapie.
Trois études empiriques ont été conduites. Dans un premier temps,
quatorze professionnels (médecins, physiciens médicaux,
dosimétristes et manipulatrices) ont été questionnés sur le
caractère acceptable ou inacceptable, selon eux, de situations où la
pratique s'écarte des standards, pouvant aller d'une feuille
d'irradiation non remplie à une absence de personnel. Puis, afin
d'étudier la gestion des aléas au poste de traitement, Adélaide
Nascimento a analysé l'activité de manipulatrices à partir
d'observations faites in situ. Enfin, quatorze physiciens
médicaux ont commenté, via des entretiens individuels, deux
dosimétries réelles, le but étant de comprendre les compromis
réalisés entre la sécurité et la qualité ainsi que les stratégies
visant à sécuriser l'administration des traitements par les
manipulatrices.
Les résultats de la thèse montrent qu'il n'y a pas une norme
unique de sécurité parfaitement définie, mais plutôt des
« sous-cultures de sécurité », informelles et variables
selon les professions. Des situations acceptables, ou acceptables
sous conditions, pour les radiothérapeutes peuvent être
inacceptables pour les manipulateurs. En cas de conflits entre
sécurité et qualité se pose alors la question de la recherche du
meilleur compromis possible entre ces deux rationalités du système.
La diversité de pratiques qui découle de ces sous-cultures, si elle
n'est pas partagée au sein du collectif, peut dégrader le niveau de
sécurité et de qualité global.
Instaurer une culture collective de sécurité par le
dialogue
Il paraît donc souhaitable de développer, de manière durable, une
culture collective de sécurité, c'est-à-dire qui dépasse, sans pour
autant les négliger, les cultures de sécurité propres à chaque
profession. Une des voies possibles est la mise en place d'espaces
de délibération, dans lesquels chaque professionnel peut faire
valoir ses contraintes et exigences et prendre connaissance de
celles de ces collègues, afin que tous décident ensemble des règles,
des pratiques et de l'autonomie nécessaires.
Contacts Sylvie
Thellier (Service d'études des facteurs humains)
Adélaide
Nascimento (Laboratoire d'ergonomie du CNAM)
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Irradiation
- Médecine - Thérapie
Les
cellules souches mésenchymateuses, un espoir pour le
traitement des complications des radiothérapies |
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A la suite de recherches expérimentales
menées par des chercheurs de l'IRSN en thérapie
cellulaire, d'importants progrès dans le traitement des
brûlures radiologiques accidentelles sévères viennent
d'être réalisés en France par l'hôpital Percy (Clamart).
Les cellules souches adultes mésenchymateuses se sont
révélées très efficaces pour le traitement des lésions
musculo-cutanées radio-induites, en permettant notamment
de réduire les douleurs, rebelles par nature aux
traitements analgésiques classiques. Récemment, l'IRSN
vient de mettre en évidence un effet bénéfique des
cellules souches mésenchymateuses sur les lésions
intestinales sévères chez des souris localement
irradiées à fortes doses. Ce résultat expérimental ouvre
de nouveaux espoirs thérapeutiques pour la prise en
charge de patients présentant des complications
digestives sévères après une radiothérapie ciblant la
sphère abdomino-pelvienne. |
Les cellules souches adultes sont considérées comme des
« cellules médicaments ». Elles permettent aux
tissus endommagés de se régénérer grâce à leur capacité de
différenciation et de sécrétion sélective de facteurs de
croissance pro-cicatrisants. Dans ses recherches sur la
thérapie cellulaire, technique prometteuse pour guérir ou
soulager les lésions causées par une irradiation, l'IRSN
s'intéresse plus spécifiquement aux cellules souches
mésenchymateuses (CSM). Localisées dans la moelle osseuse, ces
cellules ont la particularité de pouvoir être isolées puis
amplifiées in vitro pour être utilisées en thérapie
cellulaire.
Ces dernières années, les
chercheurs du Laboratoire de radiopathologie et de thérapies
expérimentales (LRTE) de l'IRSN ont mis en évidence que les
CSM sont capables de migrer vers des tissus irradiés
expérimentalement, de sécréter des facteurs de croissance
indispensables à la réparation de ces tissus et de se
différencier dans certaines situations au sein des tissus
lésés. Ce travail réalisé sur des modèles animaux a été à
l'origine des premières utilisations cliniques des CSM pour
traiter des personnes présentant de graves lésions cutanées
provoquées par des irradiations locales.
Le traitement des brûlures
radiologiques cutanées
La première personne traitée grâce à ces cellules souches
fut, en 2005, la victime d'un accident d'irradiation : un
ouvrier chilien qui avait glissé dans la poche de son pantalon
une source d'Iridium 192 perdue sur un chantier où elle avait
été utilisée pour une gammagraphie. Rapidement, il a développé
les premiers symptômes d'une irradiation localisée à forte
dose : érythème, inflammation puis ulcération et nécrose
s'étendant en surface et en profondeur. Il a alors été
transféré en France à l'hôpital Percy de Clamart (Hauts de
Seine), où un nouveau traitement lui a été proposé : une
greffe de CSM issues de sa propre moelle osseuse, associée à
une chirurgie réparatrice. Les cellules amplifiées in
vitro par le Centre de transfusion sanguine des armées,
puis injectées au niveau des lésions, se sont révélées
capables de réduire considérablement les douleurs
radio-induites et de promouvoir la cicatrisation des tissus
lésés.
