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Bonjour,

Aktis est une lettre trimestrielle multimédia qui met en lumière quelques résultats récents des laboratoires de recherche de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ce numéro spécial sur les recherches de l’IRSN concernant les accidents de perte de refroidissement est en deux parties, envoyées sous forme de deux mails successifs.

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Ci-dessous la première partie… Bonne lecture !

La rédaction

N° 5_1, Numéro spécial - 1ère partie - septembre 2011
 
Les recherches actuelles sur les accidents de perte de refroidissement
De l'intérêt de la recherche sur la sûreté des réacteurs nucléaires

Michel Schwraz, Directeur scientifiqueAlors que l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-Ichi se déroulait devant nos yeux, l'IRSN a pu très vite fournir des éléments de compréhension au public et d'aide à la décision au gouvernement français. Cette réactivité et cette capacité d'analyse en temps réel - pour autant qu'il était possible de le faire - des événements japonais est le résultat de la masse de connaissances acquises par l'Institut et ses partenaires, dans le domaine des accidents nucléaires, de la sûreté et de la radioprotection.

En effet, à la suite des accidents américain de Three Mile Island et ukrainien de Tchernobyl, de vastes programmes de recherche en sûreté nucléaire ont été lancés dans le monde entier. L'IRSN mène ainsi des recherches depuis plus de 30 ans sur les accidents possibles sur un réacteur nucléaire à eau sous pression comme il en existe en France. Les nombreux résultats scientifiques obtenus ont grandement amélioré la compréhension du déroulement d'un accident et de ses conséquences pour l'homme et l'environnement. Ils ont ainsi permis à l'Institut de développer des logiciels de calcul scientifique capables d'évaluer les dispositions prises pour prévenir ces accidents ou en limiter les conséquences.

Si les réacteurs japonais accidentés sont différents des réacteurs français dans leur structure physique comme dans certains choix de fonctionnement (les premiers sont des réacteurs à eau bouillante, quand les seconds utilisent de l'eau sous pression), les phénomènes accidentels susceptibles de s'y produire sont très proches.

Ce numéro spécial présente quelques résultats récents des recherches en cours ou tout juste achevées à l'IRSN sur certains phénomènes impliqués dans l'accident de la centrale de Fukushima : relâchement des radioéléments dans l'enceinte, injection d'eau pour limiter la fusion, interaction du cœur fondu avec le béton, relâchement d'hydrogène et explosion, mise à découvert du combustible nucléaire usé dans la piscine d'entreposage. Ce numéro évoque aussi une méthode d'optimisation en vue de déployer, sur le territoire national, les balises de surveillance permettant de reconstituer au mieux n'importe quel panache radioactif provenant d'une installation nucléaire. Il s'achève sur la rémanence que les accidents nucléaires laissent dans l'air longtemps après leur survenue.

L'accident de Fukushima montre à quel point le champ de recherche en sûreté nucléaire est vaste, qu'il doit rester une priorité, mais aussi qu'il faut veiller à ce que les connaissances une fois acquises soient mises en pratique pour faire avancer la sûreté nucléaire en France et dans le monde.

Michel Schwarz,
Directeur scientifique
 
Accidents de fusion du cœur - Réacteurs à eau sous pression
Le risque hydrogène dans les réacteurs nucléaires
Propagation de flamme laminaire dans le dispositif de bombe sphérique dans un mélange pauvre en hydrogène : apparition de structures cellulaires et transition vers le régime de flammes turbulentes.
En cas d'accident avec fusion du coeur d'un réacteur nucléaire, de l'hydrogène peut être produit en grandes quantités à l'intérieur de l'enceinte de confinement du réacteur. Il peut s'enflammer, exploser - comme cela s'est produit lors de l'accident de la centrale de Fukushima - et, dans le cas des REP, endommager cette enceinte. Depuis des années, l'IRSN mène un programme de R&D sur le risque d'explosion d'hydrogène, les moyens de s'en prévenir et de limiter ses conséquences.
 
Corium
Néologisme qui désigne le mélange liquide à haute température composé des matériaux provenant du combustible nucléaire (UO2, produits de fission…), des gaines de zircaloy plus ou moins oxydées qui le contenaient initialement, des aciers constituant les structures du coeur et des produits de décomposition du béton, que ce mélange peut rencontrer ensuite dans sa progression.

