Savoir et comprendre

Mieux prévenir et traiter les effets sanitaires

21/05/2012

​​​​(Mise à jour) Pour un bilan actualisé en 2021, lire notre dossier « Tchernobyl, 35 ans ​après »​​
L’évaluation des effets sanitaires montre que ce sont avant tout les effets des fortes doses et les cancers de la thyroïde.

 

Prévention des cancers de la thyroïde

Comme l’a montré l’accident de Tchernobyl, le risque médical qui concerne le plus grand nombre de personnes est un excès de cancers de la thyroïde. Dû principalement aux iodes radioactifs, ce risque apparaît primordial, notamment chez les enfants. D’où la mise en place de prévention par l’iode stable. Le principe de cette prévention est d’absorber de l’iode stable qui est absorbé par la thyroïde, à la manière d’une éponge. Une fois saturée, la thyroïde absorbera très peu d’iode et donc très peu d’iode radioactif.

 

Traitement des grands irradiés

Le traitement chirurgical associé à la greffe de peau a été longtemps considéré comme le traitement de référence des brûlures radiologiques. Le retour d’expérience clinique montre que cette prise en charge est complexe et nécessite pour les cas les plus sévères des actes chirurgicaux répétés et donc des temps d’hospitalisation long et un coût significatif.

Les recherches menées par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) en partenariat avec le Service de Santé des Armées (SSA) ont pour objectif la mise en place d’un traitement innovant alliant une chirurgie guidée par la dosimétrie et une thérapie cellulaire, dans l’objectif d’assurer de meilleurs résultats cliniques dans la prise en charge des brûlures. Une validation de cette approche innovante de traitement des brûlures radiologiques par injection de cellules stromales mésenchymateuses (CSM) autologues a été obtenue sur un modèle de petit animal (rongeur) et sur un modèle de gros animal («mini-pig»).

Le protocole optimal fait appel à des injections localisées et répétées (4 à 6 injections) de CSM autologues. Les modes d’action des CSM issues de la moelle osseuse reposent sur la sécrétion de facteurs modulateurs de l’inflammation, ceux des CSM issues du tissu adipeux sur la capacité de ces cellules à se différencier en cellules endothéliales et à secréter des facteurs pro-angiogéniques nécessaires à la cicatrisation des tissus irradiés. La proximité des équipes de recherche (IRSN), de production des CSM (Centre de Transfusion des Armées, CTSA) et de chirurgiens (Hôpital d’Instruction des Armées, HIA Percy) a facilité le transfert clinique de cette recherche et l’optimisation des protocoles cliniques. Depuis 2006, 9 patients ont pu bénéficier de ce nouveau traitement sous l’égide de l’AIEA.

Ce traitement fait à ce jour l’objet d’une autorisation de l’ANSM en tant que Médicament de Thérapie Innovante produit ponctuellement (MTI-PP). Dans le respect du code de déontologie médicale, un partage des connaissances médicales au bénéfice du patient et pour les progrès des soins de santé a été entrepris ces dernières années, notamment avec les pays d’Amérique latine et d’Amérique du Sud.
Cette action menée sous l’égide de l’AIEA contribue à la diffusion de l’excellence médicale et scientifique française dans ce domaine spécifique. Fort de cette réussite, de nouvelles perspectives ont été identifiées sur les bases du retour d’expérience clinique. Elles ciblent (i) le développement de banques de CSM et de leurs produits dérivés, (ii) l’investigation de nouveaux champs d’application et en particulier la prise en charge médicale des lésions cutanées combinées et des séquelles des radiothérapies et actes de radiologie interventionnelle.


