Savoir et comprendre

Impact environnemental d’un accident nucléaire : comparaison entre Tchernobyl et Fukushima

01/03/2013

 

Rappel des circonstances des deux accidents

 

Accident de Tchernobyl (26 avril 1986) : L’accident est du à une augmentation brutale et incontrôlée de la réaction nucléaire (x 100), entraînant l’explosion du cœur du réacteur, la destruction du bâtiment et un incendie du graphite du réacteur.

 

Accident de Fukushima (11 mars 2011) : L’accident est du à la perte des alimentations électriques et des sources de refroidissement des réacteurs. Cela à entraîne la dégradation du combustible nucléaire puis la fusion du cœur de 3 réacteurs, suivie de décompressions des enceintes de confinement et d’explosions d’hydrogène.

 

Conséquences sur les installations

 

A Tchernobyl (image de gauche), le réacteur est entièrement éventré et le combustible s’est dispersé autour de l’installation. A Fukushima Daiichi (image de droite), les réacteurs sont restés intègres : il y a eu des explosions et des fuites, mais le combustible ne s’est pas retrouvé à l’air libre.

 

A gauche, le réacteur de Tchernobyl, à droite, les 4 réacteurs endommagés de Fukushima Daiichi. © IRSN

Légende : A gauche, le réacteur de Tchernobyl, à droite, les 4 réacteurs endommagés de Fukushima Daiichi.

 

Les rejets radioactifs dans l’air

 

A Tchernobyl, le combustible étant à l’air libre, les rejets ont été continus durant une dizaine de jours. Il y a eu des émissions massives et des retombées massives.

 

Dans le cas de Fukushima Daiichi, il s’agit d’une suite d’événements, une quinzaine d’épisodes de rejets discontinus qui ont eu lieu durant 12, 13 jours.  

 

Rejets radioactifs dans l’atmosphère lors de l’accident de Tchernobyl (à gauche) et l’accident de Fukushima Daiichi (à droite).

Légende : Rejets radioactifs dans l’atmosphère lors de l’accident de Tchernobyl (à gauche) et l’accident de Fukushima Daiichi (à droite).

 

En termes de radionucléides rejetés, il y a bien entendu des radionucléides qui sont communs aux deux accidents : les gaz rares, les radionucléides à vie courte (iodes et tellures radioactifs) qui vont être déterminants pour la dose reçue lors du passage du panache radioactif, et les césiums radioactifs qui vont former les dépôts et qui seront prépondérants par la suite pour ce qui concerne l’irradiation externe des populations.

 

Radionucléides rejetés dans l’atmosphère lors des 2 accidents. © IRSN

Légende : Radionucléides rejetés dans l’atmosphère lors des 2 accidents.

 

Comparaison de la radioactivité globale rejetée dans l’atmosphère

 

En termes de gaz rares, les rejets ont été équivalents pour les deux événements. Pour les iodes et les tellures à vie courte, il y a eu 10 fois plus de rejets lors de l’accident de Tchernobyl. Pour les césiums, il y a eu trois fois plus de rejets dans l’atmosphère pour Tchernobyl. Cependant, à Fukushima, il y a également eu 27 PBq de rejets liquides de césium radioactifs. 

 

Pour tous les autres radionucléides, et en particulier le strontium 90 et le plutonium, il y a une différence majeure qui est liée aux circonstances de l’accident : dans le cas de Tchernobyl, le réacteur ayant explosé, le combustible a été dispersé et on a trouvé du plutonium et du strontium 90 de manière massive dans l’environnement. A Fukushima, on n’a trouvé que des traces de ces radionucléides dans l’environnement.
 

 

Comparaison de la radioactivité globale rejetée dans l’atmosphère lors des 2 accidents.

Légende : Comparaison de la radioactivité globale rejetée dans l’atmosphère lors des 2 accidents.

 

Les dépôts rémanents de césium 137 à l’échelle locale

 

En regardant les cartes des dépôts, on voit bien l’impact de la météorologie. A Fukushima, on voit des dépôts importants au Nord-Ouest qui sont liés à des vents soufflant du sud-est et aux pluies. 

 

En termes de dépôts en césium total, à Fukushima on est arrivé au maximum à des dépôts de 3 millions de becquerels par m². Dans le cas de Tchernobyl, on est à 20 millions de becquerels par m² dans les zones les plus contaminés.

 

Cartes des dépôts rémanents de césium 137 à l’échelle locale. A gauche Tchernobyl, à droite Fukushima.

Légende : Cartes des dépôts rémanents de césium 137 à l’échelle locale. A gauche Tchernobyl, à droite Fukushima.

 

Les dépôts rémanents de césium 137 à l’échelle régionale/continentale

 

En termes d’étendues des zones impactées, on a au Japon un événement d’importance régionale avec des dépôts qui s’étendent jusqu’à 250 kilomètres de la centrale accidentée.

