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N° 2, Octobre-Décembre 2010
Former de futurs chercheurs, une mission fondamentale pour l'IRSN

En cette période de rentrée universitaire, je salue avec satisfaction les 26 nouveaux doctorants qui débutent leurs travaux de recherche à l'IRSN. La formation des futurs chercheurs est un élément fondamental de la mission de l'Institut, qui accueille en permanence plus d'une centaine de doctorants et de post-doctorants dans ses laboratoires. Ils y apportent un sang neuf et innovateur qui contribue à faire avancer nos recherches et à créer des relations privilégiées entre l'Institut, les écoles doctorales et les laboratoires universitaires associés. En témoignent les Journées des thèses qui viennent de s'achever et se déroulent avec un succès constant depuis plusieurs années. La présence de doctorants et de post-doctorants est ainsi essentielle pour l'Institut dont les recherches à caractère appliqué doivent, pour se maintenir à un niveau d'excellence de rang international, s'adosser aux développements scientifiques les plus récents. Aktis réserve aux docteurs récemment diplômés une place toute particulière.

Contact : Michel Schwarz, Directeur scientifique de l'IRSN
 
Irradiation - Médecine - Thérapie
Les cellules souches mésenchymateuses, un espoir pour le traitement des complications des radiothérapies
Cellule de souris irradiée
A la suite de recherches expérimentales menées par des chercheurs de l'IRSN en thérapie cellulaire, d'importants progrès dans le traitement des brûlures radiologiques accidentelles sévères viennent d'être réalisés en France par l'hôpital Percy (Clamart). Les cellules souches adultes mésenchymateuses se sont révélées très efficaces pour le traitement des lésions musculo-cutanées radio-induites, en permettant notamment de réduire les douleurs, rebelles par nature aux traitements analgésiques classiques. Récemment, l'IRSN vient de mettre en évidence un effet bénéfique des cellules souches mésenchymateuses sur les lésions intestinales sévères chez des souris localement irradiées à fortes doses. Ce résultat expérimental ouvre de nouveaux espoirs thérapeutiques pour la prise en charge de patients présentant des complications digestives sévères après une radiothérapie ciblant la sphère abdomino-pelvienne.
 
Exposition chronique - Radioprotection
Les effets biologiques des expositions chroniques à des radionucléides et leurs impacts sur la santé
Dans un dossier publié sur Internet, l'IRSN dresse le bilan de ses recherches sur les effets des faibles doses de radionucléides sur la santé de l'homme.

L'Institut va publier sur son site Internet un bilan des recherches menées dans le cadre de son programme ENVIRHOM-Santé, consacré à l'étude des effets biologiques et sanitaires des expositions chroniques à de faibles doses de radionucléides. Ces effets, qui restent très mal connus, sont en général extrapolés à partir de ceux décrits dans le passé pour des intoxications aigues à fortes doses de radionucléides, alors que la nature et le niveau des réponses moléculaires et cellulaires radioinduites peuvent différer fortement selon les modalités d'exposition.

Le programme ENVIRHOM-Santé, lancé en 2001, est mené sur des rongeurs de laboratoire, exposés selon des conditions simulant celles des populations humaines qui vivent dans des territoires contaminés. Les recherches ont été concentrées jusqu'à présent sur la survenue d'effets moléculaires et cellulaires au niveau des grands systèmes physiologiques, dont l'atteinte pourrait induire des pathologies plus marquées.

Le dossier mis en ligne sur Internet présente et analyse l'ensemble des résultats obtenus à ce jour et indique les voies de recherche qui mériteraient d'être maintenant explorées. Voici les principaux titres :

- Les objectifs du programme ENVIRHOM-santé
- Le cerveau : un organe cible de l'uranium
- Effets de l'uranium sur le métabolisme de la vitamine D
- Détoxication des xénobiotiques et exposition chronique à l'uranium
- Ingestion chronique de césium 137 en situation post-accidentelle
- Exposition chronique au césium 137

+++ Les dossiers d'Aktis :
« ENVIRHOM-Santé : recherches sur les effets des faibles doses de rayonnements ionisants sur la santé de l'homme ».
177
C'est le nombre de publications scientifiques de l'IRSN en 2008, indicateur publié par l'Observatoire des sciences et des techniques en juillet 2010.
Radiolyse
Phénomène de décomposition chimique de l'eau survenant au cours d'une irradiation.

