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Bulle Stratégie Bulle Avancées Bulle N° 9



Dans ce numéro, Focus sur
Faibles doses chroniques de rayonnements


Aktis 9 Focus accroche acc L'extrapolation des effets sanitaires observés aux fortes doses de rayonnement à ceux attribués aux faibles doses ne résulte pas d'une réalité scientifique, mais d'un choix effectué pour guider les actions de gestion de la radioprotection. Dans le contexte des accidents de Tchernobyl ou de Fukushima, où des territoires sont contaminés durablement, les populations sont susceptibles d'être soumises de façon chronique à de faibles doses et s'interrogent sur les conséquences pour leur santé. L'IRSN mène depuis plusieurs années des études sur les effets des faibles doses, tant d'un point de vue macroscopique pour extrapoler à un écosystème l'effet sur des animaux individuels, que d'un point de vue mécanistique aux niveaux subcellulaires, et enfin sur des populations identifiées comme exposées au risque.

 
Le long chemin des faibles doses

Matthieu Schuler

Convaincu de l'importance de la problématique, l'IRSN se préoccupe avec constance, voire insistance, de la compréhension fine des effets sur l'humain, et plus largement le vivant, des faibles doses de rayonnements ionisants. Cette conviction de longue date sort renforcée par les difficultés de gestion concrètes du post-Fukushima.

La compréhension des effets des faibles doses est un chemin scientifique long et parsemé des incertitudes propres aux enjeux fondamentaux de la connaissance : identification des mécanismes et de leur lien avec les effets via des études épidémiologiques, compréhension des effets non cancéreux, étude des expositions multifactorielles, caractérisation de la radiosensibilité individuelle...


Pour parcourir cette route avec des chances raisonnables de progrès, la coopération entre les disciplines, notamment de la biologie fondamentale, de la médecine, de la physique, est un prérequis. La multiplicité des pistes à explorer exige également de regrouper les efforts à une échelle au moins européenne, pour partager tant les outils expérimentaux, que les questionnements et les réflexions.

C'est pourquoi l'IRSN a choisi, avec un ensemble de partenaires, de promouvoir activement le développement de la plateforme européenne Melodi(1). Après avoir établi son agenda stratégique de recherche, cette plateforme ouverte va publier des appels à projets aux équipes motivées par ce challenge. Avec le souci constant de mettre en perspective les fruits de ses travaux au fur et à mesure des avancées, et d'ajuster en conséquence ses programmes de recherche.

Matthieu Schuler,
Directeur de la stratégie, du développement et des partenariats
(1) Multidisciplinary European Low Dose Initiative.
Radioprotection - Sûreté nucléaire
Après Fukushima, quelles priorités pour la recherche ?
L'accident de Fukushima a montré que, malgré les progrès technologiques réalisés depuis 30 ans, une fenêtre de vulnérabilité subsiste dans les réacteurs électronucléaires à eau : un cumul de circonstances défavorables peut conduire à un accident avec rejets massifs de radioactivité. L'IRSN livre son point de vue sur les priorités de recherche qui en découlent, pour lui-même et les communautés scientifiques concernées, tant en France qu'à l'international.

Si des progrès importants ont été réalisés en sûreté nucléaire durant les 30 dernières années, l'accident de Fukushima a montré que les réacteurs électronucléaires à eau présentent encore une vulnérabilité susceptible de générer de graves rejets de radioactivité : le cumul d'agressions différentes dont l'ampleur peut dépasser (cas du tsunami) le niveau pris en compte à la conception de l'installation. Un an après l'accident japonais, les premières analyses que l'IRSN a réalisées sur les événements mettent en lumière plusieurs enjeux fondamentaux pour améliorer la sûreté nucléaire et la protection des populations et de l'environnement. Partant, l'IRSN identifie plusieurs domaines prioritaires de recherche pour la communauté scientifique.


[ Trois enjeux complémentaires pour la sûreté ]

Il s'agit en premier lieu d'améliorer encore le niveau de sûreté des installations nucléaires. Avec en ligne de mire trois enjeux fondamentaux : réduire la sensibilité des installations aux risquesGLO générés par un événement externe ou une faiblesse interne en renforçant leur prévention ; réduire les conséquences radiologiques d'un éventuel accident ; et disposer des moyens de gestion de l'accident, y compris en situation très dégradée.

14 mars 2011, 11h01 : Explosion au niveau du réacteur n°3 de la centrale de Fukushima-Daiishi

14 mars 2011, 11h01 : Explosion au niveau du réacteur n°3 de la centrale de Fukushima-Daiishi.


Renforcer la prévention des risques dans les installations induit d'abord de mieux évaluer les agressions externes susceptibles d'affecter les installations. Il faut ensuite étendre les études probabilistes de sûreté (EPS) pour y intégrer les agressions externes, puis des événements initiateurs d'accidents qui ont été exclus des études de sûreté car considérés comme trop peu probables. Ceci permettra de renforcer la « défense en profondeur »GLO des installations, de même que les travaux à amplifier dans un troisième domaine : celui des conséquences du vieillissement des installations nucléaires et des facteurs organisationnels et humains ou FOH (au titre de la prévention et de la gestion de crise). L'Institut considère de plus que l'étude des FOH nécessite des coopérations avec la communauté académique dans le domaine des sciences humaines et sociales, ce qu'il a notamment réalisé avec la constitution de la chaire de recherche « Resoh »(1).