Pour en savoir plus : Traitement brulures radiologiques et thérapie cellulaire.pdf


Programmes de recherches en radiotoxicologie des expositions à faibles doses


Historiquement, ce programme de recherche, démarré en 2001 et anciennement appelé ENVIRHOM, avait pour objectif de combler les incertitudes  sur les effets sanitaires des expositions à faibles doses par des études expérimentales. Avant 2010, ces recherches étaient axées sur les effets non cancéreux examinés dans de nombreux organes chez des animaux de laboratoire exposés à différents radionucléides à des niveaux de dose faibles à intermédiaires. Depuis 2010, le champ d'application a commencé à s'étendre aux domaines du cancer et des effets héréditaires. Les principaux organes cibles examinés sont le cerveau, les reins, le système cardiovasculaire, le métabolisme systémique et le système de reproduction. Divers scénarios d'exposition pertinents pour les situations post-accidentelles ont été utilisés, notamment la contamination interne par le Strontium-90, le Césium-137, le tritium et l'uranium, en utilisant diverses voies d'exposition telles que l'ingestion d'eau potable, l'inhalation et l'instillation. Le programme de recherche a produit un grand nombre de résultats. En général, les résultats suggèrent que, bien que l'exposition aux rayonnements ionisants à faible dose déclenche souvent une réponse biologique au niveau moléculaire et cellulaire, par exemple des modifications de l'expression génétique, ces réponses n'entraînent pas de toxicité tissulaire au niveau de la fonction des organes, ni de pathologies. De tels effets néfastes sur la santé sont observés à des doses beaucoup plus élevées que celles rencontrées par l'homme dans les territoires contaminés. Parmi les résultats spécifiques qui peuvent être mis en évidence, on peut citer :

  • La découverte d'une voie de transport des microparticules inhalées (uranium et tungstène) du nez au cerveau par le nerf olfactif, en contournant la barrière hémato-encéphalique ;
  • L'induction de mécanismes adaptatifs dans le système rénal après une exposition à de faibles concentrations d'uranium ;
  • L'observation de réponses biologiques plus prononcées après une exposition au tritium comparativement à une exposition à des rayonnements gamma externes, bien qu'à des doses bien supérieures aux limites réglementaires en  France ;
  • L'induction de réponses anti-inflammatoires protectrices dans le système cardiovasculaire après une exposition interne à de faibles niveaux de Césium-137.

Le programme de recherche a donné lieu à de nombreuses publications scientifiques et à des collaborations avec des partenaires européens et non-européens.

Les recherches actuelles et futures s'appuient sur ces résultats, la forte expertise des équipes et les installations expérimentales uniques de l'IRSN. En particulier, de nouveaux projets de recherche examinent le potentiel cancérigène de faibles doses d'uranium dans le rein, les effets de scénarios de co-exposition (stress + rayonnement, chimique + rayonnement, alimentation + rayonnement) sur différents systèmes cibles, tels que le système cardiovasculaire, le système nerveux central, les troubles métaboliques et sur les effets multi-générationnels. Les nouvelles orientations comprennent également l'utilisation des approches « Adverse Outcome Pathway  (AOP » et de la biologie des systèmes pour contribuer à combler les lacunes dans la compréhension des mécanismes des effets cancéreux et non cancéreux des rayonnements, afin d'améliorer la radioprotection de l'homme.

 Le projet EPICE

Afin de vérifier s’il existe un lien entre le césium et les pathologies observées chez certains enfants, notamment les pathologies non cancéreuses liées aux retombées de Tchernobyl, l’IRSN a mis en place le projet EPICE (Évaluation des Pathologies Induites par les contaminations chroniques en CEsium).

 

Territoires et population concernés par l’étude EPICE

L’oblast de Bryansk, en Russie, est situé au nord-est de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Une partie de ses territoires a été contaminée par des dépôts en césium 137 suite à l’accident. L’étude EPICE a porté sur le dépistage systématique des arythmies cardiaques sur près de 18 000 enfants âgés de 2 à 18 ans vivant dans les territoires contaminés (dépôt en 137CS > 37 KBq/m²) et non contaminés de l’Oblast.