Logiciel 0D
Un logiciel 0D utilise une modélisation simplifiée de la physique en supprimant la dimension spatiale par le regroupement de certains paramètres en des entités discrètes qui approximent le comportement global.

Logiciel CFD
Computational Fluid Dynamics, logiciel multidimensionnel de résolution des problèmes de dynamique des fluides.

Logiciel de calcul scientifique Astec
Le logiciel de simulation des accidents graves Astec est conjointement développé depuis de nombreuses années par l'IRSN et GRS, son homologue allemand.

Il est le logiciel de référence du réseau européen Sarnet. En outre, il est utilisé par d'autres nations en-dehors de la communauté européenne, comme la Russie, l'Inde ou la Chine.

Accidents de fusion du cœur - Réacteurs à eau sous pression
L'effet du bore sur l'endommagement du cœur et le comportement des produits de fission
L'essai FPT-3, dernier essai du programme Phébus PF qui simulait un accident nucléaire avec des matériaux réels, a permis de mieux comprendre l'effet du bore sur la dégradation du cœur d'un réacteur nucléaire et le comportement des produits de fission.
Tomographie de l’assemblage de combustible neuf (à gauche) et à la fin de l’essai (à droite). Afin de mieux évaluer les rejets radioactifs en cas d'accident avec fusion du cœur dans un réacteur nucléaire, l'IRSN a réalisé de 1993 à 2004 le programme Phébus PF qui simulait un accident de fusion à l'échelle 1/5000 avec des matériaux réels. Les cinq essais ont permis d'observer de manière couplée les phénomènes physico-chimiques gouvernant la fusion du cœur, le relâchement des produits de fission (PF) par le combustible puis leur transfert et leur devenir dans l'enceinte de confinement. Le dernier essai en date (FPT-3), dont l'analyse s'est achevée fin 2010, a plus spécifiquement étudié l'effet des barres de commande en carbure de bore(1) (B4C) sur la dégradation du cœur et sur le transport et la distribution des produits de fission.


[ La dégradation commence par le B4C ]

Premier résultat de cet essai : la dégradation du cœur a commencé par une dissolution partielle du B4C, formant des mélanges liquides à bas point de fusion (eutectiques) qui ont entraîné une liquéfaction partielle du combustible voisin. Quant au B4C non fondu, il a été oxydé par la vapeur (l'eau de refroidissement se vaporise durant l'accident) formant de l'hydrogène, des oxydes de carbone et de l'acide borique. Simultanément, la vapeur d'eau oxyde le gainage métallique à base de zirconium qui contient le combustible. La réaction induit une élévation de température rapide qui favorise le relâchement des produits de fission par le combustible.


Tomographies de coupes avant essai en haut et au centre, après essai à la cote 271 mm en bas.[ Les PF sont piégés ou se déposent ]

Deuxième enseignement majeur, l'essai a montré que l'acide borique dégagé par l'oxydation du B4C se dépose largement sous forme d'aérosols dans le circuit primaire(2) et piège une grande partie des produits de fission. Quant aux PF non piégés, ils sont transportés sous forme d'aérosols jusqu'à l'enceinte de confinement du réacteur et s'y déposent.

Enfin, le résultat le plus important de l'essai FPT-3 concerne l'iode, dont la forme majoritaire dans le circuit primaire s'est avérée être la forme gazeuse. Il est apparu qu'une fois dans l'enceinte, l'iode interagit avec les surfaces peintes soit pour y être piégé, soit pour former des iodures organiques, composés très volatils.

Ces résultats ont permis d'améliorer la modélisation des phénomènes de dégradation impliquant le B4C implémentée dans le logiciel de simulation des accidents graves AstecGLO. Quant à la chimie de l'iode, les B4C utilisés actuellement rendent compte des tendances observées. La description des transformations physico-chimiques de l'iode est en cours d'amélioration, nourrie des résultats du programme International Source Term Programme (ISTP) qui étudie les phénomènes de façon séparée pour mieux les quantifier. Les futurs modèles alimenteront à leur tour le logiciel Astec pour obtenir une meilleure prédiction des rejets.

Collaboration Commission européenne, AECL (Canada), Kaeri/Kins (Corée), US-NRC (États-Unis), Jnes/JAEA (Japon), PSI/HSK (Suisse), CEA, CNRS/Université de Lille 1, EDF.