 

Dans le cas de Tchernobyl, on a un événement qui est à l’échelle continentale, on note des dépôts relativement significatifs jusqu’en Grèce au sud, en Russie à l’est, en Scandinavie au nord et au Pays de Galle à l’ouest.

 

On est donc à deux échelles différentes, mais on retrouve le même type de dépôts en « taches de léopard ». Ces taches sont une conséquence directe de la météorologie locale lors du passage du panache radioactif.

 

Cartes des dépôts rémanents de césium 137 à l’échelle régionale/continentale

Légende : Cartes des dépôts rémanents de césium 137 à l’échelle régionale/continentale

 

Superficie des territoires ayant reçu des dépôts de césium 137

 

Dans le cas de l’accident de Fukushima, on estime que près de 24 000 km² ont reçu un dépôt de césium 137 supérieur à 10 000 Bq/m². Par comparaison, suite au passage du panache radioactif de Tchernobyl au dessus du territoire français en 1986, les zones les plus contaminées étaient de l’ordre de 20 000 à 30 000 Bq/m². 

 

Si on s’intéresse aux zones les plus contaminées, c'est-à-dire celles où vont apparaitre les premiers impacts sanitaires, à des niveaux de contamination supérieurs à 600 000 Bq/m², cela représente environ 600 km² pour l’accident de Fukushima contre 13 000 km² pour l’accident de Tchernobyl.

 

Superficie des territoires ayant reçu des dépôts de césium 137 lors de l’accident de Fukushima Daiichi.

Légende : Superficie des territoires ayant reçu des dépôts de césium 137 lors de l’accident de Fukushima Daiichi.

 

Contamination des denrées alimentaires

 

Il y a plusieurs points communs entre Tchernobyl et Fukushima concernant la contamination des denrées alimentaires :

  • Les denrées les plus sensibles aux retombées radioactives ont été les légumes à feuilles, le lait (car les vaches ont brouté de l’herbe contaminée) et, par la suite, la viande.
  • Les niveaux de contamination les plus élevés dans les légumes à feuilles et le lait ont été observés dans les semaines suivant l’accident et ont nettement diminué par la suite.

Ainsi, si on prend l’exemple de la contamination des épinards cultivés dans la préfecture de Fukushima. En moins d’un mois, la contamination en iode a diminué et est repassée sous le seuil de commercialisation de 2000 Bq/Kg. Deux facteurs sont entrés en jeu : d’une part la décroissance des iodes (dont la période radioactive est de 8 jours), et d’autre part la croissance naturelle de la plante qui grandit et dilue alors la radioactivité. Du côté des césiums, la contamination est repassée sous le seuil de commercialisation de 500 Bq/Kg en un mois et demi.

 

Evolution de la contamination en iode 131 et césiums 134+137 des épinards de la préfecture de Fukushima (données MHLW).

Légende : Evolution de la contamination en iode 131 et césiums 134+137 des épinards de la préfecture de Fukushima (données MHLW).

 

Il y a également de fortes différences entre les deux accidents.

 

L’accident de Tchernobyl s’est produit au printemps, alors que la végétation était déjà très développée. Les plantes occupaient une surface importante et ont donc fortement capté la radioactivité, entrainant une contamination importante des denrées alimentaires. De plus, le bétail était en pâture dehors et a donc ingéré la radioactivité. Ceci explique la forte contamination des légumes à feuilles et du lait.

 

En revanche, l’accident de Fukushima s’est déroulé pendant l’hiver (mois de mars), avec une végétation peu développée (peu de surface foliaire et donc peu de captage), et la présence de neige a eu un rôle protecteur vis-à-vis des végétaux. Les pratiques d’élevage (vaches à l’intérieur nourries avec du fourrage récolté avant l’accident) semblent avoir limité les fortes contaminations des denrées.

 

Evolution entre mars et mai 2011 de la contamination en césium 137 et comparaison avec les valeurs attendues

Légende : Evolution entre mars et mai 2011 de la contamination en césium 137 d’échantillons de lait et d’herbe d’Itate, et comparaison avec les valeurs attendues.

 

Conclusions

 

La gravité d’un accident ne doit pas être évaluée uniquement par l’importance des rejets radioactifs. Les conditions météorologiques au moment des rejets ont un rôle déterminant (sens du vent, épisodes pluvieux ou neigeux…) sur l’importance et l’étendue de la contamination radioactive. Les conditions environnementales et la saison ont également une influence importante. Au Japon, la situation en bord de mer de la centrale a entrainé une contamination marine, mais les forts courants ont permis une dilution rapide de la radioactivité.

 

Les conséquences de ces accidents majeurs ne se limitent pas aux effets sanitaires potentiels. Dans les deux cas, on se retrouve avec des territoires durablement contaminés, des conséquences sociales et économiques importantes avec le bouleversement de la vie de nombreuses personnes (environ 150 000 personnes au Japon, environ 270 000 autour de Tchernobyl).