 
 
163
C'est le nombre des publications de l'IRSN parues dans des revues à comité de lecture en 2011.
Biocinétique
Répartition et accumulation de la radioactivité dans un organisme vivant.


Défense en profondeur
Ce principe est fondé sur plusieurs niveaux de protection, techniques ou organisationnels, afin de maintenir l'efficacité des barrières physiques placées entre les substances radioactives et les travailleurs, le public et l'environnement dans des conditions de fonctionnement normal, en cas d'incident et, pour certaines barrières, en cas d'accident.


Maintenance de l'organisme
Ensemble des processus lui permettant de rester en vie, à l'exclusion des processus de production. La théorie DEB définit deux classes de maintenance : la maintenance somatique et la maintenance de la maturité.


Mitochondrie
Organite cellulaire eucaryote, lieu de la respiration cellulaire. Elle convertit le glucose en molécule énergétique durant le « cycle de Krebs », un ensemble de réactions métaboliques.


Risque
Éventualité d'un événement, dépendant d'éléments externes ou internes à l'installation nucléaire, pouvant causer un incident ou un accident.


Système hématopoïétique
Ensemble des processus physiologiques permettant la formation de la totalité des cellules sanguines (globules rouges, globules blancs, plaquettes). Ces processus se déroulent essentiellement dans la moelle osseuse et dans le thymus pour une sous-catégorie de globules blancs.

[ Renforcement de la tenue des barrières ]

La doctrine de défense en profondeur impose aussi de relever le deuxième enjeu : réduire les conséquences radiologiques d'un éventuel accident. Ceci passe par le renforcement de la tenue des barrières de confinement et des systèmes de protection. Cet enjeu pointe le besoin de mieux comprendre le comportement des matériels et systèmes fondamentaux pour la sûreté au cours d'un accident ; d'étendre la capacité de modélisation (notamment dans les piscines de stockage du combustible) ; et de renforcer les dispositifs ultimes de gestion des accidents graves (prévention du risque d'explosion d'hydrogène, modalités et délais de rupture de cuve, comportement du corium, dispositifs de limitation des rejets radioactifs).

Pour atteindre ces deux premiers enjeux, l'IRSN souligne l'importance cruciale de moyens expérimentaux lourds. Ils sont des compléments et des soutiens incontournables au développement des outils de simulation.

Enfin, l'accident de Fukushima a mis en exergue le besoin de répondre à un troisième enjeu, celui des moyens techniques nécessaires (diagnostics, actionneurs, robots...) pour suivre les actions en conditions fortement dégradées.


[ Deux cibles complémentaires en protection ]

Approfondir les recherches dans le domaine de la sûreté nucléaire, au coeur des installations, est fondamental. Mais l'accident de Fukushima ayant confirmé la vraisemblance de scenarios accidentels avec des rejets importants, il est tout aussi fondamental de continuer à développer les travaux de recherche au bénéfice de la protection de l'homme et de l'environnement. Ceux-ci s'articulent en deux familles : l'acquisition de connaissances qui sous-tendent les règles et actions de protection, et les recherches à visée opérationnelle, qui permettront de développer des moyens pour gérer les expositions de l'homme et de l'environnement durant la crise ou après l'accident.

Concentration en 137Cs dans l’eau de mer au large du Japon simulé par le logiciel Mars 3D (IRSN-Ifremer) entre le 15 avril et le 26 juillet 2011.
Concentration en 137Cs dans l'eau de mer au large du Japon simulée par le logiciel Mars 3D (IRSN-Ifremer) entre le 15 avril et le 26 juillet 2011.


En terme de connaissances, l'accident de Fukushima remet en lumière de façon aigüe le besoin de progresser dans la compréhension des mécanismes biologiques, qui vont de l'impact des rayonnements ionisants sur les cellules, à leurs effets sanitaires sur les populations. L'IRSN applique ce principe pour sa propre programmation de recherches. Un tel renforcement rend nécessaire le développement de plateformes expérimentales adaptées (mettant en œuvre de manière complémentaires des approches in vivo, ex vivo et in vitro).

Concernant l'environnement, l'IRSN considère prioritaire de mener les travaux d'études et recherche pour que son dispositif de surveillance puisse mettre à disposition rapidement des cartographies précises des zones contaminées, nécessaires outils d'aide à la décision.

 
L'IRSN très impliqué dans Nugenia

Nugenia

L'association internationale Nugenia (Nuclear Generation II & III Association), créée en novembre 2011 et lancée à Bruxelles le 20 mars 2012, vise à coordonner au niveau européen la recherche et développement pour les réacteurs de 2ème et 3ème générations.

Elle rassemble les principales parties prenantes du secteur - industriels, administrations, instituts de recherche et organismes techniques de sûreté - et compte d'ores et déjà une cinquantaine de membres provenant de 17 pays.

L'IRSN est membre du conseil d'administration et coordonne deux groupes de travail : le groupe dédié aux accidents graves (qui inclut le réseau Sarnet, les études probabilistes de sûreté et la gestion de crise) et celui pour l'harmonisation des méthodes (qui s'occupe de recherche prénormative, de pratiques de conception et d'analyse de sûreté, de codes et des normes, et d'internationalisation des pratiques).