Contact :
Bernard Clément
(Service d'étude et de modélisation de l'incendie, du corium et du confinement - Semic)
(1) Le carbure de bore B4C est un absorbant neutronique utilisé pour contrôler la puissance notamment des réacteurs de types REP 1300 et REP 1450 du parc français, du futur EPR ainsi que des réacteurs à eau bouillante tels que ceux de la centrale de Fukushima.
(2) Le circuit primaire est le circuit où transite l'eau de refroidissement du réacteur. Durant un accident de fusion, l'eau y est vaporisée.
+++ Haste T., Payot F., Manenc C., Clément B., March P., Simondi-Teisseire B., Zeyen R. « Phébus FPT-3 : Overview of main results concerning the behaviour of fission products and structural materials in the containment », Nuclear Energy for New Europe, Bovec, Slovenia, 12-15 septembre 2011 (à paraître).
Bulles Avancées de la Recherche
Accidents de fusion du cœur - Réacteurs à eau sous pression
Refroidissement de débris de cœur par injection d'eau
Les premiers résultats du programme Pearl conduit par l'IRSN montrent comment l'eau progresse au sein d'une couche de billes chauffées. Première étape pour étudier expérimentalement le refroidissement d'un cœur fragmenté de réacteur.

Une rupture ou une fuite importante sur le circuit de refroidissement d'un réacteur nucléaire peut, en cas de dysfonctionnement des systèmes de secours, conduire à un assèchement des crayons de combustible. L'évolution vers la fusion du cœur du réacteur ne peut alors être stoppée qu'en réinjectant rapidement de l'eau. Bien qu'indispensable pour refroidir le combustible, cette action – dite « renoyage » - peut cependant mettre en danger l'intégrité de l'enceinte(1). Il est donc nécessaire de définir dans quelles configurations et sous quelles conditions cette opération présente un réel intérêt et quels sont les risques associés.


Dispositif Prelude : un cylindre de quartz contenant de billes d’acier chauffées par induction (solénoïde externe).[ Refroidissement d'un « lit de débris » ]
Depuis 2009, l'IRSN réalise le programme expérimental de recherche Pearl(2) sur le refroidissement, par injection d'eau, d'un amas de particules métalliques, représentant un « lit de débris », chauffées par induction. L'accident de Three Mile Island a en effet montré que la dégradation d'un cœur privé de refroidissement peut mener à la dégradation des crayons de combustible et à la formation d'un lit de débris. Cette configuration est particulièrement difficile à refroidir, l'eau injectée ayant du mal à progresser en son sein.

Les premiers résultats obtenus à l'aide du dispositif Prelude ont permis d'observer que la vitesse de progression du « front de trempe »(3) est proportionnelle au débit d'eau injecté. Ils ont aussi montré que cette vitesse n'est pas toujours uniforme à l'intérieur du lit. Ainsi, lorsque l'eau est injectée sous l'amas de billes, l'observation montre que, du fait d'instabilités, le front de trempe progresse plus rapidement en périphérie et au centre de l'amas. Ces écarts sont d'autant plus marqués que la température initiale des débris est élevée et que leur taille est petite. L'eau peut ainsi finir par recouvrir le lit de particules alors que celui-ci comporte encore des zones asséchées.




Représentation des températures du lit de billes dans le dispositif Prelude. En noir, la zone où les billes sont refroidies. En bleu, le front de trempe : l’eau suit des chemins préférentiels au centre et sur les côtés en raison d’instabilités thermohydrauliques.[ Modèles de thermohydraulique diphasique ]

En parallèle à ces expériences, des modèles mathématiques représentant ces phénomènes de thermohydraulique diphasique ont été intégrés dans le logiciel de simulation des accidents graves AstecGLO. La confrontation entre les résultats expérimentaux et les simulations numériques ont déjà permis de vérifier la pertinence des modèles de frottements prédisant que l'écoulement de vapeur accélère très peu l'eau, contrairement à ce qui se produit dans une géométrie de cœur intact. Un dispositif d'essai de plus grande taille est actuellement en préparation pour étudier notamment l'aspect multidimensionnel des écoulements à une échelle plus proche de celle des amas qui peuvent se former dans un réacteur.