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© UNSCEAR - Concentration des dépôts en césium 137

Cliquer sur la carte pour l'agrandir

      

Résultats de la première phase

Au cours de la phase pilote menée en 2005 et 2006, l'IRSN avec la collaboration de chercheurs russes du MRRC (Médical Radiation Research Centre, Obninsk) et du BCDC (Bryansk Clinical Diagnosis Centre) se sont rendues dans les hôpitaux locaux de Krasnaya Gora, Novozybkov et Gordejevka.

Un échantillon de 44 enfants a été constitué parmi ceux présentant une des pathologies suivantes : troubles du rythme cardiaque, cataracte, ulcère gastroduodénal, anémie. Pour ce faire, les médecins ont procédé à un tirage au sort dans la base de données du suivi médical des enfants âgés de 1 à 18 ans et vivant sur les territoires présentant une forte contamination en césium 137 (supérieure à 555 kBq/m²). Puis, les médecins du MRRC et du BCDC ont ajouté 5 enfants présentant les niveaux les plus élevés de contamination par le césium 137 ont été ajoutés à l’échantillon.

L'échantillon de 49 enfants a ensuite suivi les examens suivants :

  • des mesures anthroporadiamétriques de la répartition du césium 137, en particulier, le cœur, la thyroïde et le foie ;
  • un électrocardiogramme ;
  • des échographies cardiaque, thyroïdienne et hépatique ;
  • un interrogatoire visant à préciser leurs antécédents médicaux.
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Les doses reçues par chaque enfant ont ainsi été reconstituées et les diagnostics des pathologies observées précisés à partir des informations recueillies dans la base de données, des examens réalisés sur leterrain et des explorations conduites en milieu hospitalier.

Cette phase pilote n’a pas permis de dessiner des conclusions définitives en raison de la faible taille de l’échantillon étudié. Cependant, elle a permis de s’assurer de la faisabilité logistique et de l’acceptabilité par les populations concernées pour la mise en place de campagnes de dépistage systématique sur les territoires contaminés et les territoires non contaminés.

  

Résultats de la deuxième phase

En mai 2009 a été lancée la deuxième phase du programme EPICE qui consiste à mettre en œuvre un dépistage des troubles du rythme cardiaque chez 18 152 enfants russes âgés de 2 à 18 ans (8816 dans les territoires contaminés, 8881 dans les territoires non contaminés).

La campagne  a consisté en la réalisation systématique d’un électrocardiogramme, d’une échographie cardiaque et d’une mesure de l’activité corporelle en césium 137 pour toute la population de l’étude. Par ailleurs, certains enfants ont bénéficié également d’un enregistrement sur 24 heures des paramètres électriques cardiaques (Holter) ainsi que d’un bilan biologique des principaux marqueurs cardiaques plasmatiques.

L’ensemble de ces examens a permis de diagnostiquer 2 526 enfants atteints d’arythmie cardiaque. Après une analyse statistique approfondie des données collectées sur le terrain, sur la période 2009-2013, la prévalence des arythmies cardiaques estimée dans les territoires contaminés est significativement plus faible que dans les territoires non contaminés. S’agissant de la charge corporelle en césium 137, aucune association n’a pu être mise en évidence. Le césium 137 ne constitue donc pas un facteur associé à l’observation d’arythmie cardiaque dans le cadre de l’étude EPICE.

Dans le cadre de cette étude, un second article est paru début 2021 dans la revue Scientific Reports. Il porte sur les valeurs de référence des paramètres électrocardiographiques et d’échographie cardiaque chez les enfants sains non contaminés au 137Cs.  Cet article a pour vocation de partager avec la communauté scientifique et médicale ces données cliniques en quantité importante et peu disponibles dans la littérature

Pour en savoir plus :

Lire l'article scientifique publié dans la revue British Medical Journal Open de mars 2018

  

Taux d’arythmie cardiaque dans l’oblast de Bryansk (2009-2013)

La prévalence des arythmies cardiaques estimée dans les territoires contaminés chez des enfants de 2 à 18 ans est significativement plus faible que dans les territoires non contaminés.

Pour en savoir plus sur les traitement des grands iradiés:


 

Pour en savoir plus sur le volet sanitaire du programme ENVIRHOM