 

Participation de l'IRSN au congrès IRPA 13 à Glasgow

Participation de l’IRSN au congrès IRPA 13 à Glasgow

Une quarantaine de chercheurs et ingénieurs de l'IRSN ont participé au 13ème congrès de l'IRPA (International Radiation Protection Association) qui s'est tenu du 13 au 18 mai 2012 à Glasgow, en Écosse, sur le thème « Living with radiation – Engaging with society ».

L'Institut a présidé et animé deux sessions et était invité dans 1 table ronde. Il a par ailleurs présenté 14 communications ainsi que 30 posters qui ont abordé la gestion du risque nucléaire par la société civile, l'épidémiologie, la gestion de crise, la dosimétrie ou la mesure des radionucléides dans l'environnement.

Jad Farah, qui a effectué sa thèse à l'IRSN, a remporté le premier « prix des jeunes professionnels » pour sa communication « Development of a library of Mesh and NURBS female phantoms for pulmonary in vivo body counting studies. »

 

Séminaire de clôture de Phébus PF

Séminaire de clôture de Phébus PF

L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l'Institut pour l'énergie (IE) du Centre commun de recherche de la Commission européenne (EC/JRC) ont organisé, du 13 au 15 juin 2012 à Aix-en-Provence, le séminaire de clôture du programme de recherche Phébus PF.

Ce programme de recherche a permis de réaliser des expériences globales, se rapprochant autant que possible des conditions qui seraient celles d'un réacteur à eau légère accidenté, afin de valider les logiciels de simulation utilisés pour calculer le déroulement d'un accident grave et d'évaluer les rejets radioactifs correspondants dans l'environnement.

 

Propositions de thèses IRSN 2012

La majorité des sujets de thèse proposés par l'IRSN pour l'année 2012 ont été pourvus.

Quelques propositions en sûreté et radioprotection restent toutefois disponibles pour de bons candidats titulaires d'un master 2 recherche dans différentes disciplines scientifiques.

Il reste encore quelques semaines pour postuler : ces sujets sont en ligne sur le site Internet de l'IRSN, rubrique La recherche.

 

Parution du HDR de Agnès François

Appréhender et gérer les lésions radiques digestives : importance de la réaction muqueuse et nouvelles orientations thérapeutiques

Le mémoire d'habilitation à diriger des recherches, soutenue par Agnès François et intitulé Appréhender et gérer les lésions radiques digestives : importance de la réaction muqueuse et nouvelles orientations thérapeutiques vient de paraitre dans la collection HDR de l'IRSN.

Il est consacré à l'étude des conséquences de l'irradiation des tissus digestifs lors de traitements de cancers par radiothérapie avec pour but d'adapter et de faire évoluer les perspectives thérapeutiques concernant le tube digestif, en prenant en compte la globalité des effets secondaires, y compris en dehors du champ d'irradiation (à l'échelle de l'organe ou de l'organisme).

[ Analyses rapides et automatisées ]

En terme de recherche à visée opérationnelle, l'IRSN identifie pour la protection de l'homme le besoin de travaux pour améliorer les techniques de dosimétrie individuelle, d'analyses rapides et automatisées en radiotoxicologie et en cytogénétique, et l'élaboration d'autres outils intégrant l'exposition cumulée dans le temps, pour un grand nombre d'individus. Quant à la protection de l'environnement, l'IRSN va faire progresser sa plateforme de calcul permettant d'évaluer toute la chaine des risques : du dépôt sur le sol, à l'homme via la chaîne alimentaire, qui permet finalement de calculer la dose reçue par l'homme. Les modèles de dispersion des radionucléides dans l'environnement, et notamment sur les côtes et en mer, nécessitent aussi d'accélérer les travaux.

La recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection est un élément majeur de la maîtrise des risques dans les installations, au même titre que les actions de contrôle ou l'accroissement des exigences techniques (au niveau international). Des efforts ciblés doivent mobiliser le système de recherche français, autour de ses acteurs traditionnels que sont l'IRSN et le CEA. Mais pour relever pleinement ce défi, il y aura besoin du soutien des pouvoirs publics et des industriels, et de prendre appui sur les coopérations scientifiques nationales et internationales.

Contact :
Matthieu Schuler
Directeur de la stratégie, du développement et des partenariats
(1) Resoh : Recherche en sûreté organisation hommes.
Incendie - Sûreté nucléaire
L'incendie dans une enceinte confinée et ventilée
L'IRSN a piloté entre 2006 et 2011 le programme expérimental international, Prisme, qui a permis d'étudier les feux en milieu confiné et la propagation des fumées et de la chaleur dans un ensemble de locaux reliés entre eux par une ventilation mécanique. Le programme a permis de mieux comprendre les phénomènes physiques impliqués, et donc de les modéliser pour améliorer les capacités prédictives des logiciels de simulation de l'incendie utilisés dans les études de sûreté des installations nucléaires.

Le feu est l'un des principaux risques qui peut survenir dans un bâtiment industriel. S'il se déclare dans une installation nucléaire, l'enjeu spécifique est de maintenir la sûreté nucléaire, ce qui impose de pouvoir répondre à trois questions principales : comment se propage la chaleur et la fumée d'une pièce à l'autre ? quel est l'impact de la chaleur et de la fumée sur les systèmes importants pour la sûreté ? Comment piloter la ventilation au mieux pour préserver le confinement et limiter la propagation de la chaleur et de la fumée ?