Collaboration Le réseau d'excellence européen Sarnet-2, Kit, Ike, KTH, EDF.

Contacts :
Florian Fichot
(Laboratoire d'étude et de simulation des accidents majeurs - Lesam)
Georges Repetto
(Service d'étude et de recherche expérimentale sur les matériaux - Serem)
(1) Le renoyage d'un coeur à très haute température induit une production importante et rapide de vapeur qui accroit la pression à l'intérieur de l'enceinte. L'oxydation des métaux par cette vapeur génère de l'hydrogène. Une fois dans l'enceinte, l'hydrogène peut provoquer des explosions, comme cela s'est produit à Fukushima.
(2) Pearl : Programme expérimental analytique étudiant le renoyage de lits de débris.
(3) Le front de trempe est ici la surface de discontinuité thermique entre la zone où les débris sont restés asséchés et surchauffés et la zone où, remouillés, ils sont à plus basse température.
 
Accidents de fusion du cœur - Réacteurs à eau sous pression
Le risque hydrogène dans les réacteurs nucléaires
Propagation de flamme laminaire dans le dispositif de bombe sphérique dans un mélange pauvre en hydrogène : apparition de structures cellulaires et transition vers le régime de flammes turbulentes. En cas d'accident avec fusion du coeur d'un réacteur nucléaire, de l'hydrogène peut être produit en grandes quantités à l'intérieur de l'enceinte de confinement du réacteur. Il peut s'enflammer, exploser - comme cela s'est produit lors de l'accident de la centrale de Fukushima - et, dans le cas des REP, endommager cette enceinte. Depuis des années, l'IRSN mène un programme de R&D sur le risque d'explosion d'hydrogène, les moyens de s'en prévenir et de limiter ses conséquences.

En cas d'accident avec fusion du cœur d'un réacteur nucléaire, de grandes quantités d'hydrogène peuvent être produites par l'oxydation par la vapeur d'eau des gaines qui contiennent le combustible et par la décomposition du béton du radier de l'enceinte de confinement au contact du coriumGLO. Une fois dans l'enceinte de confinement du bâtiment réacteur, les concentrations locales de l'hydrogène peuvent atteindre des niveaux tels, qu'une source d'énergie très faible suffit à déclencher sa combustion dont la flamme peut s'accélérer et produire des surpressions capables d'endommager l'enceinte. Pour évaluer ce risque, l'IRSN mène, depuis des années, des programmes de recherche alliant expérience et modélisation et couvrant les domaines de la distribution de l'hydrogène, de sa combustion et des moyens de mitigation destinés à la prévenir ou à en limiter les conséquences. La capitalisation des connaissances issues de ces programmes a été notamment effectuée par le développement en collaboration avec le CEA du code Tonus.

Exemples de champs de fraction volumique de vapeur d’eau dans l’enceinte Tosqan obtenus par les simulations numériques, pour deux types d’essais représentatifs d’une injection de vapeur avec condensation en paroi. Dans l’installation Tosqan, les parois sont chauffées sélectivement pour représenter les parois chaudes ou froides de l’enceinte ; une canne d’injection permet d’injecter verticalement vers la haut de la vapeur, de l’hélium simulant l’hydrogène et des aérosols simulant des produits de fission; une buse d’aspersion est placée en haut de l’enceinte et le fond du cylindre correspond au puisard de l’enceinte qui représente le volume situé à la base du réacteur où l’eau est récoltée en situation accidentelle ; la géométrie intérieure simple et sans obstacle permet de se concentrer sur l’étude des phénomènes thermodynamiques en jeu. Des techniques optiques non intrusives (vélocimétrie par image de particules, vélocimétrie laser doppler, diffusion Raman spontanée) y mesurent des champs de vitesse, des concentrations ou les caractéristiques des gouttelettes et des aérosols. Cette installation permet une bonne reproductibilité des essais. [ Distribution de l'hydrogène ]

Le volet expérimental a consisté à réaliser dans l'installation Tosqan des essais permettant d'identifier l'impact des phénomènes régissant la distribution de l'hydrogène. Tosqan est une enceinte cylindrique de taille moyenne (7 m3) avec une instrumentation sophistiquée permettant de produire des données utiles à la validation des logiciels qu'ils soient 0DGLO ou CFDGLO.


