Savoir et comprendre

L’amélioration de la sûreté du réacteur EPR

27/06/2017

Le réacteur EPR est le premier réacteur français à bénéficier des enseignements tirés des accidents nucléaires de Three Mile Island, aux États-Unis, et de Tchernobyl, en Ukraine, ainsi que du retour d’expérience des réacteurs en fonctionnement.

L’amélioration de la sûreté du réacteur EPR de Flamanville (Manche) est fondée sur :

  • la longue expérience acquise sur les réacteurs existants en France et en Allemagne (réexamens périodiques de sûreté, analyse des événements) ;

 

  • les résultats des études approfondies menées sur les réacteurs en fonctionnement, notamment les études probabilistes de sûreté (EPS, lire l’encadré ci-dessous) ;

 

 

L’apport des études probabilistes de sûreté (EPS) dans le projet EPR

Des études probabilistes de sûreté (EPS) ont été réalisées lors des phases de conception afin d’identifier les points faibles dans la conception déterministe, d’évaluer différentes options de conception et de confirmer l’amélioration du niveau de sûreté.

Les EPS ont été à l’origine de la diversification des alimentations électriques (générateurs diesel), du refroidissement des pompes d’injection de sécurité et de la chaîne de  refroidissement pour les accidents avec fusion du cœur.

Dans le cadre de l’autorisation de mise en service, EDF a réalisé les EPS suivants :

  • une révision de l’EPS de niveau 1 pour les événements internes relatifs au cœur et au combustible stocké ; 
  • des EPS sur les agressions les plus importantes en termes de risque (incendie, explosion, inondation, séisme, grands froids) ; 
  • une EPS de niveau 2 portant sur la probabilité de rejets pour les accidents avec fusion du cœur.
     

En parallèle, l’IRSN a mené ses propres études probabilistes (niveau 1 et niveau 2) afin de disposer d’un outil pour vérifier les études d’EDF.

 

À la fin des années 1980, il a été estimé possible d’améliorer significativement la sûreté des réacteurs à eau sous pression de nouvelle génération. Ainsi, les objectifs généraux de sûreté du réacteur EPR sont les suivants :

  • Réduction des doses individuelles et collectives reçues par les travailleurs au cours de l’exploitation normale et des incidents d’exploitation. En fonctionnement normal, limitation des rejets radioactifs et réduction des quantités et des activités des déchets radioactifs ;
  • Réduction du nombre d’incidents significatifs. L’amélioration des équipements utilisés en fonctionnement normal doit permettre de réduire les fréquences des transitoires et des incidents et donc limiter les possibilités d’apparition de situations accidentelles ;
  • Réduction significative de la fréquence globale de fusion du cœur à 1/100 000 par an et par réacteur en tenant compte de tous les types de défaillances et d’agressions ;
  • Réduction significative des rejets radioactifs dans tous les cas d’accident :

 

 

 

  • pour les accidents sans fusion du cœur. Il n’y a pas de nécessité d’action de protection (évacuation, mise à l’abri) au voisinage de la centrale ;
  •  pour les accidents de fusion du cœur. Les rejets précoces importants doivent être « pratiquement éliminés », à savoir que des dispositions de conception sont prises pour les exclure et par conséquent les rendre très improbables avec un haut niveau de confiance ;
  • pour les autres situations de fusion du cœur, la conception doit être telle que les rejets maximaux concevables ne nécessitent que des actions de protection très limitées dans l’espace et dans le temps, à savoir une mise à l’abri limitée, pas de relogement permanent, pas d’évacuation au-delà du voisinage immédiat de la centrale, pas de restriction à long terme de la consommation d’aliments.

 

La défense en profondeur

La défense en profondeur reste le principe fondamental de conception du réacteur EPR. Elle est renforcée par rapport aux réacteurs en fonctionnement, principalement par la prise en compte des défaillances multiples, l’amélioration de la protection contre les effets des agressions et la prise en compte des accidents graves.

Le caractère suffisant de l’approche est vérifiée systématiquement au cours de la conception par des EPS (lire l’encadré ci-dessus).

 

Renforcement de la défense en profondeur

Niveau

Objectifs associés à chaque niveau
de défense
Exemples de dispositions mises en œuvre
sur le réacteur EPR

1er niveau

Prévention des anomalies de fonctionnement normal, des défaillances d’équipements et des erreurs humaines (qualité de conception, de réalisation, conditions d’exploitation).

Choix des matériaux, limitation des soudures, etc.
2e niveau
  • Maintien de l’installation dans le domaine de fonctionnement autorisé grâce à la surveillance et à la détection des écarts.
  • Prévention des accidents.

Étude plus systématique des accidents pouvant intervenir dans les états d’arrêt du réacteur et des accidents affectant la piscine d’entreposage des assemblages combustibles usés.