La plupart des outils de simulation des feux modélisent les phénomènes de propagation des fumées. Mais peu d'entre eux prennent en compte l'interaction de l'incendie avec un réseau de ventilation. Or les données expérimentales étaient insuffisantes pour valider les simulations des logiciels dans le cas de feux dans des pièces confinées et ventilées mécaniquement. C'est la finalité du programme international Prisme, regroupant une vingtaine de partenaires, qui a été mené par l'IRSN sous les auspices de l'OCDE.

Hotte Saturne

Hotte Saturne

Au cours du programme Prisme, des méthodes expérimentales ont été mises au point pour déterminer la puissance d'un foyer en milieu confiné et ventilé. Ces méthodes sont nécessaires pour évaluer la puissance d'un foyer dit complexe, c'est-à-dire un foyer composé de combustibles solides hétérogènes, pouvant présenter des géométries quelconques.

La puissance d'un foyer est une grandeur élaborée à partir d'un bilan thermique ou d'un bilan des espèces chimiques. Ces méthodes ont été tout d'abord validées sur des foyers simples, comme
des feux de gaz ou de nappes liquides, puis appliquées à des foyers complexes comme des câbles ou une armoire électriques. Ici, la hotte d'extraction Saturne, pour évaluer la puissance du feu en atmosphère libre.



[ Gaz chauds, fumées et ventilation ]


L'objectif du programme était d'étudier les différents mécanismes impliqués dans la diffusion des gaz chauds et de la fumée d'une pièce en feu vers les pièces adjacentes, par toutes sortes de passages (portes ouvertes, interstices de portes fermées, trous d'aération, tuyaux, etc.), et sous l'action de la ventilation. Les expériences ont été réalisées dans les installations de l'IRSN, Diva et Saturne. L'installation Diva est constituée de 4 pièces reliées entre elles par des portes et un système de ventilation ; elle est équipée d'environ 800 voies de mesure (pression, température des gaz et des murs, perte de masse du combustible, concentrations de gaz et de suies, flux de chaleur, débits de ventilation, etc.). La hotte d'extraction Saturne permet quant à elle d'évaluer, en atmosphère libre, les paramètres de combustion tels que la puissance du feu ou la chaleur de combustion d'un foyer. Les foyers des essais Prisme sont soit des nappes d'hydrocarbure(1), soit des équipements tels que des câbles ou une armoire électrique. Ils sont d'abord étudiés en atmosphère libre. Puis l'effet, sur ces foyers, du confinement et de la « viciation » de l'atmosphère par les produits de la combustion est évalué pour différentes configurations de ventilation.

Cinq campagnes expérimentales ont été menées entre début 2006 et mi-2011, comprenant plus de 35 expériences à échelle réelle. La campagne Prisme Source a mis en œuvre un seul local ventilé. Elle a reproduit l'effet de la sous-oxygénation, induite par la viciation de l'atmosphère, sur la façon dont évolue la puissance d'un feu d'une nappe d'hydrocarbure en fonction du débit de ventilation. Les campagnes expérimentales suivantes ont porté sur l'écoulement de la fumée et des gaz chauds au travers de portes ouvertes entre deux ou trois locaux, de trous d'aération ou des fuites d'une porte coupe-feu. Enfin ont été réalisés les essais dits « intégraux»  où toutes les pièces de l'installation ont été utilisées, avec des foyers complexes ainsi que l'activation des systèmes d'extinction d'incendie (notamment des sprinklers) ou des clapets coupe-feu sur la ventilation.


[ Effet de la ventilation sur la puissance du feu ]

Le programme Prisme a ainsi permis de mieux comprendre l'effet de la ventilation sur la puissance d'un feu qui se déclare dans une pièce confinée et ventilée, et notamment sur la durée de l'incendie. Selon le taux de renouvellement de la ventilation, il est possible que le feu s'éteigne rapidement en raison de la décroissance de l'oxygène. Mais les essais de Prisme ont montré que le feu peut également se prolonger. En effet, un équilibre peut s'établir entre l'air provenant de la bouche de soufflage de la ventilation et la puissance du foyer : le combustible se consume alors lentement et en totalité. Par exemple, le même foyer peut durer 2,5 fois plus longtemps qu'en atmosphère libre dans un local ventilé avec un taux de renouvellement horaire de 4,7. L'apport majeur est une meilleure compréhension de l'effet de la sous-oxygénation sur l'évolution de la puissance du feu.

Essai de feu de câbles électriques.
Essai de feu de câbles électriques.


Par ailleurs, des essais, mettant en œuvre des parois calorifugées, ont montré le rôle du rayonnement thermique des gaz sur la puissance du feu. Dans ce cas, l'énergie produite par le feu ne se dissipe pas par les parois et contribue à échauffer les gaz. Les flux de chaleur supplémentaires venant des gaz chauds augmentent la vaporisation du combustible (pyrolyse) ce qui a pour effet d'augmenter la puissance du feu. Des modèles corrélatif et analytique de pyrolyse ont pu être développés. Ces modèles permettent d'améliorer l'estimation de l'évolution temporelle du feu en milieu confiné et ventilé à partir d'une donnée d'entrée obtenue en atmosphère libre.