[ Exercices internationaux ]

Aussi, certains essais réalisés dans Tosqan ont été utilisés dans le cadre d'exercices de comparaison internationaux. C'est le cas de l'International Standard Problem 47 (ISP47), organisé sous l'égide de l'OCDE pour évaluer les capacités des logiciels 0DGLO et multidimensionnels CFDGLO à simuler la thermohydraulique des enceintes de réacteurs nucléaires, mais également des projets européens Sarnet, Sarnet-2 et Ercosam(1).

Dans le cas de l'ISP47, les comparaisons ont été effectuées à la fois pour des régimes permanents et pour les régimes transitoires d'injection d'hydrogène. Ont été observés le comportement thermohydraulique global durant un état stable, le comportement local près de la zone d'injection ou près des parois (où la vapeur se condense), la représentation des stratifications des densités de gaz ou des températures, etc. Les champs de vitesse du gaz et de concentration du gaz ont pu être obtenus pour la première fois lors d'un tel exercice en régime stationnaire.

Les conclusions de ces exercices montrent que les codes de calcul prédisent de manière satisfaisante les régimes permanents. En revanche, la distribution des espèces gazeuses en régime transitoire appelle des efforts supplémentaires sur le plan expérimental et pour la modélisation afin d'améliorer la prédictibilité des codes. À cet égard, Tosqan offre la possibilité de réaliser des mesures précises de la turbulence, un paramètre clé pour la thermohydraulique.


Calcul avec le logiciel Spark de l’écoulement à l’intérieur d’un recombineur avec un fonctionnement à 8 vol. % d’hydrogène avec le champ de température (à gauche), le champ d’hydrogène (au centre), et le champ de radical OH (à droite) caractérisant l’inflammation d’hydrogène. [ Recombineurs auto-catalytiques ]

Pour limiter la concentration d'hydrogène dans l'enceinte de confinement, la stratégie adoptée pour les réacteurs nucléaires français est de combiner le grand espace libre de cette enceinte, une paroi très résistante à la pression et des moyens de réduction des concentrations d'hydrogène tels que les recombineurs auto-catalytiques passifs. Ces recombineurs oxydent l'hydrogène en vapeur d'eau, sans flamme, par contact avec des plaques catalytiques. Cette réaction exothermique auto-entretient un mouvement convectif ascendant des masses de gaz environnantes. Elle donne aux recombineurs leur caractère passif, mais peut aussi, sous certaines conditions, initier une combustion qui peut s'avérer bénéfique car elle se produit à de faibles concentrations d'hydrogène et génère des surpressions faibles. Pour simuler leur comportement, l'IRSN a développé le logiciel CFD Spark(2) qui intègre l'ensemble des phénomènes physico-chimiques régissant la recombinaison de l'hydrogène, et son éventuelle combustion.


[ Inflammation par les recombineurs ]

Les plus récents travaux ont été consacrés à l'inflammation de l'hydrogène par les recombineurs et aux effets séparés des principaux paramètres thermo-hydrauliques - la vapeur, la pression et la température - sur la limite d'inflammation. Ces études ont montré que de fortes concentrations de vapeur d'eau, de même qu'une pression élevée, tendent à retarder l'inflammation de l'hydrogène par le recombineur. La vapeur d'eau agit comme un diluant et absorbe, davantage que l'air, l'énergie dégagée par la recombinaison. L'augmentation de la pression entraîne une meilleure recombinaison de l'hydrogène et de l'oxygène sur les plaques catalytiques, diminuant ainsi la quantité d'hydrogène susceptible de s'enflammer. À l'inverse, un accroissement de température rapproche le mélange gazeux de son point d'auto-allumage et accroît donc la propension du mélange à s'enflammer. Ces résultats numériques ont été confortés par les résultats issus des programmes expérimentaux et ont servi à la définition d'une limite d'inflammation par les recombineurs utilisable dans le cadre des travaux d'expertise de l'IRSN.


[ Combustion : Accélération de la flamme ]

Malgré l'utilisation de ces dispositifs de mitigation, un risque de combustion de l'hydrogène subsiste. Il est donc nécessaire de l'étudier pour en prévenir les conséquences sur la tenue de l'enceinte de confinement. Le programme mené par l'IRSN en étroite collaboration avec l'Institut Icare du CNRS vise à améliorer la connaissance des mécanismes d'ignition et d'accélération de flamme(3).