137Cs
Césium 137, isotope radioactif du césium d'une période d'activité de 30 ans.

90Sr
Strontium 90 isotope radioactif du strontium d'une période d'activité de 28,8 ans.
Soutenances

Le 9 juillet 2010, Jean-Claude Latché a obtenu son habilitation à diriger des recherches dans le domaine de la mise au point de schémas numériques de logiciels. 
 

Le 27 septembre 2010, Yann Monerie a obtenu son habilitation à diriger des recherches dans le domaine de la micromécanique du combustible (homogénéisation, fissuration, milieux granulaires).

Rendez-vous

10-14 octobre 2010

EPRBiodose 2010 à Mandelieu la Napoule (France) rassemble deux conférences : le symposium international sur la dosimétrie EPR (EPR) et la conférence internationale sur la dosimétrie biologique (BioDose).

18- 20 octobre 2010

International MELODI Workshop (Multidisciplinary European Low Dose Initiative).

8 et 9 novembre 2010

Le Forum Eurosafe se tient cette année à Cologne, en Allemagne, sur le thème “Innovation in Nuclear Safety and Security”.

Accidents de fusion du cœur - Combustible
L'influence de l'oxydation en service sur la résistance des gaines de combustible
En cas d'accident de perte de réfrigérant primaire (APRP) dans un réacteur nucléaire, le degré de résistance des gaines en zircaloy qui contiennent le combustible dépendrait directement de leur état d'oxydation préalable.

Durant un accident de perte de réfrigérant primaire (APRP) dans un réacteur nucléaire à eau sous pression, la gaine, cylindre métallique qui contient le combustible, serait soumise à des températures élevées dans une atmosphère de vapeur. Ces conditions induisent une oxydation qui peut dégrader les propriétés mécaniques de la gaine. Les critères de sûreté liés à ce type d'accident ne tiennent qu'indirectement compte de l'oxydation préalable de la gaine (oxydation dite « en service ») qui se produit pendant le fonctionnement normal du réacteur. Le Laboratoire d'expérimentation en mécanique et matériaux (LE2M) a réalisé une étude pour évaluer l'influence de l'oxydation en service sur une gaine de Zircaloy-4 soumise à une oxydation par la vapeur à haute température (HT).

Simuler l'oxydation

L'expérience se déroule en deux étapes. Dans un premier temps des échantillons de gaine sont oxydés à basse température pendant des durées variables afin de simuler différents niveaux d'oxydation en service. Puis ces échantillons sont portés à une température de 900°C pendant 6000 s dans une atmosphère de vapeur, simulant alors les conditions de l'APRP.

Des résultats pleins d'enseignements

Première constatation : les examens réalisés sur ces échantillons montrent que l'oxydation HT de la gaine n'est pas uniforme. Certaines régions ont été oxydées, d'autres pas. La couche d'oxydation en service joue ainsi un rôle protecteur à certains endroits et pas à d'autres. On pourrait penser que la couche d'oxydation en service retarde l'accès de la vapeur vers le métal, expliquant ainsi la distribution de l'oxyde HT. Mais contre toute attente, c'est là où la couche d'oxydation en service est la plus épaisse que celle d'oxyde HT est la plus étendue. Ce phénomène pourrait être dû à de grandes différences entre l'expansion thermique du métal et celle de l'oxyde, induisant l'apparition d'un réseau de fissures facilitant l'accès de la vapeur.

Seconde constatation : quelle que soit l'épaisseur de la couche d'oxydation en service, le comportement mécanique de la gaine après oxydation HT est fortement dégradé par rapport à celui des gaines neuves. Ceci confirme les résultats (non publiés) obtenus lors d'expériences similaires par l'institut tchèque UJP (Ústavu jaderných paliv, Institut du combustible nucléaire).

De nouveaux tests seront menés, notamment pour étendre la gamme des paramètres étudiés, en particulier la température à laquelle est réalisée l'oxydation HT. Mais les résultats obtenus indiquent d'ores et déjà que l'effet de la corrosion en service, même s'il fait appel à des phénomènes complexes, doit nécessairement être considéré dans l'élaboration des critères de sûreté.

Travaux réalisés en collaboration avec le CEA et l'organisme tchèque ALIAS CZ s.r.o.