[ Convection mixte ]

Le programme Prisme a aussi permis de quantifier l'effet, sur la propagation des fumées, de la convection « mixte » qui combine la convection forcée créée par la ventilation, et la convection naturelle induite par la forte température des fumées. La ventilation mécanique de la pièce incendiée peut significativement modifier les écoulements de gaz qui s'établissent naturellement au niveau d'une porte ouverte entre deux locaux. Selon le réseau de ventilation, la ventilation mécanique contribue à déséquilibrer les flux entrant et sortant de la pièce incendiée, et à changer la position du plan neutre (hauteur à laquelle les vitesses d'écoulements sont nulles en raison de l'inversion des débits) au niveau de la porte.

Schéma de l’installation Diva et de son réseau de ventilation.
Schéma de l'installation Diva et de son réseau de ventilation.

Vues de dessus (haut), de front (bas, gauche) et de côté d’un test (test PRS_LK4) avec fuites des fumées à travers les côtés de la porte coupe-feu et via la bouche d’aération.
Vues de dessus (haut), de front (bas, gauche) et de côté d'un test (test PRS_LK4) réalisé dans deux pièces de l'installation Diva avec fuites des fumées à travers les côtés de la porte coupe-feu et via la bouche d'aération.

 

[ De nouveaux modèles pour les logiciels ]

Le volume de données collectées pendant ce programme a permis d'évaluer la capacité des logiciels à simuler différents scénarios d'incendie. Les nouveaux modèles, notamment de pyrolyse, ont été implantés dans les logiciels des différents partenaires (les logiciels Sylvia et Isis pour l'IRSN) et validés grâce aux données expérimentales obtenues au cours de ce programme.

De plus, des intercomparaisons de logiciels ont été organisées par l'IRSN dans le cadre d'un groupe adossé au programme Prisme : les différents partenaires ont confronté les résultats de simulations d'incendie aux données expérimentales. Ce groupe a notamment testé et analysé plusieurs « métriques », indicateurs utilisés pour évaluer objectivement les écarts entre données expérimentales et les résultats de simulation lors du processus de validation. Parmi celles préconisées par les normes, deux métriques se sont révélées complémentaires pour évaluer la capacité des logiciels à simuler un incendie. La première métrique évalue la différence relative des résultats numériques et expérimentaux pour des valeurs locales, comme des extremums. La seconde métrique est la distance euclidienne normalisée qui permet d'évaluer l'écart entre les résultats numériques et expérimentaux sur la durée du feu. Cette métrique se comporte comme une mesure d'erreur globale.

Une étude de sensibilité a également été réalisée avec six logiciels de calcul différents, dont celui de l'IRSN, Sylvia. L'influence de six paramètres d'entrée (puissance du feu, fraction radiative de la flamme, propriétés thermiques des parois, etc.) a été testée pour le calcul de neuf grandeurs d'intérêt (la température des gaz et des murs, la concentration d'oxygène, les flux de chaleur, etc.). Pour tous les logiciels, les résultats montrent que le paramètre d'entrée le plus influent est la puissance du feu, ce qui montre la nécessité de poursuivre les efforts pour améliorer sa détermination par modélisation.

Ces résultats encourageants ont conduit à proposer une suite aux partenaires étrangers. Un second programme Prisme a donc été lancé en juillet 2011 pour répondre à des questionnements qui n'avaient pas pu être abordés comme la propagation de gaz entre deux locaux superposés, la propagation d'un incendie sur plusieurs chemins de câbles ou encore sur l'étude de la performance des systèmes d'extinction.

Collaboration Sandia National Laboratories (SNL) ; Nuclear Regulatory Commission (NRC) ; OCDE.

Contact :
Laurence Rigollet
(Service des agressions internes et des risques industriels - SA2I)
(1) TPH = Tetra-Propylene Hydrogenaté, C12H26.
Congrès : les résultats ont été présentés durant un séminaire international le 30 mai 2012 à Aix en Provence.
+++ Pretrel H., « Pressure variations induced by a pool fire in a well-confined and force-ventilated compartment », Fire Safety Journal, publication acceptée en 2012.
+++ Pretrel H. et al. « Experimental Determination of Fire Heat Release Rate with OC and CDG Calorimetry for Closed and Ventilated Compartments scenario » FAM, publication acceptée en 2012.
 
Aktis 9 Focus accroche
Epidémiologie - Exposition chronique - Radioécologie - Radioprotection - Radiotoxicologie
Faibles doses chroniques de rayonnements
L'extrapolation des effets sanitaires observés aux fortes doses de rayonnement à ceux attribués aux faibles doses ne résulte pas d'une réalité scientifique, mais d'un choix effectué pour guider les actions de gestion de la radioprotection. Dans le contexte des accidents de Tchernobyl ou de Fukushima, où des territoires sont contaminés durablement, les populations sont susceptibles d'être soumises de façon chronique à de faibles doses et s'interrogent sur les conséquences pour leur santé. L'IRSN mène depuis plusieurs années des études sur les effets des faibles doses, tant d'un point de vue macroscopique pour extrapoler à un écosystème l'effet sur des animaux individuels, que d'un point de vue mécanistique aux niveaux subcellulaires, et enfin sur des populations identifiées comme exposées au risque.