3e niveau

Dispositions complémentaires de prévention d’une fusion de cœur issues des études probabilistes de sûreté.

Prise en compte plus systématique des accidents avec des défaillances multiples d’équipements ou d’erreurs humaines.
4e niveau
 

Renforcement du confinement pour limiter les conséquences en cas de fusion du cœur.

Prise en compte dès la conception des accidents avec fusion du cœur. Mise en place de dispositions dédiées.

   

La prévention des accidents avec fusion du cœur

Un ensemble d’évolutions du projet EPR par rapport aux réacteurs en fonctionnement visent à réduire la probabilité d’un accident avec fusion du cœur : 

 

 

 

  • Image: Piscine du réacteur de Flamanville 3
    Piscine du bâtiment réacteur (BR) de Flamanville 3 (Source : EDF) 
    la mise en œuvre d’un système de limitation permettant d’éviter l’arrêt d’urgence pour certains transitoires ;
  • un plus grand niveau de redondance, de diversification et de séparation physique des systèmes de sauvegarde ;
  • une augmentation des délais de grâce pour les opérateurs en situation accidentelle par l’augmentation des volumes de certains composants du circuit primaire ;

 

 

 

 

  • une évolution de l’interface entre les systèmes de conduite et les opérateurs basée sur le retour d’expérience des réacteurs en exploitation, notamment le palier N4 disposant d’une conduite informatisée ;
  • la prise en compte systématique des états à l’arrêt dans la conception, notamment dans les études d’accidents et dans les évaluations probabilistes ;
  • une étude plus systématique des accidents pouvant concerner le combustible stocké dans la piscine de désactivation dans le bâtiment combustible (BK) ;
  • une meilleure prise en compte des agressions internes et externes et de leurs cumuls ;

 

  • une utilisation des EPS dès le stade de la conception, en complément de l’approche de conception déterministe.

 

Redondance et diversification

L’EPR propose également un plus grand niveau de redondance, de diversification et de séparation physique des systèmes de sauvegarde, à savoir :

 

 

 

 

 

  • une architecture à 4 voies, contre deux dans les réacteurs en exploitation (une seule voie suffit à garantir le respect des critères de sûreté) ;
  • des voies indépendantes et des systèmes en supports (circuits de refroidissement, alimentations électriques, contrôle-commande) indépendants ;
  • 4 bâtiments de sauvegarde distincts qui comportent chacun un système d’injection d’eau destiné au refroidissement de la cuve, un système d’alimentation de secours en eau pour les générateurs de vapeur ainsi qu’un système électrique et de contrôle-commande ;
  • des dispositions de diversification afin de pallier les risques de défaillances ayant pour origine une cause commune.


 

Vue du réacteur EPR de Flamanville

Image: Vue du réacteur EPR de Flamanville
Sur l'EPR, les bâtiments de sauvegarde sont distincts du bâtiment réacteur (Source : EDF)

 

Le réacteur EPR peut également continuer de fonctionner en cas de perte totale d’alimentation électrique grâce à des systèmes d’urgence redondants :

 

 

 

 

https://www-admin.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-centrales-nucleaires/reacteur-epr/PublishingImages/IRSN_
Essais du système d'injection de sécurité du circuit primaire
(Source : EDF) 
  • 4 générateurs diesel d’urgence installés dans des bâtiments protégés et distincts du bâtiment réacteur. Chaque générateur peut alimenter un sous-système de sûreté  pendant 72 heures ;
  • 2 générateurs diesel d’ultime secours. Ces 2 générateurs distincts afin d’éviter les défaillances de cause commune, peuvent fournir de l’électricité pendant 24 heures ;
  • 6 batteries destinées à alimenter le contrôle-commande et certains équipements essentiels, dont 4 batteries avec une autonomie de 2 heures chacune et 2 batteries « accidents graves » d’une autonomie de 24 heures chacune.
  • La diversification des systèmes de refroidissement est l’autre élément pris en compte dans le réacteur EPR. Le circuit de refroidissement est renforcé par :

     

  • le système de secours d’alimentation en eau destiné à refroidir les générateurs de vapeur, comporte 4 voies assurant chacune 50 % de la fonction. Chacun des quatre bâtiments de sauvegarde dispose d’un réservoir, lequel peut être alimenté par la citerne destinée à prévenir les incendies ;

 

  • le système d’injection de sécurité destiné à refroidir le cœur avec de l’eau borée stockée comporte 4 réservoirs d’accumulation pressurisés et 1 réservoir de stockage d’eau situé en bas du bâtiment réacteur qui alimente les 4 voies des systèmes d’injection à moyenne et basse pression ;

 

  • 2 systèmes de refroidissement redondants pour la piscine de stockage du combustible, lesquels sont complétés par un troisième dispositif diversifié. À noter que la piscine de l’EPR est située dans une structure séparée du bâtiment réacteur, protégée par une double coque de béton.