Contact : Séverine Guilbert (Laboratoire d'expérimentation en mécanique et matériaux)
Déchets radioactifs - Radioécologie - Tchernobyl
Comprendre les modes de transfert des radionucléides aux plantes
De récents travaux de l'IRSN permettent de mieux quantifier le transfert des radionucléides depuis l'environnement jusqu'aux plantes à travers l'étude de trois processus majeurs : le transfert racinaire, la translocation et le recyclage de la matière organique.

Après l'accident de Tchernobyl, la nourriture a été pour les populations locales la principale voie d'exposition aux rayonnements ionisants. D'où l'importance d'évaluer les taux de transfert des radionucléides de la biosphère vers les plantes, en fonction de leur environnement, et d'étudier leur mobilité dans la plante jusqu'aux parties comestibles.

Facteur de transfert racinaire

Le facteur de transfert d'un radionucléide, rapport entre la concentration de ce radionucléide dans la plante et celle du sol, dépend des plantes considérées et du sol sur lequel elles poussent. Afin d'identifier les éléments qui font varier ce facteur pour le 137CsGLO et le 90SrGLO, principaux radionucléides présents après l'accident, une équipe de l'IRSN a cultivé différentes espèces agricoles sur cinq types de terre représentatifs des sols européens et les a contaminés artificiellement (programmes européens RESSAC et PEACE). La composition de l'eau présente dans le sol (solution du sol) dans laquelle les végétaux puisent les nutriments disponibles influence directement les variations des facteurs de transfert du césium et du strontium. Celles-ci sont fonction de la concentration du radionucléide considéré, mais aussi de la présence d'autres éléments comme le potassium, qui se révèle un concurrent du césium, ou le calcium qui est en concurrence avec le strontium : plus ils sont concentrés dans la solution du sol, moins les radionucléides sont transférés à la plante et inversement.

Facteur de translocation

Lors d'une contamination aérienne, la canopée des plantes intercepte les radionucléides, qu'ils soient transportés sous forme d'aérosols ou par voie humide (pluie ou irrigation). Ils pénètrent dans la plante par les feuilles d'où ils migrent ensuite vers le reste de la plante. La distribution des radionucléides dans la plante, ou translocation, dépend de l'élément lui-même, de la forme sous laquelle les radionucléides sont transportés, de l'espèce végétale et de son stade de développement. L'analyse bibliographique des études réalisées sur ce sujet montre que la translocation est en général de plus forte intensité lors de la période de floraison. De plus, le facteur de translocation est un indicateur de la mobilité des radionucléides dans les organismes végétaux et cette analyse a permis de recenser les valeurs existantes pour les radionucléides majeurs et de les classer en trois groupes en fonction de leur mobilité. Elle a également permis d'identifier les radionucléides dont les données sont absentes.

Recyclage de la contamination

Une fois transférée et internalisée dans les végétaux, la contamination est en partie stockée et en partie redéposée au sol via la chute des feuilles et des branches formant la litière. Ainsi, une étude récente réalisée dans la « forêt rousse » (1) près de Tchernobyl montre que les pins plantés après l'accident sur les tranchées d'enfouissement de déchets radioactifs (290 ± 140 GBq en 90Sr, 600 ± 240 GBq en 137Cs) peuvent extraire annuellement jusqu'à 0,82 % du 90Sr et 0,004 % du 137Cs présents dans la tranchée, pour une densité de 3300 arbres à l'hectare. La modélisation de ce processus dans le temps indique que le pic de transfert du 90Sr sera atteint quarante ans après la plantation : 12 % du 90Sr contenu dans les déchets enterrés sera alors transféré aux couches de surface du sol via le recyclage de la biomasse et 7 % stocké dans les arbres. Même si ces résultats préliminaires doivent être complétés par une étude plus complète de l'écosystème, ils restituent les ordres de grandeur mis en jeu et l'importance de prendre en compte ce processus pour la gestion des zones polluées.

Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec l'Université catholique de Louvain, l'Université de Barcelone, le CEAM (Espagne), le Centre d'étude de l'énergie nucléaire belge (SCK-CEN), l'Institut ukrainien de radiologie agricole (Ukrainian Institute of Agricultural Radioecology UIAR) et l'Agence nationale française de gestion des déchets (Andra).

Contact : Pierre Hurtevent (Laboratoire de radioécologie et d'écotoxicologie)
1. La forêt rousse : proche de la centrale de Tchernobyl, cette forêt a été détruite par irradiation et par dépôt de particules lors de l'accident. Les arbres ont alors été abattus et enterrés. Une nouvelle forêt a été replantée sur le site.
 