L’observation histologique par microscope électronique à transmission (TEM) montre un précipité d’uranium dans le noyau d’une cellule épithéliale prélevée sur le tube digestif d’un Danio Rerio adulte après 37 jours d’exposition à l’uranium appauvri (420 nM dans l’eau). D’autres observations montrent des dégénérescences des muqueuses. Il n’y a cependant pas de lien clair dose/effet pour les dommages à la paroi intestinale.  
L'observation histologique par microscope électronique à transmission (TEM) montre un précipité d'uranium dans le noyau d'une cellule épithéliale prélevée sur le tube digestif d'un Danio Rerio adulte après 37 jours d'exposition à l'uranium appauvri (420 nM dans l'eau). D'autres observations montrent des dégénérescences des muqueuses. Il n'y a cependant pas de lien clair dose/effet pour les dommages à la paroi intestinale.  
De nouveaux résultats sur les effets de l'uranium sur des organismes aquatiques


Deux thèses soutenues cette année par Starrlight Augustine et Simone Al Kaddissi apportent de nouveaux éléments de compréhension sur la toxicologie de l'uranium dans l'environnement.

Dans le cadre de son programme Envirhom-eco, l'IRSN conduit des recherches pour améliorer l'évaluation du risque écologique lié à l'exposition chronique à des radionucléides en faibles doses (notamment l'uranium, principal combustible des réacteurs nucléaires). À ce titre, les thèses de Starrlight Augustine et de Simone Al Kaddissi proposent deux approches innovantes : la première, une modélisation du métabolisme du poisson zèbre Danio rerio, qui permet désormais d'appréhender le mode d'action de l'uranium et plus généralement d'autres polluants à l'échelle de l'individu ; la seconde, l'étude de la toxicité de l'uranium sur un nouveau modèle animal, l'écrevisse Procambarus clarkii en vue d'évaluer son potentiel en tant que bioindicateur.


[ DEB, une théorie unificatrice ]

Les processus physiologiques affectés (aux niveaux moléculaire, cellulaire et tissulaire) lors de l'exposition des organismes à l'uranium ont été relativement bien étudiés chez les poissons. Néanmoins, comment ces différents effets se répercutent-ils sur les grandes fonctions telles que la croissance et la reproduction, paramètres clés pour la démographie des populations ? C'est l'objectif de la recherche de Starrlight Augustine sur le poisson zèbre, modèle courant de vertébré inférieur, organisme modèle en écotoxicologie et dont le génome est entièrement séquencé.

Elle a tiré parti d'une approche de plus en plus utilisée en écotoxicologie, le bilan dynamique d'énergie (DEB en anglais). En fonction de la nourriture disponible et de la température, la théorie DEB permet d'estimer comment les performances de grands processus physiologiques tels que la croissance, la reproduction ou le développement sont impactées par un polluant donné (radionucléides, métaux). L'intérêt de cette théorie est que les résultats obtenus à des stades critiques du cycle de vie animal et durant des expériences de courte durée relativement à la longévité de l'organisme (environ 4 ans) sont extrapolables à tout le cycle de vie de l'animal, voire à toute une population.


[ À l'échelle des individus ]

Starrlight Augustine a évalué l'impact de l'uranium sur les grands processus physiologiques en évaluant les perturbations du métabolisme énergétique de poissons zèbres exposés à l'uranium par comparaison à celui de poissons zèbres témoins. À partir de données acquises pendant sa thèse, complétées par celles de thèses antérieures (Stéphanie Bourrachot, 2009, et Sabrina Barillet, 2007), elle a paramétré le modèle DEB sur un poisson zèbre témoin puis évalué l'effet de l'uranium sur l'énergie nécessaire à la croissance et à la reproduction de poissons adultes. Elle a ainsi montré que l'uranium perturbe le métabolisme énergétique pendant tout le cycle de vie, de l'embryon à l'adulte : notamment, il augmente l'énergie nécessaire à la croissance pour les larves et à la « maintenance »GLO pour les adultes. Ce modèle montre que l'uranium perturbe le métabolisme énergétique dès lors qu'il est internalisé. Ce travail a aussi montré de grandes disparités physiologiques d'un individu à l'autre. Il est donc important d'étudier l'impact physiologique d'un polluant d'abord à l'échelle des individus avant d'envisager l'effet sur un groupe, plutôt que de se fonder sur des moyennes qui rendent l'interprétation hasardeuse. En effet, l'état initial de chaque individu, notamment des adultes (longueur, quantité d'œufs matures) conditionne largement les résultats.
 

  Simone Al Kaddissi a choisi d’étudier l’écrevisse Procambarus clarkii.
  Modèle biologique P. clarkii : image optique de l'hypervacuolisation de tubules de l'hépatopancréas (coupe transversale) après exposition à l'uranium.

[ Toxicité chimique ]

L'uranium peut induire sur les organismes vivants une toxicité radiologique mais aussi chimique, cette dernière étant connue pour être prépondérante dans le cas de l'uranium appauvri.

Comme les autres métaux lourds, l'uranium appauvri peut notamment produire des radicaux libres, source de stress oxydant. Simone Al Kaddissi a choisi de comparer la toxicité de l'uranium à celle du cadmium, métal couramment utilisé dans l'industrie, que l'on retrouve dans les écosystèmes aquatiques et dont on connait l'action notamment sur le stress oxydant. Elle a mené sa thèse sur l'écrevisse Procambarus clarkii, un organisme qui vit un peu partout en eau douce et qui présente l'intérêt d'être consommé par l'homme.

