Savoir et comprendre

Démantèlements de réacteurs en Europe et aux États-Unis : état des lieux et expérience acquise

24/01/2018

​​Parmi les réacteurs similaires à ceux en exploitation en France, six réacteurs à eau sous pression ont déjà été démantelés et déclassés aux Etats-Unis. À partir de cette expérience et de celle acquise sur les chantiers allemands, il ressort que le démantèlement complet d’un réacteur à eau sous pression est techniquement possible en une vingtaine d’années.

 

Voir la carte interactive des réacteurs nucléaires  en démantèlement dans le monde

Voir la carte interactive des installations en démantèlement en France

 

À la fin 2019, 187 réacteurs sont définitivement arrêtés dans le monde, selon l’Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), dont 145 réacteurs en démantèlement ou en voie de l’être. Parmi ces installations :

 

  • 59 réacteurs à sous pression (REP) sont définitivement arrêtés, dont 42 en processus de démantèlement. Le plus grand nombre d’installations se trouve aux États-Unis (18 réacteurs) et en Allemagne (14 réacteurs) 
     
  • 50 réacteurs à eau bouillante sont définitivement arrêtés, dont 32 en processus de démantèlement. Ces installations se situent pour l’essentiel aux États-Unis (13 réacteurs), au Japon (12 réacteurs) et en Allemagne (11 réacteurs).

À noter que 6 réacteurs ont été arrêtés suite aux accidents qui ont affecté les centrales japonaise de Fukushima Daiichii (4 réacteurs), américaine de Three Mile Island (1 réacteur) et ukrainienne de Tchernobyl (1 réacteur).
 

S’agissant des REP déjà démantelés, le démantèlement complet d’une installation est techniquement possible en une vingtaine d’années. Pour la seule cuve du réacteur et ses internes, les opérations peuvent être réalisées sur une durée qui peut varier de quelques mois à quelques années selon les modalités retenues : gestion monobloc, découpe en grosses pièces ou découpe en petits morceaux.

 

Réacteur nucléaire Chooz A en démantèlement

Démantèlement du réacteur EDF de Chooz A, dans les Ardennes : piscine du réacteur utilisée pour le démantèlement de la cuve et des internes avec une passerelle pour les opérations à distance (à gauche), couvercle de la cuve en attente d’évacuation (au milieu), local démantelé dans la caverne des auxiliaires (à droite) - (© IRSN/Dureuil)

 

Situation aux États-Unis
 

Aux Etats-Unis, pays qui compte 95 réacteurs en exploitation et 38 à l’arrêt définitif, la stratégie est mixte : des démantèlements immédiats ou différés pour les installations civiles et, dans certains cas, l'option de mise en tombeau (« entombment ») pour certaines installations militaires - notamment quand les procédés sont situés sous le niveau du sol.
 

Parmi les réacteurs de seconde génération similaires à ceux en exploitation en France, six réacteurs à eau sous-pression ont été totalement démantelés et déclassés. Au final, les opérations ont duré moins de 15 ans, réhabilitation comprise. À l’issue du démantèlement, il ne subsiste plus aucun bâtiment et superstructure de l’installation.
 

Les chantiers se sont déroulés de la manière suivante :
 

  • le démantèlement a débuté immédiatement ou quelques années après l’arrêt définitif. Le combustible usé et certains déchets d’exploitation (barres de commande, grappes poisons, etc.) étaient toujours présents dans la piscine de désactivation du réacteur au début des opérations 
  • le rinçage des boucles de circuit primaire principal a été réalisé au début des opérations. En diminuant l’exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants, les actions de démantèlement ont été sécurisées et simplifiées
  • les gros composants des boucles du circuit primaire principal, de la cuve et de ses internes ont été démantelés en 5 ans ou moins. Les déchets ont été, dans l’ensemble, évacués « monobloc » vers une installation de stockage en surface de déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC). Les internes de cuve ont été généralement découpés et les déchets ont été entreposés sur le site pour les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) ou évacués vers une installation de stockage en surface pour les FMA-VC 
     
  • l’évacuation du combustible usé et des déchets d’exploitation MAVL s’est parfois achevée peu de temps avant la fin des opérations de démantèlement. Ils ont été transférés depuis la piscine de désactivation vers une installation d’entreposage à sec construite sur le site de l’installation démantelée.