Déchets radioactifs - Physique/chimie
La radiolyse accélère l'oxydation des déchets en alliage de zirconium
La thèse soutenue par Claire Guipponi en décembre 2009 conclut que, dans un site de stockage profond, la radiolyse de l'eau augmente la vitesse de corrosion des gaines oxydées de Zircaloy-4.

Durant sa thèse, co-dirigée par l'IRSN et rattachée à l'école doctorale de chimie de Lyon, Claire Guipponi a cherché à comprendre les mécanismes d'altération de certains déchets nucléaires, dans le contexte d'un stockage profond, par les produits de la radiolyseGLO de l'eau. Elle s'est intéressée plus particulièrement aux déchets issus du traitement des combustibles nucléaires usés et notamment aux gaines en Zircaloy-4 qui ont contenu le combustible.

Expérimenter les effets de la radiolyse

Pendant la phase d'exploitation du stockage, de l'eau est présente sous forme gazeuse (vapeur d'eau atmosphérique). Après la fermeture du stockage, de l'eau sous forme liquide (l'eau de re-saturation qui a percolé à travers l'argile du site) finira tôt ou tard par arriver au contact des déchets. La radioactivité de ces déchets génère un phénomène de radiolyse des eaux, dont les produits peuvent avoir en retour un impact sur les déchets. Afin d'étudier les conséquences éventuelles de la radiolyse de l'eau sur les déchets en alliage de zirconium, Claire Guipponi a reconstitué des atmosphères gazeuses à partir d'un mélange représentatif de l'air associé à de la vapeur d'eau aux pressions partielles de 6 et 50 mbars. Elle a aussi recréé différents milieux aqueux : eau déminéralisée, eau de pH basique et eau simulant de l'eau de re-saturation. Puis elle a soumis ces milieux à des rayonnements gamma et à des faisceaux de protons dont elle a fait varier l'énergie (les protons sont utilisés pour simuler l'irradiation par un rayonnement alpha).

Corrosion

La thèse conclut que, selon que l'eau est sous forme gazeuse ou liquide, l'effet de sa radiolyse sur les gaines est différent. La radiolyse de la vapeur d'eau contenue dans l'air engendre des réactions chimiques à la surface du Zircaloy-4 oxydé qui diffèrent selon le type de rayonnement (alpha ou gamma). Seule l'irradiation par des protons engendre des composés à base d'étain et de zirconium à la surface des gaines oxydées. En revanche, l'irradiation par des rayons gamma n'entraine pas d'altération de la couche d'oxyde, probablement parce que les radicaux (NO°) formés par radiolyse de l'air sont capturés par l'hydrogène issu de la radiolyse de l'eau. La radiolyse de l'eau liquide, quant à elle, augmente la vitesse de dissolution du Zircaloy-4. Elle semble en effet créer un ion HZrO3- dans la couche d'oxyde qui recouvre la gaine, ion qui passe en solution dans l'eau. L'oxyde se dissout alors à la vitesse de quelques nanomètres à quelques micromètres par an. Ce phénomène dépend des conditions d'irradiation, mais aussi de la composition initiale de la solution aqueuse.

Contact : Virginie Wasselin-Trupin (Bureau d'expertise et de sûreté des colis et des installations de gestion des déchets)
Facteurs humains - Radioprotection
Vers une culture collective de sécurité en radiothérapie
Dans le cadre de sa thèse soutenue le 25 novembre 2009, Adélaide Nascimento a étudié la fiabilité organisationnelle et humaine en radiothérapie.

Récemment, une dizaine d'accidents de radiothérapie ont été déclarés à l'Autorité de sûreté nucléaire française. A partir du constat qu'ils sont le plus souvent liés à des facteurs humains et organisationnels, une thèse a été réalisée dans le Service d'étude des facteurs humains de l'IRSN pour étudier la fiabilité organisationnelle et humaine au cours du processus thérapeutique. Menée par Adélaide Nascimento, cette thèse rattachée à l'école doctorale « entreprise, travail et emploi » du CNAM a abouti à une meilleure compréhension de la gestion collective de la sécurité en radiothérapie.