Pour réaliser cette comparaison, elle a analysé la façon dont les deux contaminants altèrent l'expression des gènes et des enzymes impliqués dans certains mécanismes physiologiques majeurs de l'écrevisse : le stress oxydant (via les gènes mt et sod(Mn)(2)), le métabolisme mitochondrial (avec le gène atp6)(3) et le fonctionnement de la chaîne respiratoire. À concentration de contaminants identique et forte (40 µM), l'uranium appauvri génère plus de stress oxydant que le cadmium engendrant pour le premier une surexpression du gène sod(Mn) et pour le second du gène mt. Or, c'est le cadmium le plus toxique : 30 % mortalité au lieu de 10 % pour l'uranium. À plus faible concentration (0,1 µM), l'uranium provoque également moins d'altérations cellulaires et tissulaires que le Cd. Il serait en effet précipité dans les tissus, un phénomène qui réduit sa chimiotoxicité, déjà observé chez deux modèles biologiques, la palourde asiatique et le poisson zèbre. Des résultats similaires ont été montrés pour le métabolisme des mitochondries et la chaîne respiratoire. L'analyse des gènes montre donc que le cadmium est chimiquement plus toxique que l'uranium à toutes les doses.


[ Organisme sentinelle ]

La doctorante a aussi cherché à discriminer radiotoxicité et chimiotoxicité de l'uranium. Pour ce faire, elle a exposé des lots d'écrevisses à de l'uranium appauvri et à de l'233U. Malgré une radioactivité de l'233U 15 000 fois plus forte, les effets biologiques observés sont du même ordre. Dans ces conditions d'exposition, la toxicité de l'uranium est donc avant tout due à ses propriétés chimiques. Ces résultats montrent que l'écrevisse P. clarkii se révèle être un « organisme sentinelle », bioindicateur idéal pour le suivi de contamination dans l'environnement. D'autre part, l'ensemble des gènes étudiés s'avèrent être d'excellents biomarqueurs de l'exposition à l'uranium ou au cadmium.

 

Coloration histologique de la moelle osseuse de souris normale par la méthode HES. Les noyaux cellulaires sont colorés en pourpre et le cytoplasme en rose. Les espaces blancs correspondent aux cellules graisseuses (adipocytes), dont les lipides ne sont pas colorés par cette méthode.  
Coloration histologique de la moelle osseuse de souris normale par la méthode HES. Les noyaux cellulaires sont colorés en pourpre et le cytoplasme en rose. Les espaces blancs correspondent aux cellules graisseuses (adipocytes), dont les lipides ne sont pas colorés par cette méthode.  

Contamination chronique à faible concentration de césium ou de strontium : quelles avancées ?

Des travaux récents ont précisé comment le strontium 90 et le césium 137 ingéré chroniquement à de faibles concentrations s'accumulent à long terme dans l'organisme des souris.

Le programme Envirhom-Santé de l'IRSN vise à évaluer les risques d'une contamination interne à faible concentration sur les grandes fonctions de l'organisme humain dans des situations post-accidentelles. Ces recherches expérimentales ont récemment permis de mieux comprendre la biocinétiqueGLO du strontium 90 (90Sr) et celle du césium 137 (137Cs), ainsi que les effets du 137Cs à faibles doses sur les systèmes immunitaire et hématopoïétiqueGLO.


[ Contamination par l'eau de boisson ]

Les expériences ont été menées sur des souris qui ingèrent quotidiennement du 90Sr ou du 137Cs via leur eau de boisson contaminée à hauteur de 20 kilobecquerels de radionucléide(1) par litre. Pour le 90Sr, deux modèles de contamination ont été étudiés. Le premier correspond à une contamination à l'âge adulte pendant 20 semaines. Pour le second, la contamination commence avant l'accouplement des parents et perdure pour les descendants jusqu'à l'âge de 20 semaines. Pour le 137Cs, seul le second modèle expérimental a été utilisé.

Ces études ont montré que le 137Cs se répartit dans tout l'organisme des animaux, avec une accumulation un peu plus élevée dans les muscles et les reins. Dans le cas du 90Sr, les expériences ont confirmé les résultats de travaux antérieurs : il se concentre exclusivement dans les os. Par ailleurs, le 90Sr s'accumule davantage dans l'organisme des souris femelles que dans celui des mâles ; il en est de même pour les jeunes par rapport aux adultes en raison d'un métabolisme osseux plus actif. Ces résultats permettent de mieux cibler l'étude des effets non cancéreux de l'ingestion chronique de radionucléides sur les systèmes physiologiques les plus contaminés.


[ Des doses absorbées similaires ]

Les doses absorbées résultant de la contamination par ingestion de 137Cs ou de 90Sr ont été calculées à partir des concentrations en radionucléides trouvées dans les expériences de biocinétique et suivant un modèle « rat » publié par la Commission internationale de protection contre les rayonnements (CIPR, publication 108). Malgré les hypothèses simplificatrices adoptées pour l'appliquer à la souris, le modèle reste pertinent. La dose absorbée par le corps entier au bout de 20 semaines d'ingestion est estimée à 9 milliGray pour le 137Cs et à 10 milliGray pour le 90Sr.

La moelle osseuse, organe principal de fabrication des cellules du sang, est contaminée à faible niveau par le 137Cs. Aucun changement n'a été observé dans ce système physiologique. Les études sont actuellement en cours pour le 90Sr, qui, du fait de l'accumulation de ce radionucléide dans l'os, pourrait avoir des effets importants sur la moelle osseuse.