Ainsi, de récents travaux ont permis de définir de nouvelles limites d'inflammabilité des mélanges hydrogène/air, c'est-à-dire les concentrations minimum et maximum de combustible pour lesquelles une flamme auto-entretenue peut se créer. Ces expériences ont été réalisées en « bombe » sphérique, dispositif composé d'une sphère d'acier de 48 cm de diamètre, équipée de hublots couplés à une caméra haute vitesse pour filmer l'évolution de la flamme, et où les conditions de pression et de température sont contrôlées.

Images de la propagation de la flamme dans le dispositif de bombe sphérique, dans le cas d’un mélange de 25,1% mol d’hydrogène + 74,9%mol d’air initialement à 30°C et 100 kPa. Clichés pris à 15000 images par seconde.

Les résultats de ces études ont identifié de manière précise les seuils permettant la propagation ascendante, descendante et complète de la flamme d'hydrogène pour différentes valeurs initiales de pression (1 et 2,5 bars) et de température (25°C à 150 °C). Ceci qui a permis de constituer une base de données regroupant les données fondamentales des flammes laminaires(4) d'hydrogène. Ces données sont nécessaires pour caractériser la propension des mélanges à produire des flammes susceptibles de s'accélérer.

C'est cette autre problématique que l'IRSN étudie dans l'installation Enaccef de l'Institut Icare. Les derniers résultats ont ainsi permis d'identifier les conditions qui favorisent l'accélération de flamme et de caractériser le seuil de concentration d'hydrogène à partir duquel cela est possible. Les données expérimentales issues d'Enaccef permettent aussi de valider les modèles de combustion implantés dans les logiciels de calcul utilisés par l'IRSN. Certains de ces essais ont servi pour l'organisation de « benchmarks » internationaux récents (l'un, ISP 49, sous l'égide de l'OCDE ; l'autre, dans le cadre du réseau d'excellence européen Sarnet).

Les conclusions de ces exercices ont mis en exergue la nécessité d'améliorer les modèles de combustion pour prédire les phases d'accélération, de décélération et d'extinction des flammes et le besoin de données expérimentales de propagation de flammes dans des installations de grande échelle.

Collaboration L'Institut Icare du CNRS, L'institut FZJ (Jülich), OCDE (programmes ThaI, Seth2 et CCVM pour Tosqan et Enaccef), Europe (Sarnet-2, Ercosam).

Contacts :
Jeanne Malet
(Laboratoire d'études et de modélisation en aérodispersion et confinement - Lemac)
Emmanuel Porcheron
(Laboratoire d'expérimentations en confinement, épuration et ventilation - Lecev)
Ahmed Bentaïb
(Bureau de physique des accidents graves - BPHAG)
Nicolas Meynet
(Bureau de physique des accidents graves - BPHAG)
(1) Sarnet (Severe Accident Research Network of excellence). Programme Ercosam (Containment thermal-hydraulics of current and future LWRs for severe accident management).
(2) Le logiciel de calcul scientifique Spark intègre une modélisation avec chimie complexe, transport multi-espèce et rayonnement surfacique, pour les écoulements gazeux réactifs avec catalyse hétérogène se développant entre les plaques catalytiques des recombineurs.
(3) L'inflammation locale du mélange de gaz contenant l'hydrogène génère d'abord une flamme lente dite laminaire (vitesse de l'ordre du mètre par seconde). Cette flamme peut ensuite s'accélérer très fortement en raison des instabilités hydrodynamiques et de la turbulence créées notamment par la configuration des lieux (taille, obstacles, etc.). La flamme accélérée peut se muer en détonation (vitesse de l'ordre du kilomètre par seconde) ou s'éteindre au bout d'une certaine distance.
(4) Les autres paramètres nécessaires à l'évaluation du risque d'explosion sont par exemple le point d'ignition (localisation et énergie associée), les critères d'accélération de flamme, les critères de transition vers la détonation.
+++ Meynet N., Engelhardt S. et Bentaib A. : « Investigation on the influence of pressure and temperature on the ignition limits of hydrogen inside recombiners », Nureth Conference, Toronto, septembre 2011 (à paraître).
 
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