Trois études empiriques ont été conduites. Dans un premier temps, quatorze professionnels (médecins, physiciens médicaux, dosimétristes et manipulatrices) ont été questionnés sur le caractère acceptable ou inacceptable, selon eux, de situations où la pratique s'écarte des standards, pouvant aller d'une feuille d'irradiation non remplie à une absence de personnel. Puis, afin d'étudier la gestion des aléas au poste de traitement, Adélaide Nascimento a analysé l'activité de manipulatrices à partir d'observations faites in situ. Enfin, quatorze physiciens médicaux ont commenté, via des entretiens individuels, deux dosimétries réelles, le but étant de comprendre les compromis réalisés entre la sécurité et la qualité ainsi que les stratégies visant à sécuriser l'administration des traitements par les manipulatrices.

Les résultats de la thèse montrent qu'il n'y a pas une norme unique de sécurité parfaitement définie, mais plutôt des « sous-cultures de sécurité », informelles et variables selon les professions. Des situations acceptables, ou acceptables sous conditions, pour les radiothérapeutes peuvent être inacceptables pour les manipulateurs. En cas de conflits entre sécurité et qualité se pose alors la question de la recherche du meilleur compromis possible entre ces deux rationalités du système. La diversité de pratiques qui découle de ces sous-cultures, si elle n'est pas partagée au sein du collectif, peut dégrader le niveau de sécurité et de qualité global.

Instaurer une culture collective de sécurité par le dialogue

Il paraît donc souhaitable de développer, de manière durable, une culture collective de sécurité, c'est-à-dire qui dépasse, sans pour autant les négliger, les cultures de sécurité propres à chaque profession. Une des voies possibles est la mise en place d'espaces de délibération, dans lesquels chaque professionnel peut faire valoir ses contraintes et exigences et prendre connaissance de celles de ces collègues, afin que tous décident ensemble des règles, des pratiques et de l'autonomie nécessaires.

Contacts
Sylvie Thellier (Service d'études des facteurs humains)
Adélaide Nascimento (Laboratoire d'ergonomie du CNAM)
 
Irradiation - Médecine - Thérapie
Les cellules souches mésenchymateuses, un espoir pour le traitement des complications des radiothérapies
Cellule de souris irradiée A la suite de recherches expérimentales menées par des chercheurs de l'IRSN en thérapie cellulaire, d'importants progrès dans le traitement des brûlures radiologiques accidentelles sévères viennent d'être réalisés en France par l'hôpital Percy (Clamart). Les cellules souches adultes mésenchymateuses se sont révélées très efficaces pour le traitement des lésions musculo-cutanées radio-induites, en permettant notamment de réduire les douleurs, rebelles par nature aux traitements analgésiques classiques. Récemment, l'IRSN vient de mettre en évidence un effet bénéfique des cellules souches mésenchymateuses sur les lésions intestinales sévères chez des souris localement irradiées à fortes doses. Ce résultat expérimental ouvre de nouveaux espoirs thérapeutiques pour la prise en charge de patients présentant des complications digestives sévères après une radiothérapie ciblant la sphère abdomino-pelvienne.

Les cellules souches adultes sont considérées comme des « cellules médicaments ». Elles permettent aux tissus endommagés de se régénérer grâce à leur capacité de différenciation et de sécrétion sélective de facteurs de croissance pro-cicatrisants. Dans ses recherches sur la thérapie cellulaire, technique prometteuse pour guérir ou soulager les lésions causées par une irradiation, l'IRSN s'intéresse plus spécifiquement aux cellules souches mésenchymateuses (CSM). Localisées dans la moelle osseuse, ces cellules ont la particularité de pouvoir être isolées puis amplifiées in vitro pour être utilisées en thérapie cellulaire.

Ces dernières années, les chercheurs du Laboratoire de radiopathologie et de thérapies expérimentales (LRTE) de l'IRSN ont mis en évidence que les CSM sont capables de migrer vers des tissus irradiés expérimentalement, de sécréter des facteurs de croissance indispensables à la réparation de ces tissus et de se différencier dans certaines situations au sein des tissus lésés. Ce travail réalisé sur des modèles animaux a été à l'origine des premières utilisations cliniques des CSM pour traiter des personnes présentant de graves lésions cutanées provoquées par des irradiations locales.