Depuis, quatre autres victimes irradiées accidentellement
aux mains, aux bras ou aux jambes ont bénéficié de ce
traitement à l'hôpital Percy avec un résultat similaire. Ces
succès reposent à la fois sur l'amélioration continue des
protocoles d'administration des CSM mais aussi sur la
précision de l'exérèse chirurgicale rendue possible grâce à
une cartographie dosimétrique (1) réalisée par
l'IRSN. Avant cette avancée médicale, seul un acte chirurgical
lourd permettait dans le meilleur des cas d'arrêter la
progression des lésions.
Le traitement des lésions intestinales
radio-induites
Les chercheurs du LRTE ont par ailleurs montré pour la
première fois, en 2008-2009, un bénéfice thérapeutique de
l'injection de CSM sur les lésions radio-induites de
l'intestin chez des souris, dans un modèle expérimental
d'irradiation localisée. L'injection s'est traduite par un
rétablissement de la structure et de la fonction de la
muqueuse intestinale. Les CSM greffées stimuleraient les
cellules souches endogènes (augmentation de leur prolifération
et réduction de leur mort par apoptose radio-induite),
améliorant ainsi l'auto-renouvellement de l'intestin grêle. Ce
résultat expérimental constitue un espoir pour traiter les
effets secondaires indésirables des radiothérapies, en
particulier les complications gastro-intestinales consécutives
à une radiothérapie abdominale ou pelvienne. Les patients qui
reçoivent ce type de traitement peuvent présenter en effet une
stérilisation partielle ou totale des cellules souches
endogènes de l'intestin qui sont indispensables au
renouvellement permanent de la muqueuse intestinale.
Le risque tumorigène
associé à la greffe de CSM
L'utilisation généralisée de la thérapie cellulaire passe
par l'analyse préalable de risques éventuels. Ainsi, la
culture des CSM prélevées chez l'homme (amplification in
vitro), étape nécessaire pour injecter un nombre suffisant de
cellules, pourrait induire des instabilités chromosomiques
dans les cellules. L'injection de ces cellules pourrait donc
conduire au développement de carcinomes. La Société française
de greffe de moelle et de thérapie cellulaire, en
collaboration avec l'IRSN, a évalué ce risque en 2009. Des
cellules provenant de différents donneurs ont été mises en
culture dans des conditions contrôlées, et selon deux méthodes
différentes. Ces travaux mettent en évidence que les CSM en
culture, avec ou sans altérations chromosomiques, arrêtent
progressivement leur croissance et vieillissent sans signe
d'évolution vers des cellules tumorales, que ce soit in
vitro ou in vivo.
Les récents travaux expérimentaux de l'IRSN suggèrent que
le champ d'application de la thérapie cellulaire en
radiopathologie pourrait être plus étendu que celui des seules
brûlures radiologiques. Si les cellules souches
mésenchymateuses se révélaient réellement efficaces pour
traiter les lésions radiologiques sévères au niveau des
principaux systèmes physiologiques (systèmes digestif, nerveux
central, pulmonaire, etc.), alors le traitement des
complications secondaires des radiothérapies, parfois très
invalidantes, s'en trouverait profondément amélioré. De
nombreuses incertitudes demeurent néanmoins et les travaux
expérimentaux de l'IRSN vont se poursuivre pour rechercher les
types de cellules souches adultes les plus adaptés en fonction
de l'organe lésé et pour déterminer les effets secondaires
potentiels à long terme de l'utilisation de ces cellules
souches adultes.
Contacts Patrick
Gourmelon (Direction de la radioprotection de l'homme)
Alexandra
Semont (Laboratoire de radiopathologie et de thérapies
expérimentales)
Marc
Benderitter (Laboratoire de radiopathologie et de thérapies
expérimentales)
1. La
cartographie dosimétrique est déterminée à partir de
simulations numériques basées sur le scenario de l'accident.
Elle apporte une information sur la distribution de la dose
dans l'organisme de la victime.
+++ Publication :
Sémont A., Mouiseddine M., François A., Demarquay C., Mathieu
N., Chapel A., Saché A., Thierry D., Laloi P., Gourmelon P. «
Mesenchymal stem cells improve small intestinal integrity
through regulation of endogenous epithelial cell homeostasis
», Cell Death and Differenciation., Juin 2010 ;
17(6):952-61.
+++ Publication :
Tarte K., Gaillard J., Lataillade J.J., Fouillard L., Becker
M., Mossafa H., Tchirkov A., Rouard H., Henry C., Splingard
M., Dulong J., Monnier D., Gourmelon P., Gorin N.C., Sensebé
L. Société française de greffe de moëlle et thérapie
cellulaire. « Clinical-grade production of human mesenchymal
stromal cells: occurrence of aneuploidy without transformation
», Blood. 25 février 2010 ;115(8):1549-53.
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Aktis
est une publication trimestrielle de l'Institut de radioprotection et de
sûreté nucléaire. Éditeur IRSN – standard : +33 (0)1 58 35 88 88 – http://www.irsn.fr/ - Directeur de la
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