 

Réacteurs à eau sous pression totalement démantelés aux États-Unis
Réacteur ​Rancho Seco ​Yankee Rowe ​Trojan ​San Onofre 1 ​Connecticut Yankee ​Maine Yankee
Puissance net 873​ ​167 1 095 ​436 ​560 ​840
Constructeur Babcock & Wilcox​

Westinghouse

Westinghouse Westinghouse Westinghouse Combustion Engineering​
Chronologie
Arrêt de production ​1989 ​1992  1992 ​1992 ​1996 ​1997
Début de démantèlement ​1997 ​immédiat ​​​immédiat ​1999 immédiat immédiat
Fin d'évacuation du combustible ​2002 ​2001 ​2003 ​2003 ​2005 ​2004
Fin de demantèlement ​2008 ​2002 ​2005 ​2005 ​2006 ​2005
Méthode
Gestion monobloc ​- ​oui ​oui ​oui ​oui ​oui
Découpe des internes de cuve ​oui ​oui ​- ​oui ​oui ​oui
Découpe de la cuve du réacteur ​oui ​- ​- ​- ​- ​-
Démolition des superstructures ​- ​oui ​oui ​oui ​oui ​oui
Activité après démantèlement
Entreposage de combustible usé ​oui ​oui ​oui ​oui ​oui ​oui
Entreposage de déchets ​oui ​oui ​oui ​oui ​oui ​oui
Autre production d'électricité ​oui ​- ​- ​- ​- ​-

 

Situation en Europe
 

À la fin 2017, 46 réacteurs de production d’électricité de deuxième génération sont en voie ou en cours de démantèlement, dont 28 réacteurs à eau sous-pression (REP) et 18 réacteurs à eau bouillante (REB). Le seul réacteur de forte puissance totalement démantelé est le pr​ototype de Niederaichbach (Allemagne), modéré avec de l’eau lourde et refroidi par un gaz.
 

Parmi ces réacteurs, le démantèlement est relativement bien avancé pour 10 réacteurs, dont 9 sont situés en Allemagne. Concrètement, les opérations sont achevées pour le circuit primaire principal, à savoir la cuve avec ses internes et ses boucles. Sont concernés :
 

  • 5 réacteurs REP à Greifswald (Allemagne) d’une puissance 408 MWe chac​un 
  • 1 réacteur REP à Stade (Allemagne) d’une puissance de 640 MWe 
  • 1 réacteur REP à Obrigheim (Allemagne) d’une puissance de 340 MWe 
  • 1 réacteur REB à Wuergassen (Allemagne) d’une puissance de 640 MWe 
  • 1 réacteur REB à Gundremmingen-A (Allemagne) d’une puissance de 237 MWe 
  • 1 réacteur REP à  José Cabrera (Espagne) d’une puissance de 160 MWe.

 

Chantier de démantèlement à la centrale nucléaire de Greifswald, en Allemagne

Chantier de démantèlement à la centrale nucléaire de Greifswald, en Allemagne : opération de décontamination par procédé de jet d’eau à haute pression (à gauche) ; outils développées pour les opérations de découpe des gros composants (à droite) (© IRSN/Dureuil)

 

En France
 

Le démantèlement des REP, la filière exploitée par EDF, est pour le moment limité à Chooz-A (Ardennes), un réacteur d’une puissance de 305 MWe. Le retour d’expérience de ce chantier sera valorisé dans la perspective du démantèlement des réacteurs actuellement en fonctionnement.

 

EDF acquiert également des connaissances à partir des échanges techniques avec les entreprises impliquées dans les démantèlements en cours en Europe : ENRESA (José Cabrera), EnBW (Obrigheim et Neckarwestheim), EWN (Greifswald), SCK CEN (réacteur belge de Mol) et SOGIN (réacteur italien de Trino Vercellese). Dans le cadre du démantèlement des réacteurs REP aux États-Unis, EDF travaille enfin avec plusieurs entreprises et organismes américains, notamment l'Electric Power Research Institute.