 

La gestion des accidents avec fusion du cœur

Une série de dispositions nouvelles permettent de gérer les situations de fusion de cœur à basse pression de sorte qu’ils ne provoquent pas d’impact radiologique important pour la population et dans l’environnement :

  • le récupérateur de corium situé au fond de l’enceinte est capable de recueillir et de refroidir le cœur fondu en cas de rupture de la cuve. Il vise à protéger le radier de l’enceinte de confinement d’une interaction entre le corium et le béton ;

 

 

​  Schéma du récupérateur de corium

Image: Schéma du récupérateur de corium
À gauche, la chambre d’étalement du corium sur la couche de béton sacrificiel. À droite, le refroidissement du corium par le réservoir d’eau interne à l’enceinte de confinement (IRWST)

 

  • le système de refroidissement ultime permet d’une part, d’évacuer la puissance résiduelle du réacteur et de contrôler la pression à l’intérieur de l’enceinte et, d’autre part, de préserver l’intégrité de l’enceinte sur le long terme en cas d’accident grave. Il sert également à refroidir le corium dans le récupérateur ;

 

  • la paroi interne de l’enceinte de confinement permet d’assurer l’intégrité et  l’étanchéité de l’enceinte en cas d’accident grave ;

 

  • les traverséés de l’enceinte de confinement (y compris le tampon d’accès des matériels) débouchent dans des bâtiments dont l’atmosphère est ventilée et filtrée. Ainsi, il n’y a aucune possibilité de fuite directe de l’enceinte de confinement vers l’environnement.

 

 

Dispositions pour empêcher une fuite directe de l'enceinte de confinement


À gauche et au centre, Tampon d’Accès Matériel (TAM) qui a pour rôle de fermer l'accès matériel du bâtiment réacteur. À droite, raccordements électriques des traversées d’enceinte (source : EDF)

 

La protection contre les agressions

L’EPR présente des caractéristiques de conception permettant une meilleure robustesse vis-à-vis des agressions internes (incendie, inondation, explosion, projectile…) ou externes (séisme, chute d’avion, explosion, conditions climatiques extrêmes…).

Le réacteur EPR de Flamanville est en particulier mieux protégé des agressions externes que sont le séisme (radier commun à l’ensemble de l’îlot nucléaire) et l’inondation externe (calage de la plateforme prenant en compte l’évolution prévisible du niveau de la mer jusqu’en 2080).

De façon générale, la séparation géographique des bâtiments, en particulier des 4 bâtiments de sauvegarde et des 2 bâtiments des diesels, confère à l’EPR une meilleure résistance aux agressions pouvant affecter une partie du site, en partie aux effets potentiellement induits par l’agression extrême dans l’installation (explosion, incendie…). La répartition des systèmes de sauvegarde dans différents bâtiments améliore également significativement la protection contre les agressions internes telles que l’incendie, l’explosion ou l’inondation interne par rapport aux réacteurs du parc en fonctionnement.

Après l’accident de Fukushima (Japon), des évaluations complémentaires de sûreté (ECS) ont été menées par EDF, à la demande de l’ASN. Ces évaluations ont consisté à évaluer la réponse des installations à des événements naturels extrêmes (le séisme, l’inondation et les conditions météorologiques extrêmes). Le réacteur EPR Flamanville a bénéficié, dès sa conception, de dispositions supplémentaires par rapport aux réacteurs en fonctionnement pour prévenir la survenue de situations de perte totale des sources froides et des sources électriques ainsi que pour la limitation des conséquences d’un accident grave.

De même que pour les réacteurs en fonctionnement, un noyau dur de dispositions a été défini pour l’EPR de Flamanville. Il comporte en majorité des systèmes et équipements déjà prévues à la conception. Des dispositions complémentaires ont été mises en place pour augmenter l’autonomie du réacteur en cas de perte de sources électriques (possibilité de réalimenter les bâches à fuel des groupes électrogènes d’ultime secours à partir des bâches à fuel des groupes électrogènes principaux, augmentation de l’autonomie des batteries dédiées à la gestion d’un accident grave).

Pour faire face à une perte totale et de longue durée des sources électriques, EDF prévoit, en sus du noyau dur, d’autres dispositions permettant de contrôler la pression dans l’enceinte de confinement :

 

 

  •  à court terme, en une aspersion d’eau dans l’enceinte au moyen d’une motopompe autonome lignée sur un bassin situé en haut de la falaise surplombant le réacteur ;
  • à moyen terme, en l’acheminement sur le site d’une source électrique mobile de forte puissance permettant de réalimenter les systèmes participant au refroidissement de l’enceinte.

 

 

Pour en savoir plus :