Le traitement des brûlures radiologiques cutanées

La première personne traitée grâce à ces cellules souches fut, en 2005, la victime d'un accident d'irradiation : un ouvrier chilien qui avait glissé dans la poche de son pantalon une source d'Iridium 192 perdue sur un chantier où elle avait été utilisée pour une gammagraphie. Rapidement, il a développé les premiers symptômes d'une irradiation localisée à forte dose : érythème, inflammation puis ulcération et nécrose s'étendant en surface et en profondeur. Il a alors été transféré en France à l'hôpital Percy de Clamart (Hauts de Seine), où un nouveau traitement lui a été proposé : une greffe de CSM issues de sa propre moelle osseuse, associée à une chirurgie réparatrice. Les cellules amplifiées in vitro par le Centre de transfusion sanguine des armées, puis injectées au niveau des lésions, se sont révélées capables de réduire considérablement les douleurs radio-induites et de promouvoir la cicatrisation des tissus lésés.

Depuis, quatre autres victimes irradiées accidentellement aux mains, aux bras ou aux jambes ont bénéficié de ce traitement à l'hôpital Percy avec un résultat similaire. Ces succès reposent à la fois sur l'amélioration continue des protocoles d'administration des CSM mais aussi sur la précision de l'exérèse chirurgicale rendue possible grâce à une cartographie dosimétrique (1) réalisée par l'IRSN. Avant cette avancée médicale, seul un acte chirurgical lourd permettait dans le meilleur des cas d'arrêter la progression des lésions.

Le traitement des lésions intestinales radio-induites

Les chercheurs du LRTE ont par ailleurs montré pour la première fois, en 2008-2009, un bénéfice thérapeutique de l'injection de CSM sur les lésions radio-induites de l'intestin chez des souris, dans un modèle expérimental d'irradiation localisée. L'injection s'est traduite par un rétablissement de la structure et de la fonction de la muqueuse intestinale. Les CSM greffées stimuleraient les cellules souches endogènes (augmentation de leur prolifération et réduction de leur mort par apoptose radio-induite), améliorant ainsi l'auto-renouvellement de l'intestin grêle. Ce résultat expérimental constitue un espoir pour traiter les effets secondaires indésirables des radiothérapies, en particulier les complications gastro-intestinales consécutives à une radiothérapie abdominale ou pelvienne. Les patients qui reçoivent ce type de traitement peuvent présenter en effet une stérilisation partielle ou totale des cellules souches endogènes de l'intestin qui sont indispensables au renouvellement permanent de la muqueuse intestinale.

Le risque tumorigène associé à la greffe de CSM

L'utilisation généralisée de la thérapie cellulaire passe par l'analyse préalable de risques éventuels. Ainsi, la culture des CSM prélevées chez l'homme (amplification in vitro), étape nécessaire pour injecter un nombre suffisant de cellules, pourrait induire des instabilités chromosomiques dans les cellules. L'injection de ces cellules pourrait donc conduire au développement de carcinomes. La Société française de greffe de moelle et de thérapie cellulaire, en collaboration avec l'IRSN, a évalué ce risque en 2009. Des cellules provenant de différents donneurs ont été mises en culture dans des conditions contrôlées, et selon deux méthodes différentes. Ces travaux mettent en évidence que les CSM en culture, avec ou sans altérations chromosomiques, arrêtent progressivement leur croissance et vieillissent sans signe d'évolution vers des cellules tumorales, que ce soit in vitro ou in vivo.

Les récents travaux expérimentaux de l'IRSN suggèrent que le champ d'application de la thérapie cellulaire en radiopathologie pourrait être plus étendu que celui des seules brûlures radiologiques. Si les cellules souches mésenchymateuses se révélaient réellement efficaces pour traiter les lésions radiologiques sévères au niveau des principaux systèmes physiologiques (systèmes digestif, nerveux central, pulmonaire, etc.), alors le traitement des complications secondaires des radiothérapies, parfois très invalidantes, s'en trouverait profondément amélioré. De nombreuses incertitudes demeurent néanmoins et les travaux expérimentaux de l'IRSN vont se poursuivre pour rechercher les types de cellules souches adultes les plus adaptés en fonction de l'organe lésé et pour déterminer les effets secondaires potentiels à long terme de l'utilisation de ces cellules souches adultes.

Contacts
Patrick Gourmelon (Direction de la radioprotection de l'homme)
Alexandra Semont (Laboratoire de radiopathologie et de thérapies expérimentales)
Marc Benderitter (Laboratoire de radiopathologie et de thérapies expérimentales)
1. La cartographie dosimétrique est déterminée à partir de simulations numériques basées sur le scenario de l'accident. Elle apporte une information sur la distribution de la dose dans l'organisme de la victime.
 
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