 

  Effets sanitaires de l'exposition chronique des travailleurs du nucléaire à de faibles doses
  Excès de risque relatif par Sv pour les décès par cancers solides et intervalle de confiance à 90 % estimé dans l'étude actuelle CEA-AREVA NC, les études chez les travailleurs du nucléaire sélectionnées et l'étude de la LSS.
* Les ERR/Sv tous cancers solides n'étant pas disponibles dans toutes les études, les résultats tous cancers hors leucémies sont présentés pour l'étude NRRW et l'étude 3 pays et, les résultats tous cancers combinés pour l'étude du NRDC.
NRDC : National Dose Registry of Canada - NRRW : National Registry of Radiations Workers - LSS : Life Span Study.

Effets sanitaires de l'exposition chronique des travailleurs du nucléaire à de faibles doses

Une étude épidémiologique a été réalisée durant la thèse de Camille Metz à l'IRSN sur une cohorte de près de 37 000 travailleurs du nucléaire, pour étudier les effets sanitaires d'une exposition chronique aux rayonnements ionisants.

Le système de gestion de la radioprotection est fondé sur des hypothèses établies à partir de l'étude des survivants de Hiroshima et Nagasaki. Sa pertinence se vérifie par l'estimation directe des risques induits à long terme par de faibles doses de rayonnements ionisants à de faibles débits. L'un des moyens pour y parvenir est le suivi épidémiologique de personnes qui ont reçu des doses de rayonnements de manière chronique, telles que les travailleurs du nucléaire du CEA et d'Areva NC (ex- Cogéma) dont la cohorte a été étudiée par Camille Metz durant sa thèse.


[ Analyse statistique de la cohorte ]

Camille Metz est partie d'une cohorte initiale caractérisée au cours de travaux antérieurs et l'a élargie en validant davantage d'informations de surveillance radiologique : elle est maintenant constituée de 36 769 personnes qui ont travaillé plus d'un an au CEA ou à Areva-NC entre 1950 et 1994. Chaque travailleur a été surveillé pour son exposition professionnelle aux rayonnements ionisants. 57 % des travailleurs ont été exposés aux rayonnements ionisants, et ont reçu une dose externe moyenne cumulée de 21,7 milliSieverts. Le suivi de la mortalité, y compris après la fin de l'activité professionnelle, a été complété jusqu'en 2004. L'âge moyen à la fin du suivi est de 60 ans. Avec moins de 1 % de personnes perdues de vue, il s'agit de la cohorte la plus informative de France sur les risques à long terme des travailleurs du nucléaire.

Puis elle a étudié les causes des 5543 décès observés dans cette cohorte entre 1968 et 2004, en les comparant aux taux nationaux de décès(4). L'existence d'une relation entre ces décès et l'exposition aux rayonnements ionisants a été étudiée en développant un modèle d'excès de risque relatif à l'aide de deux méthodes statistiques différentes (régression de Poisson et modèle de Cox).


[ Risque de leucémie et dose d'exposition ]

Des excès significatifs de cancers de la plèvre et du mélanome ont été observés dans la cohorte étudiée, mais ils ne sont pas corrélés avec le niveau de dose reçu ; cette corrélation serait un élément important pour établir un lien dose-effet. Aucune association significative avec la dose n'a non plus été identifiée pour les décès par cancers solides, cancer du poumon et maladies cardiovasculaires. En revanche, une relation significative a été mise en évidence entre la dose de rayonnement et le risque de décès par leucémie, ce qui suggère un risque de leucémie associé à l'exposition chronique externe. Ce dernier risque serait plus important dans les 15 ans suivant l'exposition ; il le serait aussi pour des doses de plus de 10 mSv/an.

Ce bilan nécessite des investigations complémentaires, en particulier pour intégrer les incertitudes qui affectent l'évaluation des doses reçues. Si l'ampleur de la cohorte garantit déjà aux résultats de cette thèse une meilleure précision statistique que celle obtenue lors de travaux précédents, cette précision pourrait être améliorée en augmentant encore la taille de la cohorte étudiée. Une étude en projet, qui devrait inclure les travailleurs d'EDF, portera la nouvelle cohorte à 70 000 personnes.

Contacts :
Jean-Marc Bertho
(Laboratoire de radiotoxicologie expérimentale-LRTox)
Christelle Adam-Guillermin
(Laboratoire d'écotoxicologie des radionucléides)
Olivier Simon
(Laboratoire de biogéochimie, biodisponibilité et transferts des radionucléides - L2BT)
Camille Metz
(Laboratoire d'épidémiologie des rayonnements ionisants - Lepid)
(1) Ce niveau d'ingestion chronique est représentatif de l'exposition de populations vivant sur les territoires contaminés de l'accident de Tchernobyl.
(2) sodMn : gène codant pour l'enzyme superoxydedismutasemitochondriale, protégeant les cellules du radical superoxyde de l'oxygène (O2.-).
(3) atp6 : gène codant pour l'enzyme ATP synthase à l'origine de la génération d'ATP, source d'énergie cellulaire.
(4) L'état de santé d'une population professionnelle semble paradoxalement meilleur que celui de la population générale, qui inclut des inactifs dont certains pour raisons de santé. Ceci induit un biais appelé « l'effet du travailleur sain » (Healthy Worker Effect). Cet effet est fort dans le cas de la cohorte CEA-Areva NC.
 
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